La séance est ouverte à 21 h 30.
Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, permettez-moi tout d'abord de vous adresser mes meilleurs vœux ainsi qu'à vos collaborateurs, à tous nos diplomates et aux personnels de votre ministère pour l'année 2022, ministère qui nous apporte toujours son concours et sa coopération dans des conditions que nous considérons comme très satisfaisantes.
Votre dernière audition devant notre commission remonte – rendez-vous compte, monsieur le ministre ! – au 12 octobre dernier. Votre venue, prévue le 15 décembre, a dû être reportée en raison de l'organisation, en séance publique, d'un débat sur la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Programmée ensuite mercredi dernier, elle a dû être ajournée pour être inscrite cette semaine. Je vous remercie d'avoir accepté de la reporter à ce soir afin de permettre aux députés d'assister à la séance publique, non seulement pour entendre le Premier ministre mais pour retrouver une sérénité bien nécessaire à la conclusion des délibérations.
En trois mois, l'actualité internationale n'a pas manqué. Nombreux sont les sujets sur la table, dont les enjeux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, certains aspects vous concernant plus particulièrement tels que la défense européenne, la « boussole stratégique » et la réforme en cours de l'OTAN. Vous nous direz notamment si les objectifs fixés dans la lettre conjointe des Présidents Biden et Macron commencent à prendre forme.
La PFUE traitera également des enjeux de santé. Il serait intéressant de connaître votre perception de la situation internationale, à la fois européenne et mondiale, au regard de la pandémie et de l'accès aux vaccins.
La situation en Biélorussie, peut-être un peu plus calme qu'il n'y a quelques semaines, reste néanmoins préoccupante. D'une façon générale, nous sommes attentifs à la couronne qui entoure la Russie – Biélorussie, Ukraine Kazakhstan – et nous avons besoin de précisions à cet égard.
S'agissant de la situation au Moyen-Orient, où en est-on en Libye ? Nous avions espéré, peut-être à tort, que des élections auraient lieu à la fin du mois de décembre. Elles ont été reportées dans des conditions qui ne laissent pas présager une solution positive très rapide.
Nous aimerions que vous fassiez un point sur le Yémen et sur le Liban, un déplacement d'une délégation de la commission étant prévu du 19 au 22 janvier dans ce dernier pays. Nous serions heureux de vous entendre à ce sujet.
S'agissant du JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action), le plan d'action global commun sur l'état des négociations avec l'Iran, la situation est assez abominable et un certain nombre de dossiers sont au point mort ou gelés.
Il convient d'insister plus particulièrement sur la situation en Ukraine. Comment percevez-vous les dangers qui se profilent après l'intervention russe au Kazakhstan et comment analysez-vous les réactions de l'Occident, de l'Europe et de l'Alliance atlantique ?
La situation au Sahel nous préoccupe grandement, plus particulièrement au Mali et au Burkina Fasso, pays qui soulèvent des problèmes spécifiques. Quelle est votre analyse de la présence française dans cette région ?
Telles sont les questions que nous nous posons. Nous avions envisagé de vous interroger à huis clos, mais le fait d'être à la fois en présentiel et en distanciel ne rend pas cette formule très aisée. L'idée, que nous avions envisagée, était partagée par nombre des représentants des groupes – pas tous, M. Lecoq en particulier faisant exception. Nous souhaitions plus particulièrement connaître les options de la France s'agissant du Sahel et de l'Ukraine et, comme dirait Courteline, nous n'avons pas de raison d'en informer « les cours étrangères » ! Aussi peut-être nous réunirons-nous à huis clos à la fin de cette audition et pourrez-vous nous fournir des éléments complémentaires. Pour l'instant, la réunion est publique : nous n'avons rien à cacher.
Je remercie les collègues d'être fidèles à notre rendez-vous ce soir. Nous avons eu un entretien cet après-midi avec l'ambassadeur de la République populaire de Chine, qui a été long et compliqué à organiser mais qui fut à bien des égards très intéressant.
S'agissait-il d'une réunion publique ?
Non, participaient à cette rencontre les membres du bureau et non l'ensemble de la commission, M. Lu Shaye tenant à s'exprimer devant un public restreint. Nous avons réussi à lui « vendre » autre chose qu'un entretien bilatéral avec moi, sous la forme d'une relation avec le bureau, ce qui était une bonne chose car l'ensemble des groupes étaient représentés. Cette discussion était intéressante. Je n'en dirai pas davantage.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, mes meilleurs vœux à vous aussi ! Merci de vos vœux, pour moi-même et mes collaborateurs qui sont toujours à votre service, ainsi que vous l'avez noté, afin que la commission soit pleinement informée, ce qu'elle est, je crois, dans les meilleures conditions.
Je n'avais pas souvenir que cela faisait si longtemps que nous ne nous étions vus.
En effet. Des reports sont intervenus à partir du mois de décembre, dont je n'étais pas maître, mais sachez que j'ai toujours grand plaisir à vous rencontrer.
