Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 h 30

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur quatre projets de loi

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Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen, ouvert à la presse, de quatre projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 4200) (M. Didier Quentin, rapporteur)

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L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé en 2018, est le premier accord bilatéral conclu avec Maurice dans le domaine de la défense. Il organise le statut des personnels civils et militaires liés à la défense qui séjournent ou sont en transit sur le territoire de nos deux pays, et vise à renforcer la sécurité maritime, qui comprend la lutte contre les trafics et la pêche illégale. Cette zone nous concerne très directement, car nous en sommes « en proximité » par le biais de Mayotte et de La Réunion, et parce qu'elle est au cœur de l'océan Indien, qui concentre l'intérêt du Gouvernement, dans le cadre de sa stratégie pour l'Indopacifique, et de cette commission, dont deux membres élaborent un rapport d'information à ce sujet.

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La présentation de ce rapport est l'occasion de dresser un état des lieux de nos relations avec Maurice, État de l'océan Indien ami et partenaire de la France.

« Un État fait la politique de sa géographie », disait Napoléon 1er, et le général de Gaulle considérait qu'entre l'histoire et la géographie, c'est toujours la géographie qui l'emporte. Sur la carte, Maurice se situe au sud-ouest de l'océan Indien, à la charnière de l'Afrique et de l'Asie. Elle entretient un lien privilégié avec l'Inde. Plus de la moitié de sa population a des origines indiennes, dont l'actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, et l'hindouisme y est largement la religion dominante.

Cette proximité avec l'Inde se traduit concrètement par un fort investissement de ce pays dans la défense mauricienne. De nombreux cadres des forces armées mauriciennes sont de nationalité indienne. Des navires de guerre indiens font régulièrement escale à Port-Louis. L'Inde a même été autorisée à construire des facilités maritimes et aériennes dans l'archipel mauricien d'Agalega, situé à 1 000 kilomètres au nord de l'île principale. L'Inde est le premier partenaire économique de Maurice, qui est pour elle un point d'entrée vers l'Afrique.

Si l'Inde est perçue comme une mère, selon l'expression souvent employée à Maurice, celle-ci n'en ménage pas moins un autre partenaire essentiel : la Chine, qui y a investi et a financé bon nombre d'infrastructures. Un accord de libre-échange a été signé entre les deux pays au début de l'année 2021, permettant la levée des barrières tarifaires dans plusieurs marchés de niches, tels que les sucres spéciaux et le thé. Ainsi, Maurice, petit pays insulaire, sait jouer habilement de sa position.

Qu'en est-il de la France ? Maurice est devenue indépendante en 1968, après avoir été possession britannique pendant plus de 150 ans. Auparavant, elle était possession française depuis un siècle et s'appelait Isle de France.

Nos liens avec Maurice sont avant tout culturels. L'un des plus célèbres écrivains vivants de langue française, prix Nobel, Jean-Marie Gustave Le Clézio, n'a-t-il pas des origines mauriciennes ? Le français, très parlé à Maurice, constitue la base du créole mauricien. La France soutient, par le biais de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), un réseau d'écoles françaises constitué de cinq établissements, où sont scolarisés 5 000 élèves, dont les deux tiers sont de nationalité mauricienne. La ville de Port-Louis joue un rôle actif au sein de l'Association internationale des maires francophones (AIMF). Nos échanges en matière universitaire et de recherche sont nombreux.

À cette proximité culturelle s'ajoutent des échanges économiques. La France est le troisième partenaire commercial de Maurice, son premier client et le premier pays pourvoyeur de touristes. Maurice est le premier investisseur étranger à La Réunion. Par ailleurs, la France est l'un des principaux partenaires bilatéraux de Maurice en matière d'aide publique au développement (APD).

Cette proximité culturelle et économique trouve un prolongement politique. La France et Maurice sont membres des deux principales organisations internationales de la région : la Commission de l'océan Indien (COI) et l'association des pays riverains de l'océan Indien (IORA). Nos approches politiques sont largement convergentes, qu'il s'agisse de la volonté d'accroître les échanges économiques avec le continent africain, considéré comme un nouveau relais de croissance, de répondre aux enjeux du développement durable ou de relever les défis de la préservation du climat et de la biodiversité terrestre et océanique.

En matière de sécurité, la France et Maurice ont signé, le 13 juin 2008, un accord de coopération en matière de sécurité intérieure, dont la mise en œuvre est facilitée par la présence d'un attaché de sécurité intérieure de l'ambassade de France à Maurice, basé à Madagascar. Par ailleurs, un accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes a été signé en 2012.

S'agissant plus particulièrement de la défense, la France et Maurice coopèrent depuis de longues années. Maurice n'a pas d'armée à proprement parler, mais une force de police formée de trois composantes : une force de police proprement dite de 13 400 hommes, des forces spéciales et un corps de gardes-côtes. Côté français, la coopération est essentiellement assumée par les forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI), stationnées à La Réunion et à Mayotte. Leur mission première est la protection des ressortissants français et la contribution à la sécurité de la région. Leur zone de responsabilité englobe dix pays d'Afrique australe et quatre pays membres de la COI.

Cette coopération porte essentiellement sur la lutte antiterroriste et la sécurité maritime. Elle donne lieu à des entraînements communs. Des exercices conjoints sont régulièrement organisés. En 2019, l'exercice Phoenix a mobilisé 130 officiers mauriciens et une centaine de militaires français, en vue de perfectionner l'interopérabilité des armées dans la lutte contre le narcotrafic. Des officiers de police mauriciens sont accueillis dans les écoles françaises de formation du continent africain. Les bâtiments de la marine nationale font régulièrement escale à Maurice et sont réparés dans ses chantiers navals.

L'accord qui nous est soumis aujourd'hui est conclu pour cinq ans et renouvelable par tacite reconduction. Il comporte deux ordres de stipulations.

En matière de défense à proprement parler, il pose le principe d'une coopération dans les domaines de la politique de défense et de sécurité, de l'organisation et du fonctionnement des forces armées, des opérations humanitaires et de maintien de la paix, et des scolarités militaires. Cette coopération peut revêtir la forme d'activités de formation, d'entraînement des forces, de soutien logistique, de conseil et d'envoi d'experts techniques. Il est précisé que les membres du personnel de la partie d'envoi présents sur le territoire de la partie d'accueil ne peuvent en aucun cas être associés à la préparation ou à l'exécution d'opérations de guerre, ni à des actions de maintien ou de rétablissement de l'ordre et de la sécurité publique.

S'agissant du statut juridique des forces déployées dans l'État partenaire, des précisions sont apportées en matière d'entrée et de séjour, de port d'arme, de permis de conduire, d'accès aux services de santé et de domiciliation fiscale. Il est stipulé que la compétence en matière de discipline revient exclusivement aux autorités de la partie d'envoi.

En matière pénale, un partage de juridiction est prévu. Une infraction commise par un militaire français à Maurice relèvera, en principe, de la compétence des juridictions mauriciennes. Toutefois, cette compétence sera prioritairement dévolue aux autorités françaises si le comportement délictueux s'inscrit dans le cadre du service ou s'il porte atteinte aux biens ou à la sécurité de la France ou du personnel français. En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d'accueil, la personne concernée bénéficiera de toutes les garanties juridiques, au premier rang desquelles le droit à un procès équitable. Rappelons que la peine capitale, prévue par le droit mauricien, fait l'objet d'un moratoire depuis plusieurs années. Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l'État d'accueil, ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l'État d'envoi.

Cet accord apporte une grande sécurité juridique à la présence des militaires français à Maurice et à celle des militaires mauriciens en France. Au demeurant, la France a conclu des accords similaires avec de nombreux pays. À défaut d'un tel accord, les incidents doivent être traités au cas par cas, dans le cadre de négociations diplomatiques, et son absence est en elle-même source de contentieux. Il ne s'agit pas d'un cas d'école : un incident de la circulation impliquant un marin français survenu au début des années 2000 lors d'une escale a mis en lumière les inconvénients de ce vide juridique.

Cet accord offre, en outre, un cadre juridique à la coopération de défense franco-mauricienne visant à répondre aux défis que Maurice partage avec la France, compte tenu de notre implication dans l'océan Indien. Ces défis sont multiples et redoutables : surveillance et protection de nos espaces maritimes, lutte contre le trafic de drogue, lutte contre la pêche illicite, lutte contre les marées noires, expansion de l'islam radical, en provenance notamment du nord du Mozambique. Un tel cadre juridique sera utile pour approfondir notre coopération de défense face à ces enjeux.

Si l'approbation de cet accord semble indispensable, il nous appartient néanmoins de demeurer vigilants sur deux points.

Premièrement, il est impératif de veiller à la préservation de la souveraineté française sur les îles Éparses, notamment sur l'île Tromelin, située à environ 560 kilomètres au nord de La Réunion. Les plus anciens d'entre nous se souviennent que l'accord-cadre sur la cogestion économique, scientifique et environnementale de Tromelin, signé en 2010, n'a jamais été ratifié par la France, en raison de l'opposition de nombreux parlementaires, dont moi-même et Philippe Folliot, alors député du Tarn. Nous considérions que cet accord était un premier pas vers la reconnaissance de la légitimité des prétentions mauriciennes sur l'île de Tromelin. Je mets en garde contre toute velléité de réintroduire ce type d'accord, et plus généralement contre toute initiative de nature à fragiliser la souveraineté française sur les îles Éparses. Bien entendu, l'approbation du présent accord ne saurait en aucun cas être interprétée comme un premier pas vers un quelconque rapprochement sur la question de Tromelin. Elle doit, au contraire, renforcer la légitimité de la présence française dans l'océan Indien.

Deuxièmement, si Maurice possède incontestablement un cadre constitutionnel et législatif garantissant les libertés fondamentales, la situation des droits de l'homme peut y être améliorée sur certains points. Citons la représentation des femmes dans les postes à responsabilité du secteur public, l'absence, à ce jour, d'une loi sur le financement des partis politiques, la place de la presse et des médias et, plus généralement, un modèle politique quelque peu figé, pour le dire diplomatiquement, dans la surreprésentation de quelques grandes familles, notamment celle de l'actuel Premier ministre, M. Pravind Jugnauth, et la famille Ramgoolam. Par le biais d'un dialogue confiant et réciproque, appuyé sur des liens d'amitié très anciens, la France peut et doit inviter Maurice à progresser pour consolider l'État de droit.

Ces points d'attention soulignés, je vous invite à adopter le présent accord.

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Je lève d'emblée tout suspense : la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi. Cet accord permettra de renforcer la sécurité juridique de notre coopération bilatérale en matière de défense et de statut des forces qui, si modeste soit-elle, n'en est pas moins dynamique.

Pour relever les défis sécuritaires, Maurice ne dispose pas d'une armée à proprement parler, mais d'une force de police, la Mauritius Police Force, composée d'environ 13 400 hommes et disposant de moyens aéromaritimes héliportés performants. Elle est formée de plusieurs composantes, dont deux peuvent être considérées comme des forces paramilitaires : la Special Mobile Force, équipée de onze véhicules de l'avant blindés (VAB) remis à niveau en 2008, et la National Coast Guard, qui dispose d'une flotte moderne de sept patrouilleurs hauturiers et de dix embarcations d'interception rapides, livrées par l'Inde en mars 2016.

La National Coast Guard, ainsi que les principales unités d'intervention maritimes et aéromaritimes, sont commandées par des officiers indiens. New Delhi exerce une forte influence sur les décisions de la République de Maurice en matière de défense. Au demeurant, il n'est pas anodin que notre coopération bilatérale avec ce pays se soit accrue à mesure de l'approfondissement de la relation franco-indienne, notamment depuis 2018, et de l'affirmation de notre intérêt stratégique dans la zone indopacifique.

Nos activités de coopération avec Maurice sont principalement mises en œuvre par les FASZOI, stationnées à La Réunion et, dans une moindre mesure, à Mayotte. Sur le plan opérationnel, elles luttent contre le terrorisme et œuvrent au renforcement de l'interopérabilité dans les trois milieux, ainsi qu'à l'amélioration de la sécurité maritime. Ainsi, des échanges ont été organisés entre unités de neutralisation, d'enlèvement et de destruction des explosifs (NEDEX), ainsi que des entraînements communs entre le 2e régiment de parachutistes d'infanterie de marine et les forces spéciales mauriciennes et des stages au Centre d'aguerrissement tropical de la Réunion.

Par ailleurs, Maurice a participé à plusieurs exercices régionaux majeurs menés par les FAZSOI, notamment l'exercice Papangue en 2018, à La Réunion, et l'exercice Varatraza en 2019, à Madagascar. En 2019 s'est également tenue la première édition de l'exercice bilatéral Phoenix, consacré à la lutte contre les narcotrafics. De manière générale, les FAZSOI mènent en moyenne une dizaine d'activités annuelles de coopération et contribuent à la formation de 150 à 200 policiers mauriciens par an. En outre, la maintenance technique des bâtiments français est en partie assurée dans les chantiers navals de Port-Louis. Cinq à dix escales de bâtiments français sont organisées annuellement, d'une durée pouvant atteindre quatre mois.

À ce jour, la mise en œuvre de la coopération bilatérale avec Maurice repose sur deux accords : l'accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure du 13 juin 2008 et l'accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes du 21 juillet 2011. Il était nécessaire d'aller plus loin. L'absence de couverture juridique des forces françaises déployées sur le sol mauricien a amené l'état-major des armées à interdire aux FAZSOI, en 2012, toute activité supposant le déploiement de militaires français sur le territoire mauricien. L'accord dont l'approbation est soumise à notre examen permettra de conforter la relation bilatérale entre la France et la République de Maurice, et de sécuriser les actions de coopération en cours.

La commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption.

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De facture classique, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice consolide les liens anciens et riches que nous entretenons avec Maurice.

Ce pays héberge la quatrième communauté française de la dixième circonscription des Français établis hors de France, où je suis élue. Plus de 10 000 Français y sont enregistrés auprès des autorités consulaires. Notre présence culturelle y est très riche. Maurice entretient de fortes relations, notamment économiques, avec La Réunion et Mayotte.

