Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • aire
  • audiovisuel
  • chaîne
  • diplomatie
  • extérieur
  • média
  • protégée

La réunion

Source

La séance est ouverte à 9 heures 35

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, Président.

Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous achevons ce matin l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 par la discussion de trois avis portant respectivement sur le commerce extérieur et la diplomatie économique, l'action audiovisuelle extérieure, et l'écologie, le développement et la mobilité durables. Notre commission aura ainsi produit neuf avis sur le budget de l'État pour 2022.

Examen pour avis des crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique » (Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si le commerce mondial est relancé, les résultats de notre balance commerciale ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Le Gouvernement prévoit en effet un déficit de 86 milliards d'euros en 2021 et de 95 milliards en 2022. Notre dépendance énergétique vis-à-vis du pétrole et du gaz, la spécialisation de notre pays dans des secteurs affectés par la pandémie, comme l'aéronautique, le luxe ou l'agroalimentaire, ainsi que notre désindustrialisation pèsent lourdement dans ces résultats. Le tourisme et certaines activités de service ne pourront pas, en raison de leur contraction, compenser, comme les années passées, ces déficits dans notre balance des paiements.

Nous devons certainement réorienter notre économie, restaurer nos capacités d'exportation et améliorer la compétitivité de nos entreprises et de notre territoire. Il faut réindustrialiser en adaptant notre tissu productif à la demande mondiale ; le plan de relance nous en donne l'occasion et certains moyens.

Le rapport de notre collègue Amélia Lakrafi cerne bien les axes des réformes entreprises. Celles-ci doivent cependant s'accompagner d'une révision de la politique commerciale européenne ; la Commission a engagé cette révision il y a un an, mais chacun sait que cette dernière avance toujours à pas plus que comptés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'année 2021 est marquée par un net rebond du commerce extérieur après un effondrement inédit des échanges internationaux en 2020. En juin 2021, les exportations de biens avaient quasiment retrouvé leur niveau d'avant la crise et les exportations de services – hors tourisme – l'avaient nettement dépassé, même s'il faut apporter à ce constat des nuances selon les secteurs : les industries pharmaceutique et agroalimentaire affichent de très bonnes performances, tandis que l'aéronautique et l'automobile restent très pénalisées.

Pendant la crise, les entreprises exportatrices – on en dénombrait près de 132 000 au premier trimestre 2021, soit le chiffre le plus haut depuis vingt ans – ont fait preuve d'une grande résilience. Celle-ci est due à plusieurs facteurs.

Premièrement, le commerce extérieur bénéficie d'un environnement international plus favorable aux échanges puisque, selon le Fonds monétaire international (FMI), le commerce mondial de biens et services connaîtra, en 2021, un net rebond, de 9,7 %, qui se poursuivrait dans une moindre mesure en 2022, avec une augmentation des échanges de 7 %.

Cette reprise reste cependant soumise à de nombreuses incertitudes : elle reste tout d'abord conditionnée à l'évolution de la situation sanitaire, de nombreux secteurs n'ayant pas encore repris une activité normale. Par ailleurs, la forte hausse de la demande mondiale, conjuguée à la perturbation des chaînes d'approvisionnement, provoque des pénuries et une tension sur les prix susceptibles de ralentir la reprise. Enfin, en dépit des signaux positifs envoyés par la nouvelle administration Biden au tout début de son mandat, les tensions commerciales et les tentations protectionnistes demeurent bien présentes.

Deuxièmement, le rebond du commerce extérieur est le fruit des mesures de soutien prises par le Gouvernement au début de l'année 2020 et de celles incluses dans le volet export du plan de relance ; d'un montant de 247 millions d'euros, elles ont vocation à se déployer jusqu'en juin 2022.

Les auditions que j'ai menées m'ont permis de dresser un premier bilan de ces différentes mesures. Dans l'ensemble, leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées a été salué par tous les acteurs auditionnés. Elles poursuivent leur montée en puissance, de façon plus ou moins marquée selon les outils car leur déploiement dépend largement de la levée des mesures restrictives liées à la pandémie, de la reprise normale des déplacements et des salons internationaux. En tout état de cause, leur prolongement jusqu'en juin 2022 devrait permettre aux entreprises de bénéficier pleinement de la reprise.

Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions susceptibles d'améliorer l'efficacité de ces mesures, parmi lesquelles une meilleure promotion des outils disponibles, une simplification des critères d'éligibilité pour le chèque relance export et l'expérimentation de formules plus innovantes pour le dispositif des volontaires internationaux en entreprise (VIE).

Outre cette prolongation bienvenue des mesures du plan de relance, les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sont stables par rapport à l'année dernière. J'appelle simplement à la vigilance s'agissant de la baisse d'environ 2,5 millions des crédits octroyés à Business France, conformément au contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022. Une telle évolution soulève la question du modèle économique de l'agence, fondé sur la substitution progressive de ressources propres aux crédits budgétaires. L'impact de la crise sanitaire sur ses activités et ses recettes devrait nous conduire à revoir les objectifs du COM pour 2022.

Troisièmement, la reprise du commerce extérieur est également le résultat de la réorganisation de notre système de soutien à l'export, dont les acteurs ont été pleinement mobilisés pendant la crise.

La réforme de la Team France Export (TFE) en 2018 avait pour but de mettre en commun les expertises complémentaires de Business France, de BPIFrance, des chambres de commerce et d'industrie (CCI) ainsi que des partenaires privés conventionnés sur certaines destinations internationales afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace. Pendant la crise sanitaire, l'activité développée par la TFE a très fortement augmenté, grâce non seulement au déploiement du plan de relance export, mais aussi à la montée en puissance des équipes sur le terrain et au développement de nouvelles formes de prospection numérique dans le contexte de la fermeture des frontières.

Trois ans après la réforme de la TFE, les premiers résultats sont donc très encourageants, alors même que le secteur a été confronté à une crise inédite. L'heure est donc à la consolidation du dispositif, notamment par la poursuite de l'évolution numérique de l'accompagnement à l'export et le déploiement de la Team France Invest (TFI), afin de coordonner les services de l'État, de Business France et des régions en matière de développement des investissements étrangers.

Quatrièmement, le rebond du commerce extérieur est la conséquence des mesures structurelles visant à renforcer la compétitivité de l'économie prises ces dernières années, en particulier la baisse des impôts de production et du coût du travail ainsi que la réforme du marché du travail, de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ainsi, en 2020, la France a conservé, pour la deuxième année consécutive, la première place des pays européens en matière d'accueil de projets d'investissements étrangers.

Cependant, si l'évolution des échanges commerciaux de la France a reflété l'ampleur du choc conjoncturel subi en 2020, la crise a également mis en exergue certaines fragilités structurelles de notre économie : le déclin de l'industrie, la spécialisation sectorielle de notre commerce extérieur et la vulnérabilité de certains approvisionnements français et européens.

La France est en effet le pays de l'Union européenne qui a connu la désindustrialisation la plus forte depuis les années 1970. La part de l'industrie dans le produit intérieur brut est ainsi passée de 15 % à 10 % entre 2000 et 2020. Le solde de la balance commerciale reflète ce mouvement de fond. En France, le déficit commercial cumulé depuis l'an 2000 atteint 900 milliards d'euros, tandis que l'Allemagne a enregistré, au cours de la même période, un excédent commercial cumulé de 3 900 milliards d'euros.

À cela s'ajoutent, cette année, la hausse des prix des hydrocarbures et une croissance qui entraîne une hausse des importations d'énergie, d'intrants industriels et de biens de consommation. Au total, le Gouvernement anticipe un déficit de la balance commerciale pour les biens de 86 milliards d'euros en 2021 et de 95 milliards d'euros en 2022.

C'est la raison pour laquelle la réindustrialisation est un enjeu prioritaire pour la relance. Le secteur industriel a bénéficié non seulement des mesures visant à améliorer la compétitivité globale de l'économie française, mais aussi d'une stratégie spécifique. Ainsi, la tendance à la désindustrialisation a commencé à s'infléchir grâce aux différentes mesures ayant permis de réinvestir progressivement dans le tissu productif. Depuis 2018, la tendance s'est même inversée, puisque la France recrée des emplois industriels, ce qui ne s'était pas vu depuis quinze ans. La dynamique de réindustrialisation sera accélérée par le plan d'investissement France 2030 annoncé le 12 octobre dernier par le Président de la République, qui s'ajoute aux 34 milliards prévus par le plan de relance.

Ensuite, les exportations de la France ont été plus durement affectées par la crise de la Covid‑19 que celles des autres grandes économies européennes, en raison de la place très importante qu'y occupent les secteurs aéronautique et automobile. Par comparaison, l'Allemagne a tiré profit d'une plus grande diversification de ses exportations.

Enfin, la crise de la Covid-19 a mis en exergue la vulnérabilité des chaînes de valeur mondiales, en particulier la dépendance de la production nationale vis-à-vis des approvisionnements étrangers. À cet égard, l'impératif de sécurisation des approvisionnements pourrait s'ajouter à l'exigence de verdissement des échanges pour favoriser un mouvement de relocalisation des chaînes de valeur à l'échelle régionale.

Dans ce contexte, des liens commerciaux plus étroits avec les pays du sud de la Méditerranée pourraient contribuer à réduire la dépendance de l'économie européenne vis-à-vis de régions plus éloignées. La nouvelle donne du commerce international invite à engager une réflexion sur la construction de nouveaux partenariats stratégiques avec ces pays, qui pourraient devenir une priorité du commerce extérieur français et européen.

Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions visant à encourager un pivot commercial français et européen vers les pays du sud de la Méditerranée afin de les intégrer davantage dans les chaînes de valeur, sans méconnaître les difficultés liées à leur contexte géopolitique, politique et économique.

Au niveau national, cela passe d'abord par la révision des priorités géographiques de la TFE, afin qu'elle soutienne davantage la conquête des marchés africains. Il s'agit également de mettre davantage à profit l'expertise dont disposent nos outre-mer sur leur environnement régional, dans le cadre d'actions menées conjointement par les entreprises de la métropole et les entreprises ultramarines. Je pense également à la plus grande mobilisation des clubs d'affaires français présents à l'étranger, qui sont souvent, comme nos entrepreneurs français à l'étranger (EFE), peu intégrés au dispositif public d'appui aux entreprises exportatrices. Notre réseau de CCI à l'étranger devrait également être davantage soutenu et sollicité.

Au niveau européen, il conviendrait, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, d'accélérer les négociations sur les instruments permettant de renforcer les échanges entre l'Union européenne et l'Afrique, qu'il s'agisse de l'harmonisation réglementaire ou de la conclusion des accords de libre-échange visant à compléter les accords d'association existants.

Compte tenu de ces remarques, je vous invite à adopter les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique de la mission Économie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous vous remercions pour ce rapport très stimulant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe La République en Marche votera bien entendu les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique, tout en souhaitant que vos propositions soient entendues, qu'il s'agisse de la simplification des dispositifs, de l'amélioration de la lisibilité du budget ou de la création de certains indicateurs.

On ne peut que se féliciter du soutien sans faille que la France a apporté à son économie, à l'emploi et à son tissu industriel pendant la crise, avec les plans de soutien et puis avec le plan de relance, dont le volet consacré à l'export est doté de 247 millions d'euros. Ces choix de la majorité ont porté leurs fruits puisque, votre rapport l'indique, on dénombrait, au premier trimestre 2021, 132 000 entreprises exportatrices, un chiffre qui n'a jamais été atteint au cours des vingt dernières années.

De manière plus générale, les réformes engagées au cours de la législature, notamment celle de la TFE, l'équipe de France de l'export, en 2018, doivent être poursuivies, car elles nous ont permis de gagner en attractivité – depuis 2019, la France est la première destination européenne pour les investissements étrangers – et en clarté, grâce au guichet unique qui, en région, accompagne nos acteurs économiques à l'export, en leur fournissant des appuis locaux et en les aidant notamment à se doter d'une vitrine numérique. Il nous faut désormais convaincre, inspirer et consolider ce dispositif, notamment en intégrant mieux les acteurs privés, notamment les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), qui accompagnent de manière remarquable nos PME, car nous nous avons encore tendance à fonctionner en silo dans certains pays.

Sur la forme, vous déplorez l'absence de lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur ; je partage votre avis.