L'actualité est très chargée. Je centrerai mon propos liminaire sur le calendrier de la présidence française de l'Union européenne. Je déclinerai notamment les différentes étapes de la présidence, à commencer par la réunion qui se tiendra jeudi 13 et vendredi 14 janvier à Brest, dite « Gymnich », en référence au lieu où s'est tenue la première rencontre dans ce format… informel. Les discussions, assez libres, ne déboucheront pas sur des prises de décision, lesquelles, si elles doivent avoir lieu, interviendront lors de la séance formelle des ministres des affaires étrangères qui se tiendra le 24 janvier, à Bruxelles.
Ces deux jours, qui seront d'ailleurs précédés d'une réunion informelle des ministres de la défense, seront l'occasion d'aborder nombre de sujets en présence du haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrel, et de l'ensemble des ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept.
Le dossier de nos relations avec la Russie et le dossier ukrainien seront au cœur de nos discussions. Comme je l'ai fait devant vous au cours de ces derniers mois, nous pouvons dresser trois constats sur les tensions que nous connaissons avec la Russie.
Premier constat : la dérive autoritaire russe se poursuit. Elle se manifeste sur le plan régional par des tensions renouvelées et graves autour de l'Ukraine en raison de l'accumulation des forces russes aux frontières de ce pays. Elle se manifeste aussi sur le plan intérieur à travers la liquidation, par la justice russe, de l'ONG Memorial International, institution centrale et historique de la défense des droits de l'homme en Russie.
Deuxième constat : nous poursuivons néanmoins avec ce grand pays un dialogue sérieux et exigeant pour tenter de définir les paramètres d'une relation de stabilité stratégique en Europe. Nous appelons à un tel dialogue, sans naïveté et avec exigence. Nous l'avons engagé à titre bilatéral depuis un certain temps déjà. J'observe d'ailleurs que le Président Macron, en août 2019, avait souhaité ouvrir des discussions et un dialogue nouveau avec la Russie ; il avait alors été critiqué par certains mais nous observons que ce mouvement a été utile, puisque d'autres pays reprennent cette initiative.
Troisième constat : l'importance, pour les Européens, d'être pleinement acteurs de leur sécurité. Ils le sont déjà dans le cadre des discussions en Format Normandie, qui se poursuivent à Moscou et à Kiev, dans celui des discussions à l'OTAN qui auront lieu demain dans le cadre de la réunion Russie-OTAN, et au cours de celles qui se tiendront après-demain à l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Nous sommes dans une phase d'intense activité diplomatique. Les discussions russo-américaines, qui ont commencé dimanche, ont été préparées avec nous – j'y ai moi-même contribué, avec Antony Blinken. Nous connaissons donc les propos que les Américains tiendront aux Russes. Quoi qu'il en soit, dans toutes ces enceintes, nous veillons à mettre sur la table nos propositions.
Ces trois constats sont largement partagés par les Vingt-Sept et il convient maintenant de les décliner concrètement pour répondre aux propositions de garantie de sécurité que la Russie a fait valoir en décembre dernier sous la forme de deux projets de traité, l'un, entre la Russie et les États-Unis, l'autre, entre la Russie et l'OTAN. Nous ne devons ni refuser cette discussion ni en être inquiets car elle peut contribuer à renforcer notre sécurité dès lors qu'elle intervient sur la base de paramètres que nous jugeons conformes à nos intérêts collectifs de sécurité et qu'elle est conduite en toute transparence et en union avec nos alliés et partenaires.
Dans ce cadre, nous devons donc pointer ce qui, dans les propositions russes, n'est pas acceptable parce qu'incompatible avec les principes fondamentaux de la sécurité et de la stabilité européennes, tels que prévus avec la Russie, entre autres dans l'acte final d'Helsinki, signé en 1975 par l'URSS, comme d'ailleurs dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, signée en 1990, qui en réaffirme les dix principes fondamentaux. Le « décalogue » reprend les principes sur lesquels les acteurs européens, y compris la Russie, se sont engagés en Finlande dont le droit de tout État souverain à appartenir ou non à des organisations multilatérales de son choix ou l'intangibilité des frontières. Disons-le, des propositions russes reviennent purement et simplement à supprimer des décennies de construction européenne pour revenir à une logique de bloc. D'aucuns ont même parlé de Yalta II.
Nous devons engager une discussion substantielle sur les enjeux de maîtrise des armements et de stabilité stratégique dans le contexte de disparition progressive de tous les instruments existants. Ce débat peut se tenir dans des formats différents entre États-Unis et Russie sur les armements nucléaires stratégiques, sur la poursuite et l'approfondissement de New Start, qui a été repoussé à cinq ans mais qui n'en pose pas moins la question de l'avenir, sur les enjeux des armements conventionnels, sur la suite à donner à la maîtrise des forces nucléaires intermédiaires ou encore, à l'OSCE, sur les enjeux de transparence et de prévisibilité des activités militaires et sur les principes sur lesquels se fonde la sécurité européenne.
