Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Des contrôles douaniers ont lieu dans l'Eurotunnel, mais ils sont aussi légers que possible, et la circulation y est maintenue. L'actualité tragique a mis en avant le problème des migrations. Ce qui est très net – et le Brexit n'y est pas pour grand-chose –, c'est l'efficacité croissante du contrôle des migrations sauvages par l'Eurotunnel. Des gens continuent d'y passer – et c'est parce que des gens y passent que d'autres tentent leur chance –, mais ils sont de moins en moins nombreux.

L'effet pervers, c'est que la zone depuis laquelle les gens tentent de traverser s'étend désormais de Dunkerque à Dieppe. Les méthodes utilisées, qu'il s'agisse de large boats ou de small boats, sont très aléatoires et le bras de mer y est plus large que dans la zone de Calais. Le contrôle de ces mouvements est extrêmement difficile et coûteux, aussi bien sur le plan administratif que technique. Si nous le faisons pour le compte des Britanniques, il serait logique que ce soient eux qui paient, mais cela suppose un climat coopératif qui, pour l'instant, n'existe pas. Le paradoxe, c'est que l'efficacité des contrôles à l'intérieur du tunnel, qui est un succès, a eu pour effet pervers l'élargissement de la zone de trafic.

Je me suis penché sur la question et je crois avoir enfin compris la raison pour laquelle la France est si peu attractive, par rapport au territoire britannique. On pourrait penser que c'est parce que les migrants parlent mieux l'anglais ou parce qu'ils ont des relations au Royaume-Uni. Mais j'ai repensé aussi à l'opération très brillante qu'ont menée Manuel Vals et Bernard Cazeneuve : il s'agissait d'offrir l'asile aux migrants et de les « éparpiller façon puzzle », comme aurait dit Bernard Blier, sur le territoire national. Cette opération a bien marché, mais elle est restée très limitée, car 80 à 90 % des gens qui sont à Calais veulent absolument passer au Royaume-Uni.

J'ai compris que ces gens passent par des filières extrêmement organisées, qui ne gèrent pas seulement le passage de la Manche. Les personnes qui arrivent à Calais ne sont pas pauvres, même si elles n'ont pas d'argent sur elles. Le voyage depuis le Moyen-Orient jusqu'à Londres peut coûter jusqu'à 40 000 euros, et le passage du bras de mer coûte entre 5 000 et 7 000 euros. Le paiement se fait par un système du type Western Union : à chaque étape du voyage, comme l'arrivée en Turquie ou l'arrivée en Europe, les familles restées dans le pays d'origine font un virement aux chefs des filières, qui sont des semi-esclavagistes. Les migrants sont totalement encadrés par ces filières. Et les gens que nous arrivons à intégrer chez nous, ce sont des personnes qui ont tout perdu, qui ont perdu leur famille, qui sont totalement isolées. Seuls ces électrons libres sont prêts à s'en remettre à l'État providence français.

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