Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Je suis très heureux de vous retrouver, après un mois d'août compliqué, durant lequel j'ai été régulièrement en contact avec votre président mais aussi avec les membres du bureau de votre commission, de celui de la commission de la défense et de celui de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. J'essaierai de répondre à un maximum de questions.

Nous assistons à un triple mouvement, de prise de conscience, de prise de responsabilité et de prise de décision, qu'accentuent les derniers événements de Kaboul. Avant d'y revenir, rappelons que notre allié américain, depuis dix ans, se recentre sur une définition plus ciblée, et donc limitée, de ses intérêts fondamentaux. Beaucoup de raccourcis ont été faits à ce propos ces dernières semaines. Ce recentrage n'est pas une nouveauté mais une évolution amorcée il y a dix ans donc, et constante sous les trois dernières administrations américaines. Souvenez-vous du retrait de l'Irak en 2011, de la fin du surge en Afghanistan la même année, du renoncement du président Obama, en 2013, à lancer une opération de frappe en réaction aux actions chimiques menées par le régime syrien, des coups d'éclat du président Trump. En miroir de cette évolution, on peut constater la place que prend désormais la compétition avec la Chine dans les préoccupations stratégiques des États-Unis.

Ce recentrage des États-Unis sur une définition plus étroite de leurs intérêts fondamentaux emportera des conséquences stratégiques et opérationnelles concrètes pour l'Europe. Ces conséquences, nous devrons les tirer en Européens, en nous demandant où sont, dans le monde actuel, nos intérêts propres, pour renforcer notre capacité à agir ensemble, en assumant pleinement nos responsabilités et en nous engageant davantage dans des zones où ces intérêts sont en jeu : l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, une partie de l'Asie. Cette évolution sur la durée, qui s'est récemment accélérée, doit nous conduire à réapprendre la géographie, parce qu'elle est têtue et s'impose à nous. De là découlent nos efforts pour construire une relation transatlantique rééquilibrée avec des Européens plus capables et actifs. Nous aurons d'ailleurs l'occasion, prochainement si ce n'est aujourd'hui, d'évoquer avec vous la « boussole stratégique », sorte de Livre blanc de la défense et de la sécurité en Europe initié sous présidence allemande et qui devrait s'achever sous la présidence française, en février ou mars 2022.

Enfin, ni cette évolution stratégique de notre partenaire ni la crise afghane ne sonnent la fin de la relation transatlantique. La garantie fondamentale de sécurité qu'apportent les États‑Unis à l'Europe, restée intacte, a été réaffirmée par le président Biden lors du dernier sommet de l'OTAN à Bruxelles. La relation transatlantique conserve tout son sens dans la lutte contre le terrorisme – d'où l'appui des États-Unis à la France et aux Européens au Sahel. Elle reste enfin un élément de la gestion de la compétition stratégique avec la Chine et la Russie. Ces sujets restent d'actualité et font l'objet de discussions dans le cadre de la préparation du nouveau concept stratégique de l'OTAN en vue du sommet de 2022, à Madrid. Le momentum est majeur et votre commission sera amenée à y réfléchir au cours des prochaines semaines.

Ces questions seront au cœur de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et il conviendra d'affirmer en actes la souveraineté européenne, particulièrement dans le cadre de l'exercice de la boussole stratégique.

Revenons à l'Afghanistan. La première phase de nos opérations d'évacuation a été conduite par nos équipes à Kaboul et Abou Dabi, avec le concours de nos armées et le renfort des services de police, en lien étroit avec nos alliés américains et les Émirats arabes unis. Entre le 15 août, qui marque la chute de Kaboul, et le 27 août, jour où l'opération Apagan a pris fin, nous avons évacué près de 3 000 personnes, dont plus de 2 600 Afghanes et Afghans menacés parce qu'ils avaient travaillé à nos côtés ou qu'ils défendaient la liberté et le respect des droits. David Martinon et nos équipes ont agi avec beaucoup de sang-froid et de courage pour accomplir cette mission dans des conditions extrêmement compliquées. Ils ont été confrontés à de multiples difficultés variant d'un jour à l'autre, et à des situations dramatiques.