La France, très présente dans l'océan Indien, où se trouvent plusieurs départements et régions d'outre-mer, a la chance d'y compter parmi ses partenaires plusieurs États insulaires, notamment Maurice et Madagascar, dont une large part de la population est francophile et francophone. À chaque déplacement dans ma circonscription, je constate combien il importe de consolider ces relations et de renforcer notre influence dans cette région, très investie par la Chine et par l'Inde.

L'accord est très utile pour formaliser nos relations avec Maurice dans le domaine de la défense. Il permettra de renforcer nos relations et de développer nos coopérations. Nous ne pouvons qu'approuver sa mise en œuvre.

J'aimerais savoir si l'accord bilatéral de sécurité relatif à l'échange d'informations classifiées, prévu à l'article 15 de l'accord, est d'ores et déjà en cours de négociation.

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Dans le cadre de vos travaux, monsieur le rapporteur, avez-vous pu mesurer les conséquences sur la stratégie de la France dans la zone indopacifique de l'alliance dite AUKUS, négociée entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ? L'annulation du partenariat stratégique entre la France et l'Australie fait planer un doute à son sujet.

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Nous avons avec la République de Maurice une relation ancienne et riche, en raison notamment de notre histoire coloniale et de la proximité de ce pays avec La Réunion et Mayotte.

En matière de défense, nous entretenons des liens forts avec Maurice, notamment dans le domaine maritime. Ils ont été renforcés en 2008, par l'accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, et en 2012, par l'accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes. Ces accords ont permis d'améliorer la sécurité dans la région et la collaboration des forces de sécurité mauriciennes avec les FAZSOI.

Depuis plus de quinze ans, nous formons des militaires mauriciens et menons des actions tendant à maintenir la sécurité dans les zones économiques exclusives (ZEE) des deux pays. Les forces de sécurité mauriciennes participent de façon régulière aux exercices régionaux opérés par les FAZSOI. Cette bonne dynamique doit être renforcée, compte tenu des menaces qui pèsent sur Maurice : criminalité organisée, trafic de drogue et terrorisme, lequel s'y est propagé. Monsieur le rapporteur, avez-vous réfléchi à d'autres axes de coopération à développer avec Maurice, notamment pour agir contre la criminalité organisée et le trafic de drogue, mais aussi pour soigner la francophonie et la proximité culturelle entre nos deux pays ?

Notre coopération militaire est lacunaire s'agissant de la couverture juridique des forces françaises déployées sur le territoire mauricien – je renvoie à l'accident de véhicule évoqué par le rapporteur. Le déploiement d'une coopération importante et sérieuse impose de prendre ce genre de précautions, ce que prévoit l'accord que nous examinons. Notre groupe soutient l'adoption du projet de loi, qui concourt à améliorer la sécurité, non seulement des Français et des Mauriciens, mais aussi du monde, compte tenu des enjeux globaux de l'océan Indien.

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L'examen de ce projet de loi prend un relief particulier en raison de l'actualité récente de la zone indopacifique, qui a bien occupé notre commission au cours des dernières semaines.

L'île Maurice est, dans l'océan Indien, un partenaire privilégié de notre pays. J'ai donc pris bonne note des nombreuses coopérations entre nos forces de sécurité et de défense et leurs homologues mauriciennes, qu'il s'agisse de la formation des militaires et policiers mauriciens, de l'organisation d'exercices communs, de la lutte antiterroriste, du secours porté aux naufragés, de l'évacuation des ressortissants ou de l'accès privilégié de nos navires aux chantiers navals de l'île. Je m'interroge toutefois sur le poids de la représentation chinoise dans ce secteur géographique, car il semblerait qu'il soit une étape importante sur les nouvelles routes de la soie.

Pour les raisons avancées par le rapporteur, et malgré les points de vigilance qu'il a soulignés, nous soutiendrons l'approbation de cet accord, qui marque un progrès indéniable.

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La France est, en matière d'aide publique au développement, un véritable partenaire bilatéral de Maurice, dont l'Agence française de développement (AFD) est le premier créancier, devant la Banque africaine de développement. Elle est, par ailleurs, le deuxième bailleur de ses entreprises publiques, après la Chine.

Le renforcement de cette relation bilatérale est déjà très dense, en particulier dans les départements et régions d'outre-mer de Mayotte et La Réunion. Nos deux pays sont confrontés, dans l'océan Indien, à des défis communs dans les domaines essentiels de la sécurité maritime et de la transition écologique. Toutefois, l'absence d'un accord relatif au statut des forces était un frein à l'approfondissement de cette coopération. Après plusieurs séances de discussion, les deux parties se sont accordées sur un texte commun.

Reste la question de l'île française de Tromelin, qui appartient au district des îles Éparses de l'océan Indien, rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises, mais qui est revendiquée par la République de Maurice. Ce différend ne constitue toutefois pas un blocage de nature à nuire significativement à notre relation avec Maurice. D'ailleurs, un accord de cogestion économique, scientifique et environnementale de l'île et de ses espaces environnants avait été signé par les autorités françaises et mauriciennes le 7 juin 2010. Prévu pour une durée de dix ans, il portait notamment sur les recherches archéologiques menées sur l'île, l'exploitation des ressources halieutiques et la protection de l'environnement. Il n'a toutefois jamais été ratifié par la France, en raison de l'opposition de nombreux parlementaires français. Quel est l'état actuel des discussions sur ce sujet et quelles sont les perspectives d'avenir ?

Le groupe Agir ensemble votera bien entendu pour ce projet de loi.

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Notre groupe est favorable au projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'île Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, qui doit nous permettre de renforcer notre présence dans l'océan Indien et de consolider notre coopération stratégique.

La relation franco-mauricienne de défense est marquée par la présence, dans l'océan Indien, de deux de nos territoires ultramarins, La Réunion et Mayotte, qui doit nous inciter à entretenir les meilleures relations possibles avec nos voisins. Cette zone est confrontée à de nouveaux défis qui requièrent toute notre vigilance. Nous pensons, en particulier, à la lutte contre le terrorisme, à la sûreté maritime et à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Par ailleurs, notre relation avec Maurice tend progressivement à intégrer pleinement la transition écologique. Notre groupe prend acte des échanges intervenus, en la matière, en 2018 entre le Premier ministre et le chef du gouvernement mauricien. L'île Maurice est, je le rappelle, particulièrement vulnérable au changement climatique. À cet égard, l'action de l'AFD permet de promouvoir un modèle de développement durable en intervenant essentiellement dans la transition énergétique. Ce rapprochement conventionnel va donc dans le bon sens.

Nous nous réjouissons également que cet accord permette d'inclure deux collectivités ultramarines, Mayotte et La Réunion, qui accueilleront nos forces armées dans la zone sud de l'océan Indien. C'est là le signe que l'État peut faire confiance aux collectivités pour contribuer au rayonnement militaire de la France.

S'agissant des stipulations relatives aux compétences juridictionnelles, nous saluons la protection juridique et les garanties apportées à nos militaires dans le cadre des actions qu'ils mènent à Maurice. La ratification de l'accord permettra ainsi de renforcer le cadre juridique de nos relations, en réglant a priori des difficultés pratiques et juridiques qui sont susceptibles de survenir.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la place de l'Inde dans le déploiement de nos relations de défense avec Maurice, pour laquelle elle est plus qu'un partenaire particulier : elle exerce presque une forme de tutelle dans le domaine de la sécurité.

Enfin, nous saluons l'aspect multidimensionnel de cet accord, qui prévoit également des échanges de bons procédés, des formations, des entraînements ainsi qu'un soutien logistique pour les forces mauriciennes.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires soutiendra le projet de loi.

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Mon intervention se limitera à une question : cet accord présente un intérêt évident pour la France, mais qu'apporte-t-il aux Mauriciens ?

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Puisqu'on a cité tout à l'heure un prix Nobel, je voudrais, étant amateur de football, avoir également une pensée pour Vikash Dhorasoo, ancien international français et havrais d'origine mauricienne.

Au fond, la question qui nous est posée est d'ordre géopolitique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, même si le projet de loi semble faire l'objet d'un accord, notre groupe a souhaité qu'un débat soit organisé en séance publique. De fait, cet accord s'inscrit dans une stratégie globale et un contexte complexe qu'un tel débat permettrait d'approfondir. Je pense en particulier à la question des ventes d'armes. Par ailleurs, je préférerai toujours un accord, bon ou même médiocre, avec un État souverain à une mauvaise colonisation. La présence, la puissance, le rôle de la France – on l'a évoqué à propos de l'île de Tromelin –, c'est une chose. Mais le regard des Mauriciens sur ceux qui dominent, prétendent ou veulent dominer le monde mérite un débat. Celui-ci a été ajourné, peut-être pour des raisons de calendrier ou parce qu'on estime que son objet n'est pas important. Quoi qu'il en soit, nous espérons qu'il sera très vite réinscrit à l'ordre du jour de notre assemblée et organisé avant la fin de la législature.

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J'ai cru comprendre que ce débat ne présentant pas un caractère d'urgence, il avait été ajourné pour des raisons liées à l'encombrement de l'ordre du jour, mais qu'il aurait lieu de toute manière. Il est tout à fait légitime, et même important.

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L'élection au Sénat de l'un de nos anciens collègues, qui était le principal opposant à la ratification de l'accord de cogestion de l'île de Tromelin, nous offre une opportunité. Cet accord est en effet très important : il est un modèle de coexistence pacifique dans le cadre de revendications concurrentes. S'agissant de cette île, la France dispose d'un avantage historique, mais la légitimité de sa présence est très fragile du point de vue de l'Organisation des Nations unies et des peuples locaux, y compris sur le plan du droit international. Ne pas avoir ratifié cet accord nous place dans une position dangereuse et compromet la possibilité de trouver par la suite des solutions imaginatives à propos des Îles éparses. Il serait donc intéressant, monsieur le président, de prendre l'attache du Quai d'Orsay pour savoir s'il est envisageable de remettre le sujet sur la table au cours de l'année à venir. Je me permets de faire cette proposition, car je sais que l'exécutif déplore ce blocage, qui entrave nos initiatives diplomatiques dans la région, notamment avec Madagascar. Nous pourrions donc lui ôter une épine du pied.

Bien entendu, je soutiens l'approbation de l'accord, mais j'apporterai un bémol. S'agissant des droits de l'homme, la réalité est beaucoup moins rose que ne le fait accroire le formidable marketing de Maurice. Il suffit d'écouter non seulement les opposants mais aussi les Mauriciens de la diaspora présents en France pour s'apercevoir qu'il existe des situations de corruption généralisée, que le régime se durcit et que certaines personnes disparaissent quand d'autres sont emprisonnées sans fondement légal. Ainsi, notre partenariat, non pas avec Maurice en tant qu'État mais avec le gouvernement mauricien, repose sur des bases moins solides et moins confiantes qu'auparavant. Il faut en avoir conscience et montrer que la représentation nationale ne se laisse pas abuser par le marketing politique de Maurice, quelle que soit par ailleurs l'amitié que nous avons pour ce pays.

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Sur l'accord de cogestion, il existe manifestement, au sein de notre commission, des approches assez différentes. Je ne crois pas que le Gouvernement veuille l'inscrire à son programme législatif, mais je suggère que nous interrogions M. Le Drian, que nous devons entendre le 15 décembre, sur sa perception de cet accord.

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Madame Lakrafi, je laisserai à Mme Pouzyreff le soin de répondre à votre question concernant les documents classés.

Monsieur Herbillon, je dois dire que la question de l'annulation par l'Australie de sa commande de sous-marins n'a pas été posée lors des échanges que nous avons eus avec les autorités mauriciennes. Au reste, dans ce domaine, le partenaire privilégié de Maurice est l'Inde, pays avec lequel nous entretenons de très bons rapports, notamment dans le domaine de la fourniture d'armements.

Monsieur Fuchs, à propos de nos liens très forts avec Maurice, je serais tenté de reprendre la formule célèbre d'Edgard Faure : l'indépendance dans l'interdépendance, et ce dans de nombreux domaines, notamment dans ceux de la culture et de la francophonie, et du tourisme, que nous nous sommes efforcés de développer au cours des dernières années, voire des dernières décennies. Il se trouve qu'en 1972, j'ai effectué mon stage en tant qu'élève de cette école dont on n'ose plus prononcer le nom à l'île de La Réunion. Déjà, à l'époque, il s'agissait d'organiser la complémentarité de La Réunion et de Maurice sur le plan touristique. En effet, La Réunion, dont la superficie équivaut au tiers de celle de la Corse, est une île très montagneuse : son point culminant, le piton des Neiges, dépasse les 3 000 mètres d'altitude et elle abrite de magnifiques cirques volcaniques : Salazie, Cilaos et Mafate. On peut donc y crapahuter, avant de se rendre à Maurice pour se reposer sur les bords du lagon et profiter d'un réseau hôtelier remarquable, dont les touristes français, de métropole ou de La Réunion, sont les premiers clients. Maurice a également développé certaines initiatives muséographiques exemplaires ; je pense en particulier à l'exposition intitulée « L'aventure du sucre », consacrée au sucre de canne, qui est la première production agricole de l'île.

Monsieur David, le poids de la représentation chinoise ne semble pas croître. Encore une fois, le partenaire privilégié de Maurice est l'Inde.

Madame Kuric, l'Agence française de développement est effectivement le deuxième partenaire de Maurice, parfois le premier. Par ailleurs, la sécurité maritime est un enjeu tout à fait essentiel. On a assisté, au cours des dernières années, à une diminution des trafics, qu'il s'agisse de stupéfiants ou de la pêche illicite, qui est d'ailleurs souvent le fait de personnes venant de très loin : de la Chine, du Vietnam ou des Philippines. Je me souviens également qu'après le passage d'un cyclone, la France avait organisé, en 1972, une opération humanitaire très efficace pour venir en aide à l'île Rodrigues, qui est à la fois la plus orientale et la plus africaine de ces îles, à laquelle Jean-Marie Gustave Le Clézio a consacré de très belles pages.