Par ailleurs, puisque vous avez évoqué un changement de modèle économique, pourquoi ne pas songer à un modèle disruptif qui consisterait à fixer à certaines entreprises des objectifs en termes de création d'emplois en France et de contribution à la balance commerciale, moyennant quoi elles seraient totalement accompagnées par l'État, ce qui libérerait Business France de l'obligation de chercher des ressources propres, ce qui, à mon sens, freine l'efficacité du dispositif ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Enfin, un certain nombre de vos propositions concernant l'axe Europe-Afrique pourraient parfaitement s'appliquer à l'Asie, où se trouve la croissance des années à venir. Je souhaiterais savoir quel bilan vous dressez du dispositif d'accompagnement à l'export en Afrique. Comment pourrions-nous l'adapter à la zone Asie, où les entrepreneurs français – qui sont à la fois le dernier maillon d'une chaîne de valeur qui commence en France et le premier maillon d'une chaîne d'attractivité – souffrent terriblement de la crise actuelle ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce que je viens d'entendre m'inquiète. En effet, les derniers chiffres de la balance commerciale font état d'un déficit de 95 milliards. Ce résultat est calamiteux : nous détenons en la matière un record européen. Il convient donc de calmer vos ardeurs et de modérer votre autosatisfaction.

Vous avez évoqué, madame la rapporteure, le déficit cumulé depuis l'an 2000, laissant ainsi entendre que, dans ce domaine, les majorités précédentes n'avaient pas été meilleures que la majorité actuelle. Quant à l'augmentation du prix des matières premières et des hydrocarbures, elle n'est pas une spécificité française.

La France n'a jamais disposé d'autant de structures visant à encourager les exportations – un véritable mille-feuille – et, pourtant, les choses ne s'améliorent pas. Le problème est donc beaucoup plus profond.

En conséquence, nous nous abstiendrons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je le dis d'emblée, le groupe MODEM votera, quant à lui, les crédits de cette mission.

S'agissant des accords commerciaux internationaux, je me souviens que, lors de son audition sur l'accord économique et commercial global (CETA), Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes, avait montré l'impact positif de celui-ci sur le commerce extérieur, loin des crises et des drames annoncés. Mais l'essentiel réside dans le rôle que ce type d'accord peut jouer dans nos politiques climatiques. En l'absence de gouvernance internationale, le multilatéralisme peinant à imposer des solutions au problème mondial qu'est le changement climatique, les accords commerciaux internationaux peuvent constituer un véritable bras armé pour agir dans ce domaine. Ainsi l'accès au marché européen pourrait-il être conditionné au respect des accords de Paris. Cette conception des accords commerciaux internationaux en tant que levier d'action dans le domaine climatique doit être un axe de développement de notre diplomatie.

J'ajoute que, plus ces accords concernent des pays développés, plus il faut insister sur la notion de coût environnemental marginal. Dans le cadre du développement de notre commerce avec le Canada, lors des négociations du CETA, nous avons renforcé l'exigence climatique. Mais nous pourrions aller plus loin et conditionner les accords commerciaux entre pays développés à l'utilisation de transports propres, par exemple. Nous pouvons et nous devons encore progresser.

Il nous faut agir, notamment à travers ce budget, pour faire du commerce extérieur et de ces accords un véritable outil qui permette d'atteindre les objectifs mondiaux en matière climatique, pour lesquels la France milite particulièrement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pendant la période de confinement, notre commission a adapté son programme de travail et multiplié les auditions à distance avec nos ambassadeurs sur la situation sanitaire et les réponses qui étaient apportées à la crise dans de nombreux pays. Nous avions également conduit une réflexion transversale sur les nécessaires relocalisations industrielles ainsi que sur une nouvelle approche des accords commerciaux. J'ai relevé, à cet égard, votre proposition n° 19 visant à assortir les accords commerciaux en Europe de clauses miroirs afin d'éviter des distorsions de concurrence.

Si je souhaite également que la présidence française de l'Union européenne soit l'occasion d'avancer sur ce sujet, je déplore une fois de plus que notre semestre soit percuté par les échéances présidentielle et législatives, alors qu'il aurait été possible de procéder à un échange avec un autre État membre, comme l'Allemagne ou la Finlande l'avaient fait.

En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés déposera des amendements sur cette mission pour la séance publique. Nous serons très exigeants : les ambitions en matière de commerce extérieur régulièrement affirmées au sein de notre commission doivent s'accompagner effectivement de réels moyens budgétaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'année 2020 a été marquée par un effondrement inédit des échanges mondiaux de biens et de services, qui, selon le FMI, ont diminué de 8,3 %. Reflétant la progression de la pandémie et les mesures de restriction décidées par les gouvernements, le repli a touché toutes les régions du monde.

Il a cependant été suivi d'un rebond très rapide, les échanges mondiaux évoluant, dès la fin de 2020, à un niveau supérieur d'avant la crise. Les échanges commerciaux bénéficient en effet d'un environnement international favorable, grâce à la levée progressive des mesures restrictives dans de nombreux pays. Nos échanges ont connu, après le repli brutal du printemps 2020, une évolution comparable à celle des autres grands pays de l'Union, avec un rebond progressif qui s'est poursuivi au premier semestre 2021, sous l'effet de la reprise économique mondiale.

En juin 2021, nos exportations de biens s'établissaient à 98 % de leur montant moyen de 2019. De nombreux secteurs ont désormais dépassé le niveau d'avant-crise, notamment la chimie, la pharmacie et l'agroalimentaire. Par ailleurs, nous encourageons le renforcement de nos partenariats avec nos voisins du sud de la Méditerranée. De fait, le Maroc et la Tunisie en particulier disposent d'avantages comparatifs pour la relocalisation d'activités : faible coût de la main-d'œuvre, proximité géographique et linguistique et niveau de formation élevé. À titre d'exemple, en Tunisie, le coût du travail est très compétitif et le niveau de compétence est équivalent à celui de la Hongrie ou de la Slovaquie et supérieur à celui de la Roumanie. En outre, ces pays ont démontré, à la faveur de la crise sanitaire, leur forte réactivité en matière industrielle lorsqu'il s'est agi d'approvisionner leur marché intérieur et d'exporter des produits visant à lutter contre la pandémie, notamment des masques.

L'initiative Choose Africa vise à consacrer 2,5 milliards d'euros au financement et à l'accompagnement de 10 000 start-up, TPE et PME africaines d'ici à 2022 : a-t-on une idée précise du taux de réalisation de ce programme et de son appropriation par les entrepreneurs français de l'étranger ?

Le groupe Agir ensemble votera bien évidemment les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette année est marquée par une hausse du commerce extérieur en trompe-l'œil : l'augmentation est logique après la chute drastique observée l'année précédente, conséquence de la crise sanitaire.

Mme la rapporteure pour avis a produit un travail précieux ; je reprendrai donc ses mots. À la page 31 du projet de rapport, on lit un titre évocateur de la situation : « L'érosion continue des parts de marché de la France en Afrique ». Elle écrit ensuite : « L'année dernière, votre rapporteure s'était déjà inquiétée de la perte de marchés français en Afrique : les parts de marché à l'exportation de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2000, alors que la Chine affiche une progression fulgurante de ses parts de marché à l'export en Afrique, suivie par l'Inde, la Turquie et l'Espagne. En 2017, la France a perdu son statut de premier fournisseur européen du continent africain au profit de l'Allemagne, alors même qu'elle peut s'appuyer sur des avantages indéniables, comme la proximité géographique et culturelle, la francophonie, ou la présence de diasporas dynamiques. […] Votre rapporteure insiste donc sur la nécessité d'une relance de la réflexion stratégique sur les géographies ». C'est un euphémisme ! Quand j'expliquais la même chose la semaine dernière, chers collègues, vous paraissiez très offensés…

Un autre chapitre est intitulé : « Des interrogations sur le modèle économique de Business France » – soit dit en passant, tant pis pour la francophonie… Mme la rapporteure pour avis conclut de la façon suivante : « Il serait opportun de revoir les objectifs du contrat d'objectifs et de moyens de Business France pour 2022 ». Autrement dit, nous allons donner de l'argent à l'organisme alors que le contrat d'objectifs et de moyens devrait être revu.

Bref, cet avis sur le commerce extérieur et la diplomatie économique devrait être perçu comme une sonnette d'alarme concernant la relation entre la France et les pays d'Afrique.

Par ailleurs, l'industrie française, qui fait face à des difficultés structurelles, dues notamment au sous-investissement et aux délocalisations massives depuis des décennies, semble voir son horizon se préciser légèrement avec les annonces concernant le plan France Relance pour 2030. Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté d'encourager enfin la recherche et l'innovation dans l'hydrogène vert ou encore dans les « technologies de rupture » – encore faudrait-il expliquer, s'agissant de ce dernier domaine, de quoi il s'agit et quelles sont les orientations choisies…

Depuis le début de la crise, nous avons davantage pris conscience de la vulnérabilité chronique de notre approvisionnement pour ce qui est de certains produits étrangers. Or 75 % des produits en question sont concentrés dans les secteurs de la chimie et de l'agroalimentaire. Il est donc essentiel d'engager une réflexion sur les biotechnologies et de prévoir les financements afférents. Les biotechnologies devraient en effet se substituer à la chimie lourde et leur production pourrait être localisée en France.

Enfin, nous partageons l'objectif consistant à soutenir la transition écologique dans les domaines de l'aéronautique et de l'automobile. Il nous paraît judicieux de saisir l'occasion que constituera la présidence française du Conseil de l'Union européenne pour encourager les États à promouvoir des clauses miroirs dans leur politique commerciale, afin de ne pas créer des dépendances à l'égard de pays produisant selon des standards moins élevés. Il convient également de faire de l'adoption du règlement visant à lutter contre les subventions étrangères déloyales une priorité de l'agenda politique européen. Mme la rapporteure pour avis a fait sur ces enjeux des propositions très intéressantes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans votre rapport, vous nous faites part de mesures inédites pour relancer l'export. Nous en avons bien besoin ! Permettez-moi donc de revenir sur la journée Back to Export, qui s'est tenue le 29 juin et était consacrée aux défis et aux chances pour l'export dans la période singulière que constitue la sortie de la crise sanitaire. Cette journée a été l'occasion pour les trois organisateurs – Stratexio, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) International et les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), à savoir la fédération des entrepreneurs du commerce international – de lancer leur première plateforme commune d'offre de services aux entreprises, leaguexport.com. Ce portail propose une offre structurée autour des positionnements complémentaires de ces organismes : Stratexio pour la formation et le coaching stratégique, MEDEF International pour les opérations collectives et OSCI pour l'accompagnement individuel. Ce portail commun vient s'ajouter aux efforts de maillage du territoire et de coopération entre ces organismes. En matière d'accompagnement à l'export, le secteur privé est donc en ordre de marche, dans un contexte marqué, d'un côté, par une relance économique tirée par les pays développés et l'Asie et, de l'autre, par de nombreuses incertitudes, compte tenu notamment du regain de la pandémie dans certains pays, y compris la France, lié au variant delta et aux écarts de taux de vaccination entre les pays.

Madame la rapporteure pour avis, vous êtes très engagée sur la question et vous savez que le secteur privé est toujours plus proactif, résilient et innovant dans le domaine de l'export. Aussi, l'État ne devrait-il pas se rapprocher de Leaguexport ? Cela permettrait de mutualiser les moyens pour aller encore plus loin.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me retrouve complètement dans votre rapport.

Premièrement, il faut articuler davantage la question du commerce extérieur et celle de la politique de développement. Notre commission suit l'une et l'autre. Il faut donc faire preuve de cohérence. Nous devons émettre le vœu qu'un lien soit établi entre l'aide au développement et le soutien aux entreprises françaises, notamment dans les pays où nous intervenons. Il ne s'agit pas d'imposer des aides liées, qui sont toujours de mauvaises affaires. En revanche, nous pourrions mettre en avant la responsabilité sociale des entreprises (RSE), enjeu sur lequel nous avons insisté régulièrement, notamment dans le cadre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. C'est un facteur différenciant qui jouerait en la faveur des entreprises françaises : celles-ci offrent davantage, de ce point de vue, que les entreprises chinoises ou turques, notamment, qui ne sont pas performantes sur le long terme lorsque l'on considère l'ensemble des coûts. Or les critères RSE ne sont pas obligatoires dans les projets de l'Agence française de développement (AFD). À cet égard, l'agence est partagée entre sa volonté de promouvoir les entreprises françaises – ce qu'elle fait régulièrement – et son ambition d'augmenter les cofinancements, ce qui la pousse à refuser que les critères RSE soient opposables dans chacun de ses appels d'offres.