Pour ce qui est de nos exigences à l'égard du nouveau régime taliban, elles sont très nettes et nous avons été les premiers à les exprimer aussi clairement. À plusieurs reprises, les talibans ont déclaré qu'ils avaient changé, qu'ils n'étaient plus les mêmes que ceux qui avaient dirigé l'Afghanistan entre 1996 et 2001. Nous jugerons aux actes. Cinq appelleront particulièrement notre vigilance. Tout d'abord, les talibans doivent laisser aux Afghans qui le souhaitent la liberté de partir, quand l'aéroport de Kaboul sera à nouveau ouvert à la circulation civile. Deuxièmement, ils doivent rompre avec le terrorisme international sur leur territoire et renoncer à toute action ou tout lien ambigu à cet égard. Troisièmement, ils doivent laisser passer librement l'aide humanitaire portée par les organisations internationales, notamment les agences des Nations unies. Quatrièmement, ils doivent respecter les droits humains fondamentaux, en particulier ceux des femmes et des filles. Enfin, ils doivent permettre la formation d'un gouvernement de transition représentatif.

Ces points évoqués par la France ont été intégrés, d'une manière ou d'une autre, dans la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 30 août. Ils ont été repris par les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, qui se sont réunis une première fois en visioconférence le 17 août, puis la semaine dernière à Ljubljana. Un consensus s'est dégagé sur ces sujets. Or, malgré toutes les déclarations, le compte n'y est pas. La composition du gouvernement de transition, qui compte parmi ses membres Sirajuddin Haqqani, au poste de ministre de l'intérieur, et le fils du mollah Omar, suffit à s'en convaincre : c'est un retour à la situation antérieure.

Concernant les mouvements de population que cette crise pourrait entraîner, je souhaite que l'Europe puisse faire face à la situation en renforçant la solidarité entre les États membres et en harmonisant leurs règles d'accueil afin que nous puissions accorder l'asile aux Afghanes et aux Afghans en péril qui demandent notre protection. Nous avons également rappelé la responsabilité de la communauté internationale à l'égard des mouvements de population qui se produiront, pour l'essentiel vers les pays voisins. Une conférence internationale s'est tenue hier, à Genève, autour du secrétaire général des Nations unies, pour mobiliser la communauté internationale autour d'une aide humanitaire à hauteur de la crise. Il faudra mobiliser les agences et les programmes des Nations unies, en particulier le Haut-Commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial. La France a annoncé qu'elle consentirait un effort de 100 millions d'euros pour faire face à l'urgence. Ces actions seront menées directement par les agences des Nations unies en Afghanistan ou dans les pays de la région qui seraient amenés à accueillir ces populations. Pour le moment, de tels mouvements ne sont pas constatés mais il n'est pas encore possible de circuler librement.

J'étais hier en déplacement au Qatar. Le Qatar aide les talibans à remettre en état l'aéroport de Kaboul, d'un point de vue technique mais aussi au niveau de la sécurité. Il continue par ailleurs à négocier avec les talibans, dans des conditions parfois tendues, un accord pour encadrer leur responsabilité dans la poursuite de l'exploitation. Ce lien a permis de reprendre les opérations d'évacuation. Hier matin, quarante-neuf de nos compatriotes et de leurs ayants droit ont pu quitter Kaboul. Ils ont été accueillis à Doha par les autorités qatariennes et nos équipes. J'étais présent. Nous avons affrété hier un vol pour les faire revenir en France. Nous organisons en ce moment un second vol qui devrait se dérouler dans les mêmes conditions, le plus rapidement possible, pour poursuivre le rapatriement de nos compatriotes et de leurs ayants droit, qui sont quelques dizaines à se trouver encore en Afghanistan. Seuls les ressortissants français sont autorisés à revenir actuellement, sauf exception.

Ce déplacement m'a également permis d'étudier en détail avec les autorités qatariennes les modalités d'organisation de nouvelles opérations d'évacuation, dès que possible, d'Afghanes et d'Afghans particulièrement menacés en raison de leurs engagements. Pour des raisons de sécurité, je ne peux vous en dire davantage. En tout cas, nous sommes, avec nos partenaires qatariens, pleinement mobilisés autour de cette hypothèse que nous souhaitons voir se concrétiser.

J'ai évoqué la mobilisation de la communauté internationale dans le domaine humanitaire. La question afghane fera inévitablement partie des discussions de l'Assemblée générale des Nations unies qui s'ouvre à New York lundi – sous une forme hybride, alors que la précédente, en septembre 2020, n'avait pu avoir lieu qu'en visioconférence, ce qui était très handicapant – et à laquelle je me rendrai pour la France.