Quant à l'accord de cogestion portant sur l'île de Tromelin – qui n'a pas été ratifié du fait de l'opposition d'un certain nombre de députés, dont j'étais, M. Folliot étant à la pointe du combat –, il était valable pour dix ans, c'est-à-dire jusqu'en 2020. Peut-on rouvrir le dossier ? Nous poserons la question à M. Le Drian. Ce que nous ne voulions pas, c'était, en ratifiant cet accord, mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduise de l'idée possiblement intéressante de la cogestion – à l'origine de laquelle se trouvait Jacques Chirac, qui avait une faiblesse pour Maurice – à une perte de souveraineté qui aurait des implications sur l'étendue de notre zone économique exclusive, la deuxième plus grande du monde avec 11 millions de kilomètres carrés. Celle-ci va d'ailleurs évoluer à la faveur d'un accord sur Saint-Pierre-et-Miquelon et d'une révision éventuelle de la convention de Montego Bay.

Monsieur Clément, vous avez insisté sur les problèmes liés au changement climatique. La question des protections juridiques est en effet très importante : elle a des conséquences pratiques.

Je note, monsieur Maire, votre remarque sur la situation des libertés publiques, qui n'est peut-être pas aussi satisfaisante qu'on pourrait le souhaiter. Les élections récentes se sont déroulées dans le calme et ont été marquées par une participation importante de 76,84 %. Le pluralisme politique est réel. J'ai évoqué la domination exercée par deux grandes familles, les Jugnauth et les Ramgoolam ; il faut en citer une troisième, la famille Duval, dont était issu un ministre des affaires étrangères, par ailleurs orateur exceptionnel, Gaëtan Duval. Enfin, une curiosité mérite d'être mentionnée : l'un des mouvements politiques mauriciens – de gauche, voire gauchiste – est animé par un ancien soixante-huitard français, Paul Bérenger, qui, lors des dernières élections, a recueilli 22 % des voix, ce qui n'est pas rien.

Monsieur Brotherson, il faudrait, pour caractériser la situation de Maurice, parler de diversification. Ainsi, la diplomatie de ce petit pays est remarquable en ce qu'il a entendu diversifier ses relations internationales, notamment en concluant des partenariats privilégiés avec l'Inde, la Chine ou la France – ses relations avec l'ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, sont un peu difficiles en raison d'un contentieux portant notamment sur les Chagos.

Cette diversification se retrouve sur le plan économique. Lorsque j'étais stagiaire de l'ENA à La Réunion, j'avais chanté les louanges de la départementalisation réunionnaise – dont on m'avait demandé de dresser le bilan –, due au père de Jacques et Paul Vergès, membre du parti communiste réunionnais. De fait, au bout de vingt-cinq ans, ce bilan était plutôt favorable, contrairement à celui de l'indépendance mauricienne. Cinquante ans plus tard, alors que La Réunion est toujours confrontée à d'importants problèmes, notamment un taux de chômage élevé, force est de constater que l'indépendance mauricienne est un succès, grâce à la diversification de son économie : le taux de chômage y est l'un des plus bas. Outre la production de cannes à sucre, l'île a longtemps développé le textile et, à présent, elle marque des points dans le domaine des nouvelles technologies. Par ailleurs, le premier ambassadeur de France à Maurice, Raphaël Touze, a donné à ses habitants l'idée de réaliser et de commercialiser des modèles réduits de bateaux, notamment ceux que l'on introduit dans des bouteilles. Ces maquettes – dont la production a pour capitale une ville portant le nom pittoresque de Curepipe – sont aujourd'hui l'une des richesses de l'artisanat mauricien, même si l'on a parfois accusé leurs fabricants d'utiliser une main-d'œuvre sinon enfantine du moins adolescente.

Enfin, monsieur Lecoq, vous avez mentionné Dhorasoo ; n'oublions pas Dimitri Payet, qui est réunionnais !

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Madame Lakrafi, il existe, en matière de sécurité intérieure, un accord de coopération qui date du 13 juin 2008. On peut donc penser que, dans ce cadre, des échanges ont eu lieu, qui, s'ils portent sur la lutte antiterroriste, sont soumis à un certain secret. Je n'ai donc pas d'éléments à vous communiquer, si ce n'est l'information selon laquelle une trentaine de ressortissants mauriciens ont rejoint l'État islamique.

En ce qui concerne la vente d'armes, l'île Maurice possède très peu d'équipements français : un VAB, deux hélicoptères Alouette III et un hélicoptère Fennec. Comme l'a rappelé le rapporteur, l'Inde est le premier fournisseur de Maurice dans ce domaine.

Article unique

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar relatif au statut de leurs forces (n° 4324) (M. Didier Quentin, rapporteur)

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Ce projet de loi vise à fournir un cadre juridique adapté à l'importance des forces militaires et des personnels liés à l'industrie de l'armement et aux échelons de soutien qui sont envoyés par la France et le Qatar sur chacun de nos deux territoires, y compris en transit. Il évite ainsi de résoudre diverses questions comme l'entrée et le séjour, la conduite de véhicules, le port d'arme ou d'uniforme par des consultations réalisées par voie diplomatique au cas par cas.

Le Qatar est un partenaire de première importance pour la France. Une coopération militaire étendue et diverse a été instaurée depuis une dizaine d'années et se traduit de façon opérationnelle aussi bien sur les théâtres de l'Irak et de la Syrie qu'au Sahel.

Nos rapporteurs vous présenteront la présence militaire française au Qatar, au travers de notre base mais aussi dans les états-majors qatariens. La présence de militaires qatariens en France pour leur formation doit également être relevée.

En matière d'armement, la France est le deuxième client du Qatar sur les dix dernières années.

La coopération s'étend aux échanges d'information et à la sécurité intérieure notamment pour de grands événements. Notre commission sera d'ailleurs saisie, dans le courant de l'année 2022, d'un projet de loi portant approbation d'un accord établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, qui a été signé en mars dernier à Doha.

L'accord nous donne l'occasion de discuter de la place du Qatar dans la région du Golfe et dans le monde, et des progrès qu'il a accomplis, notamment en matière sociale, depuis l'obtention de l'organisation de la Coupe du monde de football. Des évolutions législatives substantielles ont été adoptées, au point d'éveiller des craintes parmi les voisins du Qatar, sans toutefois apaiser complètement nos propres inquiétudes.

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L'accord entre la France et le Qatar, contrairement au précédent, concerne exclusivement le statut des forces.

Je commencerai par un point sur le positionnement géopolitique actuel du Qatar, notamment à l'égard de ses voisins, ainsi que sur l'état de nos relations avec lui, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la défense.

Ce qui caractérise avant tout la politique extérieure qatarienne, et ce depuis plusieurs années, c'est une volonté assumée d'indépendance, notamment par rapport aux autres monarchies du Golfe. Ce désir d'autonomie, qui s'est traduit, par exemple, par la création de la chaîne Al Jazeera et par le soutien aux mouvements issus de l'islam politique durant les printemps arabes, a provoqué une grave crise régionale de juin 2017 à janvier 2021. L'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l'Égypte ont, en effet, rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et organisé le blocus du pays. Pendant cette crise, le Qatar a pu compter sur le soutien de la Turquie, mais aussi de l'Iran, pays avec lesquels il continue aujourd'hui d'entretenir des relations de bon voisinage.

Cette crise régionale est désormais en voie d'apaisement : l'embargo a été levé à la suite du sommet des chefs d'État du Conseil de coopération des États arabes du Golfe, organisé à Al‑Ula, en janvier 2021 ; les frontières ont été rouvertes ; les relations se sont nettement améliorées avec Riyad et Le Caire mais elles demeurent compliquées avec Bahreïn et les Émirats arabes unis. Le Qatar sort incontestablement vainqueur de cette période de tensions, puisqu'il n'a pas cédé face aux exigences qui avaient été posées par ses voisins.

Le Qatar continue à tracer sa voie propre. Il se pose en médiateur avec les Talibans dont il accueille, avec l'autorisation des États-Unis, une représentation à Doha depuis 2014. Il a noué des partenariats militaires avec la Turquie et l'Italie. Il a aussi, bien sûr, une relation de défense très étroite avec les États-Unis. La plus grande base militaire américaine au monde se trouve, en effet, au Qatar, à Al-Udeid.

Qu'en est-il de la France ? Nos deux pays entretiennent des relations, depuis la déclaration d'indépendance du Qatar en 1971 et l'ouverture croisée de représentations diplomatiques en 1972. Notre coopération bilatérale s'est renforcée au cours des dernières années, tant sur le plan économique que culturel et même sportif. On pourrait citer ici de nombreux exemples : le contrat de maintenance et d'exploitation du métro de Doha, remporté notamment par deux opérateurs français, l'accompagnement lors des quinzièmes Jeux asiatiques organisés à Doha en 2006, l'année culturelle France-Qatar de 2020, etc.

Dans le domaine de la défense, le Qatar est l'un des principaux importateurs d'armement français. Il s'est porté acquéreur de trente-six avions Rafale et de vingt-huit hélicoptères NH-90, dont plus de la moitié sont fabriqués en France par Airbus Helicopters. Des négociations sont en cours pour l'achat de satellites d'observation et de radars. Au total, entre 2010 et 2019, le montant cumulé des prises de commandes auprès des industriels français de la défense s'est élevé à 11,05 milliards d'euros, faisant du Qatar le deuxième client de la France sur cette période. Ces achats d'équipement s'accompagnent d'activités de formation, en particulier pour le Rafale.

La coopération militaire entre la France et le Qatar se traduit par la présence de quatre officiers français au sein des états-majors qatariens, ainsi que par des exercices conjoints, tels que l'exercice quadriennal interarmées Gulf Falcon. Le Qatar participe, en outre, à des opérations communes avec la France, notamment sur le théâtre sahélo-saharien dans le cadre de l'opération Barkhane. Au titre de la coalition contre Daech en Irak et en Syrie, vingt-cinq militaires français sont, par ailleurs, déployés sur la base américaine d'Al-Udeid.

Quel est, dans ce contexte, l'intérêt de l'accord qui nous est soumis aujourd'hui ? Conclu pour une durée de dix ans et renouvelable par tacite reconduction, il apporte surtout une sécurité juridique pour l'envoi de personnel militaire par la France au Qatar, et inversement.

Deux obligations fondamentales sont posées par l'accord. Tout d'abord, la partie d'accueil ne peut pas faire participer un membre du personnel de la partie d'envoi à une activité ayant lieu en dehors du territoire de la partie d'accueil, sauf accord préalable de la partie d'envoi. Ensuite, les membres du personnel, ainsi que les personnes à leur charge, sont tenus au respect de la législation de la partie d'accueil. L'accord apporte des précisions en matière d'entrée et de séjour, de port d'arme, de permis de conduire, d'accès aux services de santé ou de domiciliation fiscale. Il est stipulé que la compétence, en matière de discipline, revient exclusivement aux autorités de la partie d'envoi.

En matière pénale, il est prévu, comme pour l'accord avec Maurice, un partage de juridiction. Une infraction commise par un militaire français au Qatar relèvera, en principe, de la compétence des juridictions qatariennes. Cette compétence sera, toutefois, dévolue en priorité aux autorités françaises lorsque l'acte délictueux aura été accompli dans le cadre du service ou lorsqu'il aura été porté atteinte aux biens ou à la sécurité de la France ou du personnel français. En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d'accueil, la personne concernée bénéficiera de toutes les garanties associées au droit à un procès équitable.

Je vous signale une spécificité par rapport à l'accord conclu avec Maurice. La peine de mort est toujours en vigueur au Qatar. Les exécutions font certes, en principe, l'objet d'un moratoire depuis 2003, mais celui-ci a connu une exception en mai 2020, avec l'exécution d'un ressortissant népalais, condamné pour meurtre. C'est pourquoi la France a tenu à l'insertion d'une clause de juridiction, rédigée en conformité avec nos exigences constitutionnelles, ainsi qu'avec celles qui découlent de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il était essentiel pour la France que l'accord écartât toute possibilité d'application de la peine de mort – d'autant plus après les déclarations du Président de la République à l'occasion du quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort – ou d'un traitement inhumain ou dégradant, aussi bien pour un Français ayant commis une infraction au Qatar, que pour un Qatarien ayant commis une infraction en France et dont le Qatar demanderait la remise. L'accord prévoit donc que si, dans un État, une infraction est punie de la peine de mort ou d'une peine susceptible d'être qualifiée de traitement inhumain ou dégradant, ce dernier État ne remettra au premier une personne faisant l'objet de poursuites que contre l'assurance que ces peines ne seront ni requises, ni prononcées ou, si elles sont prononcées, qu'elles ne seront pas exécutées.

L'entrée en vigueur de l'accord assurera une pleine protection à nos forces, mais aussi aux militaires qatariens appelés à se rendre sur notre territoire. L'absence d'un tel accord, au contraire, serait une source de contentieux et d'insécurité juridique, les problèmes devant alors être résolus, au cas par cas, par le biais de consultations diplomatiques.

Au-delà du renforcement de la sécurité juridique pour les militaires des deux parties et leurs familles, l'accord offre un cadre juridique à la coopération de défense franco-qatarienne pour répondre aux défis communs auxquels les deux pays sont confrontés, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Le Qatar est, en effet, un partenaire stratégique, non seulement du fait de sa position géographique, mais aussi en raison de ses relations désormais plus apaisées avec ses voisins, de son rôle de médiateur avec les talibans ainsi que des partenariats qu'il a su nouer avec des acteurs aussi différents que les États-Unis, la Turquie et l'Iran.

Une consolidation apparaît, aujourd'hui, d'autant plus nécessaire que la coopération franco-qatarienne est appelée à trouver, au cours des prochains mois, un nouveau champ d'application, avec l'organisation par le Qatar de la Coupe du monde de football de 2022. La France a, en effet, accepté d'apporter son aide au Qatar pour contribuer à garantir la sécurité de l'événement. Rappelons que le Qatar est le premier pays du monde arabe à accueillir cette compétition. La France, de son côté, y voit l'occasion d'étoffer son expérience, dans la perspective de l'organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques d'été, en 2024. À ce stade, à l'exception d'actes terroristes isolés, par nature très difficiles à détecter, les menaces identifiées concernent la cybersécurité et l'intrusion d'aéronefs ou de drones dans l'espace aérien.