Je le répète, les Européens mettent sur la table leurs positions et leurs propositions dans l'ensemble des formats de discussion. Nous n'avons pas attendu la séquence en cours pour ce faire, car voilà plus de quatre ans que le Président de la République et moi-même faisons de ce dialogue avec la Russie sur la sécurité et la stabilité stratégiques une priorité.
J'ajoute que le dialogue avec la Russie ne suppose en rien une évolution de notre position, très claire et très ferme, sur le dossier ukrainien. Nous l'avons dit sans ambiguïté à l'occasion du Conseil européen de décembre : soutien indéfectible à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réengagement des discussions au Format Normandie pour parvenir à la pleine application des accords de Minsk.
Des échanges ont eu lieu ces derniers jours à Moscou et, lundi dernier, à Kiev. Nous nous orientons vers une nouvelle réunion au format Normandie, qui se tiendra dans les jours qui viennent. Vous avez pu observer à midi que le Président Zelensky a appelé à une réunion au plus haut niveau dans le cadre de ce Format. Nous avons également indiqué à la Russie que toute nouvelle atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine emporterait des conséquences stratégiques et massives. Avec nos partenaires, nous évaluons des options de sanctions économiques fortes à l'encontre de la Russie afin d'augmenter le coût d'une éventuelle intervention militaire. Nous en sommes là à l'heure où je vous parle. Ce n'est pas confidentiel ; tout cela est public.
Nous nous entretiendrons aussi avec nos collègues de l'Union européenne sur le retour de l'Iran et des États-Unis dans les négociations du JCPoA. Elles ont repris à Vienne le 29 décembre dernier après avoir été interrompues pendant plus de cinq mois à la demande de l'Iran suite à de nouvelles élections. L'urgence est vitale en raison des actions mêmes de l'Iran et de la trajectoire de son programme nucléaire. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Iran a pris des mesures lui permettant de doubler sa production d'uranium enrichi à 20 % sur le site profondément enterré de Fordo et de poursuivre l'enrichissement à 60 % ainsi que ses activités de production d'uranium métal – je rappelle que la teneur d'enrichissement nécessaire à la production d'une arme nucléaire est de 90 %. La situation actuelle est donc grave, l'Iran ayant progressé jusqu'à l'avant-dernière étape précédant ce stade ultime.
Les discussions sont en cours mais elles sont trop lentes ; l'écart, sans cesse grandissant, compromet la possibilité de trouver une solution respectueuse des intérêts de chacun dans un calendrier réaliste. Des progrès ont été accomplis fin décembre mais nous sommes loin de conclure la négociation. Afin de ne pas compromettre la possibilité d'un retour au JCPoA, il est indispensable que l'Iran poursuive par ailleurs une coopération pleine et entière avec l'AIEA, comme il s'y était engagé à la fin de l'année dernière.
Au-delà du retour aux normes de base du JCPoA, nous continuons à nous mobiliser pour que l'Iran discute des questions liées à la sécurité régionale. À la fin du mois d'août, à Bagdad, nous avons bâti un cadre susceptible de contribuer à une réflexion commune sur la sécurité dans la zone, la dynamique nucléaire ne pouvant être dissociée de la dynamique régionale : s'approchant d'une capacité nucléaire militaire, l'Iran menace de créer non seulement une grave crise de prolifération mais une crise régionale.
Les tensions régionales restent fortes. À l'occasion de ses déplacements aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite, en décembre, le Président de la République a rappelé la volonté de la France d'engager une dynamique de dialogue plus large, associant les pays de la région et impliquant l'ensemble du P5, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, afin de contribuer à renforcer la stabilité et la sécurité régionales.
Au cours de notre réunion à Brest, nous évoquerons la situation au Sahel. Vous avez évoqué une accumulation de menaces, que je constate avec vous. Le Sahel est la frontière sud de l'Europe, une réalité dont nos partenaires européens sont désormais bien conscients.
Comme ce fut dit par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à l'occasion d'un sommet des chefs d'État qui s'est tenu le dimanche 9 janvier, ce qui se passe au Mali constitue une véritable fuite en avant de la junte au pouvoir qui, au mépris de ses engagements, veut confisquer le pouvoir et priver le peuple malien de ses choix démocratiques. Il est frappant que les pays d'Afrique de l'Ouest aient critiqué l'absence de volonté politique de la junte malienne pour préparer les élections. Une telle fuite en avant a été fermement et unanimement condamnée par les pays de la CEDEAO, qui ont pris des mesures très fortes face à cette situation inacceptable. Initialement, la junte avait fait part de sa volonté d'organiser des élections au mois de février de cette année, puis elle a proposé à ses voisins de la CEDEAO qu'elles soient reportées en décembre 2026 avant d'engager une petite marche arrière et de proposer leur organisation en décembre 2025. Comme l'a relevé le porte-parole de la CEDEAO, cette junte illégale compte tenir en otage la population malienne jusqu'à cette date.