Concernant la troisième dimension de notre réponse à la crise afghane, la dimension sécuritaire, notre priorité absolue est d'empêcher que l'Afghanistan ne redevienne un sanctuaire pour des combattants étrangers, une base arrière du terrorisme international. Pour cela, il faut des assurances claires sur la réalité de la rupture entre les talibans et Al-Qaïda. Or des doutes légitimes subsistent sur ce point, puisque Al-Zawahiri, qui a remplacé Ben Laden à la tête d'Al‑Qaïda, avait prêté allégeance au mouvement taleb en 2016, reconnaissant le mollah Haibatullah Akhundzada, leader de la choura de Quetta, comme commandeur des croyants. Une autre source d'inquiétude réside dans le fait que des membres du réseau Haqqani, avec lequel Al‑Qaïda a noué des connexions très importantes dans le passé, aient été nommés au gouvernement afghan.

Nous travaillons donc à accroître la pression à ce sujet avec l'ensemble de nos partenaires du P5, y compris la Russie et la Chine, car nous avons en la matière des intérêts convergents. Il faut aussi éviter que Daech ne tire profit de cette situation – un risque sous-estimé – grâce à une meilleure visibilité, en particulier à la suite de l'attentat du 26 août. Les talibans et la wilayat Khorassan de Daech s'affrontent sur le territoire afghan, en particulier dans l'est ; une résurgence de Daech est donc possible et nous devons être très vigilants à cet égard. Nous en parlerons avec nos homologues du P5, notamment russes et chinois, la semaine prochaine à New York.

La comparaison que certains commentateurs ont pu établir entre la situation de l'Afghanistan et celle du Sahel me paraît hors de propos. D'abord, le Sahel est notre frontière sud, alors que l'Afghanistan ne représente pas une frontière pour les États-Unis ; c'est donc aussi notre propre sécurité qui y est en jeu. Ensuite, les groupes terroristes actifs y restent une menace, pour la région comme pour nous. Ils se réclament maintenant de franchises internationales : Al‑Qaïda pour le JNIM, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, qui opère notamment, mais pas uniquement, au nord du Mali ; Daech pour l'État islamique au Grand Sahara (EIGS), notamment actif dans la zone des trois frontières – sachant que les deux filières se combattent par moments. Ces groupes terroristes n'ont jamais été au pouvoir dans le cadre d'un projet national, à la différence des talibans en Afghanistan.

De plus, la présence européenne et internationale au Sahel est marquée ; nous restons au Sahel même si nous engageons une transformation profonde de notre dispositif militaire pour plus de sahélisation, d'européanisation et de contre-terrorisme. Nos armées luttent au Sahel contre le terrorisme, elles forment et soutiennent des armées sahéliennes pour les aider à le combattre, mais elles ne sont pas engagées dans une mission de contre-insurrection comme les forces de l'OTAN ont pu l'être en Afghanistan. Par ailleurs, nous sommes au Sahel à l'invitation et à la demande de cinq États indépendants, autonomes et constitués, les membres du G5 Sahel, et les Nations unies y sont physiquement très présentes dans le cadre de la MINUSMA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Forte de 12 000 hommes, celle-ci est chargée de la stabilisation du territoire à la demande unanime des membres des Nations unies. Enfin, nous sommes tout à fait soucieux que notre présence au Sahel permette l'émergence de forces armées réellement autonomes, vouées à assurer la sécurité de leur propre territoire.

La donne est d'autant plus différente que le terrorisme au Sahel perdure. Nous parlerons plus tard de la question de savoir si l'Afghanistan représente ou non un échec, mais je rappelle que nous n'y sommes plus. C'est moi qui y ai engagé le retrait de nos forces, à la demande du président Hollande, en 2012. En effet la mission initiale de la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) avait produit le résultat attendu. La FIAS avait été lancée en 2002 en application de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord – activé pour la seule fois de son histoire – à la fois par solidarité et pour éradiquer la capacité de projection du terrorisme depuis le territoire afghan après le 11 Septembre – donc pour les mêmes raisons que nos frappes contre Daech après ses attentats depuis la Syrie et l'Irak. La riposte avait porté ses fruits : il n'y a pas eu depuis cette date d'action terroriste projetée vers quelque pays que ce soit à partir de l'Afghanistan. On ne peut pas en dire autant du Sahel.