L'assistance de la France passera par la présence de personnels, en particulier un officier de liaison interarmées et une équipe de conseillers du commandement pour les opérations interarmées, ainsi que par le déploiement de matériels, notamment un système de lutte anti-drones et un avion radar AWACS, destinés à la protection des stades.

L'approbation de l'accord apparaît donc indispensable, non seulement pour approfondir la coopération franco-qatarienne à la sécurité du Qatar et à celle de la région, mais aussi pour assurer toute la sécurité juridique souhaitable, en particulier aux militaires français appelés à séjourner au Qatar.

Elle devra toutefois s'accompagner de la poursuite d'un dialogue politique exigeant avec le Qatar en ce qui concerne la situation des droits de l'homme. Non pas que celle-ci se dégrade, au contraire ; des avancées indéniables ont eu lieu au cours des années récentes. Le Qatar a été le premier pays de la région à abroger le système dit de la kafala, qui impose aux travailleurs étrangers de remettre temporairement leur passeport à leur employeur ; à instaurer un salaire minimum obligatoire ; à supprimer l'exigence d'un visa de sortie pour quitter le territoire ; à autoriser les travailleurs à changer d'emploi sans avoir à obtenir, au préalable, le consentement de leur employeur ; à offrir un suivi médical gratuit pour l'ensemble des salariés qui travaillent au Qatar. S'agissant des droits des femmes, le Qatar est le pays du Golfe, où le taux d'emploi féminin est le plus élevé. Les femmes occupent des postes de responsabilité dans de nombreux secteurs. À titre d'exemple, l'équipe en charge des évacuations d'Afghanistan ou encore la chaîne décisionnelle de réponse à la crise sanitaire sont presque entièrement féminines. Trois ministres dans un gouvernement qui compte une quarantaine de membres sont des femmes. Le Qatar a donc encore du chemin à parcourir pour atteindre les standards que la France défend en matière de droits de l'homme, notamment au regard de la liberté d'expression et d'opinion, de la liberté d'association, de la liberté de la presse, et bien sûr du droit pénal.

Les conditions de travail sur les chantiers de la Coupe du monde de football posent également question. L'Organisation internationale du travail (OIT) a publié, en novembre dernier, un rapport sur les décès et les blessures liés au travail au Qatar, rapport dont le champ dépasse la seule Coupe du monde. Selon l'OIT, 50 travailleurs ont perdu la vie au Qatar en 2020, un peu plus de 500 ont été gravement blessés et 37 600 ont subi des blessures légères à modérées dans le cadre de leur travail. La plupart des victimes sont des travailleurs migrants venus du Bangladesh, de l'Inde et du Népal. Les chutes de hauteur et les accidents de la route sont les principales causes de blessures graves, suivies des chutes d'objets sur les chantiers. L'OIT a travaillé en collaboration avec des institutions clés du Qatar pour collecter et analyser ces données. Le Qatar est, d'ailleurs, ouvert à la discussion et accueille sans difficulté des représentants d'ONG, comme Amnesty international.

La France a fait le choix – à juste titre, je le crois – de coopérer et de dialoguer avec le Qatar. C'est bien parce que la France et d'autres pays ont maintenu un dialogue étroit et régulier avec le Qatar que les progrès rappelés précédemment ont pu être accomplis. Le refus d'autoriser l'approbation de l'accord n'apporterait aucune plus-value en matière de droits de l'homme au Qatar, tout en fragilisant le statut juridique de nos personnels militaires sur place et en entravant les efforts de la France pour contribuer à la sécurité de la région.

C'est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi, ce qui n'implique en aucun cas de renoncer à un dialogue approfondi sur la situation des droits de l'homme, et en particulier sur le respect des droits des travailleurs et des migrants.

Le Président de la République doit se rendre aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite les 3 et 4 décembre. Je sais que le Président se déploie sur de multiples théâtres, extérieurs et intérieurs, mais je suis étonné que personne jusqu'à présent n'ait commenté ce voyage imminent.

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Notre réunion étant ouverte à la presse, votre appel sera certainement entendu.

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Eu égard à l'exposé exhaustif de mon collègue, mon propos se limitera essentiellement aux aspects de défense.

S'agissant de la forme tout d'abord, il s'agit d'un accord relatif au statut des forces, plus souvent désigné par l'acronyme anglais SOFA – Status of Forces Agreement. Ces accords génériques définissent le droit applicable à nos personnels militaires sur le sol étranger d'un État partie, et réciproquement. Ils sont parfaitement intégrés dans les usages du ministère des armées et sont coutumiers puisque la France est liée par quatre-vingts SOFA bilatéraux et trois multilatéraux.

L'accord offre un cadre juridique particulièrement protecteur pour les membres du personnel français déployés sur le territoire qatarien, qui sont jusqu'à présent soumis aux lois qatariennes, donc potentiellement exposés à des risques importants puisque la peine de mort y est toujours en vigueur.

Quant au fond, ce SOFA est le premier accord relatif au statut des forces contenant une clause de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, signé avec un État du Golfe – je m'en réjouis. L'article 11 prévoit des clauses relatives à la garantie de non-application de la peine de mort et des traitements inhumains et dégradants, tels que définis par la Convention européenne des droits de l'homme. Plus précisément, ces peines ne pourront être ni requises ni prononcées, et, si elles devaient être prononcées, ne seraient pas appliquées. Ce triptyque issu de la jurisprudence du Conseil d'État assure une sécurité optimale à nos militaires.

Dans le domaine de la défense, nos relations avec le Qatar sont importantes. Au-delà de ventes d'armement et des activités de formation, il s'agit d'un allié qui a su prouver sa valeur en facilitant les négociations avec les talibans – depuis le 12 septembre, dans le cadre de l'opération Apagan, les vols entre Kaboul et Doha ont permis d'évacuer 124 Français et ayants droit – ainsi que dans la lutte contre le terrorisme.

Environ vingt-cinq militaires français sont déployés sur la base américaine d'Al-Udeid au Qatar, qui compte au total entre 8 000 et 11 000 personnes dans le cadre de l'opération de lutte contre le terrorisme au Levant Inherent Resolve, dont le volet français est désigné sous le nom d'opération Chammal.

Enfin, la participation française à l'organisation de la Coupe du monde de football de 2022 devrait mobiliser plusieurs dizaines de militaires pour environ un mois.

Je voudrais élargir mon propos à une préoccupation que nous partageons tous : le respect des droits civiques et le droit des femmes au Qatar

Malgré un retard considérable en la matière, des progrès notables doivent être soulignés, notamment dans le domaine politique. Le 2 octobre 2021, le pays a organisé la première élection nationale au suffrage universel direct de son histoire, renouvelant les deux tiers du Conseil consultatif, parlement monocaméral dont les attributions sont législatives et consultatives, le tiers restant étant nommé par l'émir. Si aucune femme n'a été élue, deux ont été désignées par l'émir, dont la vice-présidente du Conseil. De plus, trois femmes sont ministres. En outre, le port du voile n'est pas une obligation et il n'existe pas de police des mœurs. Les femmes ont le droit de vote et le droit de conduire. Les autorités ont engagé la réforme de la kafala. Le conservatisme continue de prévaloir mais l'ouverture est plus grande que dans d'autres États voisins.

Comme l'ont indiqué plusieurs personnes auditionnées, l'accord constitue une référence pour la négociation de futurs accords sur le statut des forces avec d'autres États du Moyen‑Orient. Son approbation présente donc un intérêt pour le renforcement tant de la relation franco-qatarienne que des liens de la France avec l'ensemble des États du Moyen-Orient, mais surtout pour nos militaires sur place. C'est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi, conformément à l'avis favorable émis par la commission de la défense nationale et des forces armées.

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L'accord, qui est le fruit de cinq années de négociation, précise le cadre juridique applicable aux militaires déployés sur les territoires des deux États. Il vise notamment à sécuriser le statut de nos forces armées stationnées au Qatar, en particulier sur la base d'Al-Udeid.

Le Qatar est un partenaire de longue date au Moyen-Orient, qui, après avoir connu une passe difficile en raison de relations dégradées avec ses voisins, retrouve un rôle éminemment stratégique dans la région.

Si l'organisation de la Coupe du monde de football, qui transforme Doha en chantier à ciel ouvert, place le Qatar sur le devant de la scène, je préfère évoquer le rôle majeur qu'a joué ce petit pays dans l'évacuation de nos ressortissants et de nombreux Afghans après l'arrivée des talibans. J'ai eu la chance de visiter les infrastructures où sont accueillis les Afghans qui seront celles où seront logés les sportifs lors de la Coupe du monde. Je tiens à souligner le travail extraordinaire grâce auquel plus de 70 000 personnes ont pu être évacuées depuis cet été. Le Qatar continue d'assumer une lourde responsabilité dans l'accueil des réfugiés en provenance d'Afghanistan.

Le Qatar s'est libéralisé à bien des égards. Vous avez mentionné les progrès pour les droits des femmes – j'ai pu discuter avec la vice-présidente du Conseil consultatif lors de ma visite il y a deux semaines – et pour les travailleurs étrangers.

Outre nos liens commerciaux et culturels, l'accord vient compléter de nombreux rapprochements entre nos deux pays dans les domaines de la sécurité, de la défense, et de la lutte contre le terrorisme qui ont débouché sur la signature de plusieurs contrats d'armement au plus grand bénéfice de notre industrie. Il constitue une véritable avancée dans le domaine militaire, d'abord au profit de nos forces sur place. Il serait particulièrement bienvenu que notre assemblée autorise son approbation à deux jours d'une visite du Président de la République à Doha.

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L'accord arrive à point nommé puisqu'il répond à la nécessité urgente d'offrir un cadre juridique à nos soldats déployés sur le territoire qatarien, à l'heure où les relations entre nos deux pays tendent à se développer rapidement, en particulier dans le domaine de la défense.

Alors que la coopération s'était déjà fortement renforcée depuis quelques années, la crise du Golfe de juin 2017 a contribué à accélérer ce processus. La rupture des relations diplomatiques entre le Qatar, d'une part, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, d'autre part, s'est soldée par une intensification de nos relations avec Doha qu'illustrent de multiples rencontres, dont la visite du Président de la République en 2017 et dans quelques jours, ainsi que l'accentuation d'une coopération militaire déjà bien établie. Le Qatar est l'un des principaux importateurs d'armement français, position stable si l'on en croit les contrats conclus en 2015 et 2017, aux termes desquels il a acquis pas moins de trente-six avions Rafale.

La coopération militaire se traduit par des activités de formation des militaires qatariens mais également par des exercices conjoints. Elle devrait être renforcée prochainement avec la Coupe du monde de football de 2022 et la participation qatarienne à des opérations communes, notamment, dans le cadre de l'opération Barkhane.

Dès septembre 2015, des négociations ont été entreprises afin de donner un cadre juridique à la relation de défense liant nos deux pays. Cet accord devait avoir un caractère impérieux afin de garantir la sécurité des personnels français déployés au Qatar, faute de quoi ils seraient soumis à la juridiction du territoire, où la peine de mort est toujours en vigueur. Malgré des divergences sur les dispositions relatives aux garanties de non-application de la peine de mort et de traitements inhumains et dégradants, les négociations ont finalement abouti en novembre 2019 à la signature d'un accord relatif au statut des forces. Considérant qu'il permet de sécuriser le déploiement de nos militaires sur le sol qatarien, notre groupe est favorable à son adoption.

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Notre groupe votera en faveur de cet accord puisqu'il apporte une sécurité juridique à nos personnels présents au Qatar et qu'il contribue à conforter les intérêts géopolitiques et économiques de la France dans cette région.

Les rapporteurs se sont montrés exhaustifs et n'ont pas caché les vœux que nous formulons. À ce propos, je pourrais dire avec Verlaine que « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » d'un développement de la démocratie au Qatar et que notre présence, l'organisation de la Coupe du monde de football, en soient peut-être l'occasion. La construction des stades, dans ce pays, a montré, en effet, combien les rapports sociaux y sont durs. Pour le coup, c'est moins à Verlaine qu'au Germinal de Zola que je ferai référence. Nous ne pouvons ni être dupes ni nous taire : la fête du football est légitime, certes – le Qatar nous fait l'honneur de considérer que nous savons à peu près gérer de telles manifestations – mais il ne faut pas oublier les travailleurs qui ont perdu la vie.

Notre groupe votera néanmoins le projet de loi.

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Les rapporteurs ont su, en effet, se montrer exhaustifs en présentant un accord qui intervient dans le contexte d'un renforcement des relations entre nos deux pays.

Vous avez évoqué un dialogue exigeant avec le Qatar ainsi que le standard démocratique occidental – droits de l'homme, condition des femmes – tout en rappelant les avancées qatariennes dans ces domaines. Même si nous pouvons regretter qu'aucune des vingt-huit candidates n'ait été élue en 2021, nous espérons que ces premières élections entraîneront une évolution de la société qatarienne qui se traduira à l'avenir au sein du Conseil de la Choura, le parlement du Qatar.

La presse internationale a été le lieu de beaucoup de polémiques à la suite des décès de travailleurs sur les chantiers des dix-huit stades où se déroulera la Coupe du monde. Les chiffres de l'Organisation internationale du travail contredisent un certain nombre de rumeurs colportées par les médias, y compris français, faisant état de plusieurs milliers de morts alors que ces chiffres se rapportent en fait au nombre total de décès de ressortissants étrangers de 2012 à 2022.

Oui, les conditions sociales des travailleurs étrangers ont pu être difficiles, comme le Qatar l'a lui-même reconnu, mais des progrès ont été accomplis en matière de droits sociaux, de salaire minimum et de protection médicale. Nous appelons collectivement à une stricte vigilance et à un dialogue exigeant avec ce pays sur les droits de l'homme, la condition de la femme et la démocratie, mais je ne doute pas qu'il en est de même avec nos autres partenaires du Golfe, qui ne se sont pas nécessairement engagés sur la voie des réformes.

Notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

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Nos rapporteurs ont effectivement accompli un travail d'orfèvre, très détaillé.

Selon le rapport de M. Quentin, les relations entre nos deux pays sont plutôt bonnes. La famille royale manifeste d'ailleurs à notre endroit une particulière inclination puisque l'un de ses membres a été saint-cyrien et que ses parents étaient présents lors de la cérémonie du Triomphe. Les relations économiques avec le Qatar sont également très développées, notamment s'agissant des ventes d'armes, essentielles à notre industrie de défense.

Il n'en reste pas moins que ce pays est très à la traîne dans l'application des droits de l'homme et des droits du travail. Lorsque je présidais la commission de la défense nationale et des forces armées, je me suis rendu dans des pays comparables et j'ai pu constater combien les conditions de vie des immigrés – la plupart, d'ailleurs, musulmans – sont difficiles, sous des chaleurs intenses, dans des baraquements non climatisés et avec des horaires impossibles… Des pelouses poussent certes au cœur du désert, mais il faut savoir à quel prix.

Vous avez rappelé que la peine de mort est toujours en vigueur au Qatar, même si elle ne semble guère appliquée, mais je rappelle qu'elle peut aussi être exportée à travers le financement d'organismes qui eux, l'appliquent : je ne veux pas déplaire au Qatar mais nous savons tous qu'il finance des mouvements terroristes ! Je veux croire que notre coopération avec ce pays, comme avec les Émirats arabes unis, est l'occasion d'avancées démocratiques, quoique le chemin vers une démocratie comparable aux nôtres est encore long et que je ne veuille donner de leçons à quiconque.

Je voterai néanmoins ce texte.

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Si cet accord et ses objectifs sont intéressants, ils ne nous permettent pas toutefois de donner un blanc-seing au Gouvernement.

Notre groupe est en effet très réservé. Les violations des droits de l'homme au Qatar devraient nous conduire à encadrer strictement nos relations. Outre que nos relations militaires ne sont pas anodines, cet État continue de pratiquer des traitements différents en fonction des catégories de la population, notamment, à l'endroit des femmes, et les pouvoirs judiciaire et exécutif continuent d'infliger des châtiments et des traitements inhumains. Voilà avec qui nous traitons !

Au-delà des accusations de corruption qui entourent l'organisation de la Coupe du monde de football, je rappelle que plus de 6 000 ouvriers étrangers seraient déjà morts sur les chantiers. Notre pays ne s'honore donc pas à appuyer militairement un tel événement.

De plus, en dépit des avancées que présente cet accord, des risques juridiques demeurent quant à la protection de nos soldats, et le compromis auquel nous sommes parvenus me semble peu satisfaisant.

Sur le fond, notre principale réserve concerne la protection de nos soldats et des personnes qu'ils ont à charge. Certes, cet accord dispose d'une clause de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, mais c'est une clause de style inhérente à tous les accords que nous passons – même si c'est la première que nous signons avec un État du Golfe depuis 2009, et pas n'importe lequel.

La question de la peine de mort, quant à elle, ne doit pas être reléguée au second plan : un moratoire est en vigueur mais une entorse y a été faite récemment. Que la peine de mort soit peu appliquée ne suffit pas et devrait, au contraire, suffire à nous alerter.

Notre groupe s'interroge également sur les termes de l'article 11. En commission de la défense, la rapporteure pour avis a en effet indiqué qu'en droit, des peines de mort « pourraient être prononcées à l'encontre des personnels français et de leurs personnes à charge, même si le Qatar garantit qu'elles ne seraient pas, le cas échéant, exécutées ». Comment jugez-vous une telle situation ? Il n'est pas acceptable qu'un pays que nous nous apprêtons à soutenir militairement se réserve le droit de prononcer des peines de mort à l'encontre de l'un de nos concitoyens !

Par ailleurs, cet accord ne règle pas des questions essentielles liées à nos relations de défense et de sécurité. Alors que l'étude d'impact mentionne la vente de trente-six avions Rafale, elle passe sous silence le fait que certains d'entre eux ont été mobilisés en Turquie alors que, dans le même temps, la France cédait des Rafales à la Grèce. Cette situation, ambiguë, soulève également la question de la protection de notre savoir-faire industriel.

Enfin, cet accord n'évoque que la protection des soldats alors que des gendarmes sont également mobilisés. En commission de la défense, il a été précisé que l'accord relatif à cette coopération en matière de sécurité, qui concerne donc le ministère de l'intérieur et non celui de la défense, ne serait soumis à approbation qu'en mai 2022, date à laquelle l'Assemblée nationale ne siègera pas. Notre groupe regrette un tel procédé et ne comprend pas pourquoi ces deux accords de sécurité et de défense n'ont pas été présentés ensemble.

En dépit de ses lacunes, cet accord apporte une protection minimale à nos soldats, ce qui est bien évidemment préférable à la situation actuelle, mais ses termes ne sont pas pour autant satisfaisants. Dans ce contexte, nous nous abstiendrons.

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Jamais aussi peu de temps ne s'est écoulé entre la signature d'un accord et sa présentation devant notre commission : un an, c'est un record ! Avec le voyage à venir du Président de la République, nous comprenons mieux ce calendrier et le report du débat en séance publique – bien entendu, pour des raisons qui tiennent à l'ordre du jour et pas aux 11 milliards de montants cumulés de commandes auprès de nos industriels de défense…

Pour tout autre pays – Chine, Russie, Vietnam… –…

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…ce qui vient d'être dit suffirait à justifier l'absence de toute relation ou leur statu quo. Tel n'est pas le cas avec le Qatar, sans que nous puissions en l'état savoir pourquoi, sauf à considérer que la France est prête à s'asseoir sur ses valeurs pour 11 milliards.

Notre commission s'honorerait en faisant en sorte que le débat en séance publique soit inscrit à l'ordre du jour avant la fin de la session.

Les dispositions des articles 12, 13 et 17 de l'accord s'appliquent au Qatar comme à l'Égypte : autorisation des échanges d'informations classifiées, des survols des territoires respectifs et des installations de système de communication chez l'un et l'autre. Or les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets militaires.

Les questions liées à l'organisation de la Coupe du monde sont importantes et nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) nous demandent de ne pas y aller pour ne pas soutenir n'importe quoi, n'importe qui et n'importe quand.

J'ajoute que le Qatar n'a pas déclaré ses émissions de CO2 depuis 2007. Imaginez-vous ce qu'elles seront lors d'une Coupe du monde dans des stades climatisés en plein désert ? Comment soutenir à la fois l'accord de Paris, disposer de son respect dans tous les traités internationaux que nous signons et ne pas en faire cas ici ? Ce n'est pas possible !

Nous ne pouvons pas soutenir ce que cet accord symbolise et nous espérons qu'un débat dans l'hémicycle permettra d'apporter à l'exécutif des arguments complémentaires lorsqu'il rencontrera les autorités qatariennes.

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Pour des raisons qui tiennent à un ordre du jour surchargé, l'examen en séance publique de ces textes a été ajourné. J'ai fait valoir qu'il y avait urgence sur celui-ci tant il est essentiel pour la sécurisation des manifestations sportives des prochains mois. En conférence des présidents, comme auprès des ministères des affaires étrangères et des relations avec le Parlement, j'ai indiqué que nous voulions qu'il soit discuté en séance publique avant la fin janvier. Si le Gouvernement devait ne pas l'inscrire à l'ordre du jour, je protesterai vigoureusement et vous en informerai afin que nos groupes puissent intervenir politiquement. Cependant, nos interlocuteurs, dont M. Fesneau, ont bien compris notre préoccupation et je pense que vos craintes peuvent être apaisées.

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Je rappelle que l'une des missions du Parlement est de contrôler l'action du Gouvernement. Or il ne joue pas son rôle pour ce qui concerne les accords que nous avons examinés et la désastreuse opération militaire Sirli. Dans la mesure où tous les représentants de groupes ont soulevé des questions sur le respect des valeurs fondamentales de notre pays, il conviendrait d'anticiper l'examen en séance et de prévoir un contrôle parlementaire a posteriori de cet accord.

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Mme Lakrafi a bien fait de rappeler le rôle qu'a joué le Qatar dans l'organisation des évacuations d'Afghanistan. La rapporteure pour avis et moi-même partageons les réserves émises par MM. Fanget et Hutin, mais nous devons insister, comme M. Brindeau, sur la nécessité de poursuivre ce dialogue exigeant. Objectivement, des progrès ont été réalisés. Je suis tenté de reprendre la formule un brin cynique, mais pragmatique, d'Hubert Védrine : on ne fera jamais de ces pays des démocraties scandinaves.

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Ils viennent de mettre en prison deux journalistes norvégiens pendant trente-deux heures !

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J'ai précisément devant moi une dépêche : « Deux journalistes norvégiens ont été détenus temporairement au Qatar alors qu'ils enquêtaient sur les préparatifs de la prochaine Coupe du monde de football. Ils ont été relâchés…

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…sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux après plus de trente heures de détention. Leurs images, les interviews qu'ils ont réalisées ont été examinées à la loupe par la police. [Ils sont] repartis aussitôt à Oslo avec des bagages plus légers : ils ont été privés de leur matériel ». Tout cela n'est pas totalement satisfaisant, d'où la vigilance permanente dont nous devons faire preuve.

À l'occasion d'une audition du ministre ou dans le cadre du débat qui, nous l'espérons, aura lieu avant la fin du mois de janvier, nous pourrons soulever, monsieur Nadot, la question du contrôle parlementaire.

M. Teissier nous a fourni un témoignage intéressant sur l'ancienneté de ses relations avec le fils de l'ancien émir, qui a été élève de l'école spéciale militaire et qui à ce titre a participé au triomphe de Saint-Cyr – s'il y était encore élève, il participerait demain au « 2S » qui célèbre la victoire d'Austerlitz. Je n'ai pas de réponse s'agissant de l'« exportation » de la peine de mort. Des discussions avec notre ambassadeur, je retiens que des cadres du Hamas ont été reçus à Doha mais que le Qatar affirme ne pas financer cette organisation. Cela reste à vérifier.

M. Clément a été très précis dans ses observations et a adressé un carton jaune au Qatar. Il convient tout de même de souligner que les exigences de la partie française figurant dans cet accord ne constituent pas une clause de style : si la négociation a duré, c'est bien parce que les Qataris ont mis du temps à céder à nos demandes. Le problème traditionnel – et débattu à l'occasion de la pré-campagne présidentielle – de la primauté du droit international sur le droit interne est posé.

M. Lecoq sort, lui, un carton rouge, ce qui n'est pas pour nous étonner. Il relève un seul point positif – in cauda venenum : la rapidité de la procédure de ratification, qui bat des records. Le président Bourlanges a répondu de manière circonstanciée à sa question sur l'inscription à l'ordre du jour d'un débat en séance publique. Nous avons également bien enregistré l'appel d'ONG à ne pas participer à la Coupe du monde de football. L'observation relative à l'absence de déclaration par le Qatar de ses émissions de CO2 depuis vingt ans est intéressante ; il est certain que la réfrigération des stades ne doit pas contribuer à les alléger.

Il convient de relever la densité des échanges diplomatiques avec le Qatar, puisque le ministre Jean-Yves Le Drian s'y rend pratiquement chaque année.

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Il était en visite à Doha le 11 février 2019, suivi par la ministre des armées la même année – ce que l'on peut comprendre. Il y est retourné les 9 et 10 décembre 2020, puis encore une fois le 13 septembre 2021 pour rencontrer l'émir du Qatar et son ministre des affaires étrangères. C'est donc une relation très suivie.

Je souhaite souligner la présence française au Qatar, avec une communauté de 5 500 Français. Peut-être les Qataris ont-ils été un peu jaloux du Louvre Abou Dhabi ? Je relève que le Musée national du Qatar, conçu par les Ateliers Jean Nouvel, a été inauguré le 27 mars 2019 en présence de l'émir et du Premier ministre français de l'époque, à l'occasion d'une visite officielle. Il y a 200 000 francophones au Qatar. Le lycée franco-qatarien de Doha s'appuie sur des manuels scolaires français et fonctionne avec des classes mixtes, ce qui est unique dans le paysage éducatif local. On n'a d'ailleurs pas été d'une grande prudence diplomatique en baptisant cet établissement du nom de Voltaire, dont les écrits sur les « mahométans » étaient très durs, si je ne m'abuse…

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« Mahométans » était un nom de code pour désigner les catholiques.

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Sans que cela constitue une pique à l'encontre de M. Lecoq, le bilan est globalement positif, même si les choses peuvent encore être améliorées à la marge.

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Je ne parlerai pas de Zadig, même s'il peut être intéressant de noter que les critiques, on doit d'abord se les adresser à soi-même. Je remercie Mme Lakrafi ainsi que MM. Fanget, Hutin et Brindeau d'avoir souligné combien il était urgent d'instaurer un cadre juridique qui permet avant tout de sécuriser nos propres militaires.

Des progrès ont été réalisés par le Qatar, et plus rapidement que dans les pays voisins. C'est indéniable, qu'il s'agisse des droits humains, des droits des femmes et du processus démocratique. Bien entendu, des progrès supplémentaires sont attendus. Nous sommes vigilants, comme l'a rappelé le rapporteur.

Je constate que le groupe GDR appelle au boycott de la Coupe du monde de football.

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C'est une interprétation de ce que j'ai dit ! Jamais je n'ai appelé au boycott ; j'ai mentionné que les ONG appelaient à ce boycott. Monsieur le président, pouvez-vous rectifier ?

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J'ai peut-être mal interprété vos propos, monsieur Lecoq. Il faut être réaliste et saisir l'occasion fournie par la Coupe du monde pour exercer une pression positive, afin de faire évoluer les choses dans le bon sens.

À l'occasion des auditions, je me suis enquise des pratiques coutumières concernant les châtiments corporels. J'ai reçu des réponses rassurantes sur ce point : il n'y a pas de châtiments corporels institutionnalisés au Qatar.