Notre commission doit donc adresser un message fort au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et à Bercy : il faut que l'AFD inclue systématiquement des clauses concernant la RSE dans les projets qu'elle finance. L'AFD nous le dit elle-même : c'est au pouvoir politique qu'il revient d'imposer cette exigence, faute de quoi la RSE ne sera pas prise en compte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette observation est au cœur des préoccupations de notre commission, notamment de ceux d'entre nous qui participent au contrôle de l'AFD.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Deuxièmement, je soutiens ce qu'écrit Amélia Lakrafi concernant la direction de la diplomatie économique – j'ai été à l'initiative de sa création, sous le nom de direction des entreprises et de l'économie internationale – et le Trésor. Le système n'est pas stabilisé : il y a des doublons et le dispositif est parfois inefficace. Il convient de mener cette réforme à son terme. Notre commission doit pousser pour faire en sorte l'on aille au bout de cette logique de complémentarité et de rapprochement.

Troisièmement, s'agissant du plan de relance, certaines filières d'avenir sont entièrement financées sur le long terme à travers la recherche et développement (R&D). Dès lors que nous faisons de nouveau de la planification et que nous investissons, il faut exiger que le commerce extérieur soit pris en compte : les grands groupes, les sous-traitants ainsi que les fournisseurs de deuxième et de troisième rangs devraient être intégrés, même si c'est très difficile. Nous n'avions plus les outils pour le faire, mais nous en récréons un ; il faut donc s'attaquer au problème à la racine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il serait bien que la francophonie devienne une réalité. Pour cela, il faut arrêter d'utiliser des mots anglais pour dénommer des organismes, surtout quand il s'agit de s'adresser aux chefs d'entreprise français. Quand un pays ne sait pas défendre sa langue, il lui est difficile de rayonner.

Je suis un peu surpris de la teneur du rapport, même s'il est très fouillé, complet et intéressant. Je comprends que l'on cherche à dissimuler la faillite complète de notre commerce extérieur ; il n'en demeure pas moins que les chiffres de cette année sont accablants. Ceux de la balance des paiements sont eux aussi très inquiétants : nous accusons plusieurs dizaines de milliards de déficit. Pour la première fois, les services ne compensent pas le déficit du commerce extérieur. C'est un vrai problème pour l'avenir.

Selon certains collègues, les accords de commerce extérieur devraient servir de leviers pour faire respecter les accords de Paris ; cette idée figure également dans le rapport. Je me réjouis de tels propos, mais c'est bien à cause des accords de libre-échange déloyaux signés par l'Union européenne depuis vingt ans, et auxquels la France se soumet, qu'on en est arrivé à la fois au transfert de notre pollution vers les pays d'Asie, à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la faillite de notre commerce extérieur. Autrement dit, plus on en parle, moins on le fait : ce ne sont que des vœux pieux, et chaque fois, lors des négociations, la France s'écrase face à l'Allemagne.

Je me réjouirais donc que l'on s'engage dans la voie que vous indiquez, mais il faut le faire vraiment. Or il y a eu l'affaire du CETA et celle de l'accord avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR). Certes, à l'approche de la présidentielle, les autorités françaises ont déclaré brusquement qu'elles n'étaient pas du tout d'accord, mais la Commission européenne n'aurait pas décidé seule de signer un préaccord avec le MERCOSUR. On sait très bien comment tout cela risque de finir.

On nous dit que tout va bien, mais la situation est dramatique, pour des causes tant extérieures qu'intérieures. En ce qui concerne l'intérieur, justement, j'aimerais qu'il y ait de la cohérence dans la politique de commandes publiques. La plupart des grandes nations, que ce soient les États-Unis ou le Japon – je ne parle même pas de la Chine –, lorsqu'elles achètent des produits à l'étranger, exigent l'implantation d'usines de production locales. Nous en sommes très loin. Cela montre la faillite de l'Union européenne, qui est d'une naïveté incroyable. Il est vrai que l'Allemagne en profite, tandis que la France paie les dégâts.

Enfin, je suis inquiet en ce qui concerne les négociations de Glasgow : l'Europe va de nouveau s'imposer des contraintes supplémentaires. Celles-ci peuvent être justifiées sur le plan environnemental, mais si la Chine et les autres pays d'Asie n'appliquent pas les mêmes, nous aggraverons encore le déficit de compétitivité entre notre continent et les pays émergents.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la rapporteure pour avis, de la qualité de ce rapport et de son honnêteté – car, même s'il est plutôt valorisant, nous sommes capables de lire entre les lignes. Or le constat est clair : jamais nous n'étions arrivés à un tel niveau. Nous sommes sur une pente descendante. La situation est absolument terrible. Il ne s'agit plus seulement d'une compétition avec des pays puissants qui ne sont pas nos amis : nous en sommes à nous faire manger par l'Allemagne. Chacun ici s'est déjà rendu en mission à l'étranger : nous avons tous constaté que les conseillers du commerce extérieur, dans les postes, font tout ce qu'ils peuvent, mais ce sont généralement des gamins.

Or une occasion extraordinaire s'offre à nous dans l'année ou les deux années qui viennent : tous les ports mondiaux, sauf les nôtres pour l'instant, sont confrontés à des difficultés considérables. Le prix des containers est passé de 2 000 à 15 000 euros, ce qui a pour conséquence que les autres ports sont soit bloqués soit trop chers. Les ports du Havre, de Marseille et de Dunkerque pourraient en tirer parti. Si un ministre était en mesure de mettre à profit cette situation, cela pourrait représenter une chance exceptionnelle pour la France.

Pour finir, je vous raconterai une anecdote. Hier, j'ai mangé dans un petit restaurant, très simple, où travaille un gamin, ancien clandestin, qui s'appelle Bob. C'est un type formidable. Il a fait des milliers de kilomètres pour venir en France. Il apprend le français et notre cuisine. Or, s'il a choisi de venir à Paris, c'est parce qu'il avait lu Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. La culture fait aussi partie de ce que nous pouvons donner au monde, et même lui vendre, dans le cadre d'accords financiers. Parlons donc français, plutôt que d'employer des termes comme « C News », « Business France », « happy birthday » et que sais-je encore.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout en remerciant Mme la rapporteure pour avis de son travail et de sa présentation, je dois avouer que je suis étonné, pour ne pas dire plus, de la tonalité des propos des orateurs de la majorité : nous avons entendu des satisfecit alors que le déficit commercial de la France est abyssal, tandis que l'Allemagne affiche un excédent insolent. Le précédent Premier ministre appelait récemment à « remettre de l'ordre dans nos comptes » : s'attaquer à la balance commerciale et à celle des paiements serait une bonne manière de répondre à cette injonction. Il devrait même s'agir d'une priorité, car la situation est dramatique. Au lieu de cela, on se contente de belles paroles, d'incantations, de vœux pieux. Ce devrait être la responsabilité et l'honneur de notre commission de proposer quelques mesures absolument essentielles pour sortir de cette situation. Je ne suis pas en train de dire que celle-ci a commencé avec ce quinquennat, mais on nous promettait tant avec le nouveau monde ! Force est de constater que la situation ne s'est pas améliorée. En 2020, du fait du covid-19, l'Allemagne a subi elle aussi une dégradation de ses comptes, mais celle-ci est deux fois inférieure à celle que nous avons connue. Il convient de s'interroger sur ce point.

Enfin, au début du quinquennat, un plan très ambitieux a été annoncé en faveur de la francophonie. Or on entend parler de « Business France », le programme incitant les investisseurs étrangers à venir en France s'appelle Choose France – et l'on pourrait multiplier les exemples d'anglicismes dans ce genre. L'Allemagne, pour vanter ses produits, met en avant la deutsche Qualität : c'est en allemand, pas en anglais.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand M. Riester était venu devant notre commission, j'avais déjà dénoncé la tendance, que l'on observe depuis trop longtemps dans nos politiques publiques, qui consiste, dans les mesures de soutien, à privilégier le pouvoir d'achat, ce qui a souvent pour conséquence de favoriser les importations : on incite les Français à acheter des produits importés au lieu de soutenir les compétences industrielles existant dans notre pays. C'est ce qui s'est passé avec les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, et ce qui arrive désormais avec les moteurs de véhicules électriques. Ce faisant, non seulement on détruit de l'emploi chez nous, mais en plus on déséquilibre la balance commerciale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le déficit observé cette année doit être remis dans son contexte : les principaux secteurs dans lesquels nous exportons ont été affectés par la crise du covid-19. Il est évident pour tout le monde, par exemple, que l'aéronautique a été particulièrement touchée par la réduction du marché de l'aviation. Le secteur agroalimentaire a lui aussi été affecté par la crise.

Peut-être faut-il effectivement regretter que nous n'ayons pas un portefeuille d'activités aussi large que l'Allemagne, mais cela est dû à des politiques anciennes : nous n'avons plus de machines-outils et nous n'avons pas développé de véritable stratégie industrielle, contrairement à ce qui a été fait au cours du quinquennat. C'est grâce à la réindustrialisation et au renforcement de la compétitivité des entreprises par l'automatisation que nous arriverons à produire plus en France et donc à relancer notre commerce extérieur. Tel est l'objet du plan de relance et d'investissement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour avis de ce rapport qui nous pousse à voir le verre à moitié plein – c'est toujours mieux que de le voir à moitié vide. Oui, le soutien du Gouvernement durant la crise et le volet export du plan de relance ont contribué à la résilience du tissu d'entreprises exportatrices, de même que la réorganisation des dispositifs d'aide à l'export et une action publique volontariste.

Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la transformation numérique « a permis de réduire les coûts de participation aux échanges internationaux, a facilité la coordination des chaînes de valeur mondiales (CVM) et a contribué à la diffusion d'idées et de technologies et à la mise en relation d'un plus grand nombre d'entreprises et de consommateurs ». La crise, si elle était intervenue en l'an 2000, n'aurait pas du tout eu le même impact : tout le monde a utilisé Zoom, y compris les entreprises. Celles-ci ont également eu recours au click and collect à l'échelle planétaire et procédé à des échanges de données massifs. Ces outils ont permis de maintenir l'activité commerciale.

S'agissant du commerce extérieur également, le numérique a fourni des outils performants – vous évoquez par exemple, page 19, le customer relation manager (CRM) baptisé OneTeam. Mais il suscite aussi de nouveaux risques, parmi lesquels la vulnérabilité face aux cyberattaques. Les entreprises sont-elles vraiment protégées contre ces risques ?

Comme le souligne l'excellent rapport d'information de Marion Lenne et Alain David, les plateformes sont de plus en plus importantes ; ce sont elles qui orientent les échanges mondiaux. Considérez-vous, comme la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), que cette situation, à laquelle s'ajoute un usage massif des outils numériques, amplifie les « déséquilibres de pouvoir » ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le déficit de la balance commerciale est effectivement un enjeu d'une extrême gravité. M. Cordier a suggéré que c'était par habileté tactique que Mme la rapporteure pour avis avait tenu à souligner que le problème ne datait pas d'aujourd'hui. Certes, la tactique n'est jamais absente des comportements des parlementaires, mais l'observation de Mme Lakrafi n'en est pas moins juste : le problème est d'ordre structurel, même s'il tend à s'aggraver, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous.

En réalité, le constat est simple : quand un pays présente un déficit extérieur, cela veut dire qu'il produit moins qu'il ne consomme. Pour remédier au problème, plusieurs stratégies peuvent être envisagées – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il y a plusieurs partis et plusieurs candidats aux élections… Certains libéraux, par exemple Jean-Marc Daniel, considèrent qu'il faut réduire le pouvoir d'achat, ce qui va à rebours de ce que beaucoup de gens souhaitent. D'autres estiment qu'il faut travailler plus, soit hebdomadairement soit en reculant l'âge de départ à la retraite. D'autres encore disent qu'il faut adapter notre appareil de production et travailler mieux, de manière à augmenter la productivité. Quoi qu'il en soit, le constat de départ est le même : la maison France consomme plus qu'elle ne produit. Notre rapporteure ne l'a pas caché, et chacun ici a souligné la gravité de la situation. C'est un problème qui touche à ce que nous sommes, à la façon dont nous vivons, et pas seulement à ce que nous vendons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre commission s'honore en ayant un débat construit autour de la question du commerce extérieur.

Madame Genetet, 50 % de l'enveloppe octroyée à Choose Africa Resilience a été consommée ; ce taux devrait atteindre 80 % dans les prochaines semaines. Je suis désolée pour l'anglicisme, mais il faut bien s'adapter : nous nous adressons à des pays qui ne sont pas tous francophones. D'ailleurs, contrairement à ce qu'a dit M. Herbillon, l'Allemagne communique elle aussi en anglais. Je le constate dans les quarante-neuf pays de ma circonscription : tous les panneaux vantant les investissements allemands sont rédigés dans cette langue, et non en allemand ou même en swahili. Il ne faut pas opposer francophonie et plurilinguisme.

