Les crises que nous traversons illustrent combien il est nécessaire de construire une véritable souveraineté européenne. Dans ce cadre, la création d'une Europe de la défense est prioritaire, sujet sur lequel le Président de la République et vous-même êtes particulièrement engagés. Or, en décembre dernier, la Finlande a annoncé la commande de soixante-quatre F-35 américains, pour un montant de 8,4 milliards d'euros, afin de renouveler sa flotte d'avions de combat. Avant elle, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, le Danemark, l'Italie, la Pologne ou encore la Suisse, en juin dernier, avaient déjà choisi le F-35 plutôt que le Rafale de notre constructeur national Dassault Aviation.
À l'exception des commandes grecques et, plus récemment, croates en faveur de notre industrie, force est de constater que l'on observe encore une préférence américaine en Europe en ce qui concerne l'industrie de la défense, alors que l'un des pays membres de l'Union européenne, en l'occurrence la France, propose un avion de combat performant qui intéresse par ailleurs de nombreux États. Les ventes se multiplient depuis plusieurs années hors Europe : Égypte, Inde, Émirats arabes unis...
De plus, si l'on ne tient pas compte des programmes de coopération militaire des pays européens dans le cadre de l'OTAN, la coopération européenne en matière de défense demeure timide, de nombreux États européens étant rétifs à l'idée d'augmenter le budget de l'Union européenne en matière de défense alors que la politique de sécurité et de défense commune est pourtant inscrite dans les traités européens depuis 2000.
Depuis le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, la France est la seule puissance nucléaire des États membres. Forte d'une armée performante et polyvalente dont les capacités de dissuasion, de prévention, de protection, de renseignement et d'intervention sont reconnues dans le monde entier, elle est appelée à jouer un rôle important dans le cadre d'une politique européenne de défense. La présidence française du Conseil de l'Union européenne et la présentation de la « boussole stratégique » peuvent être l'occasion d'une impulsion décisive pour lever une partie de ces difficultés qui pèsent encore sur ce projet d'Europe de la défense.
Dans ce contexte, comment construire une stratégie européenne de défense conceptualisée, opérationnelle et fonctionnelle, ce qui correspond à l'ambition de la nouvelle « boussole stratégique », sachant que certains de nos partenaires européens choisissent d'écarter les fleurons de la production française dans leur politique de défense stratégique ?