Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité :

Je n'ai pu assister à la séance publique et à l'hommage rendu à Marielle de Sarnez. Je le déplore, car je l'appréciais beaucoup ; j'ai une pensée en sa mémoire.

Le commerce extérieur de la France est extrêmement affecté par l'augmentation du prix des hydrocarbures. En volume, nos exportations croissent plus vite que nos importations mais ce mouvement est contrebalancé par le renchérissement du pétrole, qui a un impact direct sur la valeur de nos importations. Cependant, la tendance est à l'augmentation nette du nombre d'entreprises françaises exportatrices : elles sont 136 000, et il n'y en a jamais eu autant au cours des vingt dernières années. Cette détermination à se projeter à l'international est de bon augure, et la dynamique à l'exportation est très bonne, même rapportée à la période précédant la crise, tant en valeur qu'en volume, dans nombre de domaines : la chimie, la pharmacie, l'agriculture, l'agro-alimentaire, la défense… Cependant, à l'impact négatif du renchérissement des hydrocarbures se conjugue la baisse de plus de la moitié, en volume, des exportations du secteur aéronautique par rapport à ce qu'elles étaient avant la crise, et la chute du tourisme. Mais les perspectives sont positives pour ces deux secteurs, qui sont les plus frappés : les exportations aéronautiques devraient retrouver leur volume d'avant la crise en 2023-2024, le tourisme dès 2022 si les contraintes liées à la pandémie se relâchent.

Notre stratégie en faveur du commerce extérieur a quatre volets. Le premier est la recherche de la compétitivité, que nous avons favorisée en supprimant l'ISF sur les valeurs mobilières, en instituant la flat tax sur les revenus du capital, en abaissant de 33 % à 25 % le taux de l'impôt sur les sociétés, en réduisant les impôts de production de 10 milliards en 2021 et en 2022, et en légiférant pour simplifier de manière déterminante la vie administrative des entreprises. Nous avons également, par le biais des ordonnances Pénicaud, rapproché la négociation sociale des entreprises, et encouragé l'investissement dans l'innovation, la recherche, la formation et l'apprentissage. Toutes ces mesures sont des facteurs clé pour l'exportation, et l'on constate déjà des résultats. De plus, cette compétitivité améliorée favorisant l'attractivité du pays, la France est depuis deux ans le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers. Les mesures prises au plus haut de la pandémie – le fameux « quoi qu'il en coûte » – et le plan de relance visant à une économie plus décarbonée et plus digitalisée à la sortie de la crise sont autant d'éléments d'amélioration de la compétitivité de notre pays.

Le deuxième levier visant à renforcer notre commerce extérieur est une politique industrielle ambitieuse, conçue filière par filière pour fabriquer des produits compétitifs et innovants. C'est ce que traduit le plan de relance France 2030 annoncé par le président de la République et qui vise à développer la compétitivité industrielle et les technologies d'avenir par la relocalisation de chaînes de valeur. Cette politique industrielle qui a fait défaut pendant des décennies est essentielle pour nous permettre de rattraper notre retard et de prendre de l'avance dans les secteurs d'avenir en misant sur la culture de l'innovation dans les entreprises de toutes tailles.

Le troisième volet de notre stratégie consiste à stimuler l'instauration d'une politique commerciale européenne plus ferme à l'égard des pays tiers. En cette matière, l'Union européenne a trop longtemps pêché par naïveté. Sous l'influence française, la Commission européenne a remodelé sa politique commerciale pour l'affermir, définissant pour cela de nouveaux instruments juridiques de défense contre la concurrence déloyale. Ainsi du règlement relatif à la réciprocité de l'accès aux marchés publics, dont nous espérons qu'il sera adopté pendant la présidence française de l'Union européenne ; de l'instrument visant à interdire les rachats d'entreprises européennes financés par des subventions et la participation aux appels d'offres publics aux entreprises de pays tiers subventionnées ; de la proposition de nouvel instrument anti-coercition permettant de prévenir et de contrer les pratiques des pays tiers qui se servent des droits de douane pour exercer des pressions politiques et économiques sur l'Union. Quand l'administration Trump, par mesure de rétorsion après l'instauration par la France d'une taxe sur les services numériques, a décidé de relever les droits de douane sur certains produits européens, menaçant spécifiquement les cosmétiques et la maroquinerie, il ne s'agissait pas de commerce mais de représailles visant à défaire une politique fiscale, et l'Union européenne ne disposait d'aucune législation pour se défendre. Grâce au nouvel instrument, elle pourra réagir immédiatement. La Commission européenne présentera sous peu sa proposition, dont l'adoption permettra de contrer les textes à portée extraterritoriale dont se sont dotés les États-Unis et d'autres pays.

Le quatrième volet de notre stratégie commerciale est l'accompagnement des entreprises à l'international, puisque plus nombreuses sont les entreprises exportatrices, plus élevées sont nos exportations. Cela suppose des équipes et des moyens. Les équipes, ce sont les conseillers de Team France Export. Ce guichet unique créé en 2018 rassemble les régions, les services de l'État, Business France, Bpifrance, les chambres de commerce et d'industrie, les organisations et les filières professionnelles, les syndicats patronaux, les conseillers du commerce extérieur de la France, l'OSCI – la Fédération des entrepreneurs du commerce international – la Chambre de commerce et d'industrie française à l'international, les équipes commerciales de nos ambassades. Team Export France est l'interlocuteur clef des entreprises désireuses d'exporter et elle a progressivement des effets bénéfiques. Les moyens, nous les avons renforcés en mobilisant dans le volet export du plan de relance 247 millions d'euros destinés à financer l'information des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), ainsi que les chèques volontariat international en entreprise (VIE) et les chèques relance export. Le plan de soutien à l'export a été défini à la demande des entreprises puis amélioré en tenant compte de leurs observations. Il répond désormais parfaitement à leurs besoins et il a été prolongé jusqu'au 30 juin 2022. Il est crucial d'accompagner les entreprises françaises à l'exportation ; j'espère que la résurgence des cas de COVID-19 ne compliquera pas à nouveau les choses pour nos entreprises exportatrices.