Pourquoi l'Afrique a-t-elle été spécifiquement ciblée ? Nous avons été soixante et onze parlementaires à en faire la demande au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Par ailleurs, le groupe AFD et Proparco se sont concentrés sur les pays avec lesquels il existait des relations étroites et de longue date. J'ai demandé plusieurs fois que le dispositif soit étendu, notamment à l'Asie. Il y aurait des possibilités dans certains pays, comme le Laos et le Cambodge, où la garantie EURIZ a été mise en place. Au Vietnam et en Indonésie, des mécanismes de microfinance pourraient être développés. Toutefois, cette aide s'arrête au 31 décembre 2021. Or il a fallu du temps pour qu'elle trouve son public – et peut-être ne l'a-t-elle d'ailleurs pas totalement trouvé. Il serait donc difficile de la déployer dans ces pays d'ici à la fin de l'année, ce que je regrette.

Plusieurs d'entre vous ont reproché aux orateurs de la majorité de s'autocongratuler. Il ne s'agit pas de cela, mais plutôt de voir le verre à moitié plein. Certains chiffres sont mauvais, c'est vrai, mais d'autres sont bons : 132 000 entreprises françaises exportent, c'est un record depuis quinze ans. Il est donc normal de s'en féliciter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, je le répète : depuis quinze ans, les entreprises qui exportent n'ont jamais été aussi nombreuses. C'est un élément plutôt positif pour notre commerce extérieur – la Team France Export, créée en 2018, a rempli le mandat qu'on lui a confié. J'ai cependant nuancé mon propos, en parlant de la fragilité structurelle de notre économie, liée à la place très importante que l'aéronautique et le tourisme, qui ont été particulièrement affectés par la pandémie, occupent dans notre balance commerciale. Nous nous comparons souvent à l'Allemagne mais, structurellement, l'économie allemande est bien plus diversifiée que la nôtre à l'international.

Par ailleurs, je félicite Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher car, depuis 2020, grâce à France relance, 624 relocalisations sont intervenues dans les secteurs critiques de la santé, de l'agroalimentaire, des intrants industriels, de l'électronique et de la 5G. Nous avons ainsi créé ou conforté plus de 77 000 emplois. Ce n'était pas arrivé depuis vingt ans. Nous sommes donc sur la bonne voie, même si tout n'est pas rose et qu'il y a encore du travail – le Gouvernement en est parfaitement conscient.

Monsieur Maire, les indicateurs de la responsabilité sociale des entreprises sont primordiaux. Quant au verdissement des accords commerciaux internationaux, monsieur Waserman, je ne doute pas que la France saura le défendre lorsqu'elle assurera la présidence de l'Union européenne.

Monsieur El Guerrab, l'objectif de Choose Africa était bien de consacrer 2,5 milliards aux entreprises d'ici à 2022. Au 1er juin 2021, plus de 2 milliards avaient été engagés en faveur de 16 000 entreprises et de dizaines de milliers d'entrepreneurs en Afrique. On peut regretter le manque de communication dont il a fait l'objet, mais le dispositif a trouvé son public et on ne peut qu'en féliciter le groupe AFD.

Monsieur Nadot, lorsque le contrat d'objectifs et de moyens de Business France a été signé, en 2018, personne n'avait prévu la pandémie, certes, mais le fait qu'elle ait affecté le budget de cet organisme justifie, à mon sens, que l'on revoie son modèle économique, donc le COM, à la lumière de cette crise.

Madame Lenne, comme vous, je suis évidemment favorable à une mutualisation des moyens.

Monsieur Dupont-Aignan, je n'ai jamais dit que tout allait bien, mais nous avons sauvé les meubles, si je puis dire, et je remercie les équipes de Business France ainsi que les CCI pour leur mobilisation. Les jeunes qui sont chargés dans les différents pays de promouvoir nos entreprises sont extrêmement dynamiques et sérieux. C'est, pour eux, une expérience formidable, et le taux de satisfaction de nos entreprises est très bon – les questionnaires que Business France leur envoie en témoignent. La jeunesse des volontaires n'est donc pas un handicap. Il n'en demeure pas moins que nous devons soutenir et solliciter davantage les entrepreneurs français et nos chambres de commerce à l'étranger ainsi que les territoires d'outre-mer, à proximité immédiate desquels se trouvent certains pays intéressants qui ne sont peut-être pas suffisamment démarchés.

Article 20 et état B

Suivant la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Économie – commerce extérieur et diplomatie économique non modifiés.

Examen pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure (M. Alain David, rapporteur pour avis)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'examen des crédits alloués à l'action audiovisuelle extérieure est l'occasion de vérifier que les trajectoires définies dans les COM et les plans stratégiques respectifs de France Médias Monde et TV5 Monde sont respectées. Il me semble qu'elles le sont ; j'espère que le rapporteur pour avis nous le confirmera.

Il faut se réjouir des succès d'audience et du dynamisme des offres numériques. La crise sanitaire a sans doute contribué à ces réussites. Le rapporteur nous fera néanmoins part de ses inquiétudes quant à l'avenir proche de l'audiovisuel extérieur français. Ses observations sur l'Amérique latine sont emblématiques des vœux que nous pouvons former pour construire une diplomatie d'influence dynamique et efficace – même si je sais que l'expression ne plaît pas à M. Lecoq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant vous il y a un an, 2020 a été une année singulière pour l'audiovisuel extérieur français. Face à la crise provoquée par la pandémie de covid-19, France Médias Monde et TV5 Monde ont dû réorganiser leurs modes de travail et assurer la protection de leurs collaborateurs tout en continuant à remplir leur mission d'information, y compris en diffusant des émissions spécialisées consacrées au suivi de la pandémie et à la lutte contre la désinformation, que cette crise a pu favoriser.

Les sociétés de l'audiovisuel extérieur ont géré la crise en maintenant les rémunérations des collaborateurs, sans bénéficier d'aides supplémentaires des tutelles, à l'exception des 500 000 euros attribués à chacune d'elles dans le cadre du plan de relance, dans un second temps.

En outre, pour France Médias Monde et TV5 Monde, la crise sanitaire, qui a fragilisé les ressources propres, est survenue dans un contexte budgétaire déjà très contraint. En effet, la trajectoire financière de l'audiovisuel public a été sensiblement revue à l'été 2018, et l'audiovisuel extérieur n'a pas échappé aux exigences d'économies. Conformément à la trajectoire fixée, la dotation de France Médias Monde dans le PLF pour 2022 s'élève à 254,2 millions d'euros, en recul de près de 500 000 euros par rapport à l'année dernière, et celle de TV5 Monde à 76,17 millions d'euros, montant stabilisé après le recul de plus de 1 million d'euros intervenu en 2019.

J'ai pris l'habitude de mentionner devant vous les sommes allouées à nos principaux concurrents, et je ne peux m'empêcher de les rappeler à nouveau cette année, tant l'écart continue de se creuser. En 2021, la Deutsche Welle a bénéficié d'une subvention de 391 millions d'euros, tandis que le BBC World Service pouvait s'appuyer sur 398 millions d'euros de ressources publiques. Les budgets des concurrents chinois et russes, CGTN et Russia Today (RT), restent opaques, mais la portée offensive des stratégies de ces médias et de ces États en matière d'audiovisuel extérieur est continue.

Malgré ces contraintes budgétaires, France Médias Monde continue à se distinguer par de très bons résultats d'audience, en progression. Si la crise sanitaire a provoqué une sorte d'aubaine pour les audiences – les audiences numériques ont triplé au plus fort de la crise –, la tendance à la progression se confirme au-delà de ces effets conjoncturels. Le groupe a enregistré plus de 251 millions de contacts hebdomadaires en 2020, en hausse de 21 % par rapport à 2019. Même constat pour TV5 Monde, qui connaît une progression globale de ses audiences en linéaire, et plus encore sur le numérique.

Au-delà de ces succès d'audience, les chaînes de l'audiovisuel extérieur ont progressé dans la mise en œuvre de leurs priorités respectives. Pour TV5 Monde, l'année écoulée a été marquée par la présidence française, laquelle a notamment permis d'avancer sur l'adhésion de Monaco à la charte de la chaîne – qui devrait être officialisée d'ici à la fin de l'année – et par la montée en puissance de la plateforme francophone TV5MONDEplus, qui est le vecteur de l'un des deux axes prioritaires du nouveau plan stratégique de la chaîne, à savoir l'accroissement de la « découvrabilité » audiovisuelle francophone, le second axe consistant à faire de TV5 Monde la chaîne de la planète, en sensibilisant davantage les publics aux enjeux environnementaux.

Pour France Médias Monde, l'année écoulée a permis d'avancer dans la mise en œuvre du contrat d'objectifs et de moyens pour 2020-2022, dont nous avons débattu en janvier dernier. Le groupe a développé son offre multilingue, en se fondant notamment sur le projet Afri'Kibaaru, qui a permis de créer des rédactions en langues africaines – fulfulde, mandekan et peul –, et en étendant à vingt-quatre heures quotidiennes la diffusion de France 24 en espagnol ; je vais y revenir. La transformation numérique se poursuit, en s'appuyant notamment sur l'expérimentation de l'intelligence artificielle pour développer le sous-titrage, sous le contrôle étroit des journalistes. Le numérique est aussi le support de certains des projets phares de France Médias Monde, tels que l'offre numérique ENTR, développée à l'attention des jeunes européens avec la Deutsche Welle, ou l'offre InfoMigrants, toutes deux bénéficiant de fonds européens. S'agissant de la dimension européenne, je tiens à préciser que l'Union européenne, qui figure déjà parmi les points d'attention de France Médias Monde, fera l'objet d'une mobilisation particulière des différentes rédactions du groupe dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, afin de renforcer la dimension européenne des programmes.

France Médias Monde a par ailleurs fait évoluer sa gestion, à la suite notamment du rapport remis par la Cour des comptes. Je souhaiterais dire quelques mots sur les mesures d'économie que les différents médias ont dû mettre en œuvre ces dernières années face aux coups de rabots successifs. Pour France Médias Monde, cela se traduit encore aujourd'hui par le plan de départs volontaires mis en place au sein des rédactions de Monte Carlo Doualiya (MCD) et de Radio France internationale (RFI), à la suite du retrait des chaînes de certaines zones et de l'abandon de certains contrats. C'est chaque année plus las que les représentants du personnel me font part d'un sentiment de perte de sens face à ces restrictions, qui s'accompagnent pourtant d'un discours très ambitieux pour notre audiovisuel extérieur de la part du Gouvernement.

Pour TV5 Monde, l'application du plan d'économies s'est traduite, entre autres, par un important repli en Europe, représentant plusieurs millions de foyers. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous, il ne s'agit pas de contester la participation de l'audiovisuel extérieur aux mesures d'économie imposées à l'ensemble de l'audiovisuel public, mais d'alerter sur une forme d'obsession budgétaire qui risque de contribuer au déclin médiatique de la France, pour reprendre une expression très juste entendue lors d'une audition. Nous rencontrons encore de beaux succès, la confiance suscitée par nos médias est forte et la demande est réelle, mais il ne faut pas exiger l'impossible des chaînes et de leurs collaborateurs, à l'heure où la diplomatie d'influence est utilisée de plus en plus férocement par certains acteurs présents sur la scène internationale.

Sur le plan budgétaire, je tenais à évoquer également un point qui concerne l'ensemble de l'audiovisuel public : l'avenir de son financement. La contribution à l'audiovisuel public (CAP) est en effet remise en cause tant par la suppression progressive de son support – la taxe d'habitation – que par l'évolution des usages, qui se détournent tendanciellement de la télévision. Alors que la période électorale approche à grand pas, nous sommes toujours dans l'incertitude ; il est urgent d'y mettre fin en écartant impérativement la piste dangereuse d'une budgétisation qui ne permettrait pas à l'audiovisuel public de disposer d'un financement pérenne et affecté, élément fondateur de l'indépendance des sociétés. Pour l'audiovisuel extérieur français, il s'agit d'une question vitale, qui met en jeu sa crédibilité à l'étranger.

