Il ne reste que l'aide humanitaire. Si d'aventure les conditions n'étaient pas remplies et qu'aucun lien avec les Afghans ne pouvait être établi, il nous faudra imposer l'aide humanitaire, qui commence à peine au aujourd'hui. Elle devra être assurée par les agences des Nations unies – le Programme alimentaire mondial, le Haut-Commissariat pour les réfugiés… Néanmoins, nous disposons de leviers : le pays ne peut pas vivre complètement enclavé, il faudra bien que des échanges aient lieu et que l'aéroport recommence à accueillir des vols commerciaux. Je ne crois pas les talibans sur parole, mais les conditions que nous avons posées sont très fermes et claires et la pression internationale, les graves conséquences économiques d'un blocage des échanges, y compris avec les puissances que je citais précédemment, placeront les talibans devant leurs responsabilités. Sinon il ne reste que l'aide humanitaire. Le montant important des fonds promis lors de la réunion ministérielle des Nations unies à Genève hier soir – plus de cent pays se sont manifestés – est à cet égard un bon signe. Nous avons nous-mêmes annoncé une contribution de 100 millions d'euros.
Monsieur Fuchs, j'approuve votre observation : ce que les Américains appellent le nation building ne s'obtient pas par l'intervention d'une force expéditionnaire, mais suppose de prendre en considération l'histoire du pays, de faciliter l'établissement d'une gouvernance légitime en faisant confiance aux acteurs locaux pour en définir les modalités et de jouer un rôle d'accompagnement. C'est ce qui a manqué en Afghanistan et cela explique l'échec.
S'agissant du sommet de Djerba qui se tiendra en novembre et marquera les cinquante ans de la francophonie, je n'ai pas d'inquiétudes pour l'instant. C'est un peu compliqué mais les discussions avec les autorités tunisiennes se déroulent convenablement.
Monsieur David, nous instruisons les dossiers d'Afghanes et d'Afghans qui, en raison de leur engagement ou de leur profession, ont besoin de bénéficier de l'asile national ou européen. Ensuite nous les transmettons aux autorités afghanes – il se trouve que ce sont les talibans – par le biais des seuls intermédiaires que nous connaissons : les Qataris. Si vous en trouvez d'autres, dites-le-moi, pour moi ce sont les seuls. Nous devons être pragmatiques, quel que soit le jugement que l'on porte sur le Qatar. Je me suis rendu au Qatar hier et, madame Autain, c'est une femme qui est chargée du dossier au sein du gouvernement. Elle a préparé la venue des réfugiés afghans au Qatar et leurs conditions d'accueil sont, j'ai pu le constater, d'une qualité exceptionnelle. Il faut toujours considérer les faits. Il n'y a pas d'autre interlocuteur que le Qatar pour essayer – l'aéroport n'est pas vraiment ouvert – de faire sortir du pays certains Afghans, ce que vous souhaitez vous-même. Dites-moi si vous trouvez une autre solution.
Mais je suis en parfait accord avec vous, madame Autain, sur un point : Wagner. C'est une milice privée, composée principalement d'anciens militaires, qui s'est illustrée par le passé en Irak, en Syrie et en Centrafrique en se livrant à des exactions, des prédations et des violations de tous ordres. Elle ne peut en aucun cas constituer une solution et est absolument inconciliable avec notre présence – je le dis pour être entendu d'autres que vous. L'intervention de Wagner en Centrafrique a provoqué une détérioration de la situation sécuritaire. Sa présence au Mali serait incompatible avec l'action des partenaires sahéliens et internationaux du pays. Que cela soit dit.
S'agissant des questions de Mme Kuric, je me suis rendu à Madagascar l'année dernière. Nous avons procédé à la restitution de la couronne de la reine Ranavalona III pour les célébrations du soixantième anniversaire de l'indépendance du pays – j'en avais pris l'engagement auprès du président malgache. Notre relation bilatérale est très forte, puisque 20 000 Français résident à Madagascar.
Afin d'apaiser les tensions qui existent autour des îles Éparses, il a été décidé, à la suite de l'entretien entre les deux présidents, de réunir la commission mixte dédiée à ce sujet compliqué, qui ne peut se résoudre que dans la coordination et l'échange. Enfin, nous sommes pleinement conscients de la sécheresse qui sévit dans le sud de Madagascar. L'Agence française pour le développement a mobilisé des financements spécifiques au profit de cette région, et mené une action complémentaire en raison de la pandémie. Nous avons livré 200 000 doses de vaccin au cours de l'été, après l'entretien des deux présidents. Quant à nos ressortissants, leur procès devrait s'ouvrir en septembre. Ils bénéficient de la protection consulaire en vertu de la convention de Vienne sur les relations consulaires. Des visites leur ont déjà été rendues et une nouvelle doit avoir lieu dans les jours qui viennent.
Je partage votre avis sur l'importance de la relation avec Madagascar. Nous avons pris récemment la présidence de la Commission de l'océan Indien, ce qui ne manquera pas de renforcer nos liens avec la région. Les entretiens entre les deux présidents ont permis de lever une bonne part des incompréhensions et d'inaugurer un cycle nouveau de relations, délestées des petites irritations qui étaient nées l'année dernière.
Madame Buffet, les droits des femmes, leur place et l'éducation sont les sujets essentiels sur lesquels nous devrons être mobilisés. Nous le ferons aux Nations unies la semaine prochaine. J'ai dit tout à l'heure qu'au cas où les talibans ne satisferaient pas aux exigences que nous avons posées, il nous resterait l'aide humanitaire : j'y ajoute la pression internationale en faveur des femmes. Il faudra le faire en permanence et de manière spectaculaire. La moitié des 2 600 Afghans que nous avons rapatriés sont des femmes, ce qui n'était pas donné d'avance, pour de multiples raisons.