Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du mardi 19 octobre 2021 à 18h25
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Je vous félicite pour la profondeur de vos analyses sur ce sujet qui m'est très cher et auquel nous ne pouvons rester indifférents, malgré nos différences de points de vue. Je suis toujours gêné d'entendre parler d'asile et d'immigration sous un prisme budgétaire. Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes et des détresses humaines.

Alors que le Président de la République avait promis que chacun trouverait un toit lors de son quinquennat, la loi de finances de 2021 prévoyait que 65 % des demandeurs d'asile seraient hébergés – seuls 59 % l'ont été. Ce chiffre, bien qu'en hausse par rapport aux années précédentes, reste évidemment trop faible : tant que des gens vivront dans la rue, dans les conditions que l'on sait, ce sera toujours un échec.

Nous sommes donc très surpris de constater que le Gouvernement se fixe un objectif ambitieux de 90 % de demandeurs d'asile hébergés en 2023, d'autant plus difficile à atteindre que le nombre de places d'hébergement augmente trop lentement au regard des besoins. Certes, 800 places dans les CPH ont été créées dans le cadre du plan de relance et le Gouvernement annonce la création de 4 900 places dans les CAES et les CADA d'ici à mi-2022. Toutefois, ces ouvertures sont conditionnées au fait que le coût global de l'ADA n'excède pas les prévisions : autant dire que nous n'y arriverons pas ! Cette conditionnalité est pour le moins étonnante et inappropriée.

Par ailleurs, le PLF pour 2022 insiste sur le développement des CRA. Or cette politique d'enfermement pose problème, alors que les durées de rétention s'allongent et que des problèmes de sécurité demeurent – un incendie s'est produit récemment au CRA d'Hendaye. Il est nécessaire de consacrer davantage d'attention et de moyens à la prise en charge sanitaire et sociale des personnes retenues et de développer d'autres solutions que ces centres. Ce n'est pas parce que des personnes restent longtemps dans des CRA qu'elles seront éloignées plus facilement : dans au moins huit cas sur dix, elles ne pourront pas être éloignées du tout, pour les raisons que vous avez évoquées. Ainsi, nous entretenons des structures de rétention dont nous connaissons l'inefficience.

Il est évidemment nécessaire de raccourcir le délai des procédures contentieuses, mais cela doit passer par une hausse des moyens des juridictions et non par une déshumanisation des jugements. Les avocats qui défendent des demandeurs d'asile se sont récemment mis en grève et sont allés protester devant la CNDA – il m'est moi-même arrivé de le faire quand j'étais en activité. Mes confrères, que je rencontre régulièrement, me décrivent les difficultés auxquelles ils sont confrontés : ils dénoncent la dégradation inacceptable de la justice rendue par la CNDA. De plus en plus souvent, celle-ci rejette les recours des demandeurs d'asile par ordonnance, sans même auditionner les intéressés.

On nous demande de donner un avis sur ce budget. Voter pour reviendrait à approuver des crédits insuffisants, mais voter contre reviendrait à rejeter des crédits pourtant nécessaires. Un humoriste a dit un jour : « Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire. » Moi aussi, je m'abstiendrai.

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