Les pays de la CEDEAO ont donc pris des dispositions exceptionnelles : fermeture des frontières avec le Mali, suspension des échanges commerciaux – à l'exception des produits de première nécessité –, gel des avoirs du Mali à l'extérieur, rappel des ambassadeurs… une panoplie de mesures strictes et très spectaculaires qui sont, déjà pour partie, appliquées par l'ensemble des pays de l'Afrique de l'Ouest. Nous soutenons pleinement leur action et nous nous concerterons avec nos partenaires européens à Brest pour appuyer les efforts de la CEDEAO en faveur d'un retour rapide de l'ordre constitutionnel.
Dans ce contexte, le déploiement, désormais avéré, des mercenaires du groupe Wagner est symptomatique de cette fuite en avant. Il n'est pas au Sahel parce que la communauté internationale se retirerait mais parce que la junte veut se maintenir au pouvoir à tout prix. Ce déploiement fait peser un risque important sur la stabilité du Mali et de la région. Avec l'ensemble des partenaires européens engagés dans la stabilisation et la sécurité du Mali, nous avons condamné ce choix de la junte de recourir à des mercenaires. J'observe que les pays africains engagés dans la mission de maintien de la paix des Nations unies le condamnent également.
Par ailleurs, dès lors que nous appartenons à une coalition internationale, nous poursuivrons la concertation avec nos partenaires. Soixante acteurs – États, organisations internationales – sont ainsi engagés dans la lutte contre le terrorisme et pour le développement de la région. Nous verrons dans les jours qui viennent les évolutions consécutives à cette initiative forte qu'a prise la CEDEAO.
Je rappelle également le risque d'extension de la menace terroriste aux pays côtiers du Golfe de Guinée, comme l'ont montré de récentes attaques terroristes perpétrées au Bénin le mois dernier. Les pays de la région ont instauré en 2017 l'initiative d'Accra de coopération régionale de sécurité réunissant les pays du Sahel et les pays côtiers pour renforcer la coopération – partage de renseignements, conduite d'opérations conjointes contre le terrorisme –, démarche que nous soutenons.
Dans le cadre de la présidence française, nous souhaitons renforcer le soutien européen aux initiatives régionales dans une logique euro-africaine d'appui des capacités de renforcement de l'architecture de sécurité africaine, qui est également l'un des objectifs du prochain sommet de l'Union européenne et de l'Union africaine (UE-UA) qui se tiendra à Bruxelles les 17 et 18 février prochains. Sa préparation est inscrite à l'ordre du jour des deux journées de travail à Brest. Nous y travaillerons avec Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l'Union africaine, et avec Aïssata Tall Sall, la ministre sénégalaise des affaires étrangères, le Sénégal assurant dans quelques jours la présidence de l'Union africaine.
Il importera de profiter de la dynamique lancée lors du sommet UE-UA sur le financement des économies africaines pour mettre en place un New deal pour l'Afrique au service de la souveraineté de chacun de nos deux continents visant à refonder le partenariat euro-africain autour du triptyque prospérité, sécurité, mobilité. Tels sont les trois thèmes du sommet UE-UA, qui devrait être préparé vendredi à Brest avec les partenaires que j'ai cités. Il s'agit de promouvoir une relance euro-africaine durable dans tous les domaines où se jouent notre prospérité et notre santé en soutenant les économies africaines, notamment à travers l'allocation de droits de tirage spéciaux au profit du continent sur la base d'un objectif de 100 milliards de dollars, par le renouvellement de nos partenariats en matière de commerce et d'investissement et par l'appui à l'entreprenariat et au développement d'infrastructures de qualité pour donner des perspectives et une stratégie à la jeunesse africaine en particulier.
Dans ce cadre, nous soutiendrons les transitions énergétique et numérique ainsi que la production locale de vaccins, sur laquelle je reviendrai. Je peux d'ores et déjà préciser que les Européens ont livré à ce jour 120 millions de doses à l'Afrique, la France en ayant fourni 19 millions. Il importe d'être présents aux côtés de nos partenaires africains pour qu'ils parviennent à développer des capacités de production autonome.
Dans le cadre de la préparation du sommet UE-UA, nous voulons aussi permettre aux Africains d'accroître leurs capacités sur le plan de la sécurité.
Nous essaierons de repenser la question des mobilités pour favoriser les échanges entre nos deux continents, notamment par l'amélioration du programme Erasmus+ pour l'Afrique et un renforcement des mobilités croisées de nos étudiants et de nos chercheurs.
Au cours de nos travaux, nous aurons l'occasion d'évoquer les relations UE-Chine face à l'attitude de plus en plus intransigeante de Pékin et, en particulier, les pressions économiques et commerciales unilatérales que la Chine impose à certains États membres – c'est particulièrement vrai pour la Lituanie, qui sait pouvoir compter sur notre solidarité. Je l'ai indiqué à Riga au mois de décembre : il est urgent de définir et de renforcer notre posture pour dissuader les actes de coercition, notamment économiques, contre des pays tiers. Un projet de règlement de l'Union européenne est sur la table et nous irons aussi loin que possible, sous la présidence française, pour le faire avancer.