Quant aux femmes, elles sont vues comme une ressource précieuse, intellectuelle, et comme une force vive. Faut-il rappeler qu'elles ne représentent que la moitié des 300 000 Qataris, sur une population de 2,7 millions d'habitants ?

M. Clément a indiqué que la peine de mort continuerait à pouvoir être prononcée. L'un des points de l'accord vise justement à éviter qu'elle soit exécutée en cas de condamnation d'un militaire français.

Un prochain accord traitera du statut juridique des gendarmes déployés au Qatar. Le projet de loi devrait être déposé en mai 2022. Lors de l'examen pour avis par la commission de la défense, j'ai souligné combien il était important d'assurer leur protection juridique lors de la Coupe du monde de football.

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En effet, mais ils relèveront d'un accord distinct.

Le Qatar s'inscrit dans une démarche de progrès s'agissant des émissions de gaz à effet de serre ; il a défini des objectifs à l'occasion de sa participation à la COP26. Selon des informations qui méritent d'être confirmées, le Qatar s'apprêterait à contribuer à hauteur de 2 milliards de dollars aux 100 milliards que les pays développés se sont engagés à lever pour aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs et à effectuer les investissements nécessaires à la transition climatique.

Monsieur Nadot, le Parlement doit contrôler l'action du Gouvernement et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté, lors des auditions de responsables du ministère des armées, pour connaître les matériels qui seront déployés lors de la Coupe du monde de football, ainsi que leur finalité. Il s'agit d'un avion AWACS (système de détection et de commandement aéroporté) et de systèmes de lutte antidrones, destinés à la surveillance de l'espace aérien.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que cet accord vise surtout à offrir un cadre juridique protecteur aux militaires que la France déploiera au Qatar.

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M. Nadot a raison de dire qu'il ne s'agit pas simplement de ratifier des accords et de se désintéresser ensuite de la façon dont ils sont appliqués. Il est très facile d'exercer ce contrôle si nous le souhaitons ou si nous avons connaissance de manquements : nous pouvons interpeller le Gouvernement à tout moment, soit au sein de cette commission, soit en séance publique avec une forme plus solennelle. Devons‑nous pour autant prévoir une organisation institutionnalisée pour ce contrôle ? Cela serait excessivement lourd au vu du nombre d'accords que nous ratifions et si l'on considère que notre vigilance collective n'a jamais été prise en défaut.

Ce débat, fort intéressant, illustre bien le problème qui se pose à nos consciences : si chacun s'accorde à dire que ces accords sont positifs, certains, avec des arguments solides, estiment qu'il n'est pas possible de les signer avec des États qui ne respectent pas pleinement nos valeurs tandis que d'autres considèrent qu'il est essentiel d'établir une relation effective avec des États dont le rôle est important.

On rappellera l'action très positive du Qatar, qui a fait sortir d'Afghanistan les victimes potentielles des talibans, qui contribue à apaiser la tension entre l'Iran et l'Arabie saoudite – l'un de nos objectifs au Moyen-Orient – et participe à la recherche d'une solution au Yémen.

Comme le disait mon maître Raymond Aron, la politique est essentiellement dangereuse. Il revient à chacun de choisir son vote mais on ne peut considérer que ceux qui voteront en faveur de la ratification de cet accord ignorent, par complaisance, les manquements à nos principes fondamentaux. Ils pensent simplement que la diplomatie consiste à avoir des relations avec les États qui exercent un pouvoir effectif, pas seulement avec ceux qui appartiennent à notre petit club des démocraties un peu moins imparfaites. Je comprends très bien à la fois l'indignation des uns et la volonté des autres de faire prévaloir une éthique de responsabilité, comme le disait Max Weber.

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Je ne me permettrai jamais de juger mes collègues. Être député, c'est choisir en son âme et conscience, selon la formule consacrée. Et ce n'est pas toujours simple, car aucun sujet ne l'est. Tout est également compliqué en matière de diplomatie, donc j'entends bien les arguments selon lesquels il faudrait accompagner les évolutions positives dans la durée.

Comme vous l'avez compris, mon interpellation portait davantage sur le fait que ces arguments sont à géométrie variable. Pour certains États, on nous invite à considérer favorablement les petits pas utiles à la paix ; pour d'autres, on nous explique qu'il n'est même pas possible de rechercher ces petits pas, au motif que le dialogue est rompu ou compliqué – le plus souvent en fonction de ce que nous disent les États-Unis.

En diplomatie, il faut assumer ses propos – ce que je fais – mais réagir lorsqu'ils sont interprétés. J'ai mentionné, car c'est mon rôle de faire état de ce qu'on me dit, l'interpellation d'ONG au sujet de la Coupe du monde de football ; je n'ai jamais appelé au boycott de la Coupe du monde de football. Du reste, je ne m'autoriserai pas à le faire puisque je représente ici un groupe politique et qu'à ma connaissance, ni les députés communistes ni le parti communiste n'ont pris position en faveur d'un tel boycott. Je me suis donc permis de réagir en coupant la parole, ce dont je n'ai pas l'habitude – sauf lorsqu'il s'agit d'un ministre. Il est important de respecter les mots utilisés par chacun dans cette commission – en matière de diplomatie, c'est essentiel.

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Dont acte. Vous avez exprimé la position d'ONG, sans la faire vôtre, et vous avez signalé des problèmes, réels, au Qatar.

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Je suis trop attaché aux libertés pour ne pas reconnaître aux autres leur liberté d'expression et celle d'exercer leur droit de vote. Mais, comme le disait Christiane Taubira, il y a des situations où l'on chemine toujours mieux en paisible compagnie de sa conscience. En l'occurrence, ma conscience m'enjoint de m'abstenir.

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Tout n'est pas parfait dans ce petit pays, loin de là, mais il faut saluer les avancées de ce pays qui n'a que 50 ans – certains ont mentionné le modèle scandinave ; rappelons qu'il a été fondé sur le « grand compromis » dans les années 1930…

Le lycée français de Doha s'appelle Bonaparte ; le lycée franco-qatarien Voltaire a été créé par l'ancien procureur général, désormais député.

En ce qui concerne les trois journalistes norvégiens, deux sont entrés illégalement dans une propriété privée et un, en état d'ébriété, a agressé une personne. Ils ont été relâchés.

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Je tiens à signaler que ni la rapporteure pour avis ni moi-même n'avons été invités par l'ambassade à l'occasion de la fête nationale du Qatar, le 18 décembre. On ne peut guère nous soupçonner de complaisance !

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Cela prouve que les cartons rouges sont efficaces.

La diplomatie est forcément à géométrie variable : un État fait la politique de sa géographie. Comme le disait le général De Gaulle, entre la géographie et l'histoire, c'est toujours la géographie qui l'emporte.

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Mais comme l'écrivait Daniel Pennac, écrire l'histoire, c'est mettre la pagaille dans la géographie.

Article unique

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l'échange des compétences et talents (n° 4280) (Mme Amélia Lakrafi, rapporteure)

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La France est relativement peu présente en Afrique de l'Est comparativement à plusieurs de nos voisins européens. Le Kenya occupe une position stratégique dans cette région, où le Gouvernement souhaite accroître la présence de la France. Le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, Franck Riester, s'est ainsi rendu au Kenya les 28 et 29 octobre, avec notre rapporteure, Amélia Lakrafi, en conclusion d'une tournée en Ouganda et au Rwanda, notamment dans le but de faire aboutir des projets d'investissements français dans une autoroute et une ligne de chemin de fer. J'ajoute que M. Riester s'était rendu dix jours auparavant en Tanzanie, dans la foulée du déplacement du Président de la République au Rwanda. Cela montre l'investissement très important de la diplomatie française dans cette région.

L'accord dont nous sommes saisis vise à accroître et à promouvoir les échanges d'étudiants, d'universitaires, de volontaires internationaux ou encore de stagiaires, notamment en facilitant la délivrance de titres de séjour. En effet, l'accroissement des échanges humains est un levier particulièrement efficace pour rapprocher les pays. La France multiplie ce type d'accords relatifs aux mobilités et aux échanges de compétences et de talents – nous avons examiné en mars l'accord avec l'Inde, pour lequel Amélia Lakrafi était déjà notre rapporteure.

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Négocié en seulement quatre mois à l'initiative de la France, cet accord a été signé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et par la ministre kényane des affaires étrangères de l'époque, Mme Monica Juma, le 13 mars 2019 à Nairobi. Il a pour objectif d'encourager la circulation des talents et futurs talents entre les deux pays, qu'il s'agisse des étudiants, des universitaires, des chercheurs ou des professionnels en général.

J'ai eu l'occasion de percevoir concrètement l'intérêt de cet accord lorsque j'ai accompagné Franck Riester dans son déplacement au Kenya, du 27 au 30 octobre. J'ai notamment pu échanger avec des représentants des ministères kényans de l'intérieur et des affaires étrangères et avec de nombreux entrepreneurs, une centaine d'entreprises françaises étant présentes sur place.

Le Kenya faisant partie de ma circonscription, je suis régulièrement saisie par des Français établis dans ce pays – 1 800 compatriotes résident au Kenya. Selon l'ambassadrice du Kenya à Paris, Mme Judi Wakhungu, que j'ai auditionnée le 23 novembre, au moins 2 500 Kényans résident en France.

Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d'influence traditionnelle de la France, il est devenu incontournable en Afrique de l'Est, et la France s'y intéresse de plus en plus, comme à d'autres pays d'Afrique anglophones. Le Kenya est, en effet, un acteur économique majeur de cette zone, qui a notamment su investir dans les infrastructures et les services. Les entrepreneurs français que j'ai rencontrés voient en ce pays une incroyable terre d'opportunités.

Peuplé de 54 millions d'habitants, le Kenya est le septième pays le plus important d'Afrique sur le plan démographique, et ses jeunes sont de plus en plus de nombreux à vouloir accéder à des études supérieures. L'ambassade de France à Nairobi estime à 555 000 le nombre d'étudiants kényans.

Dans ce contexte, les relations entre la France et le Kenya ont été renforcées récemment. Le déplacement du président Emmanuel Macron au Kenya, en mars 2019, était la première visite officielle d'un président français depuis l'indépendance du pays, en 1963. Le président français a notamment encouragé les jeunes Kényans à étudier dans notre pays, dans la droite ligne du discours prononcé à Ouagadougou en 2017.

Les migrations franco-kényanes étaient jusque-là relativement faibles, qu'il s'agisse des étudiants, des universitaires ou des professionnels. Avant la crise sanitaire, moins d'une dizaine de Français étudiaient chaque année au Kenya et on comptait moins de 200 étudiants kényans en France, malgré la présence à Nairobi d'un bureau de Campus France et d'un représentant de Sciences Po Paris. Les 15 000 Kényans qui étudient à l'étranger choisissent surtout des destinations anglophones, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Afrique du Sud, en dépit d'une coopération scientifique très intéressante entre la France et le Kenya.

Je souligne en particulier la présence à Nairobi de l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, de l'IFRA, l'Institut français de recherche en Afrique, et du CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, ainsi que l'existence de nombreux partenariats avec le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique. Par ailleurs, je relève que la langue française est de plus en plus populaire au Kenya, où deux alliances françaises, très actives, sont implantées.

Nous devons absolument approfondir les relations universitaires et renforcer les flux d'étudiants, encore insuffisants, entre nos deux pays, pour permettre un enrichissement mutuel.

De même, les migrations économiques et scientifiques sont en deçà de leur potentiel. Seulement 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans en 2019 – 64 en 2020. Le faible nombre de Français travaillant au Kenya peut s'expliquer par la difficulté d'obtenir des permis de travail et des permis de résidence kényans. Je n'évoquerai que deux exemples, mais vous trouverez dans mon rapport un tableau résumant l'ensemble des problèmes administratifs auxquels sont confrontés nos compatriotes.

Le premier exemple concerne plusieurs membres du personnel du lycée français Denis-Diderot qui ne disposent pas de carte de résidence, malgré plusieurs mois d'attente, et sont donc bloqués dans leurs démarches quotidiennes, ce qui fragilise l'établissement dont ils relèvent. L'existence d'une école française est pourtant essentielle pour inciter des Français à s'installer avec leur famille dans un pays.

Le deuxième exemple est celui des volontaires internationaux en entreprise (VIE). Jusqu'au mois d'octobre, ils n'étaient pas considérés comme des volontaires par la partie kényane et devaient demander un Special Pass, dont le coût annuel, rédhibitoire pour nos entreprises, était de 2 500 dollars. A la suite du déplacement ministériel, les autorités kényanes ont enfin accepté de délivrer aux VIE des permis de travail de deux ans, pour un coût de 11 euros.

J'en viens au contenu de l'accord. Il est divisé en plusieurs articles, en fonction du public concerné. L'article 1er concerne ainsi les étudiants, l'article 2 les stagiaires, l'article 3 les universitaires et les chercheurs, l'article 4 les enseignants, l'article 6 les professionnels et l'article 7 les volontaires. Pour chacune de ces catégories, l'accord précise le titre de séjour qui peut être demandé. Par exemple, un étudiant en France peut demander un premier titre de séjour d'une durée maximum de douze mois puis, s'il a besoin d'un renouvellement, un nouveau titre de séjour couvrant la durée restante de son cycle d'études. La partie kényane délivre, quant à elle, un Pass étudiant.

Par ailleurs, l'accord prévoit des échanges de volontaires, notamment des VIE et des VSI, des volontaires de solidarité internationale, pour la partie française. En 2021, on comptait seulement 18 VIE et 4 VSI au Kenya.

Il faut préciser que la mobilité est toujours considérée dans cet accord comme circulaire. Ce concept – la personne qui quitte son pays doit pouvoir y revenir après avoir acquis de nouvelles connaissances et compétences – figurait déjà dans l'accord franco-indien que nous avons examiné en mars.

L'accord avec le Kenya prévoit des actions de promotion de la mobilité. C'est le bureau de Campus France au Kenya qui en est chargé pour les études supérieures et la formation professionnelle en France.

