Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre :

Monsieur Lecoq, nous condamnons sans ambiguïté le coup d'État qui a eu lieu en Guinée. Je peux le répéter autant que vous voudrez, mais je ne vois pas comment être plus clair. C'est une condamnation sans ambiguïté, claire et nette, comme d'ailleurs nous en faisons de tout coup d'État.

Il en avait été de même pour le Mali, ce que vous semblez oublier, tout comme Mme Autain a oublié qu'un débat sur les politiques de la France au Sahel a été organisé à l'Assemblée nationale. Nous y avons dit les choses très clairement. Le président Mélenchon, qui était présent, aurait dû la prévenir.

Bref, il faut arrêter de prétendre que nous ne serions pas assez fermes. Le cas du Tchad est différent, puisque le chef de l'État a été assassiné : il faut bien que le pouvoir continue à être assumé. Mais nous avons demandé sans ambiguïté la mise en œuvre d'un dispositif de transition, lequel fonctionne bien et doit conduire à des élections en septembre 2022. Le président de transition tchadien, que j'ai rencontré hier soir, m'a d'ailleurs confirmé qu'il soutenait ce processus.

S'agissant du Mozambique, il me semble que vous devriez être un peu plus attentif aux activités qu'y conduit Daech. C'est une filiale de Daech qui mène dans le nord du pays le mouvement djihadiste qui a déjà provoqué 3 200 morts et 800 000 déplacés depuis 2017. Total s'est retiré du paysage. Le Rwanda y intervient. C'est un État souverain qui est libre de le faire. Je ne vais certes pas condamner un pays qui combat Daech ! D'autant que le Rwanda agit en collaboration avec ses voisins, en respectant les règles de la Communauté de développement d'Afrique australe (CDAS). Au nom de quoi le critiquerais-je ?

Les attaques de Daech font des morts, et les pays de la CDAS ont décidé d'agir en soutien du Mozambique. Je le constate, et je ne le condamne pas. Je pense que vous non plus, monsieur Lecoq. Le Rwanda intervient parce qu'il est contre le terrorisme, et il a bien raison.

Madame Poletti, le programme COVAX a pris du retard, mais je pense que les engagements récemment annoncés vont permettre d'accélérer. Une task force a été établie pour accélérer le processus, tant par l'achat que par le don de doses. Lors de la réunion qui s'est tenue en Cornouilles en juin, les pays du G7 ont décidé de mettre à disposition 870 millions de leurs doses avant la fin de l'année – cela en plus des achats. La France contribue à cet effort à hauteur de 60 millions de doses, dont plus de 17 millions sont en transit actuellement. Mais cela ne va pas assez vite. Cette mobilisation doit permettre de vacciner 20 % de la population des pays pauvres.

L'autre volet du programme COVAX consiste à développer une capacité de production de doses en Afrique, où la couverture vaccinale reste très faible. À l'initiative de la France, une unité de production de vaccins à technologie ARN messager est en cours de construction en Afrique du Sud. Le projet a mis un peu de temps à démarrer pour des raisons d'organisation, y compris au niveau de l'OMS, mais nous faisons tout pour son accélération. Cela constituera l'un des sujets de discussion de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine.

En ce qui concerne nos compatriotes qui ont reçu les vaccins chinois Sinovac ou Sinopharm, il a été décidé, après les vérifications requises, qu'une seule injection d'un des vaccins à ARN messager reconnus par l'Union européenne suffisait à leur garantir l'accès au passe sanitaire. En revanche cela n'est pas possible avec le Spoutnik V, qui n'est pas reconnu par l'OMS.

Je termine en répondant à M. Herbillon au sujet du rôle du Qatar en Afghanistan. Dans l'immédiat, ce pays s'attache à faire fonctionner l'aéroport de Kaboul. Il avait un temps été question que la Turquie l'accompagne, mais cela ne s'est pas produit, probablement parce que les talibans ne veulent pas d'un membre de l'OTAN. Le Qatar avait déjà tenu un rôle important en hébergeant les négociations entre les États-Unis et les talibans qui ont mené à l'accord de février 2020.

Notre relation avec le Qatar est pragmatique, mais sans naïveté. Il faut passer par lui si l'on veut évacuer des personnes d'Afghanistan : pour l'instant, je ne vois aucun autre moyen. Et franchement, les Qataris font preuve d'un esprit très collaboratif. J'ai rencontré hier mon homologue, Cheikh Mohamed bin Abdulrahman Al-Thani, qui rentrait de Kaboul où il venait de s'entretenir avec les autorités talibanes. Il m'a informé de la teneur de ces échanges, qui semblent avoir été toniques. Quoi qu'il en soit, il faut mener une diplomatie du concret et du possible.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, monsieur le ministre, d'avoir dit autant en si peu de temps. Nous serons amenés à vous revoir régulièrement, car par les temps qui courent, votre ministère n'est pas le plus oisif. Quant aux collègues à qui je n'ai pas pu donner la parole faute de temps, ils seront les premiers à poser des questions à l'ambassadeur David Martinon demain s'ils le souhaitent.

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