J'aimerais pour finir dire quelques mots du développement de notre audiovisuel extérieur en Amérique latine, auquel j'ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport. En effet, le développement de France 24 en espagnol, lancée en 2017 avec six heures de diffusion quotidienne, avant un passage progressif à vingt-quatre heures achevé cette année, est venu consolider notre présence médiatique dans la région, qui pouvait déjà s'appuyer sur l'implantation de RFI, qui compte plusieurs centaines de radios partenaires, et sur la diffusion sous-titrée en espagnol de TV5 Monde sur des bouquets payants. Ce développement, qui s'est fait pour France 24 à budget constant – je tiens à le souligner, car l'argument budgétaire a été avancé pour s'opposer à ce projet – a rencontré de beaux succès d'audience, signe de l'intérêt du public local pour la chaîne.

Si de nombreux concurrents sont présents en Amérique latine, tels que CNN, Deutsche Welle ou RT, nous sommes les seuls à disposer d'une rédaction locale, qui propose de ce fait des programmes réalisés au plus près du terrain et non des traductions de programmes produits à Paris. Pendant la crise sanitaire, qui a été particulièrement dure en Amérique latine, France 24 en espagnol est apparue comme un média de référence, plébiscité pour ses reportages sur le sujet.

Par ailleurs, l'audiovisuel extérieur s'inscrit pleinement dans notre diplomatie d'influence sur place. Si le français connaît un recul en Amérique latine, la région reste dans l'ensemble très francophile et les chaînes de l'audiovisuel extérieur travaillent en lien étroit avec les ambassades, instituts et Alliances françaises – près du quart d'entre elles se situe en Amérique latine – pour faire vivre notre diplomatie culturelle. Ces synergies sont particulièrement utiles en matière de francophonie, mais aussi pour soutenir des valeurs comme l'égalité entre les femmes et les hommes ou diffuser le débat d'idées.

Ainsi, comme les années précédentes, compte tenu du décalage entre les ambitions fixées à l'audiovisuel extérieur et les moyens décroissants qui y sont alloués, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'action audiovisuelle extérieure.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ce rapport rigoureux et exigeant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue votre constance, monsieur le rapporteur pour avis. Vos propos pertinents, réitérés année après année, nous appellent à exercer notre mission de contrôle du Gouvernement. Aussi souhaiterais-je, monsieur le président, que notre commission auditionne la ministre de la culture ainsi que les représentants de France Médias Monde. Le constat de M. David est en effet très alarmant.

Le groupe La République en marche soutiendra les efforts qu'il mentionne lui-même dans son rapport, tout en restant attentif aux problématiques sur lesquelles il appelle notre attention année après année.

La crise sanitaire s'est traduite par une hausse des audiences des chaînes de l'audiovisuel extérieur. Le groupe France Médias Monde a poursuivi sa stratégie de présence mondiale et de promotion de certaines valeurs – démocratie, francophonie, mais aussi plurilinguisme –, conformément à son contrat d'objectifs et de moyens pour 2020-2022. Le groupe a aussi poursuivi la transformation numérique de ses chaînes et de ses rédactions, à laquelle il prévoit de consacrer 6,9 % de budget en 2022.

La dotation de France Médias Monde pour 2022 est en recul et celle de TV5 Monde reste stable, dans un contexte marqué par une forte concurrence internationale et une tendance à la hausse des ressources allouées à nos principaux concurrents.

Pour TV5 Monde, l'année écoulée a été marquée par la mise en œuvre du nouveau plan stratégique 2021-2024 et par la présidence française de la chaîne. Ses nouveaux axes prioritaires sont la « découvrabilité » audiovisuelle francophone et la sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux. En ce qui concerne la trajectoire financière, les engagements du président ont permis d'assurer une visibilité, mais vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le caractère contraint du budget et déploré que la présidence française n'ait pas été mise à profit pour réajuster la contribution financière de la France à la chaîne, alors que les charges d'exploitation sont en baisse.

La semaine dernière, à l'occasion de la présentation de son avis budgétaire, j'avais interrogé Frédéric Petit sur l'influence chinoise en Afrique. Je vous pose la même question : quel est le rapport de force entre l'action audiovisuelle extérieure française et celle de la Chine dans cette zone ? Comment nos concurrents parviennent-ils à toucher les publics éloignés des grands centres urbains ? Est-il pertinent de suivre une logique du tout numérique dans des zones non couvertes par le réseau ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je félicite notre rapporteur pour avis pour son exposé très complet et objectif. Nous retenons qu'il est défavorable à l'adoption de ces crédits, et nous sommes tentés de le suivre.

Quelles sont les ambitions du groupe France Médias Monde, qui regroupe RFI, France 24 et la radio Monte Carlo Doualiya – j'ignore, du reste, ce que signifie ce terme – concernant la visibilité de l'audiovisuel français en Europe, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne ? Quel est l'état des coopérations de France Médias Monde avec des médias internationaux de même format ? Enfin, comment l'audiovisuel extérieur français s'adapte-t-il aux nouveaux publics qui consomment l'information en instantané, en particulier la jeunesse de l'espace francophone ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'associe aux remerciements et aux félicitations adressés à notre rapporteur pour la qualité et la pertinence de son avis ; je souscris à une grande partie de ses propos et de ses conclusions.

En préambule, je tiens à féliciter les opérateurs de notre audiovisuel extérieur, qui portent les valeurs de la France au-delà de nos frontières, pour la qualité de leur travail d'information, laquelle est unanimement reconnue.

Comme notre rapporteur pour avis, je regrette les trajectoires budgétaires qui nous sont proposées : la dotation de France Médias Monde est encore en baisse, de 0,4 million d'euros, tandis que celle de TV5 Monde stagne, après plusieurs années de recul. Quand la Deutsche Welle est dotée de 391 millions d'euros et la BBC de 398 millions, France Médias Monde doit se contenter de 254 millions. Comment peut-on prétendre rayonner dans le monde avec la même force que l'Allemagne et la Grande-Bretagne lorsqu'il existe un tel décalage entre les budgets ? Et je ne parle pas des moyens quasi illimités – et opaques – de Russia Today ou de la chaîne chinoise CGTN, qui illustrent parfaitement le phénomène de soft power offensif auquel, pour l'instant, nous n'avons pas souscrit. France Médias Monde et TV5 Monde sont ainsi confrontés à un défi immense : principaux relais des valeurs françaises, nos opérateurs doivent répliquer aux fausses informations dont l'image de la France, qui ne cesse de se dégrader dans le monde, particulièrement en Afrique, est la cible.

La trajectoire budgétaire est également en décalage avec les ambitions de la francophonie présentées par le chef de l'État dans les discours qu'il a prononcés à Ouagadougou en 2017 et devant l'Institut de France en 2018.

Néanmoins, cette situation ne doit pas éclipser les efforts réalisés par TV5 Monde et France Médias Monde en matière de transformation numérique et d'innovation. Notre rapporteur pour avis a expliqué comment ces médias ont su évoluer en 2020 et 2021.

Le Mouvement démocrate et Démocrates apparentés se bat en faveur d'une trajectoire budgétaire ascendante, conforme à nos ambitions et à la stratégie d'influence française. Nous voterons bien évidemment les crédits alloués à l'action audiovisuelle extérieure mais nous proposons que ce sujet soit au cœur de la prochaine législature et que notre commission s'en empare. Pendant cette législature, nous sommes parvenus à enrayer la chute des moyens du ministère des affaires étrangères : faisons en sorte qu'il en soit de même pour l'audiovisuel public extérieur, afin de pouvoir réaliser nos ambitions et de relever les défis auxquels nous sommes confrontés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vos propos, monsieur Fuchs, étaient remarquables, si j'en excepte toutefois la conclusion.

Nous sommes tous, ici, des universalistes républicains. Nous avons évoqué la diplomatie d'influence de la France, celle des Lumières. Or personne ne saurait voter un budget pareil ! Notre collègue qui doit partir en Afrique, si j'ai bien compris, aura du mal à y trouver une chaîne française. Alors que nous parlons d'égalité entre les femmes et les hommes, d'universalisme, de liberté, d'égalité et de fraternité, alors que nous essayons de restaurer l'image de la France, comment nous, députés français, pouvons-nous accepter que le financement de France Médias Monde soit amputé de 500 000 euros ? C'est de la folie, alors que RT et le média chinois sont omniprésents ! Nous sommes en train de capituler ! Hélas, la majorité ne se révoltera même pas.

Je ne suis pas le seul à considérer que la France a encore son mot à dire. Je vous ai parlé tout à l'heure de Bob, le lecteur de Victor Hugo. C'est loin d'être ridicule et cela ne relève ni de la diplomatie d'influence, ni du colonialisme : il s'agit de faire rayonner nos valeurs alors qu'elles sont en danger. Pourquoi la majorité ne met-elle donc pas le holà ? Après avoir tellement ramé, M. Mbaye sera champion en 2024 mais un député de la majorité ne peut accepter ce qui est en train de se passer – ou alors, je ne comprends plus rien à ce qu'est l'universalisme républicain !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Durant le quinquennat, plus de 200 millions d'économies budgétaires auront été réalisées dans le domaine de l'audiovisuel public. La stratégie suivie depuis 2018 repose donc sur des réductions budgétaires et d'effectifs constamment renouvelées année après année. Ces décisions, qui ne prévoient pas la moindre période de transition et d'accompagnement, sont prises en l'absence de toute stratégie permettant une transformation en profondeur des modèles.

L'audiovisuel extérieur public n'est pas épargné et, une nouvelle fois, ses crédits diminuent légèrement. La dotation de France Médias Monde, qui gère notamment France 24 et Radio France internationale (RFI) recule à nouveau, en l'occurrence de 500 000 euros – c'est peu, me direz-vous, à l'échelle d'un budget, mais tout de même, la tendance est bien là – pour s'établir à 254 millions seulement. Quels signaux envoyons-nous quand Bolloré ne cesse d'accroître son empire et son emprise sur les médias privés ?

Cette nouvelle baisse est dommageable alors que les audiences, elles, augmentent nettement : plus de 250 millions de personnes, en 2020, ont eu un contact hebdomadaire avec un contenu proposé par France Médias Monde, contre 135 millions en 2016.

L'audiovisuel extérieur contribue au rayonnement de notre langue, de notre culture, de notre influence et ne doit pas être la variable d'ajustement de l'audiovisuel public. À cela s'ajoute que ces baisses interviennent dans un contexte où la tendance mondiale est à l'augmentation des moyens : le budget de l'homologue allemand de France Médias Monde augmente, sans parler de celui de la BBC, d'Al Jazeera, de RT ou de la chaîne chinoise, laquelle s'attaque à la prédominance de RFI et de France 24 en Afrique et continue d'étendre son empire partout dans le monde.

Mon groupe regrette la faiblesse de ces crédits car l'audiovisuel extérieur public est essentiel pour notre influence, qui mérite beaucoup plus. Nous ne les voterons donc pas, non parce que nous les rejetons, mais parce que nous dénonçons leur faiblesse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre rapport nous invite à nous interroger, certes, sur les moyens budgétaires mais aussi sur nos ambitions qui, malheureusement, ne sont pas revues à la hausse.

Pourtant, le public est de plus en plus nombreux. En 2020, lors de la crise sanitaire, notre audiovisuel extérieur est devenu un outil essentiel pour produire et diffuser une information de qualité mais aussi une valeur refuge pour de nombreux téléspectateurs et auditeurs dans le monde entier. En 2021, France Médias Monde et TV5 Monde ont continué à mettre en œuvre leurs priorités stratégiques.

En 2020, en Afrique francophone, 27,8 millions de personnes regardaient France 24 chaque semaine, ce qui représente une hausse de 1,6 million – soit de 6 % – par rapport à 2019. France 24 est la chaîne d'information internationale qui est la plus regardée dans cette partie du monde et demeure parmi les dix chaînes les plus consultées quotidiennement dans la majorité des capitales africaines. Nous aurions donc attendu un engagement plus important.

Notre groupe est favorable à l'adoption de ces crédits, même s'ils ne sont pas à la hauteur de notre ambition. Des efforts sont accomplis ailleurs dans les programmes 180 Presse et médias et 334 Livre et industries culturelles – je pense en particulier à l'augmentation de 1,1 million de l'action Soutien à l'expression radiophonique locale. Néanmoins, j'entends bien sûr vos légitimes alertes, monsieur le rapporteur pour avis.

