L'année 2021 est marquée par un net rebond du commerce extérieur après un effondrement inédit des échanges internationaux en 2020. En juin 2021, les exportations de biens avaient quasiment retrouvé leur niveau d'avant la crise et les exportations de services – hors tourisme – l'avaient nettement dépassé, même s'il faut apporter à ce constat des nuances selon les secteurs : les industries pharmaceutique et agroalimentaire affichent de très bonnes performances, tandis que l'aéronautique et l'automobile restent très pénalisées.
Pendant la crise, les entreprises exportatrices – on en dénombrait près de 132 000 au premier trimestre 2021, soit le chiffre le plus haut depuis vingt ans – ont fait preuve d'une grande résilience. Celle-ci est due à plusieurs facteurs.
Premièrement, le commerce extérieur bénéficie d'un environnement international plus favorable aux échanges puisque, selon le Fonds monétaire international (FMI), le commerce mondial de biens et services connaîtra, en 2021, un net rebond, de 9,7 %, qui se poursuivrait dans une moindre mesure en 2022, avec une augmentation des échanges de 7 %.
Cette reprise reste cependant soumise à de nombreuses incertitudes : elle reste tout d'abord conditionnée à l'évolution de la situation sanitaire, de nombreux secteurs n'ayant pas encore repris une activité normale. Par ailleurs, la forte hausse de la demande mondiale, conjuguée à la perturbation des chaînes d'approvisionnement, provoque des pénuries et une tension sur les prix susceptibles de ralentir la reprise. Enfin, en dépit des signaux positifs envoyés par la nouvelle administration Biden au tout début de son mandat, les tensions commerciales et les tentations protectionnistes demeurent bien présentes.
Deuxièmement, le rebond du commerce extérieur est le fruit des mesures de soutien prises par le Gouvernement au début de l'année 2020 et de celles incluses dans le volet export du plan de relance ; d'un montant de 247 millions d'euros, elles ont vocation à se déployer jusqu'en juin 2022.
Les auditions que j'ai menées m'ont permis de dresser un premier bilan de ces différentes mesures. Dans l'ensemble, leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées a été salué par tous les acteurs auditionnés. Elles poursuivent leur montée en puissance, de façon plus ou moins marquée selon les outils car leur déploiement dépend largement de la levée des mesures restrictives liées à la pandémie, de la reprise normale des déplacements et des salons internationaux. En tout état de cause, leur prolongement jusqu'en juin 2022 devrait permettre aux entreprises de bénéficier pleinement de la reprise.
Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions susceptibles d'améliorer l'efficacité de ces mesures, parmi lesquelles une meilleure promotion des outils disponibles, une simplification des critères d'éligibilité pour le chèque relance export et l'expérimentation de formules plus innovantes pour le dispositif des volontaires internationaux en entreprise (VIE).
Outre cette prolongation bienvenue des mesures du plan de relance, les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sont stables par rapport à l'année dernière. J'appelle simplement à la vigilance s'agissant de la baisse d'environ 2,5 millions des crédits octroyés à Business France, conformément au contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022. Une telle évolution soulève la question du modèle économique de l'agence, fondé sur la substitution progressive de ressources propres aux crédits budgétaires. L'impact de la crise sanitaire sur ses activités et ses recettes devrait nous conduire à revoir les objectifs du COM pour 2022.
Troisièmement, la reprise du commerce extérieur est également le résultat de la réorganisation de notre système de soutien à l'export, dont les acteurs ont été pleinement mobilisés pendant la crise.
La réforme de la Team France Export (TFE) en 2018 avait pour but de mettre en commun les expertises complémentaires de Business France, de BPIFrance, des chambres de commerce et d'industrie (CCI) ainsi que des partenaires privés conventionnés sur certaines destinations internationales afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace. Pendant la crise sanitaire, l'activité développée par la TFE a très fortement augmenté, grâce non seulement au déploiement du plan de relance export, mais aussi à la montée en puissance des équipes sur le terrain et au développement de nouvelles formes de prospection numérique dans le contexte de la fermeture des frontières.
Trois ans après la réforme de la TFE, les premiers résultats sont donc très encourageants, alors même que le secteur a été confronté à une crise inédite. L'heure est donc à la consolidation du dispositif, notamment par la poursuite de l'évolution numérique de l'accompagnement à l'export et le déploiement de la Team France Invest (TFI), afin de coordonner les services de l'État, de Business France et des régions en matière de développement des investissements étrangers.
