Intervention de Didier Quentin

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur :

Madame Lakrafi, je laisserai à Mme Pouzyreff le soin de répondre à votre question concernant les documents classés.

Monsieur Herbillon, je dois dire que la question de l'annulation par l'Australie de sa commande de sous-marins n'a pas été posée lors des échanges que nous avons eus avec les autorités mauriciennes. Au reste, dans ce domaine, le partenaire privilégié de Maurice est l'Inde, pays avec lequel nous entretenons de très bons rapports, notamment dans le domaine de la fourniture d'armements.

Monsieur Fuchs, à propos de nos liens très forts avec Maurice, je serais tenté de reprendre la formule célèbre d'Edgard Faure : l'indépendance dans l'interdépendance, et ce dans de nombreux domaines, notamment dans ceux de la culture et de la francophonie, et du tourisme, que nous nous sommes efforcés de développer au cours des dernières années, voire des dernières décennies. Il se trouve qu'en 1972, j'ai effectué mon stage en tant qu'élève de cette école dont on n'ose plus prononcer le nom à l'île de La Réunion. Déjà, à l'époque, il s'agissait d'organiser la complémentarité de La Réunion et de Maurice sur le plan touristique. En effet, La Réunion, dont la superficie équivaut au tiers de celle de la Corse, est une île très montagneuse : son point culminant, le piton des Neiges, dépasse les 3 000 mètres d'altitude et elle abrite de magnifiques cirques volcaniques : Salazie, Cilaos et Mafate. On peut donc y crapahuter, avant de se rendre à Maurice pour se reposer sur les bords du lagon et profiter d'un réseau hôtelier remarquable, dont les touristes français, de métropole ou de La Réunion, sont les premiers clients. Maurice a également développé certaines initiatives muséographiques exemplaires ; je pense en particulier à l'exposition intitulée « L'aventure du sucre », consacrée au sucre de canne, qui est la première production agricole de l'île.

Monsieur David, le poids de la représentation chinoise ne semble pas croître. Encore une fois, le partenaire privilégié de Maurice est l'Inde.

Madame Kuric, l'Agence française de développement est effectivement le deuxième partenaire de Maurice, parfois le premier. Par ailleurs, la sécurité maritime est un enjeu tout à fait essentiel. On a assisté, au cours des dernières années, à une diminution des trafics, qu'il s'agisse de stupéfiants ou de la pêche illicite, qui est d'ailleurs souvent le fait de personnes venant de très loin : de la Chine, du Vietnam ou des Philippines. Je me souviens également qu'après le passage d'un cyclone, la France avait organisé, en 1972, une opération humanitaire très efficace pour venir en aide à l'île Rodrigues, qui est à la fois la plus orientale et la plus africaine de ces îles, à laquelle Jean-Marie Gustave Le Clézio a consacré de très belles pages.

Quant à l'accord de cogestion portant sur l'île de Tromelin – qui n'a pas été ratifié du fait de l'opposition d'un certain nombre de députés, dont j'étais, M. Folliot étant à la pointe du combat –, il était valable pour dix ans, c'est-à-dire jusqu'en 2020. Peut-on rouvrir le dossier ? Nous poserons la question à M. Le Drian. Ce que nous ne voulions pas, c'était, en ratifiant cet accord, mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduise de l'idée possiblement intéressante de la cogestion – à l'origine de laquelle se trouvait Jacques Chirac, qui avait une faiblesse pour Maurice – à une perte de souveraineté qui aurait des implications sur l'étendue de notre zone économique exclusive, la deuxième plus grande du monde avec 11 millions de kilomètres carrés. Celle-ci va d'ailleurs évoluer à la faveur d'un accord sur Saint-Pierre-et-Miquelon et d'une révision éventuelle de la convention de Montego Bay.

Monsieur Clément, vous avez insisté sur les problèmes liés au changement climatique. La question des protections juridiques est en effet très importante : elle a des conséquences pratiques.

Je note, monsieur Maire, votre remarque sur la situation des libertés publiques, qui n'est peut-être pas aussi satisfaisante qu'on pourrait le souhaiter. Les élections récentes se sont déroulées dans le calme et ont été marquées par une participation importante de 76,84 %. Le pluralisme politique est réel. J'ai évoqué la domination exercée par deux grandes familles, les Jugnauth et les Ramgoolam ; il faut en citer une troisième, la famille Duval, dont était issu un ministre des affaires étrangères, par ailleurs orateur exceptionnel, Gaëtan Duval. Enfin, une curiosité mérite d'être mentionnée : l'un des mouvements politiques mauriciens – de gauche, voire gauchiste – est animé par un ancien soixante-huitard français, Paul Bérenger, qui, lors des dernières élections, a recueilli 22 % des voix, ce qui n'est pas rien.

Monsieur Brotherson, il faudrait, pour caractériser la situation de Maurice, parler de diversification. Ainsi, la diplomatie de ce petit pays est remarquable en ce qu'il a entendu diversifier ses relations internationales, notamment en concluant des partenariats privilégiés avec l'Inde, la Chine ou la France – ses relations avec l'ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, sont un peu difficiles en raison d'un contentieux portant notamment sur les Chagos.

Cette diversification se retrouve sur le plan économique. Lorsque j'étais stagiaire de l'ENA à La Réunion, j'avais chanté les louanges de la départementalisation réunionnaise – dont on m'avait demandé de dresser le bilan –, due au père de Jacques et Paul Vergès, membre du parti communiste réunionnais. De fait, au bout de vingt-cinq ans, ce bilan était plutôt favorable, contrairement à celui de l'indépendance mauricienne. Cinquante ans plus tard, alors que La Réunion est toujours confrontée à d'importants problèmes, notamment un taux de chômage élevé, force est de constater que l'indépendance mauricienne est un succès, grâce à la diversification de son économie : le taux de chômage y est l'un des plus bas. Outre la production de cannes à sucre, l'île a longtemps développé le textile et, à présent, elle marque des points dans le domaine des nouvelles technologies. Par ailleurs, le premier ambassadeur de France à Maurice, Raphaël Touze, a donné à ses habitants l'idée de réaliser et de commercialiser des modèles réduits de bateaux, notamment ceux que l'on introduit dans des bouteilles. Ces maquettes – dont la production a pour capitale une ville portant le nom pittoresque de Curepipe – sont aujourd'hui l'une des richesses de l'artisanat mauricien, même si l'on a parfois accusé leurs fabricants d'utiliser une main-d'œuvre sinon enfantine du moins adolescente.

Enfin, monsieur Lecoq, vous avez mentionné Dhorasoo ; n'oublions pas Dimitri Payet, qui est réunionnais !

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