À l'occasion des prochaines échéances électorales, quels dispositifs déploiera notre audiovisuel extérieur pour lutter contre les inévitables fake news en provenance de l'étranger ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il importe que notre commission ait connaissance des moyens dont dispose l'audiovisuel extérieur de l'État, si décisifs pour notre influence, notre présence, la défense de nos valeurs, cela même que l'on demande à nos diplomates de promouvoir – de tels crédits ne facilitent d'ailleurs pas leur tâche. Quoiqu'En Marche, je les voterai à reculons : ces moyens sont certes nécessaires mais ils ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Des pigistes sont envoyés à l'étranger, hors Union européenne, dans des conditions inacceptables : ils doivent se débrouiller seuls, ils n'ont pas de contrat de travail avec leurs donneurs d'ordre en France, ils partent sans aucune protection sociale et doivent trouver eux-mêmes un permis de travail ! On attend d'eux qu'ils créent, par exemple, une société facturant ses services. Leurs difficultés matérielles et sociales sont considérables – peut-être la qualité de leur travail d'information en souffre-t-elle, d'ailleurs, malgré leur professionnalisme.

La communauté française à l'étranger, là aussi hors Union européenne – en Chine, au Pérou ou au Nigéria –, a du mal à accéder à nos programmes pour des raisons de droits d'auteur. Un abonnement internet directement payé à l'opérateur français depuis le pays étranger ne serait-il pas envisageable ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de parler d'argent, nous devons parler du modèle français qui, à la différence de celui de la Chine par exemple, est transparent, ce qui est fondamental. Face à RT ou Al Jazeera, nous devons résister.

Monsieur Quentin, « doualiya » signifie « international » en arabe, Monte Carlo Doualiya étant la radio française arabophone. « Nous » parlons en effet quatre langues, nos programmes d'État étant en arabe, en espagnol, en anglais et en français. C'est cela, la francophonie et le modèle que nous devons conserver !

Dans certains cas, à budget constant, nous sommes parvenus à tripler notre audience en deux ans, ce qui montre que nous ne sommes pas uniquement confrontés à un problème financier. J'ai évoqué, plutôt que la diplomatie d'influence, une diplomatie « métiers » : à France Médias Monde, nous avons des « bons », des gens qui « font le job » et qui ont très bien compris, par exemple, l'importance de la transition numérique. C'est pourquoi nos programmes sont visionnés sur internet, sur les téléphones mobiles et non pas, en effet, à la télévision.

France Médias Monde reçoit 250 millions d'euros provenant de la redevance, dont les milliards sont partagés au sein de l'audiovisuel public. Je me demande si une budgétisation ne serait pas une solution pour conforter notre action extérieure.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans son rapport de mars 2021 sur France Médias Monde, la Cour des comptes met en relief plusieurs difficultés de fonctionnement. Elle préconise un réexamen des options stratégiques, recommande de procéder à une évaluation précise des effectifs et soulève de nombreuses interrogations ayant trait à l'organisation interne du groupe, qui selon elle devrait gagner en rigueur. Comment ces recommandations ont-elles été perçues, et qu'est-il fait pour les concrétiser ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je commencerai par la réflexion de Frédéric Petit sur la budgétisation de cet outil de diplomatie d'influence, de rayonnement de la France, de transmission de notre culture et de nos valeurs à l'étranger qu'est notre audiovisuel extérieur. La redevance donne une certaine indépendance à ce média, qui est certes français mais sans être pour autant celui de l'État. Une budgétisation risquerait de créer de la confusion dans certains pays plus ou moins libres alors que l'esprit de liberté qui caractérise notre média est reconnu dans le monde entier, y compris dans les États les plus totalitaires. Un financement direct par l'État pourrait conduire à se poser des questions. Cela dit, cela reste une option envisageable.

Notre audiovisuel extérieur a effectivement une audience remarquable compte tenu des moyens dont il dispose.

La question du statut des correspondants à l'étranger, qu'a évoquée Anne Genetet, est en effet très importante. Jusqu'à une période récente, selon les informations dont je dispose, France Médias Monde prélevait des cotisations sociales et versait des charges patronales afin d'assurer l'affiliation de ses correspondants à la sécurité sociale française. Or cette pratique reposait sur une base juridique incertaine, qui a été remise en cause par la sécurité sociale. Le groupe a donc mis fin à cette affiliation et observe désormais la marche à suivre que lui ont indiquée les ministres de la culture et de la santé dans un courrier officiel du printemps dernier. Le principe est que les correspondants cotisent à la caisse des Français de l'étranger ou à des mutuelles privées.

Si la situation a donc pu être instable ces dernières années, on ne peut vraiment pas prétendre que le groupe ait refusé d'œuvrer pour la protection sociale des correspondants. Il les rembourse a posteriori des frais engagés. Une amélioration serait qu'il puisse leur verser ces sommes a priori, afin qu'ils n'aient pas à les avancer. Mais tout cela a été examiné par le ministère de la culture et celui de la santé, et se fonde sur les réglementations applicables soit aux Français vivant à l'étranger, soit aux étrangers travaillant au bénéfice de la France à l'étranger.

J'ajoute que les mêmes problèmes se posent dans les consulats et les ambassades pour les contractuels.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et à l'Assemblée nationale, pour les collaborateurs de députés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les collaborateurs de députés représentant les Français de l'étranger doivent en effet connaître les mêmes difficultés lorsqu'ils vivent hors de France.

Je suis tout à fait favorable à une audition de la ministre de la culture et de la présidente-directrice générale de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, comme le propose Jean-François Mbaye. Nous avons évoqué ces difficultés avec les ministres de la culture qui se sont succédé depuis le début du quinquennat et, chaque fois, nous avons bénéficié d'une oreille attentive. Hélas, j'ai l'impression que les coups de rabot préconisés par Bercy l'emportent toujours et qu'un certain nombre de plans ont été inexorablement appliqués, jusqu'à la réduction de crédits pour l'an prochain.

Cela pose d'énormes difficultés. Une soustraction budgétaire de 2 millions au total, ce sont des personnels et des interventions en moins, des émissions plus difficiles à réaliser ainsi que d'immenses inquiétudes et une instabilité constante. Depuis quatre ans, il est question de départs volontaires mais on peut dire que ceux qui partiront cette année sont des « volontaires » qui ont mis du temps à prendre leur décision : ils sont plus ou moins forcés au départ. Les incertitudes qui planent sur leurs missions et sur leur avenir propre peuvent les amener à s'orienter vers des médias plus sûrs pour leur avenir, leur offrant davantage de garanties. Espérons qu'après 2022, ce processus si néfaste pour notre audiovisuel extérieur sera stoppé !

La concurrence de la Chine est terrible : 10 milliards d'euros auraient été investis en Afrique. La Chine n'investit d'ailleurs pas que dans l'audiovisuel. Son but n'a rien à voir avec la transmission de valeurs ou le rayonnement du pays : c'est du business. Elle fait énormément de prêts – et très peu de dons – à des pays ou à des associations qui ne peuvent pas les rembourser, ce qui crée une dépendance de plus en plus forte. Plutôt que de se battre avec des armes, c'est ainsi que la Chine a quasiment pris la direction de certains médias nationaux et avance inexorablement.

Pour ce qui est du numérique, le fait est, malheureusement, qu'il peut être plus facilement accessible en Afrique. Nos médias doivent donc en tenir compte.

S'agissant des rapports de la Cour des comptes, j'ai tendance à distinguer les préconisations qui se rattachent réellement à ses responsabilités et d'autres remarques. Je pense que la Cour des comptes doit s'attacher aux comptes : la question de l'opportunité, elle, relève des dirigeants de l'entreprise, libres de choisir leurs méthodes et leurs moyens. La Cour n'a pas à leur dire ce qu'ils auraient dû faire ou non, mais à établir s'ils ont bien ou mal utilisé les fonds publics. Je pense que la Cour des comptes a outrepassé ses compétences dans certaines remarques sur la gestion de France Médias Monde. Il convient de prendre en compte l'absence de moyens et, donc, le fait qu'une société soit obligée de se débrouiller comme elle peut pour accomplir la mission que lui a confiée l'État.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je précise que le rapport de la Cour porte sur la période 2013-2019, époque où le budget n'était pas en baisse, bien au contraire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais elle a produit une appréciation en opportunité.

Il a été question des fake news. Notre audiovisuel extérieur est vraiment engagé sur ce sujet, par la formation de journalistes locaux et par la diffusion, en permanence, d'informations. Si un nombre important d'habitants de beaucoup de pays adoptent France Médias Monde, c'est parce que ses médias délivrent une information dénuée de toute imprégnation politique, en essayant de s'en tenir à la réalité. C'est pourquoi ils sont préférés à un certain nombre d'autres, par exemple Al Jazeera, pour simplifier la chaîne du Qatar, qui peut être plus orientée dans le sens des dirigeants nationaux que de la réalité de l'information.

La coopération avec les autres médias européens, en particulier Deutsche Welle, répond à la nécessité de bâtir une véritable action européenne et permettra de donner à la présidence française de l'Union l'audience la plus large possible. J'ai eu l'occasion de rencontrer des dirigeants de la Deutsche Welle, qui travaille avec notre audiovisuel extérieur sur l'information des populations. Au Sahel, par exemple, ils partagent notre avis sur le fait que nous ne gagnerons pas la guerre contre le terrorisme par les armes, mais par l'éducation, par l'information, par certaines valeurs que nous pouvons transmettre et surtout par une dynamique de création d'entreprises, pour sortir les habitants de cette zone de la misère dans laquelle ils sont aujourd'hui.

Vous avez pu mesurer la différence qu'il y a entre les pays dans le traitement de l'audiovisuel extérieur. L'Allemagne mise sur la Deutsche Welle comme sur un outil diplomatique et de rayonnement à l'étranger. Le Royaume-Uni fait de même avec la BBC, qui a un budget très nettement supérieur au nôtre. Si nous voulons continuer à rayonner dans le monde, ce sera aussi par notre audiovisuel extérieur. Or la France, qui était il y a trois ans au premier rang sur le plan du rayonnement diplomatique dans le monde, est aujourd'hui septième. Pour stopper ce processus de déclassement, il faut miser sur tous nos atouts. Nous en avons un qui s'appelle France Médias Monde : nous avons intérêt à le protéger et à le renforcer, pour notre rayonnement et celui de la francophonie dans le monde.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu sur le rôle de la Cour des comptes : puisque nous avons un rapport structurel avec elle, il est bon de savoir où se situent les responsabilités de chacun.

Comme l'a très bien dit notre rapporteur pour avis, la première tâche de la Cour des comptes est de vérifier la régularité des comptes et le respect des procédures. Elle ne doit pas statuer en opportunité ou en finalité. Cela est très clair, notamment vis-à-vis de nous : c'est à l'autorité politique, qu'il s'agisse de l'autorité législative et budgétaire, que nous représentons, ou de l'autorité gouvernementale, incarnée par les ministres, qu'il appartient de déterminer les orientations et les finalités à adopter, pas à des magistrats.

En revanche, il faut bien comprendre que la Cour s'estime, à tort ou à raison, fondée à juger de l'efficience, c'est-à-dire à vérifier que les autorités administratives ont utilisé l'argent public de la meilleure façon possible pour atteindre l'objectif fixé. Elle ne mesure pas simplement l'efficacité, c'est-à-dire le fait que l'argent ait vraiment servi à atteindre l'objectif, mais aussi l'efficience, c'est-à-dire le rapport coût-avantage. Et il est vrai que la frontière peut être incertaine entre, d'un côté, observer qu'il était possible de faire mieux avec l'argent disponible, et de l'autre mettre en cause la finalité poursuivie.

Quoi qu'il en soit, le contrôle de la Cour ne porte pas que sur la régularité : on n'aurait pas besoin de magistrats pour cela, mais d'assistants de vérification.

Article 20 et état B

Contre la préconisation du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure non modifiés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Maintenant que je ne risque plus d'influencer le vote, je voudrais faire un bref commentaire.

Je crois qu'il est apparu assez clairement, parmi les membres de la majorité comme de l'opposition, que nous sommes tous très sensibles au discours inquiet du rapporteur pour avis. Mme Genetet, députée de la majorité, a exprimé quelque chose qui allait bien au-delà de ses propres réflexions, M. Fuchs, pour le groupe Dem, s'est montré préoccupé, et moi-même suis loin de trouver la situation pleinement satisfaisante.

Ce qui ne nous a pas empêchés, cher Christian Hutin, de voter ce budget : quand on est un compagnon de Jean-Pierre Chevènement, on sait ce qu'est la discipline majoritaire et on ne s'en étonne pas !

Examen pour avis des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables (M. Jean François Mbaye, rapporteur pour avis)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les crédits pour 2022 de cette mission traduisent la priorité donnée au développement durable et à la diplomatie environnementale par le Gouvernement, puisqu'ils dépassent 21 milliards d'euros et sont ainsi en hausse de 2,39 %.