Au Mali, la situation politique amène à suivre les événements avec une grande vigilance. Un grave recul s'est opéré lors du second coup d'État du 24 mai dernier. Des engagements ont été pris : le nouveau plan d'action du gouvernement adopté le 2 août sur proposition du président intérimaire, M. le colonel Goïta, reprend l'échéance du 27 février 2022 pour l'organisation de l'élection présidentielle afin de conclure la transition dans les dix-huit mois impartis, comme les autorités de transition s'y étaient engagées devant le peuple malien, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine (UA) et l'ensemble des partenaires du pays. La France, et pas uniquement elle, considère que ces engagements doivent et vont être tenus ; mieux vaut le rappeler régulièrement.

La situation politique et sécuritaire reste tendue. Nous avons relevé la libération de l'ancien président N'Daw et de l'ancien Premier ministre Moctar Ouane, en fonctions depuis le premier coup d'État, mais nous constatons par ailleurs des signes de durcissement du régime. Nous soutenons la mise en œuvre du processus électoral, pleinement en phase avec l'UA et la CEDEAO, laquelle a réaffirmé sa position lors de son sommet du 8 septembre et délégué une mission pour s'assurer de la concrétisation du dispositif. Nous avons des interrogations sur l'application effective d'un calendrier précis de mesures à prendre pour préparer la séquence électorale dans les délais prévus. Nous, y compris la communauté internationale et les Nations unies, avons la même volonté que ce calendrier soit respecté afin d'entrer ensuite dans la période post-coup d'État.

Nous continuons par ailleurs à accorder une attention très soutenue au processus de l'accord d'Alger, dont nous estimons qu'il tarde à être mis en œuvre. Les mouvements signataires se sont rapprochés les uns des autres et demandent toujours aux autorités l'organisation d'une réunion de haut niveau sur la reconstitution de l'armée malienne, selon le principe « désarmement, démobilisation, réintégration ». Un nouveau représentant des Nations unies a été désigné en la personne de M. Wane ; l'Algérie, qui assure la présidence de la médiation internationale, a elle-même désigné un nouveau représentant – je m'en entretiendrai à New York la semaine prochaine avec le nouveau ministre algérien des affaires étrangères, M. Lamamra. Nous veillons à ce que le processus reprenne.

En somme, nous nous en tenons aux principes affichés, affirmés et réaffirmés par les autorités maliennes, mais nous avons quelques inquiétudes quant à leur volonté concrète de les appliquer. Nous sommes prêts à apporter notre aide technique pour le permettre.

Au Tchad, la situation est plus positive, alors même que nous pouvions craindre de grandes difficultés après la mort du président Déby. J'ai rencontré le président intérimaire, qui est l'un de ses fils – le général Déby – hier soir à Doha. Je ne peux que constater que la feuille de route de transition adoptée le 29 juillet dernier s'applique comme prévu, ce dont nous pouvons nous réjouir. Le calendrier politique va jusqu'à la tenue des élections législatives et présidentielle en septembre 2022 ; elles feront suite à un dialogue national inclusif qui s'apprête à commencer, dans lequel la place réservée aux membres de l'opposition, M. Kebzabo et M. Ahmat Alhabo, est un nouveau signe d'ouverture, et auquel participent aussi certains cadres politico-militaires de l'opposition de longue date, rentrés au Tchad. Au cours des prochaines semaines sera réuni le Conseil national de transition, une sorte d'Assemblée nationale provisoire dont l'organisation et le nombre de membres ont déjà été fixés ; c'est une étape importante. L'évolution est donc plutôt positive et conforme aux demandes de l'Union africaine. La menace terroriste reste par ailleurs présente : Boko Haram poursuit ses opérations autour du lac Tchad – en août, vingt-six soldats tchadiens y ont été tués dans une attaque.

En ce qui concerne le Burkina Faso, le président Kaboré a été réélu à l'automne dernier dans un climat apaisé ; son principal opposant a rejoint le gouvernement pour exercer des fonctions visant à la réconciliation nationale. Le président réorganise son appareil de sécurité et de défense au profit des forces de sécurité, un gros point faible du pays. Les conditions semblent donc réunies pour que les choses s'améliorent. La volonté se manifeste de donner au pays toute sa place au sein de la force conjointe du G5 Sahel et de soutenir les zones reconquises sur les territoires antérieurement occupés par des groupes terroristes. Nos relations avec le président Kaboré sont bonnes. Je n'ai donc guère d'interrogations à ce sujet.