Soyons honnêtes, comme l'accord franco-indien, cet accord ne suffira pas pour faire bouger les lignes : il faudra aussi une véritable implication des deux partenaires. La France doit continuer à communiquer avec les acteurs kényans pour mieux faire connaître les différents dispositifs, notamment les VIE et les VSI. Il est indispensable que des moyens supplémentaires soient donnés au bureau de Campus France au Kenya, qui ne dispose que de 1,5 équivalent temps plein (ETP).

Le Kenya devra, quant à lui, améliorer ses procédures internes pour attribuer automatiquement aux Français qui en font la demande les documents de séjour prévus par l'accord, et ce dans des délais plus courts. Les avancées pour les VIE sont un signal très positif.

Je note l'accueil très enthousiaste que l'ambassadrice du Kenya à Paris a réservé à cet accord. Si les deux partenaires avancent dans ces domaines, il ne fait aucun doute que l'accord sera un succès. Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur du présent texte.

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Merci, madame la rapporteure. Je sais votre engagement sur le terrain, dans votre circonscription.

Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d'influence traditionnelle de la France, il est devenu incontournable en Afrique de l'Est. Dans les imaginaires, la relation entre la France et l'Afrique concerne le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest. C'est sûrement dû à notre histoire ancienne et commune avec cette partie du continent africain, mais une telle vision est dépassée. Il ne doit pas y avoir de barrière entre l'Afrique de l'Ouest, le Maghreb et l'Afrique de l'Est, pas plus qu'entre l'Afrique francophone et l'Afrique anglophone.

Le Kenya est un partenaire important en Afrique de l'Est, dont il est la locomotive économique. C'est le septième pays le plus peuplé d'Afrique : il compte 57 millions d'habitants, 38,5 % de sa population a moins de 14 ans, et le nombre de ses étudiants est en constante augmentation.

Or nos relations avec ce pays sont encore bien trop faibles sur le plan des mobilités, notamment pour les étudiants et les entrepreneurs. Vous avez rappelé qu'il y avait seulement 203 étudiants kényans en France en 2019 et que le Kenya accueillait alors moins de 10 étudiants français. De plus, il y aurait seulement une trentaine de coopérations universitaires entre les deux pays, ce qui conduit à se poser des questions, le français étant la première langue étrangère enseignée au Kenya. Le faible nombre d'étudiants kényans en France ne serait-il pas dû, en partie, à la rigidité de l'organisation de l'enseignement dans notre pays ?

Promouvoir des programmes d'enseignement en anglais en France est une proposition très pertinente. Le multilinguisme permettrait aux Kényans, qui se tournent davantage vers les universités anglophones, de venir dans notre pays. Vous êtes également favorable au développement des bourses, ce qui permettrait effectivement d'inciter les jeunes Kényans à venir étudier chez nous.

Vous soulignez la faible importance des migrations professionnelles. En 2019, 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans, et 64 en 2020. Le dispositif Passeport talent est très peu utilisé : il l'a été six fois en 2020 et sept fois en 2019. Je rappelle que ce dispositif correspond à un engagement pris par le Président de la République à Ouagadougou. L'engagement a été tenu, mais ce sont davantage les pays d'Afrique subsaharienne qui en bénéficient.

La France est consciente des enjeux, la visite du Président de la République et le déplacement de Franck Riester le montrent. A cet égard, l'accord, qui permettra de favoriser les mobilités étudiantes, est important et le règlement de la question des VIE est une bonne chose. Mon groupe votera sans réserve en faveur de ce texte.

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Je suis heureux qu'Amélia Lakrafi ait pu visiter le Kenya, l'un des plus beaux pays d'Afrique. Lorsque j'étais agent du Quai d'Orsay, au siècle dernier, le Président Giscard d'Estaing, qui voulait diversifier la politique africaine de la France, s'était intéressé à l'Afrique orientale, tout particulièrement au Kenya. Mais le ministre des affaires étrangères, Louis de Guiringaud, un homme très respectable et courageux, ancien grand résistant, fut accueilli par des huées lors de son déplacement – un échec retentissant.

Vous nous avez dit que le Kenya, et peut-être les autres pays de la zone, sont désormais beaucoup plus favorables au développement des relations avec la France. Quelles sont les relations entre le Kenya et ses voisins immédiats ? La Somalie est une zone très sensible, l'Éthiopie est en guerre.

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Je voudrais dire ma reconnaissance à la diplomatie française pour la négociation de cet accord de partenariat ambitieux.

Le Kenya, qui est au cœur de l'économie régionale, dispose d'écoles et d'établissements de haut niveau qui attirent de nombreux étudiants français. Sciences Po Paris, par exemple, est engagé dans un processus de codiplomation avec l'université de Strathmore, et la France envisage de conclure très prochainement un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. Encourager la mobilité des étudiants et des travailleurs dans des temps aussi incertains, à un moment où la facilité serait de rejeter toute perspective d'échanges internationaux, est un signal fort qui montre que l'épidémie de covid-19 n'empêche pas la France de construire, pour le monde de demain, de nouveaux ponts et de nouveaux réseaux avec ses partenaires.

Je me réjouis de l'étendue du champ d'application de l'accord. Il concerne la mobilité au sens large, la circulation des compétences et des talents, notamment pour les volontaires internationaux et les travailleurs : la mobilité internationale n'est pas exclusivement un outil destiné aux étudiants. La vision large qui a été retenue correspond aux ambitions fortes que le chef de l'État a exprimées dans son discours de Ouagadougou en 2017 et fait écho aux dispositions de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont ce type de mobilité internationale est une priorité. Le changement sémantique et de doctrine est profond : c'est une vision moderne et ambitieuse pour le renforcement de notre influence dans le monde.

Certains ont récemment proposé de diviser par deux le nombre d'étudiants étrangers. Compte tenu de l'importance du développement de la mobilité des compétences et des talents dans les relations internationales, on voit combien cette proposition est vaine et funeste.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés votera en faveur du projet de loi, avec la conviction que cet accord sera utile à notre pays.

Madame la rapporteure, vous soulignez le faible nombre de Kényans venus étudier en France ces deux dernières années. Comment la France pourrait-elle améliorer encore sa position dans la compétition internationale et devenir plus attractive pour les ressortissants du Kenya – un pays qui ne fait pas partie de cette sphère d'influence qu'est la francophonie ?

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Nous avons rarement l'occasion de parler du Kenya. J'espère que l'élection présidentielle qui s'y déroulera en 2022 nous donnera l'occasion de nous pencher sur la situation et le rôle de ce pays. Nous savons également que de nombreuses ONG rayonnant dans toute l'Afrique de l'Est sont installées à Nairobi, de même que le bureau de l'ONU pour la région.

Faciliter les échanges et les migrations pour les universitaires, les étudiants, les chercheurs ou les stagiaires a un sens. Ainsi que vous l'avez indiqué, ces échanges sont encore relativement modestes mais j'espère que cet accord permettra, comme celui avec l'Inde, de les amplifier. Nous soutiendrons l'approbation de cet accord, car il constitue un progrès indéniable.

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Mon groupe soutiendra lui aussi cet accord, qui est nécessaire pour dépasser toutes les difficultés rencontrées en matière de mobilité s'agissant du Kenya. Je citerai – approximativement, car je ne les ai pas vérifiés – trois chiffres : il y a 500 000 étudiants kényans, dont 15 000 à l'étranger et 125 en France. Si on veut renforcer l'attractivité de notre pays, il faut trouver des solutions pour les pays anglophones : on ne doit pas s'intéresser uniquement aux étudiants des pays francophones.

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Dans mon rapport sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et Campus France pour la période 2018-2020, j'ai insisté sur la nécessité de renouveler la réflexion sur la mobilité étudiante, de réformer le système des bourses et de se fixer des objectifs clairs et chiffrés en la matière. J'ai répété cette demande en 2019 avec Pascal Brindeau, dans notre rapport sur l'accueil des étudiants étrangers en France. En effet, leur présence est aussi bénéfique pour l'économie française que la formation d'étudiants français à l'étranger. Mais encore faut-il augmenter le nombre des bourses et renforcer la lisibilité des critères de leur attribution, dans le cadre d'une stratégie prédéfinie.

Votre rapport fait état d'une stabilité du nombre de bourses accordées par la France aux étudiants kényans et d'un impact faible de la crise sanitaire – 24 bourses ont été attribuées en 2021. Ce chiffre, très faible, n'est pas en soi significatif, mais tout de même… Selon l'UNESCO, le nombre d'étudiants en mobilité dans le monde est passé de 800 000 en 1975 à 5,6 millions en 2018. Le boom de ce « marché » a incité de nombreux pays à investir massivement et à s'engager dans une concurrence féroce pour accueillir le maximum d'étudiants.

Leur présence est un signe de vitalité et d'excellence de l'enseignement supérieur et elle permet de constituer un stock de main-d'œuvre hautement qualifiée, à condition de pouvoir et de vouloir retenir les étudiants diplômés. C'est à se demander pourquoi la France est aussi mauvaise élève en la matière ! Campus France le déplorait l'année dernière : l'écart entre ce que nous votons au Parlement et ce qui est réellement dépensé en matière de bourses s'accroît d'année en année.

Nous sommes aussi témoins de déclarations pour le moins démagogiques de certains candidats à l'élection présidentielle, qui voudraient limiter les flux migratoires estudiantins. Or il est évident qu'on ne peut pas se passer de jeunes talents.

Madame la rapporteure, l'accueil des étudiants étrangers est-il, selon vous, en danger en France ? Votre rapport évoque plusieurs solutions, mais quand seront-elles mises en œuvre ?

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Je me suis attachée à regarder cet accord avec les lunettes du genre. Le Kenya – j'ai eu l'occasion d'en parler avec une députée de ce pays que j'ai reçue il y a quelques semaines – se trouve dans une situation très paradoxale en ce qui concerne sa représentation nationale : alors que la Constitution de 2010 prévoit qu'un genre ne concentre pas plus des deux tiers des sièges, il n'y a que 30 % de sénatrices et 22 % de députées et la loi sur la parité reste à l'état de projet. Cela place le Kenya au 90e rang mondial, alors que le Rwanda, certes plus petit, mais dans la même région, occupe le premier rang du classement.

Sauf erreur de ma part, la question de l'égal accès des femmes et des hommes aux échanges universitaires n'est pas appréhendée dans l'accord. Pourtant, l'intégration des filles dans l'éducation supérieure ne va pas de soi, dans un pays où l'accès à l'éducation formelle est un défi – plus de 1,2 million d'enfants d'âge scolaire ne vont pas à l'école, selon l'UNICEF. Les femmes demeurent sous-représentées au sein des universités publiques et privées, et par conséquent aux échelons supérieurs du monde professionnel. La crise du covid-19 n'a rien arrangé : selon certaines statistiques, plus de 150 000 adolescentes kenyanes seraient tombées enceintes entre janvier et mai 2020 ; beaucoup d'entre elles ont abandonné leurs études, car les mères adolescentes sont victimes de moqueries répétées au Kenya.

La France met un point d'honneur à faire respecter l'égalité des genres à l'école, et il est important de montrer l'exemple en matière de parité. L'accord comporte-t-il des conditions dans ce domaine ?

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Campus France manque de moyens, comme nous l'avions déjà constaté lors de l'examen de l'accord avec l'Inde. La comparaison avec l'Allemagne montre que nos schémas sont totalement différents. Le bureau au Kenya emploie 1,5 ETP, ce qui n'est clairement pas suffisant.

Dans les pays anglo-saxons, toutes les universités travaillent ensemble, organisent d'énormes événements qui s'apparentent à la sortie de blockbusters au cinéma, ce qui attire. La France propose plus de 2 700 formations en anglais, mais personne ne le sait. Nous devons être vigilants, appeler à mieux communiquer. Nous pouvons peut-être nous rapprocher des universités et des écoles dans nos circonscriptions pour voir dans quelle mesure elles pourraient conquérir ensemble ces marchés.

J'en viens aux relations entre le Kenya et ses voisins. La Somalie a rompu ses relations diplomatiques avec le Kenya en septembre 2020, pour des raisons concernant le Somaliland. Le Kenya, membre fondateur de l'Organisation de l'unité africaine – désormais l'Union africaine – participe à beaucoup d'opérations de maintien de la paix dans le continent. Les relations sont plutôt bonnes avec les autres pays. Beaucoup d'entreprises françaises s'installent au Kenya pour prospecter dans les pays alentour – je mets néanmoins un bémol concernant l'Éthiopie, pour des questions sécuritaires.

L'accord ne parle pas du genre, mais notre poste diplomatique fait très attention à cette question. En 2020, par exemple, cinq femmes, mais un homme seulement, ont bénéficié d'un passeport talent ; 41 femmes et 39 hommes ont obtenu des visas de longue durée la même année.

Article unique

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 4323) (M. Alain David, rapporteur).

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Ce projet de loi vise à mettre en œuvre, dans un cadre juridique adapté, les dispositions relatives aux privilèges et immunités de l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer (AUECF) prévues par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ce sont des dispositions assez classiques. Outre l'AUECF, la France accueille, avec un cadre juridique identique, à Paris, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IESUE) et l'Autorité bancaire européenne (ABE) et, à Angers, l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV). Le Parlement sera d'ailleurs saisi l'année prochaine du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à l'Autorité bancaire européenne.

L'accord conclu avec l'AUECF formalise, pour l'essentiel, une situation existant en droit et en fait depuis de nombreuses années, puisque cette agence est établie à Valenciennes et à Lille depuis sa création en 2004. L'accord ne modifie pas le fonctionnement de l'AUECF et n'introduit que peu de nouveautés dans les rapports de l'agence et de ses agents avec les administrations nationales et locales. Il n'a, en outre, à peu près aucune incidence sur les finances publiques. Sur ces modifications finalement assez ténues, notre rapporteur a su produire un rapport intéressant.

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Les missions de l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer n'ont cessé de se renforcer depuis sa création en 2004.