Notre rapporteur pour avis, Jean-François Mbaye, a décidé d'étudier cette année un des instruments de la préservation de la biodiversité mondiale : les aires marines protégées.

Les aires marines protégées sont une partie de la solution qui permettra de maintenir la biodiversité sur la planète. Comme notre rapporteur l'écrit dans son rapport, elles n'ont pas vocation à mettre la nature sous cloche, mais à préserver les milieux marins et les espèces marines et à favoriser leur régénération. Elles sont aussi bénéfiques pour l'écologie que pour la pêche et les activités économiques et touristiques. Un consensus est donc possible sur leur création et leur extension.

Mais l'efficacité socio-économique et écologique des aires marines protégées dépend du niveau de protection des eaux qui est assuré. Notre rapporteur pour avis dresse un réquisitoire assez terrible sur la politique de protection menée par la France, qui se veut pourtant leader en la matière. Une grande partie de nos aires marines protégées ne répondent pas aux critères de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Nous avons cherché à créer un maximum de surfaces protégées, sans que cette protection ait un effet écologique satisfaisant. Les chiffres sont sévères, et le signal d'alarme qui est lancé ce matin donne toute son importance au rapport qui va nous être présenté.

Les sujets que nous examinons aujourd'hui sont décidément bien inquiétants : qu'il s'agisse du commerce, des médias ou de la protection de la nature, nous sommes conscients que les choses doivent être sensiblement améliorées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces propos sont à la hauteur des enjeux qui sont devant nous. Cela fait trois ans, et j'en remercie la commission, que je suis ces questions de diplomatie environnementale et mes rapports ont déjà pu se montrer alarmants.

La commission des affaires étrangères doit à nouveau se prononcer pour avis sur les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Je tiens à saluer leur augmentation en 2022, qui permettra à la France de soutenir une croissance verte et de renforcer ses actions en faveur de la protection de l'environnement.

Les écosystèmes ne connaissent pas les frontières, et leur préservation implique nécessairement des coopérations régionales et internationales. Afin de pouvoir porter un tel message sur la scène internationale, la France doit conduire au niveau national une politique environnementale ambitieuse et exemplaire. J'estime que le présent budget lui en donne pleinement les moyens et j'invite dès à présent la commission à émettre, à l'issue de nos échanges, un avis favorable à son adoption.

L'examen du budget constitue par ailleurs l'occasion d'examiner, chaque année, les instruments, objectifs et modalités de la diplomatie environnementale. J'ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mes travaux aux défis de la préservation des écosystèmes marins.

La protection de l'océan mondial est au cœur des travaux de notre commission depuis le début de la législature, comme l'attestent les précédents travaux de mes collègues. Je pense notamment à trois rapports d'information : Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? de Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son-Forget, La pollution des mers de Ramlati Ali et Nicolas Dupont-Aignan, ou encore La problématique des pôles : Arctique et Antarctique d'Éric Girardin et Meyer Habib.

J'ai souhaité pour ma part focaliser mon avis budgétaire sur un outil en particulier, les aires marines protégées (AMP), et une zone géographique spécifique, la mer Méditerranée.

Les aires marines protégées ne sont qu'une facette de la protection des océans mais constituent, à mes yeux, la clé de voûte de toute stratégie de conservation des écosystèmes marins.

Pour l'UICN, une aire marine protégée correspond à « un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d'autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature, des services écosystémiques et des valeurs culturelles qui y sont associés ». Les aires marines protégées peuvent permettre « une utilisation modérée des ressources naturelles », mais « non industrielle et compatible avec la conservation de la nature ».

Les aires marines protégées provoquent bien sûr des effets écologiques positifs, puisqu'elles permettent à la biodiversité marine de se régénérer. Cela se traduit notamment par une reconstitution de la richesse biologique locale et par une augmentation de la population de poissons et de leur taille.

Par ailleurs, grâce aux effets de débordement qu'elles suscitent, les AMP produisent des retombées positives au sein des zones avoisinantes dans des domaines aussi bien sociaux qu'économiques et culturels. Les plus efficaces engendrent, en trois ou quatre ans seulement, une augmentation des stocks halieutiques, au bénéfice des pêcheurs locaux. Elles ont également une influence positive sur les activités de tourisme durable, où se créent revenus et emplois supplémentaires. Du fait d'une meilleure compréhension des espaces marins dans leur globalité, elles permettent aussi d'améliorer les outils de gouvernance dédiés. Elles se révèlent ainsi bénéfiques pour la nature comme pour les populations riveraines.

Mais pour entraîner de tels bénéfices, les AMP doivent répondre à certaines conditions, que toutes ne remplissent pas. En effet, le concept de « protection » des aires marines peut revêtir maintes significations : c'est hélas devenu un terme fourre-tout qui recouvre des niveaux de protection très différents selon les pays, ce qui a par ailleurs pour effet de masquer ce qui se passe réellement en mer.

Ainsi, certaines aires marines protégées ne permettent aucune extraction, tandis que d'autres autorisent presque tous les types de prélèvement, comme l'exploitation minière ou le chalutage. Certaines disposent de plans de gestion actifs tandis que d'autres ne sont que déclarées : elles n'existent que sur le papier. À l'échelle du globe, cette situation peut conduire à de fausses attentes quant à leur efficacité. L'élan mondial en faveur de la protection des mers et des océans doit selon moi s'accompagner d'un langage commun, fondé sur des données scientifiques et permettant de mieux appréhender, de mieux suivre et de mieux comparer les résultats obtenus pour la biodiversité et le bien-être humain.

Pour cette raison, la classification des aires marines protégées doit se fonder sur les réglementations auxquelles elles sont soumises et non, comme c'est souvent le cas, sur leurs seuls objectifs déclarés. Une telle classification, basée sur les activités autorisées, a été intégrée au Guide des aires marines protégées endossé par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

Je tiens à souligner que les bénéfices, écologiques comme socio-économiques, des aires marines protégées sont directement corrélés au niveau de protection qu'elles assurent. Les scientifiques observent un grand écart qualitatif entre les aires. C'est pourquoi il apparaît essentiel de les classer en fonction du niveau de protection.

L'instauration d'une aire marine protégée rencontre de manière quasi systématique une résistance de la part des usagers de la mer. De façon générale, les communautés locales et les populations autochtones manifestent des inquiétudes. Plus spécifiquement, les pêcheurs et les professionnels du tourisme expriment des craintes pour leurs activités. J'insiste sur le fait que les aires marines protégées n'ont pas vocation à mettre la nature sous cloche : elles permettent au contraire aux milieux marins de continuer à fournir des services écosystémiques au profit du plus grand nombre.

Les aires marines à protection haute ou intégrale engendrent d'importants effets positifs sur les réserves de pêche. Les moins restrictives ont peu de répercussions positives sur la biodiversité et ne produisent in fine que très peu, ou pas d'effets socio-économiques. Par ailleurs, si elles n'engendrent aucun bienfait pour la nature, elles ont pour effet négatif de renforcer la défiance des usagers de la mer à l'encontre des aires marines protégées, dont ils ne peuvent pas percevoir les avantages.

Il me paraît donc nécessaire de mieux communiquer sur les effets positifs des aires marines les plus protégées, afin de créer une dynamique en leur faveur. Certains acteurs, comme le gestionnaire d'AMP en Méditerranée MedPan, ont organisé, à l'échelle régionale et internationale, des échanges et des retours d'expérience qui sont d'une grande utilité. Il paraît primordial de favoriser ce dialogue entre acteurs de terrain en vue d'apaiser les craintes et de convaincre de la pertinence de ces zones protégées au bénéfice de tous.

De mon point de vue, une telle responsabilité nous incombe. Nous devons jouer un rôle d'intermédiaires entre les usagers de la mer et les scientifiques pour favoriser les instruments de conservation les plus pertinents et efficaces, tant pour la nature et le vivant que pour les populations locales. Le travail qui reste à faire pour mieux préserver l'océan mondial demeure colossal. La situation en mer Méditerranée l'atteste.

La mer Méditerranée, qui est au cœur de relations géopolitiques et culturelles importantes et qui est un lieu d'échanges économiques décisifs, se trouve exposée à de nombreuses menaces : surexploitation des ressources halieutiques, intensification du transport maritime, avec de fortes perturbations sonores et lumineuses, destruction des habitats causée par les activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures en mer, prolifération d'espèces exotiques envahissantes, pollution plastique, rejet des déchets… La liste n'est pas exhaustive.

Or la Méditerranée se caractérise par une protection très disparate de ses écosystèmes marins. Les aires protégées sont en théorie nombreuses et représentent environ 6 % des eaux. À première vue, cela paraît très satisfaisant. Mais à y regarder de plus près, ces zones offrent des niveaux de protection très inégaux, et seule une infime part des eaux de la Méditerranée est réellement protégée.

D'abord, une partie des aires déclarées ne connaissent aucun plan de gestion et aucune régulation. Si l'on ne tient pas compte de ces « aires de papier », l'étendue des eaux protégées en Méditerranée s'établit aux environs de 4 %.

Ensuite, la très grande majorité des aires marines protégées en Méditerranée sont des aires de concertation avec les usagers de la mer, sans réglementation contraignante. On en trouve beaucoup sur le littoral français. Ces aires, qui disposent de fonds, permettent de sensibiliser le public, mais elles ne présentent aucune efficacité écologique et n'engendrent aucun bénéfice socio-économique. Si l'on n'en tient plus compte, l'étendue des eaux protégées en Méditerranée chute à 0,3 %.

Les aires hautement ou intégralement protégées ne représentent que 0,23 % de la Méditerranée. Celles intégralement protégées, qui offrent le plus de bénéfices, ne représentent que 0,06 % du total des eaux.

Les pays riverains ont élaboré des stratégies différentes en matière de protection. Une telle situation conduit parfois à des incohérences qui nuisent à la protection effective des écosystèmes marins.

Pour l'ensemble de ces raisons, un renforcement des actions de coopération en mer Méditerranée me paraît indispensable. Il faut un dialogue et une coordination entre tous les pays riverains pour améliorer la cohérence et l'efficacité des stratégies de conservation des écosystèmes de notre mare nostrum. Nous devons travailler au développement concerté des aires marines protégées, à l'harmonisation des réglementations et à la coordination des moyens de surveillance dans la région.

La France a indéniablement un rôle à jouer sur ces questions, puisqu'elle dispose du deuxième domaine maritime mondial après celui des États-Unis, avec 10,2 millions de kilomètres carrés répartis sur tous les océans.

Une telle situation constitue un avantage mais implique aussi une énorme responsabilité. Notre pays doit impérativement donner l'exemple en matière de protection des écosystèmes marins, à l'échelle nationale, régionale et internationale.

La France se montre mobilisée, comme le prouve son engagement à l'occasion du dernier Congrès mondial de la nature de l'UICN, qui s'est tenu à Marseille en septembre 2021, mais aussi dans le cadre de négociations sur la protection de la haute mer, que j'estime de première importance.

Mais la France peut mieux faire. Elle le doit. Dans le domaine des aires marines protégées, il lui faut notamment renoncer à son approche spécifique en matière de classification, qui l'isole et rend sa stratégie difficilement lisible. Nous devons nous conformer aux critères énoncés par le Guide des aires marines protégées et aux préconisations de l'UICN – bref, adopter le langage scientifique commun que j'évoquais.

Car si la France a voulu, ces dernières décennies, une rapide augmentation de ses aires marines protégées, avec 31,8 % de ses eaux désormais classées, le niveau effectif de protection demeure très insatisfaisant. Moins de 1,7 % des eaux bénéficient d'une protection haute ou intégrale, les seules à offrir de véritables bénéfices écologiques et socio-économiques. Et 97,4 % de ces eaux hautement ou intégralement protégées sont concentrées dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie.

Nous avons fait le choix de la couverture géographique. Il nous faut maintenant monter en gamme, dans l'optique d'un renforcement qualitatif de la protection des milieux marins. La France, qui sait faire preuve dans les instances internationales de courage en faveur des océans, doit à mes yeux œuvrer dans cette direction afin de demeurer crédible et d'apparaître comme une nation chef de file pour la préservation des mers et des océans.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour ce rapport très stimulant. Ce qui devait être dit l'a été avec force.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe La République en marche salue la hausse des crédits de la mission.

