Négocié en seulement quatre mois à l'initiative de la France, cet accord a été signé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et par la ministre kényane des affaires étrangères de l'époque, Mme Monica Juma, le 13 mars 2019 à Nairobi. Il a pour objectif d'encourager la circulation des talents et futurs talents entre les deux pays, qu'il s'agisse des étudiants, des universitaires, des chercheurs ou des professionnels en général.
J'ai eu l'occasion de percevoir concrètement l'intérêt de cet accord lorsque j'ai accompagné Franck Riester dans son déplacement au Kenya, du 27 au 30 octobre. J'ai notamment pu échanger avec des représentants des ministères kényans de l'intérieur et des affaires étrangères et avec de nombreux entrepreneurs, une centaine d'entreprises françaises étant présentes sur place.
Le Kenya faisant partie de ma circonscription, je suis régulièrement saisie par des Français établis dans ce pays – 1 800 compatriotes résident au Kenya. Selon l'ambassadrice du Kenya à Paris, Mme Judi Wakhungu, que j'ai auditionnée le 23 novembre, au moins 2 500 Kényans résident en France.
Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d'influence traditionnelle de la France, il est devenu incontournable en Afrique de l'Est, et la France s'y intéresse de plus en plus, comme à d'autres pays d'Afrique anglophones. Le Kenya est, en effet, un acteur économique majeur de cette zone, qui a notamment su investir dans les infrastructures et les services. Les entrepreneurs français que j'ai rencontrés voient en ce pays une incroyable terre d'opportunités.
Peuplé de 54 millions d'habitants, le Kenya est le septième pays le plus important d'Afrique sur le plan démographique, et ses jeunes sont de plus en plus de nombreux à vouloir accéder à des études supérieures. L'ambassade de France à Nairobi estime à 555 000 le nombre d'étudiants kényans.
Dans ce contexte, les relations entre la France et le Kenya ont été renforcées récemment. Le déplacement du président Emmanuel Macron au Kenya, en mars 2019, était la première visite officielle d'un président français depuis l'indépendance du pays, en 1963. Le président français a notamment encouragé les jeunes Kényans à étudier dans notre pays, dans la droite ligne du discours prononcé à Ouagadougou en 2017.
Les migrations franco-kényanes étaient jusque-là relativement faibles, qu'il s'agisse des étudiants, des universitaires ou des professionnels. Avant la crise sanitaire, moins d'une dizaine de Français étudiaient chaque année au Kenya et on comptait moins de 200 étudiants kényans en France, malgré la présence à Nairobi d'un bureau de Campus France et d'un représentant de Sciences Po Paris. Les 15 000 Kényans qui étudient à l'étranger choisissent surtout des destinations anglophones, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Afrique du Sud, en dépit d'une coopération scientifique très intéressante entre la France et le Kenya.
Je souligne en particulier la présence à Nairobi de l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, de l'IFRA, l'Institut français de recherche en Afrique, et du CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, ainsi que l'existence de nombreux partenariats avec le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique. Par ailleurs, je relève que la langue française est de plus en plus populaire au Kenya, où deux alliances françaises, très actives, sont implantées.
Nous devons absolument approfondir les relations universitaires et renforcer les flux d'étudiants, encore insuffisants, entre nos deux pays, pour permettre un enrichissement mutuel.
De même, les migrations économiques et scientifiques sont en deçà de leur potentiel. Seulement 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans en 2019 – 64 en 2020. Le faible nombre de Français travaillant au Kenya peut s'expliquer par la difficulté d'obtenir des permis de travail et des permis de résidence kényans. Je n'évoquerai que deux exemples, mais vous trouverez dans mon rapport un tableau résumant l'ensemble des problèmes administratifs auxquels sont confrontés nos compatriotes.
Le premier exemple concerne plusieurs membres du personnel du lycée français Denis-Diderot qui ne disposent pas de carte de résidence, malgré plusieurs mois d'attente, et sont donc bloqués dans leurs démarches quotidiennes, ce qui fragilise l'établissement dont ils relèvent. L'existence d'une école française est pourtant essentielle pour inciter des Français à s'installer avec leur famille dans un pays.
Le deuxième exemple est celui des volontaires internationaux en entreprise (VIE). Jusqu'au mois d'octobre, ils n'étaient pas considérés comme des volontaires par la partie kényane et devaient demander un Special Pass, dont le coût annuel, rédhibitoire pour nos entreprises, était de 2 500 dollars. A la suite du déplacement ministériel, les autorités kényanes ont enfin accepté de délivrer aux VIE des permis de travail de deux ans, pour un coût de 11 euros.
J'en viens au contenu de l'accord. Il est divisé en plusieurs articles, en fonction du public concerné. L'article 1er concerne ainsi les étudiants, l'article 2 les stagiaires, l'article 3 les universitaires et les chercheurs, l'article 4 les enseignants, l'article 6 les professionnels et l'article 7 les volontaires. Pour chacune de ces catégories, l'accord précise le titre de séjour qui peut être demandé. Par exemple, un étudiant en France peut demander un premier titre de séjour d'une durée maximum de douze mois puis, s'il a besoin d'un renouvellement, un nouveau titre de séjour couvrant la durée restante de son cycle d'études. La partie kényane délivre, quant à elle, un Pass étudiant.
Par ailleurs, l'accord prévoit des échanges de volontaires, notamment des VIE et des VSI, des volontaires de solidarité internationale, pour la partie française. En 2021, on comptait seulement 18 VIE et 4 VSI au Kenya.
Il faut préciser que la mobilité est toujours considérée dans cet accord comme circulaire. Ce concept – la personne qui quitte son pays doit pouvoir y revenir après avoir acquis de nouvelles connaissances et compétences – figurait déjà dans l'accord franco-indien que nous avons examiné en mars.
L'accord avec le Kenya prévoit des actions de promotion de la mobilité. C'est le bureau de Campus France au Kenya qui en est chargé pour les études supérieures et la formation professionnelle en France.
Soyons honnêtes, comme l'accord franco-indien, cet accord ne suffira pas pour faire bouger les lignes : il faudra aussi une véritable implication des deux partenaires. La France doit continuer à communiquer avec les acteurs kényans pour mieux faire connaître les différents dispositifs, notamment les VIE et les VSI. Il est indispensable que des moyens supplémentaires soient donnés au bureau de Campus France au Kenya, qui ne dispose que de 1,5 équivalent temps plein (ETP).
Le Kenya devra, quant à lui, améliorer ses procédures internes pour attribuer automatiquement aux Français qui en font la demande les documents de séjour prévus par l'accord, et ce dans des délais plus courts. Les avancées pour les VIE sont un signal très positif.
Je note l'accueil très enthousiaste que l'ambassadrice du Kenya à Paris a réservé à cet accord. Si les deux partenaires avancent dans ces domaines, il ne fait aucun doute que l'accord sera un succès. Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur du présent texte.