Vous m'avez interrogé, monsieur le président, sur mes déplacements en Afrique orientale anglophone. J'y étais accompagné de plusieurs dizaines de représentants d'entreprises de différentes filières : l'agro-alimentaire, le développement durable, les transports, l'énergie, les nouvelles technologies, tous secteurs où la France est très présente et, je l'ai constaté, très attendue. En Tanzanie, au Kenya, au Rwanda, en Ouganda, j'ai été remarquablement bien accueilli. J'ai noté, au Rwanda, l'effet bénéfique du discours prononcé par le président de la République à Kigali, et combien notre volonté de renouveler la relation entre l'Afrique et la France était très positivement perçue par nos interlocuteurs. Le sommet sur le financement des économies africaines du 18 mai dernier, où le président de la République était à la manœuvre pour accompagner les pays d'Afrique dans la création d'un mécanisme rendant la dette plus soutenable et dans le soutien au financement des infrastructures et de l'entrepreneuriat africain a considérablement amélioré l'image de la France, avec laquelle nos interlocuteurs publics et privés expriment fortement la volonté de travailler.

Au Conseil du commerce prévu jeudi prochain, nous préparerons la douzième conférence ministérielle (MC12) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous évoquerons aussi les relations commerciales avec les États-Unis, la mise en œuvre des accords de commerce de l'Union européenne sous l'égide de M. Denis Redonnet, premier responsable européen du respect des règles du commerce, et encore la révision de la politique de développement durable de l'Union en matière commerciale.

Depuis quelques mois, l'OMC a pour nouvelle directrice générale Mme Ngozi Okonjo-Iweala, Nigériane. Nous avions soutenu sa nomination à cette fonction ; elle a été rendue possible par la levée du veto américain après l'arrivée au pouvoir du président Biden. L'action que mène Mme Ngozi Okonjo-Iweala fait déjà quasiment l'unanimité des membres de l'OMC : elle est à l'écoute, pugnace et déterminée à obtenir des résultats probants lors de la conférence ministérielle qui se tiendra début décembre à Genève. Mais le contexte est difficile en raison d'une crise institutionnelle de grande ampleur au sein de l'OMC dont, en particulier, le mécanisme de règlement des différends est bloqué alors que les mesures unilatérales se multiplient, que les tensions commerciales s'aggravent et que les pratiques commerciales déloyales sont très nombreuses. Il est important, comme le veut le président de la République, de relancer le multilatéralisme en matière commerciale aussi.

L'Union européenne et la France ont pour priorité d'aboutir à des résultats plus efficaces dans la concrétisation de l'objectif de développement durable 14.6 de l'Organisation des Nations unies (ONU) visant à interdire les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, pour protéger les réserves halieutiques. Ce serait le premier livrable concret pour l'OMC du point de vue de la biodiversité et du climat ; il en résulterait une concurrence équitable, et cela préserverait la politique commune de la pêche, qui tend à concilier gestion durable des ressources et soutien aux pêcheurs. Les positions respectives des pays en développement et des pays développés sont encore très éloignées mais nous pensons un accord néanmoins possible. C'est en tout cas la conviction de la directrice générale de l'OMC, et celle de mes homologues, que j'ai rencontrés lors du G20 « commerce » à Sorrente et lors du G7 « commerce » à Londres. Mais du chemin reste à parcourir si l'on considère la position très figée de l'Inde, par exemple.

Nous espérons aussi des résultats dans la négociation relative au commerce des biens médicaux essentiels, les vaccins contre le Covid-19 notamment. Il s'agit de veiller à un accès plus facile aux formules pour permettre les fabrications locales de vaccins. Les positions à ce sujet sont très différentes : l'Inde et l'Afrique du Sud veulent la levée totale des droits de propriété intellectuelle sur les brevets, ce dont d'autres pays ne veulent pas entendre parler. Mme Ngozi Okonjo-Iweala préconise une troisième voie, pragmatique, que nous soutenons. Elle vise à augmenter et à diversifier les capacités de production de vaccins, sachant que l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) donne déjà la souplesse requise, dans le respect de la propriété intellectuelle, pour faciliter le partage des formules en cas de pandémie. Nous soutenons donc la proposition consistant à simplifier le recours aux licences obligatoires pour accélérer le transfert de technologie. Mieux vaut agir de la sorte que camper sur des positions idéologiques, soit que l'on refuse de toucher aux droits de propriété intellectuelle au motif que l'on en a besoin pour innover à l'avenir, soit que l'on exige de lever entièrement ces droits parce que c'est la seule façon de régler le problème de l'accès au vaccin pour tous. Le pragmatisme consiste à dire qu'il faut produire plus et continuer d'exporter ; l'Union européenne, qui a exporté la moitié de sa production – pas uniquement vers des pays en développement, il est vrai – est exemplaire à ce sujet, et d'autres pays développés pourraient faire plus qu'ils ne font pour faciliter la distribution des vaccins en tous pays.

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