Quatrièmement, le rebond du commerce extérieur est la conséquence des mesures structurelles visant à renforcer la compétitivité de l'économie prises ces dernières années, en particulier la baisse des impôts de production et du coût du travail ainsi que la réforme du marché du travail, de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ainsi, en 2020, la France a conservé, pour la deuxième année consécutive, la première place des pays européens en matière d'accueil de projets d'investissements étrangers.
Cependant, si l'évolution des échanges commerciaux de la France a reflété l'ampleur du choc conjoncturel subi en 2020, la crise a également mis en exergue certaines fragilités structurelles de notre économie : le déclin de l'industrie, la spécialisation sectorielle de notre commerce extérieur et la vulnérabilité de certains approvisionnements français et européens.
La France est en effet le pays de l'Union européenne qui a connu la désindustrialisation la plus forte depuis les années 1970. La part de l'industrie dans le produit intérieur brut est ainsi passée de 15 % à 10 % entre 2000 et 2020. Le solde de la balance commerciale reflète ce mouvement de fond. En France, le déficit commercial cumulé depuis l'an 2000 atteint 900 milliards d'euros, tandis que l'Allemagne a enregistré, au cours de la même période, un excédent commercial cumulé de 3 900 milliards d'euros.
À cela s'ajoutent, cette année, la hausse des prix des hydrocarbures et une croissance qui entraîne une hausse des importations d'énergie, d'intrants industriels et de biens de consommation. Au total, le Gouvernement anticipe un déficit de la balance commerciale pour les biens de 86 milliards d'euros en 2021 et de 95 milliards d'euros en 2022.
C'est la raison pour laquelle la réindustrialisation est un enjeu prioritaire pour la relance. Le secteur industriel a bénéficié non seulement des mesures visant à améliorer la compétitivité globale de l'économie française, mais aussi d'une stratégie spécifique. Ainsi, la tendance à la désindustrialisation a commencé à s'infléchir grâce aux différentes mesures ayant permis de réinvestir progressivement dans le tissu productif. Depuis 2018, la tendance s'est même inversée, puisque la France recrée des emplois industriels, ce qui ne s'était pas vu depuis quinze ans. La dynamique de réindustrialisation sera accélérée par le plan d'investissement France 2030 annoncé le 12 octobre dernier par le Président de la République, qui s'ajoute aux 34 milliards prévus par le plan de relance.
Ensuite, les exportations de la France ont été plus durement affectées par la crise de la Covid‑19 que celles des autres grandes économies européennes, en raison de la place très importante qu'y occupent les secteurs aéronautique et automobile. Par comparaison, l'Allemagne a tiré profit d'une plus grande diversification de ses exportations.
Enfin, la crise de la Covid-19 a mis en exergue la vulnérabilité des chaînes de valeur mondiales, en particulier la dépendance de la production nationale vis-à-vis des approvisionnements étrangers. À cet égard, l'impératif de sécurisation des approvisionnements pourrait s'ajouter à l'exigence de verdissement des échanges pour favoriser un mouvement de relocalisation des chaînes de valeur à l'échelle régionale.
Dans ce contexte, des liens commerciaux plus étroits avec les pays du sud de la Méditerranée pourraient contribuer à réduire la dépendance de l'économie européenne vis-à-vis de régions plus éloignées. La nouvelle donne du commerce international invite à engager une réflexion sur la construction de nouveaux partenariats stratégiques avec ces pays, qui pourraient devenir une priorité du commerce extérieur français et européen.
Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions visant à encourager un pivot commercial français et européen vers les pays du sud de la Méditerranée afin de les intégrer davantage dans les chaînes de valeur, sans méconnaître les difficultés liées à leur contexte géopolitique, politique et économique.
Au niveau national, cela passe d'abord par la révision des priorités géographiques de la TFE, afin qu'elle soutienne davantage la conquête des marchés africains. Il s'agit également de mettre davantage à profit l'expertise dont disposent nos outre-mer sur leur environnement régional, dans le cadre d'actions menées conjointement par les entreprises de la métropole et les entreprises ultramarines. Je pense également à la plus grande mobilisation des clubs d'affaires français présents à l'étranger, qui sont souvent, comme nos entrepreneurs français à l'étranger (EFE), peu intégrés au dispositif public d'appui aux entreprises exportatrices. Notre réseau de CCI à l'étranger devrait également être davantage soutenu et sollicité.
Au niveau européen, il conviendrait, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, d'accélérer les négociations sur les instruments permettant de renforcer les échanges entre l'Union européenne et l'Afrique, qu'il s'agisse de l'harmonisation réglementaire ou de la conclusion des accords de libre-échange visant à compléter les accords d'association existants.
Compte tenu de ces remarques, je vous invite à adopter les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique de la mission Économie.