En tant que rapporteure, avec Bernard Deflesselles, de la mission d'information sur la diplomatie et le climat, je suis les travaux de la COP26 et vous en présenterai les résultats prochainement. Le sujet est essentiel, mais je ne partage pas le radicalisme de ceux qui pensent qu'il faut tout arrêter pour tout régler ; il faut agir et travailler pour trouver des solutions opérationnelles. Si l'urgence est indéniable, il me paraît important de souligner la dynamique actuelle, certes encore insuffisante, mais bien réelle. Les initiatives sont nombreuses et tous ceux qui veulent contribuer peuvent y prendre part.

Nous avons auditionné hier Sandrine Bony-Léna, directrice de recherche au CNRS. Cette climatologue, qui s'intéresse au rôle des nuages dans le réchauffement climatique, plaide pour la création d'un CERN (le laboratoire européen pour la physique des particules) des nuages : le niveau d'investissement nécessaire doit conduire à une coopération des grandes puissances.

L'enjeu, pour la France, d'un positionnement en cohérence avec les politiques européennes est fondamental. Les nouvelles orientations sont courageuses et marquent un changement de cap de l'Union. Avec le paquet de mesures pour l'application du Green Deal, baptisé « Fit for 55 », les législations européennes vont être progressivement mises à jour pour coller à l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030. Ce paquet législatif constitue, pour les entreprises comme pour les États, un outil de projection, un horizon de travail et un cadre d'investissement exceptionnel.

La France se positionne comme chef de file sur cette question. Pour maximiser l'impact des investissements réalisés, nous devrons coordonner au mieux nos politiques. Selon vous, les choix budgétaires français sont-ils cohérents avec ceux faits au niveau européen ? Dans quels domaines doit-on renforcer les coopérations ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Toutes mes félicitations pour votre travail remarquable, monsieur le rapporteur pour avis.

Avec les réductions de crédits – parfois les coups de rabot – imposés depuis quelques années en matière de commerce extérieur et de diplomatie économique mais aussi dans le domaine des médias, la question de l'influence, ou de la stratégie d'influence, de la France est posée. Dans bien des domaines, notre pays est en retard face à ses principaux concurrents.

Dans le cas présent, la majorité et le Gouvernement ont eu la volonté, que je salue, d'aller de l'avant et d'augmenter les crédits. On peut toutefois se demander si cette hausse est suffisante, compte tenu de l'ampleur du domaine maritime français, le deuxième en importance après celui des États-Unis. Même en Méditerranée, nous ne sommes pas à la hauteur du rôle que nous voudrions jouer, celui de chef de file en matière d'environnement. Nous voudrions entraîner le reste du monde, mais l'augmentation des crédits masque mal l'insuffisance de nos moyens face à ce qui est le premier défi mondial.

Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous réfléchi à une prospective budgétaire qui nous permettrait d'atteindre un niveau d'investissements correspondant à nos ambitions ?

Le groupe Les Républicains s'abstiendra lors du vote.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout de même, les moyens sont sans commune mesure avec ce que nous avons connu ! On parle de 21 milliards dans le PLF pour 2022, auxquels il convient d'ajouter les 30 milliards du plan de relance spécifiquement dédiés à la transition écologique. Ce sont des moyens ambitieux, sans précédent.

Le contexte n'est pas le même que celui du dernier PLF. Depuis, le rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a été publié et les perspectives ont été raccourcies de dix ans. Notre cible n'est plus à vingt ou trente ans, mais à quinze ou vingt ans. Le débat national s'en est d'ailleurs trouvé changé, notamment sur le nucléaire. Notre rétroplanning est très différent de ce qu'on pouvait imaginer il y a encore un an.

Je milite pour que le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables comprenne des objectifs chiffrés, des indicateurs harmonisés. Je crois à l'écologie de résultats. Un exemple : nous votons à l'Assemblée nationale une programmation pluriannuelle de l'énergie, en fixant un objectif national d'énergies renouvelables, mais la somme des objectifs des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ne correspond pas.

C'est pareil à l'international : malgré l'accord de Paris, les méthodologies en matière de mesure, de pilotage et de déclinaison des indicateurs ne sont pas cohérentes. La prise de conscience est là, l'objectif est clair, mais il nous reste à nous organiser avec rigueur et méthode. C'est un enjeu majeur sur lequel notre diplomatie doit insister.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant des aires marines protégées, monsieur le rapporteur pour avis, la France doit effectivement prendre le leadership sur le plan international, compte tenu de son vaste domaine maritime. La proposition que vous avez faite va dans le sens d'amendements que notre groupe défendra en séance : ils visent notamment à renforcer les moyens dévolus à l'Office français de la biodiversité (OFB) et à relever le plafond de la dotation affectée au Conservatoire du littoral. Nous espérons vous trouver à nos côtés pour les soutenir. Il convient de conforter les ambitions de la France et son rôle en matière environnementale, reconnu depuis la COP21.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour ce rapport riche et éclairant. Nous saluons ce budget qui confirme que l'accélération de la transition écologique est désormais prioritaire. La préservation de la biodiversité, l'eau et la résilience des territoires sont des enjeux essentiels, ce que traduit la hausse des moyens dédiés aux missions d'intérêt général conduites par l'ONF, l'Office national des forêts, les parcs nationaux et l'OFB, même s'il reste à pérenniser des emplois. Par ailleurs, les moyens des agences de l'eau sont préservés. Nous soutenons également le développement de l'hydrogène vert dans le cadre du plan France 2030 : c'est une nécessité pour réussir la transition énergétique, décarboner l'économie et faire de la France un pays leader dans ce domaine. Le groupe Agir ensemble votera les crédits de cette mission.

La préservation des écosystèmes marins dépend tout autant des moyens qu'on y consacre que des outils qu'on doit mobiliser, et parfois inventer. Il est vrai que, faute de réglementation contraignante, nos actions pourraient rester au stade des bonnes intentions. La coopération avec les pays riverains est essentielle, mais la ratification de certains accords, au niveau régional, peut prendre plusieurs années, ce qui prive la France et ses voisins des outils nécessaires. Les ministères de la transition écologique et des affaires étrangères devraient faire en sorte que ces ratifications soient plus rapides. De même, il faudrait sortir de la logique franco-française pour les aires marines protégées. Quelles pistes pourrait-on explorer au niveau européen mais aussi international ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En hausse de 3 %, soit de 1,5 milliard, par rapport à 2021 et de 20 % depuis le début du quinquennat, ce budget, qui atteindra 50 milliards hors plan de relance, a été qualifié d'« historique » par Barbara Pompili. Mais les budgets des ministères n'ont-ils pas été tous conçus comme tels, puisqu'ils sont pour 2022 ? C'est, en tout cas, la conclusion à laquelle je suis parvenu.

Sans vouloir nier les efforts substantiels et indispensables en faveur de l'écologie, je dois rappeler qu'une partie de la hausse est due à un changement de périmètre : le logement, autrefois rattaché à la cohésion des territoires, dépend aujourd'hui du ministère de l'écologie. Il faut savoir lire les documents budgétaires… Je souligne aussi que le ministère subit une perte de 348 emplois, une baisse d'effectifs inquiétante à l'heure où nous devons nous engager résolument dans la transition énergétique. Vous l'avez compris, le groupe Libertés et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission.

Depuis longtemps déjà, les océans subissent une pollution massive – je rappelle, non sans effroi, que le vortex de déchets, le « sixième continent », poursuit son développement dans le Pacifique Nord. Le rapporteur a démontré avec brio que la France, qui possède la deuxième plus grande zone économique exclusive, a un rôle fondamental à jouer : la diplomatie française doit faire de cette question une priorité. Il convient notamment de développer des instruments juridiques pour que la haute mer, qui ne dépend pas des juridictions étatiques et se trouve aujourd'hui livrée à tous les pillages, devienne un sanctuaire préservé. Le futur traité mondial de protection des océans est essentiel : j'espère que les discussions se poursuivront à l'occasion de la COP26 et que la diplomatie française profitera de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) pour mettre ce sujet au cœur des négociations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue aussi l'augmentation des crédits.

Monsieur le rapporteur pour avis, en présentant votre excellent travail, vous avez expliqué que les écosystèmes ne connaissaient pas le concept de frontières mais que leur préservation impliquait des coopérations régionales et internationales. Comme vous nous invitez à nous pencher sur la diplomatie environnementale et à faire des recommandations sur la préservation des écosystèmes marins, je me propose d'évoquer le cas de l'Adriatique.

Cette mer, dont les eaux se mêlent à la Méditerranée, est bordée par des États membres de l'UE – l'Italie, la Slovénie, la Croatie et la Grèce – et par des pays candidats qui bénéficient de la politique européenne de voisinage – la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et l'Albanie. Presque fermée, peu profonde et peu salée, elle est alimentée par un fleuve notoirement pollué, le Pô. Les pays des Balkans, qui ont beaucoup investi dans le tourisme côtier, sont très en retard pour le traitement des déchets et plutôt réceptifs à des projets internationaux lourds, tels les forages pétroliers. L'urbanisation, le déversement des eaux usées, la surpêche et, plus généralement, le changement climatique affectent les fonds marins et modifient la faune et la flore, lesquelles voient des espèces invasives proliférer. L'érosion littorale menace des sites touristiques aussi emblématiques que Venise et Split. Les déchets plastiques et les filets de pêche égarés polluent la mer. La situation n'est pas brillante et pourtant, l'Adriatique compte douze aires marines protégées.

Que peut faire la France dans le cadre de la PFUE ? Comment peut-elle anticiper et s'impliquer dans ces enjeux environnementaux qui rejoignent, s'agissant des pays des Balkans, des enjeux géopolitiques de voisinage ? Nous avons une responsabilité ; comment l'exerçons-nous ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie tous les collègues qui ont salué la hausse des crédits. Jean-Michel Clément lui-même a évoqué leur augmentation, ce qui justifierait, à tout le moins, son abstention. Il faudra sans doute appeler à poursuivre cette évolution budgétaire afin que la France soit à la hauteur de son ambition internationale.

Je rappelle aussi que nous discutons aujourd'hui de la mission Écologie, développement et mobilité durables, qui n'a rien à voir avec le changement de périmètre du ministère de la transition écologique.

Le niveau de protection des AMP de la mer Adriatique n'est satisfaisant que sur le papier. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas d'efficacité sans contrôle : une AMP ne remplit son rôle que si elle est assortie d'un plan de gestion durable et de moyens de surveillance efficaces. Or dans les Balkans, comme ailleurs, le niveau de protection affiché contraste avec les moyens mis en œuvre. Une grande partie des aires marines protégées de l'Adriatique, où 2,1 % des eaux sont classées, ne sont pas réglementées et n'offrent aucun bénéfice écologique ou socio-économique.

Comment la France peut-elle agir ? En intensifiant les coopérations interrégionales et en appelant l'Union européenne à renforcer ses aides. Prenons l'exemple de Chypre, qui est le seul État membre présent au Moyen-Orient et désire asseoir son leadership sur la question des AMP : depuis 2012, ses eaux sont envahies par le poisson-lion. Pour combattre ce fléau, il faudrait une vraie coopération européenne, dotée de crédits plus importants, en matière de recherche scientifique. Sans doute la France doit-elle mettre cette question à l'agenda de la PFUE. Par ailleurs, je suis convaincu que la clé d'une protection renforcée et d'un développement cohérent des AMP est la coopération à l'échelle européenne.

Au niveau national, la France doit mieux faire, il faut monter en gamme. Nous devons adopter la classification du Guide des aires marines protégées de l'ONU. Je pense aussi qu'il faut désormais user d'une communication plus agressive et s'attacher à souligner les avantages que représente une telle protection pour les usagers de la mer et les populations locales. Enfin, les moyens de financement doivent être adéquats et pérennes. Je ne sais pas si les crédits de cette mission ont atteint un niveau historique ; ils sont en tout cas inédits et ils doivent nous donner la possibilité d'aller plus loin dans la transition écologique. C'est pourquoi je vous appelle à les adopter et à examiner les amendements avec attention en séance publique.

Article 20 et état B

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l' adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables non modifiés.

La séance est levée à 12 heures 35

Information relative à la Commission

La Commission a désigné :

– Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure sur la proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l'usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l'Union européenne (n° 4520).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Sébastien Nadot, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, Mme Natalia Pouzyreff, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. François de Rugy, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse

Excusés. – Mme Aude Amadou, Mme Clémentine Autain, M. Philippe Benassaya, M. Christophe Di Pompeo, Mme Laurence Dumont, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy

Assistait également à la réunion. - M. Sylvain Waserman