Intervention de Françoise Dumas

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 21h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente :

Je vous informe de la mort, à 101 ans, de M. Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération. Il était pensionnaire de l'Institution nationale des Invalides. Il fut député de Paris de 1962 à 1972, avant de devenir ministre des postes et télécommunications, puis ministre des relations avec le Parlement. Sa mort clôture une période d'histoire. Il nous appartient de continuer à faire vivre la mémoire de ce héros, de ces héros, qui ont choisi de continuer le combat pour leur pays, sa liberté, son honneur, lorsque tout semblait perdu.

De multiples hommages lui seront rendus mais, ce soir, nous devons porter haut ce qu'il représentait et, lui dire, où qu'il se trouve, que nous essayerons d'être à la hauteur de ce qu'il a été. Les compagnons de la Libération nous obligent. Nous devons être fiers de ce qu'ils ont fait.

Nous nous retrouvons dans le cadre de notre cycle d'auditions relatif aux circonstances et aux conséquences de la rupture de l'accord-cadre avec l'Australie sur le programme de sous-marins du futur.

Nous avons déjà auditionné le président-directeur général de Naval Group, M. Éric Pommellet, nos deux ambassadeurs aux États-Unis et en Australie, ainsi que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, votre collègue M. Jean-Yves Le Drian, lors d'une audition ouverte à la presse. Il était donc important de vous auditionner également, madame la ministre.

Vous étiez en contact régulier avec votre homologue australien afin de suivre le bon déroulement du programme. Comme M. Peter Dutton, ministre australien de la défense depuis le 30 mars dernier, était l'un des rares à connaître les négociations en cours avec les États-Unis et le Royaume-Uni, avez-vous été alerté d'un risque de rupture du programme ? Y a-t-il eu des mises en garde ou des propositions de rediscussion ?

Le jour où vous m'avez appelée pour m'avertir de ce qui s'était passé, le ton de votre voix était à la mesure du choc et du sentiment de trahison. Le porte-parole du ministère des armées a révélé que, le jour de l'annonce du partenariat stratégique AUKUS, les Australiens écrivaient à la France et soulignaient combien ils étaient satisfaits des performances des futurs sous-marins de classe Attack et du déroulement du programme, indiquant qu'ils étaient prêts à lancer la prochaine phase du contrat.

Beaucoup s'interrogent sur la capacité de nos services de renseignement à anticiper cette rupture. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) étant l'un des services rattachés au ministère des armées, a-t-elle émis des alertes ? Si ce n'est pas le cas, comment l'expliquer ?

Quelles raisons ont poussé l'Australie à prendre une telle décision ? À l'évidence, cette dernière aura de nombreux effets négatifs pour l'Australie en termes de calendrier de livraison des futurs sous-marins à propulsion nucléaire, en termes de coût, mais plus encore, en termes de souveraineté. Quelles analyses stratégiques et capacitaires peuvent justifier ce revirement ? Jean-Yves Le Drian a parlé de « saut dans le vide ». Est-ce également votre sentiment ?

Quelles seront les conséquences de cette rupture sur notre politique en Indopacifique ? Vous avez expliqué devant notre assemblée que la France était présente dans la zone parce qu'elle y a des intérêts directs du fait de la présence de près de deux millions de ses ressortissants et de 93 % de sa zone exclusive économique (ZEE), mais aussi parce que nous souhaitons offrir une alternative aux risques d'escalade entraînés par la politique de confrontation à laquelle se livrent les États-Unis et la Chine. La nouvelle alliance militaire représentée par AUKUS ne signe-t-elle pas l'échec de notre politique ? La France garde-t-elle la même marge de manœuvre ? Comptez-vous sur d'autres partenariats, notamment avec l'Inde et l'Indonésie, pour maintenir ce cap ?

Vous avez affirmé que les États-Unis ne sont plus aussi fiables que par le passé. Ce jugement est-il partagé par tous nos partenaires européens ? Quelles conséquences en tirez-vous pour l'OTAN et le développement d'une autonomie stratégique européenne ? Un tel constat influera-t-il sur le contenu de la boussole stratégique qui doit être adoptée au premier semestre 2021, lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, comme sur la révision du concept stratégique de l'OTAN qui doit être adopté à Madrid, en juin prochain ?

Enfin, même si notre ambassadeur à Londres n'a pas fait l'objet d'un rappel, quelles peuvent être les conséquences de cette situation sur la coopération de défense avec le Royaume-Uni ? Je pense notamment au programme relatif au futur missile antinavire et à ses incidences sur l'entreprise MBDA.

M. Pommellet a déclaré que Naval Group ne devrait pas subir de perte financière, mais uniquement un déficit de croissance. Nous avons eu, entre-temps, de bonnes nouvelles en provenance de la Grèce. Cette entreprise résiliente incarne bien l'avenir. Envisagez-vous une accélération du calendrier des commandes publiques pour aider Naval Group et ses sous-traitants, nombreux à devoir absorber ce choc ?

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