Nos échanges, à Brest, permettront également de veiller à ce que l'approche multidimensionnelle de l'Union européenne – qui fait de la Chine, depuis 2019, à la fois un partenaire, un concurrent et un rival systémique – contribue à l'objectif de garantir une relation plus stable et plus prévisible.
Nous aborderons la réponse de l'Union européenne au jeu de plus en plus affirmé – pour ne pas dire offensif – de la Chine dans le système multilatéral, au moment où les Nations unies sont devenues pour la Chine un forum clé pour déployer sa vision du monde et promouvoir sa propre définition du multilatéralisme.
Toujours à Brest, nous évoquerons la préparation du Forum ministériel sur l'espace indopacifique que nous organiserons le 22 février à Paris avec mes homologues de l'Union européenne et de l'Indo-Pacifique pour échanger sur les questions de sécurité, les enjeux de connectivité du numérique et ces biens communs que sont notre santé et notre planète.
Dans le domaine de la sécurité maritime, de la régulation numérique, des mobilités étudiantes ou du renforcement de l'accessibilité au vaccin contre le covid, nous avons devant nous de nombreux projets très concrets à faire avancer ensemble. Si l'Europe veut devenir une puissance géopolitique, elle ne peut pas se détourner de cette région du monde qui représentera bientôt 60 % de la croissance mondiale et concentre déjà trois cinquièmes de la population de la planète.
Enfin, se réuniront à Brest les vingt-sept ministres des affaires étrangères et les vingt-sept ministres de la défense. Vous vous demandez pourquoi cela se passe à Brest ? Parce que c'est à Brest !
(Sourires)
(Sourires)
Nous nous réunirons pour faire le point de la préparation de notre « boussole stratégique », document qui devra être prêt à être adopté lors du Conseil européen des 24 et 25 mars. Il s'agit, en quelque sorte, du « Livre blanc de la défense européenne » et il constituera une avancée essentielle. Nous devrons agir ensemble pour que cette « boussole stratégique » définisse une appréciation spécifiquement européenne des menaces qui pèsent sur nous.
Par ailleurs, nous devons nous donner les moyens d'agir de manière autonome lorsque nos intérêts de sécurité seront engagés ou lorsque les valeurs auxquelles nous tenons seront en jeu en renforçant nos capacités opérationnelles et industrielles, en complémentarité avec l'OTAN, qui elle-même prépare la définition de son concept stratégique pour le sommet qu'elle organise à Madrid au mois de juin prochain.
Complémentarité mais autonomie stratégique : il s'agit là d'une grande avancée. Pour la première fois, les Européens sont d'accord pour réfléchir ensemble à leurs priorités et à leur manière d'agir afin d'assurer leur propre souveraineté. Nous évoquerons notamment nos intérêts dans ce que nous appelons les espaces contestés et, tout d'abord, sur les mers et les océans : en temps de crise, pouvons-nous assurer une présence maritime coordonnée avec nos partenaires ? Ensuite, dans l'espace exo-atmosphérique : pouvons-nous espérer un sursaut européen de souveraineté dans le domaine spatial ? Enfin, dans le cyberespace et l'espace informationnel où se déploient de nouvelles formes de conflictualité et de nouvelles luttes d'influence, et où il est nécessaire que l'Europe puisse assumer sa propre souveraineté. Tout cela nous aidera à préparer l'avenir de l'Alliance atlantique, qui passe par un rééquilibrage, une refondation des liens entre les États-Unis et les Européens.
L'actualité l'impose. Il s'agit de la réunion informelle la plus importante à laquelle les Européens participeront depuis de nombreuses années.
Je vais rapidement évoquer le calendrier du ministère des affaires étrangères.
Les 7 et 8 février, avec Bruno Le Maire et Cédric O, nous participerons à une conférence sur la souveraineté numérique européenne. L'Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace en particulier, projet que l'Union européenne et les États-Unis ont rejoint lors du forum de Paris sur la paix, a témoigné de notre détermination à jouer un rôle moteur dans la construction d'un modèle numérique européen susceptible de faire une vraie différence sur la scène internationale. Nous continuerons dans cette voie dans le cadre de la PFUE en faisant avancer notamment le règlement sur les marchés numériques (DMA) et celui sur les services numériques (DSA), qui permettront de travailler au renforcement des conditions de la cyber-sécurité, à l'impératif de régulation, au soutien de ce qu'on appelle les communs numériques, les logiciels libres de droits garants d'un internet libre, transparent, ouvert et sûr.
L'avenir de notre modèle européen comme modèle de croissance fera par ailleurs l'objet d'un sommet en mars, comme le Président de la République l'a annoncé.
