Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Si cet accord et ses objectifs sont intéressants, ils ne nous permettent pas toutefois de donner un blanc-seing au Gouvernement.

Notre groupe est en effet très réservé. Les violations des droits de l'homme au Qatar devraient nous conduire à encadrer strictement nos relations. Outre que nos relations militaires ne sont pas anodines, cet État continue de pratiquer des traitements différents en fonction des catégories de la population, notamment, à l'endroit des femmes, et les pouvoirs judiciaire et exécutif continuent d'infliger des châtiments et des traitements inhumains. Voilà avec qui nous traitons !

Au-delà des accusations de corruption qui entourent l'organisation de la Coupe du monde de football, je rappelle que plus de 6 000 ouvriers étrangers seraient déjà morts sur les chantiers. Notre pays ne s'honore donc pas à appuyer militairement un tel événement.

De plus, en dépit des avancées que présente cet accord, des risques juridiques demeurent quant à la protection de nos soldats, et le compromis auquel nous sommes parvenus me semble peu satisfaisant.

Sur le fond, notre principale réserve concerne la protection de nos soldats et des personnes qu'ils ont à charge. Certes, cet accord dispose d'une clause de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, mais c'est une clause de style inhérente à tous les accords que nous passons – même si c'est la première que nous signons avec un État du Golfe depuis 2009, et pas n'importe lequel.

La question de la peine de mort, quant à elle, ne doit pas être reléguée au second plan : un moratoire est en vigueur mais une entorse y a été faite récemment. Que la peine de mort soit peu appliquée ne suffit pas et devrait, au contraire, suffire à nous alerter.

Notre groupe s'interroge également sur les termes de l'article 11. En commission de la défense, la rapporteure pour avis a en effet indiqué qu'en droit, des peines de mort « pourraient être prononcées à l'encontre des personnels français et de leurs personnes à charge, même si le Qatar garantit qu'elles ne seraient pas, le cas échéant, exécutées ». Comment jugez-vous une telle situation ? Il n'est pas acceptable qu'un pays que nous nous apprêtons à soutenir militairement se réserve le droit de prononcer des peines de mort à l'encontre de l'un de nos concitoyens !

Par ailleurs, cet accord ne règle pas des questions essentielles liées à nos relations de défense et de sécurité. Alors que l'étude d'impact mentionne la vente de trente-six avions Rafale, elle passe sous silence le fait que certains d'entre eux ont été mobilisés en Turquie alors que, dans le même temps, la France cédait des Rafales à la Grèce. Cette situation, ambiguë, soulève également la question de la protection de notre savoir-faire industriel.

Enfin, cet accord n'évoque que la protection des soldats alors que des gendarmes sont également mobilisés. En commission de la défense, il a été précisé que l'accord relatif à cette coopération en matière de sécurité, qui concerne donc le ministère de l'intérieur et non celui de la défense, ne serait soumis à approbation qu'en mai 2022, date à laquelle l'Assemblée nationale ne siègera pas. Notre groupe regrette un tel procédé et ne comprend pas pourquoi ces deux accords de sécurité et de défense n'ont pas été présentés ensemble.

En dépit de ses lacunes, cet accord apporte une protection minimale à nos soldats, ce qui est bien évidemment préférable à la situation actuelle, mais ses termes ne sont pas pour autant satisfaisants. Dans ce contexte, nous nous abstiendrons.

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