S'agissant de la Guinée, nous avons condamné le coup d'État survenu le 5 septembre. La prise de pouvoir par la force est inacceptable. La CEDEAO, le président ghanéen Akufo-Addo actuellement à sa tête et l'Union africaine ont la même position, comme le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Nous voulons le retour à l'ordre constitutionnel et la libération immédiate du président Alpha Condé. Cela étant, nous n'avions pas caché nos réserves quant au processus électoral qui s'était tenu l'an dernier ; j'en avais parlé dans cette enceinte, et j'en avais fait part au président Alpha Condé lui-même. Mais rien n'excuse un coup de force et celui-là ne répond en rien aux aspirations du peuple guinéen ni à ses difficultés, qu'il ne fait qu'aggraver. Nous souhaitons donc que le processus constitutionnel reprenne à l'initiative du nouveau président intérimaire.

En Tunisie, nous suivons la situation avec beaucoup d'attention, mais dans le respect de la souveraineté du pays. Le 25 juillet dernier, le président Saïed a invoqué l'article 80 de la Constitution lui confiant des pouvoirs exceptionnels et annoncé la suspension de l'Assemblée nationale et le départ du chef du gouvernement, M. Mechichi. Il est clair que la Tunisie doit relever d'importants défis qui demandent des réponses rapides de la part des autorités. Les réformes sont urgentes, attendues par le peuple. La situation sanitaire s'est heureusement améliorée grâce à l'accélération de la vaccination – nous nous sommes beaucoup mobilisés pour soutenir la Tunisie dans ce domaine pendant l'été. Afin de relever l'ensemble de ces défis, il nous semble que la nomination rapide d'un chef de gouvernement et des précisions sur les modalités de la transition sont souhaitables. Nous espérons le retour sans tarder à un cadre constitutionnel clair dans lequel un Parlement élu joue pleinement son rôle. Nous sommes en contact régulier avec les autorités tunisiennes : le Président de la République s'est entretenu avec son homologue et moi, à plusieurs reprises durant l'été, avec le mien, resté à son poste ; la coordination est tout aussi étroite avec l'Union africaine et le G7. Nous pensons important que nos partenaires tunisiens puissent retrouver l'esprit de dialogue qui les anime depuis dix ans afin de relever les grands défis auxquels ils sont confrontés.

Quelques mots, enfin, du déplacement en Irak des 28 et 29 août. Au-delà de la relation bilatérale que vous avez évoquée avec émotion, monsieur le président, en particulier notre relation avec le Kurdistan, cette réunion, tenue à l'initiative conjointe de l'Irak et de la France, associant le Premier ministre Al-Kazimi et le président Macron, a permis d'asseoir à la même table des chefs d'État et de gouvernement selon un format entièrement inédit – étaient également présents l'Égypte, le Qatar, la Jordanie, les Émirats arabes unis, l'Arabie Saoudite, le Koweït, l'Iran et la Turquie : des acteurs qui, jusqu'alors, ne se parlaient pas. Outre la présence irakienne, qui n'était pas secondaire, l'Arabie Saoudite a pu échanger avec l'Iran, la Turquie avec les Émirats ; plusieurs lignes de faille de la région ont été surmontées. Or ce format n'était possible qu'à l'initiative de la France et de l'Irak. Nous allons essayer de poursuivre et nous provoquerons une nouvelle réunion de ce type la semaine prochaine à New York, au niveau des ministres des affaires étrangères cette fois, pour progresser sur la voie de la stabilisation régionale. Certes, ce n'est pas parce qu'on se réunit qu'on se met d'accord, mais on essaye au moins de se parler ; c'est essentiel.

Plus généralement, la stabilisation de l'Irak est primordiale. Or la visite a permis de conforter l'intégration de ses différentes communautés, en particulier de resserrer les liens d'amitié et de fidélité entre la France et la région du Kurdistan, ainsi que la reconnaissance des communautés chiite, chrétienne et yézidie. Le soutien de la France à l'Irak dans toute sa diversité a été réaffirmé. Des élections auront lieu à Bagdad au début du mois d'octobre ; elles sont cruciales et nous espérons qu'elles offriront à l'Irak des perspectives et un destin plus sereins que ce qu'il a connu au cours des trente années passées.

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