À la mi-février, à Lyon, nous nous réunirons avec Olivier Véran dans le cadre d'une réunion informelle des ministres des affaires étrangères et des ministres de la santé autour de trois priorités : valoriser les actions menées par l'Union européenne dans le champ de la santé mondiale en appui aux pays à bas et moyens revenus ; renforcer le rôle de chef de file de l'Union européenne dans l'architecture mondiale de la santé, notamment au sein de l'OMS, et valoriser l'attractivité des régions européennes en matière de santé mondiale, notamment en mettant à l'honneur les atouts de la région lyonnaise. Nous serons amenés à travailler ensemble à la création de capacités de productions vaccinales autonomes en Afrique et dans l'espace indopacifique.
Au cours de la présidence française, nous honorerons d'autres rendez-vous importants.
Tout d'abord, le sommet One Ocean, « Un seul océan », qui se tiendra du 9 au 11 février à Brest pour promouvoir une meilleure gouvernance mondiale des océans autour d'un impératif de gestion durable – qui gère la haute mer ? – et avec la volonté de lutter contre la prolifération des plastiques, en essayant d'amorcer l'élaboration d'un traité.
Ensuite, une réunion informelle sur le développement, que je présiderai aux côtés de Josep Borrell à Montpellier les 6 et 7 mars, sera largement consacrée à la question de la protection de la biodiversité, laquelle doit être au cœur des politiques de développement de l'Union européenne. L'un des éléments centraux de la réflexion portera sur la manière de se mobiliser en faveur de la Grande muraille verte, qui revient au premier plan des préoccupations et qui vise à créer ensemble agro-écologique de l'océan Atlantique à la Corne de l'Afrique.
Enfin, toujours au mois de mars, se tiendra le Forum humanitaire européen d'abord prévu en janvier puis repoussé en raison de la pandémie. Il sera l'occasion de soutenir sur le plan européen tous les engagements humanitaires que nous avons pris ainsi que les engagements présidentiels annoncés à la Conférence nationale humanitaire de décembre 2020, de même que ceux issus du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales que vous avez voté à l'unanimité.
Tels sont les principaux éléments de cette présidence, qui permettra de renforcer la portée européenne de l'ensemble de nos engagements diplomatiques.
Je me permets de citer un point particulier auquel je suis particulièrement sensible et que je souhaite également aborder au cours de cette présidence : la crise en Haïti qui, dans sa dimension humanitaire en particulier, nécessite une mobilisation forte tant le désastre est considérable et l'inaction assez largement commune. Une réunion ministérielle doit se tenir à ce propos dans les jours qui viennent pour appeler l'attention sur le désastre humanitaire en cours.
Tels sont donc le calendrier, les thèmes et les préoccupations. Nous devrons traiter de nombreux dossiers, plus ou moins risqués, des dossiers qui recèlent des menaces mais aussi des dossiers de développement stimulants.
Je termine mon propos par des observations sur deux crises particulières que vous avez évoquées.
La conférence internationale pour la Libye, à laquelle ont participé sept chefs d'État et de gouvernement, a été organisée par le Président Macron le 12 novembre dernier à Paris. Ce fut un exercice de remobilisation internationale décisif dans le cadre de la phase de transition libyenne et la première fois qu'était rassemblé l'ensemble des pays voisins de la Libye en présence des autorités libyennes. Le Conseil de sécurité du 24 novembre a pris acte des résultats de cette conférence et adopté une déclaration de la présidence du Conseil faisant état de deux éléments centraux : l'organisation d'élections, prévues le 24 décembre ; le début d'une démilitarisation extérieure, c'est-à-dire le départ des mercenaires du territoire libyen.
Le report prévisible des élections, lié à des complexités techniques – notamment, la nécessité d'habiliter la liste des candidats – a été annoncé par la Haute commission électorale libyenne. Je rappelle que la Libye n'a jamais connu d'élections. Les Libyens se montrent très intéressés puisque trois millions d'entre eux se sont inscrits sur les listes électorales, ce qui n'est pas négligeable quand on connaît la situation de ce pays. Avec nos collègues européens, nous sommes déterminés à faire en sorte que ce report technique se déroule dans les meilleures conditions. La validation juridique de la candidature des quatre-vingt-dix-huit candidats à la présidence de la République libyenne et l'assurance de l'éligibilité de chacun d'entre eux ont pris du temps. Nous devrions cependant aboutir à des élections puisque le processus a été enclenché.
Sur le plan sécuritaire, les premiers retraits des éléments étrangers ont commencé puisque plus de trois cents mercenaires africains se sont retirés de l'est libyen. Nous devrions assister à un départ progressif de l'ensemble des forces et des mercenaires étrangers tel qu'approuvé par la Conférence de Paris.
La mobilisation que nous menons et que nous continuerons à mener vise à éviter une « syrianisation » de la Libye, que j'ai évoquée devant vous à plusieurs reprises, le meilleur moyen étant de procéder aux élections et à la restauration de la souveraineté libyenne.