L'AUECF contribue par ses actions à l'intégration des réseaux ferroviaires européens, en renforçant la sécurité des trains et en leur permettant de franchir les frontières au sein de l'Union européenne sans avoir à s'arrêter. Elle apporte un soutien technique et une expertise à la Commission européenne et aux États membres en matière d'interopérabilité et de sécurité ferroviaires. Son action vise à développer les services de transport ferroviaire dans toute l'Union. Elle participe ainsi au bon fonctionnement de l'espace ferroviaire unique européen. L'agence produit par ailleurs des études d'impact, adopte des avis et émet des recommandations débouchant directement ou indirectement sur des actes législatifs et réglementaires européens.

Du fait de l'entrée en application du pilier technique du quatrième paquet ferroviaire, le rôle de l'agence s'est considérablement élargi. Depuis le 16 juin 2019, l'agence est l'autorité de l'Union européenne compétente pour délivrer les autorisations de mise sur le marché de véhicules ferroviaires, les certificats de sécurité uniques pour les entreprises ferroviaires ainsi que les approbations des équipements au sol du système européen de gestion du trafic ferroviaire.

Le présent accord entre la France et l'agence a été signé à Valenciennes le 15 avril 2019 et a été conclu sur le fondement du règlement européen du 11 mai 2016 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer qui prévoit, en son article 71, la signature d'un tel accord de siège.

La conclusion d'un accord de cette nature s'inscrit, par ailleurs, dans le cadre de la politique de la Commission européenne visant à harmoniser le mode de fonctionnement des agences décentralisées de l'Union en encourageant la signature d'accords de siège. Actuellement, cinq agences de l'Union européenne se trouvent implantées en France. Deux d'entre elles bénéficient d'ores et déjà d'un accord de siège : l'IESUE et l'AEMF, qui ont leur siège à Paris. Deux accords de siège sont en cours : l'un porte sur l'ABE, qui a son siège à Paris ; l'autre, celui qui nous intéresse aujourd'hui, concerne l'AUECF, qui a son siège à Valenciennes et à Lille. Enfin, un accord de siège est en projet pour l'OCVV, qui a son siège à Angers.

S'agissant de l'accord de siège entre la France et l'AUECF, les principaux échanges entre les parties ont porté sur l'implantation de l'agence, la scolarisation des enfants des agents, les facilités financières, les privilèges accordés à son personnel ou encore l'usage du drapeau frappé de l'insigne de l'AUECF. L'agence étant déjà implantée en France depuis sa création en 2004, les discussions n'ont pas donné lieu à des difficultés majeures.

Le Gouvernement français s'est montré favorable à la conclusion de cet accord, car il importe de renforcer l'attractivité de la France aux yeux des organisations internationales, y compris des agences de l'Union européenne, particulièrement au lendemain du Brexit. Je suis convaincu que la pérennisation de l'implantation à Valenciennes et à Lille d'une agence, dont les missions au service de la mobilité des citoyens de l'Union n'ont cessé de se renforcer au fil des ans, aura des effets positifs en termes de rayonnement européen et international.

Le présent accord aura plusieurs conséquences très circonscrites d'ordre financier, social, économique et juridique.

En l'absence de tout engagement financier, les conséquences financières de cet accord de siège se limitent à une perte de recettes pour le budget de l'État, du fait des exonérations fiscales prévues par l'accord. Ces exemptions sont d'ores et déjà appliquées en vertu du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne. Le présent accord n'aura donc aucune incidence dans ce domaine.

Cet accord n'entraîne pas d'évolution en matière de protection sociale, mais il clarifie les règles applicables aux ayants droit des agents. Sur le modèle retenu pour les accords de siège des autres agences de l'Union, les dispositions de l'accord prévoient que les agents statutaires de l'agence et leurs ayants droit sont directement rattachés au régime ad hoc de protection sociale de l'Union. Par conséquent, étant déjà couverts par un régime de protection sociale, ils ne sont pas affiliés au régime français et ne sont donc pas soumis aux cotisations et contributions sociales françaises. Toujours sur le modèle retenu pour les autres agences de l'Union, les dispositions de l'accord prévoient que les agents non statutaires de l'agence et leurs ayants droit qui seraient déjà rattachés au régime de sécurité sociale d'un autre État – par exemple dans l'hypothèse d'un détachement – ne sont pas affiliés au régime français de sécurité sociale et ne sont donc pas soumis aux cotisations et contributions sociales françaises. En revanche, dans le cas où les ayants droit travaillent en France, ces derniers ont vocation à être affiliés au régime français et à être soumis aux cotisations et contributions sociales françaises.

Du point de vue économique, la conclusion d'un tel accord de siège entérine l'implantation à Valenciennes et à Lille de cet acteur décisionnaire qu'est devenue l'AUECF. Il contribue ainsi au renforcement de l'attractivité de la région des Hauts-de-France dans le secteur ferroviaire. Elle représente déjà, à elle seule, 40 % de la production de trains en France, avec Bombardier à Crespin et Alstom à Petite-Forêt.

Sur l'articulation avec le droit interne français, le présent accord n'appelle aucune modification ou adoption de disposition législative ou réglementaire nouvelle.

Le renforcement de l'implantation à Valenciennes et à Lille de l'AUECF grâce à cet accord de siège aura des effets positifs en termes de rayonnement international pour notre pays. Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l'approbation de cet accord.

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La signature de cet accord répond à une préconisation des instances européennes. Elles appellent à la formalisation d'accords de siège entre les agences décentralisées de l'Union européenne et les États membres qui les accueillent, afin de fournir à ces agences un cadre juridique garantissant leur indépendance et leur bon fonctionnement. Le directeur général de l'AUECF demandait la conclusion d'un accord de siège avec l'État français et sollicitait notamment l'adoption de dispositions sur la scolarisation des enfants de son personnel et sur les facilitations fiscales.

Les réseaux ferrés ont joué un rôle essentiel dès le début de la pandémie et ont démontré leur efficacité. Les trains vitaux Nation ont eu un rôle clé dans le maintien des services de base, comme le chauffage ou l'assainissement de l'eau. Les trains vitaux Pandémie ont acheminé les ressources nécessaires à la production de denrées alimentaires et pharmaceutiques. Les trains de continuité industrielle, enfin, ont contribué au maintien de l'activité de certaines industries. Au total, les deux tiers du trafic nominal ont été maintenus en France, durant le confinement.

Ce projet de loi, porté par M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, rappelle le rôle essentiel des réseaux ferrés. L'accord définit le champ d'application et les contours juridiques de l'agence, ses privilèges et immunités, ses modalités pratiques de fonctionnement. Il contient des dispositions fiscales et relatives à la couverture sociale du personnel et prévoit la création de filières de communication entre l'agence et les services de l'État, ainsi que des procédures de sécurité. Le droit applicable sera le droit européen, mais l'article 15 rappelle l'obligation de coopération et pose comme principe le respect des lois et règlements de la République française.

Nous attachons de l'importance à ces accords de siège, qui permettent de sécuriser juridiquement, socialement et fiscalement les conditions de fonctionnement des agences européennes en France. En prenant part activement à leur fonctionnement, nous renforçons l'attractivité de la France auprès de toutes les organisations internationales.

Les chemins de fer jouent un rôle clé dans notre économie nationale et européenne, mais aussi dans nos rapports les uns avec les autres. Ils sont une partie de la solution qui doit nous permettre de mieux préparer l'avenir. Je vous invite à approuver cet accord.

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L'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer est née, il y a près de vingt ans, d'une volonté commune de libéraliser progressivement le secteur ferroviaire dans l'Union européenne et d'établir, à terme, un espace ferroviaire unique européen

Alors que le premier paquet ferroviaire avait annoncé l'ouverture du fret international à la concurrence, le deuxième paquet ferroviaire de 2004 a permis une libéralisation effective du fret, avec la création de l'Agence ferroviaire européenne. En 2016, le quatrième paquet ferroviaire a été adopté, qui visait à créer un espace ferroviaire unique européen. L'Agence ferroviaire européenne devint alors l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer. Alors que l'agence disposait d'une double localisation dans les villes de Lille et Valenciennes, le règlement de 2016 prévoyait également la signature d'un accord de siège relatif à l'implantation de cette autorité.

Le 15 avril 2019, un accord relatif au siège de l'agence a donc été signé à Valenciennes, pour répondre à la demande de son directeur général, qui sollicitait en particulier l'adoption de dispositions relatives à la scolarisation des enfants de son personnel, aux facilitations fiscales en termes de transport, ainsi qu'à l'usage du drapeau frappé de l'insigne de l'agence.

L'accord comporte des dispositions nécessaires, relatives à l'implantation de l'agence en France, notamment aux prestations à fournir et aux règles particulières applicables au directeur exécutif, aux membres du conseil d'administration, au personnel de l'agence et aux membres de leurs familles. Considérant qu'il participera à l'attractivité de la France auprès des organisations internationales – un enjeu encore plus important depuis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne –,notre groupe soutiendra son adoption.

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Le député français que je suis ne peut que se réjouir de cet accord, qui va contribuer au rayonnement de la France – le rapporteur a eu raison d'employer ce mot. Que l'on soit européen, pro-européen, européiste, ou même un peu souverainiste, comme c'est mon cas, on ne peut que se réjouir du fait que la France détienne un certain nombre de sièges européens. Et cet accord conforte la position de la France.

Le député des Hauts-de-France que je suis se réjouit également. Si Toulouse et sa région ont l'avion, nous, nous avons le train. Conforter ce siège est essentiel pour notre région.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir valorisé cet accord, qui relève un peu du train-train législatif. J'ai une seule question à vous poser. Qu'en est-il de la libre circulation entre la France et l'Angleterre à l'heure du Brexit ? Que se passe-t-il sur la ligne directe qui relie nos deux pays à travers le tunnel sous la Manche ?

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Je souscris pleinement aux termes de cet accord et à l'analyse qu'en a fait le rapporteur. Tout ce qui permet de renforcer la présence de la France dans des organisations stratégiques est bienvenu. Or je suis convaincu que le ferroviaire est l'un des modes de transport les plus compatibles avec les contraintes imposées par le réchauffement climatique. Notre groupe approuve cet accord sans la moindre réserve.

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Pour répondre à la question de M. Hutin au sujet du Brexit, il n'y a rien de particulier à signaler, si ce n'est la question de la sécurité à l'intérieur du tunnel. Cela pourra peut-être faire l'objet de futures négociations, mais vous savez combien il est difficile de négocier avec le Royaume-Uni en ce moment !

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Des contrôles douaniers ont lieu dans l'Eurotunnel, mais ils sont aussi légers que possible, et la circulation y est maintenue. L'actualité tragique a mis en avant le problème des migrations. Ce qui est très net – et le Brexit n'y est pas pour grand-chose –, c'est l'efficacité croissante du contrôle des migrations sauvages par l'Eurotunnel. Des gens continuent d'y passer – et c'est parce que des gens y passent que d'autres tentent leur chance –, mais ils sont de moins en moins nombreux.

L'effet pervers, c'est que la zone depuis laquelle les gens tentent de traverser s'étend désormais de Dunkerque à Dieppe. Les méthodes utilisées, qu'il s'agisse de large boats ou de small boats, sont très aléatoires et le bras de mer y est plus large que dans la zone de Calais. Le contrôle de ces mouvements est extrêmement difficile et coûteux, aussi bien sur le plan administratif que technique. Si nous le faisons pour le compte des Britanniques, il serait logique que ce soient eux qui paient, mais cela suppose un climat coopératif qui, pour l'instant, n'existe pas. Le paradoxe, c'est que l'efficacité des contrôles à l'intérieur du tunnel, qui est un succès, a eu pour effet pervers l'élargissement de la zone de trafic.

Je me suis penché sur la question et je crois avoir enfin compris la raison pour laquelle la France est si peu attractive, par rapport au territoire britannique. On pourrait penser que c'est parce que les migrants parlent mieux l'anglais ou parce qu'ils ont des relations au Royaume-Uni. Mais j'ai repensé aussi à l'opération très brillante qu'ont menée Manuel Vals et Bernard Cazeneuve : il s'agissait d'offrir l'asile aux migrants et de les « éparpiller façon puzzle », comme aurait dit Bernard Blier, sur le territoire national. Cette opération a bien marché, mais elle est restée très limitée, car 80 à 90 % des gens qui sont à Calais veulent absolument passer au Royaume-Uni.

J'ai compris que ces gens passent par des filières extrêmement organisées, qui ne gèrent pas seulement le passage de la Manche. Les personnes qui arrivent à Calais ne sont pas pauvres, même si elles n'ont pas d'argent sur elles. Le voyage depuis le Moyen-Orient jusqu'à Londres peut coûter jusqu'à 40 000 euros, et le passage du bras de mer coûte entre 5 000 et 7 000 euros. Le paiement se fait par un système du type Western Union : à chaque étape du voyage, comme l'arrivée en Turquie ou l'arrivée en Europe, les familles restées dans le pays d'origine font un virement aux chefs des filières, qui sont des semi-esclavagistes. Les migrants sont totalement encadrés par ces filières. Et les gens que nous arrivons à intégrer chez nous, ce sont des personnes qui ont tout perdu, qui ont perdu leur famille, qui sont totalement isolées. Seuls ces électrons libres sont prêts à s'en remettre à l'État providence français.

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Je souscris totalement à votre analyse. Pour être personnellement impliqué dans l'accueil des migrants, je vois bien que l'on veut parfois faire leur bonheur malgré eux. Or on ne peut pas retenir des gens qui veulent absolument partir. Il est vrai que les personnes qui restent en France sont des personnes seules. Toutes les autres, même si on les accueille un certain temps, finissent par partir, parce que leur place est ailleurs, très souvent en Angleterre. Se pose alors la question du passage. Nous aurons à régler ce problème, c'est évident.

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Nous n'avons pas vocation à être les vopos de l'Angleterre.

Article unique

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

La séance est levée à 13 heures

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pascal Brindeau, M. Moetai Brotherson, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Marine Le Pen, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Sébastien Nadot, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. François de Rugy, Mme Sira Sylla, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse.

Excusés. - M. Philippe Benassaya, Mme Sandra Boëlle, M. Christophe Di Pompeo, Mme Nicole Le Peih, M. Jean-Luc Reitzer.

Assistait également à la réunion. - Mme Natalia Pouzyreff