Ensuite, concernant le Liban, que dire de neuf ? Honnêtement, peu de choses. Un nouveau Premier ministre a été nommé, M. Mikati, qui est sunnite. Il a pu, et nous y avons contribué, renouer des liens avec l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et les pays de la péninsule Arabique qui, jusqu'à présent, s'étaient détournés des préoccupations libanaises, en laissant ce pays se débrouiller seul. Lors de la visite du Président Macron dans le Golfe, nous avons pu renouer ces liens et permettre ainsi la création d'un fonds conjoint franco-saoudien d'aide et de soutien aux Libanais, auquel les Émirats contribueront, je pense, prochainement. Il s'agit du seul point positif de la période récente. Pour le reste, le gouvernement libanais n'arrive toujours pas à se réunir en raison d'un blocage d'une partie de la classe politique qui refuse de participer au gouvernement en raison de l'instruction en cours sur l'explosion du port de Beyrouth. Une forme d'obstruction est à l'œuvre, qui n'est pas acceptable parce qu'elle instrumentalise l'enquête au service d'objectifs politiques alors que les Libanais ont le droit à la vérité.
Si, pour ces raisons, le gouvernement Mikati ne se réunit pas, il a néanmoins commencé à esquisser des initiatives dont nous ne pouvons que nous féliciter – contrôle des frontières, prêt de la Banque mondiale, mise en place d'un dispositif de sécurité sociale, – mais beaucoup reste à faire : la discussion avec le Fonds monétaire international, le rétablissement des services publics essentiels, la réforme du secteur de l'énergie, la réforme portuaire, la réforme des marchés publics. Bref, nous en sommes au tout début, avec pour perspective, au printemps 2022, les élections législatives et présidentielles que les autorités libanaises ont la responsabilité d'organiser.
Il faut rester proche des Libanais et leur faire comprendre que le pluralisme, caractéristique de leur pays, doit leur permettre de dépasser ces difficultés. La pression internationale et le soutien que les uns et les autres apporteront au peuple libanais n'en seront pas moins utiles dans la période qui s'ouvre.
Merci, monsieur le ministre. Ce tour d'horizon était très riche et ne va pas manquer de susciter des questions complémentaires de la part de nos collègues.
J'ai eu l'occasion de me rendre récemment en Syrie avec une délégation du groupe d'études sur les chrétiens d'Orient. Certains souhaiteraient le rétablissement d'une représentation diplomatique à Damas. J'observe à ce propos que, pendant les événements que nous avons connus, le nonce apostolique, les ambassades de la République tchèque et de la Roumanie sont demeurés sur place. Outre cette demande pressante, toutes les personnes que nous avons rencontrées ont demandé un allégement des sanctions qui, semble-t-il, ne touchent pas tant le régime que la population, et très fortement. Comptez-vous prendre des initiatives pour rétablir une présence française en Syrie afin d'alléger, voire de supprimer les sanctions ?
S'agissant de la présence, au Mali et en République centrafricaine, des mercenaires russes du groupe Wagner, quelle position la France entend prendre vis-à-vis des autorités de ces deux pays et quels sont les échanges que vous avez eus avec votre homologue russe pour garantir la sécurité de nos soldats ?
Lors du débat budgétaire sur la mission extérieure de l'État, nous avons appris que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères met en œuvre avec les élus de Mayotte, depuis 2020, un plan d'action en vue de la reconnaissance internationale de l'appartenance de Mayotte à la France. Je tiens à préciser la spécificité de Mayotte, puisque les Mahorais ont demandé la protection de la France dès 1841, sous Louis-Philippe, pour se protéger des sultans batailleurs. Autrement dit, la situation historique de Mayotte est très différente des trois autres Comores. Il serait donc intéressant de savoir ce qui se passera. Pouvez-vous nous apporter des précisions, dans la mesure où la France continue à être parfois traduite devant des commissions de décolonisation ?
Enfin, vous avez fait allusion aux menaces qui pèsent sur la Lituanie. Il semble que l'équipementier automobile allemand Continental subisse la pression de la Chine pour qu'il cesse d'utiliser des composants fabriqués dans une usine lituanienne. Par ailleurs, la Chine impose un embargo de fait à des produits lituaniens à travers une procédure douanière. La Lituanie fait donc face à cette pression à la fois politique et économique de la part d'entreprises étrangères menacées par la Chine. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, allez-vous prendre des mesures concrètes pour témoigner de la solidarité européenne envers nos amis lituaniens, qui sont souvent à nos côtés, jusque et y compris au Sahel ?
Les crises que nous traversons illustrent combien il est nécessaire de construire une véritable souveraineté européenne. Dans ce cadre, la création d'une Europe de la défense est prioritaire, sujet sur lequel le Président de la République et vous-même êtes particulièrement engagés. Or, en décembre dernier, la Finlande a annoncé la commande de soixante-quatre F-35 américains, pour un montant de 8,4 milliards d'euros, afin de renouveler sa flotte d'avions de combat. Avant elle, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, le Danemark, l'Italie, la Pologne ou encore la Suisse, en juin dernier, avaient déjà choisi le F-35 plutôt que le Rafale de notre constructeur national Dassault Aviation.
À l'exception des commandes grecques et, plus récemment, croates en faveur de notre industrie, force est de constater que l'on observe encore une préférence américaine en Europe en ce qui concerne l'industrie de la défense, alors que l'un des pays membres de l'Union européenne, en l'occurrence la France, propose un avion de combat performant qui intéresse par ailleurs de nombreux États. Les ventes se multiplient depuis plusieurs années hors Europe : Égypte, Inde, Émirats arabes unis...
De plus, si l'on ne tient pas compte des programmes de coopération militaire des pays européens dans le cadre de l'OTAN, la coopération européenne en matière de défense demeure timide, de nombreux États européens étant rétifs à l'idée d'augmenter le budget de l'Union européenne en matière de défense alors que la politique de sécurité et de défense commune est pourtant inscrite dans les traités européens depuis 2000.
Depuis le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, la France est la seule puissance nucléaire des États membres. Forte d'une armée performante et polyvalente dont les capacités de dissuasion, de prévention, de protection, de renseignement et d'intervention sont reconnues dans le monde entier, elle est appelée à jouer un rôle important dans le cadre d'une politique européenne de défense. La présidence française du Conseil de l'Union européenne et la présentation de la « boussole stratégique » peuvent être l'occasion d'une impulsion décisive pour lever une partie de ces difficultés qui pèsent encore sur ce projet d'Europe de la défense.
Dans ce contexte, comment construire une stratégie européenne de défense conceptualisée, opérationnelle et fonctionnelle, ce qui correspond à l'ambition de la nouvelle « boussole stratégique », sachant que certains de nos partenaires européens choisissent d'écarter les fleurons de la production française dans leur politique de défense stratégique ?
Longtemps, la junte au pouvoir au Mali a entretenu une certaine ambiguïté quant à la présence du groupe Wagner sur son territoire, or, celle-ci est désormais avérée et vous avez rappelé la réaction très ferme de la France. Toutefois, les récentes déclarations de Vladimir Poutine et de son ministre des affaires étrangères illustrent combien les Russes veulent s'investir davantage en Afrique, que ce soit au Mali ou en Centrafrique. Étant tous conscients des risques de déstabilisation et de dégradation de la situation que fait peser l'arrivée du groupe Wagner sur la situation en Afrique occidentale, comment la France appréhende-t-elle le rôle de la Russie ?
Je souhaiterais également évoquer la position russe vis-à-vis du Bélarus, qui menace une nouvelle fois l'équilibre en l'Ukraine. La situation profite à Moscou, qui utilise cette déstabilisation pour s'opposer plus fortement à tout éventuel rapprochement de l'OTAN et des pays de l'est. Pouvez-vous faire un point sur la position de la Russie et son éventuelle acceptation de négociations au Format Normandie ?
Par ailleurs, voyez-vous se dessiner une convergence des États membres sur la question du Pacte sur la migration et l'asile ?
Enfin, les enjeux auxquels nous seront confrontés impliquent que l'Union européenne se dote d'un budget à la hauteur. Le Président Emmanuel Macron et le Président du Conseil des ministres italien, Mario Draghi, ont appelé de leurs vœux la possibilité, pour l'Union européenne, de disposer de marges de manœuvre afin de réaliser les dépenses nécessaires à notre souveraineté. Quelles suites seront-elles données à cette initiative franco-italienne ?
Monsieur le ministre, sans doute me trouverez-vous quelque peu acerbe – ce qui n'est pas dans mes habitudes. Ma première question sera simple : trouvez-vous normal que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ne nous ait pas rencontrés depuis plus de trois mois ? C'est tout de même beaucoup, même si la Constitution de la Ve République est un peu particulière quant aux possibilités offertes à l'opposition pour intervenir sur un certain nombre de dossiers internationaux et que l'intitulé de votre ministère privilégie l'Europe.
Vous avez lu des notes qui vous ont été préparées avec le brio et le talent que nous connaissions déjà quand vous étiez dans notre majorité et qui ne vous ont pas quittés. Comme nous ne sommes pas à huis clos, je conçois parfaitement que votre expression soit encadrée. À ce propos, monsieur le président Bourlanges, ne vous inquiétez pas : aucun service étranger n'a découvert quoi que ce soit aujourd'hui ! Je pense même qu'ils ont dû interrompre leur visionnement, considérant qu'il n'y a aucune chance pour que cela se produise. Dans Le Monde diplomatique et dans un certain nombre de journaux d'Orient et d'Afrique, on en apprend à peu près autant que ce que j'ai appris ce soir. Cette situation est regrettable compte tenu de l'importance que peuvent avoir un parlement et une opposition. Permettez-moi donc de ne pas m'associer au concert de louanges car, non, cela ne va pas ! Nous sommes face à un vrai problème de participation démocratique, je tiens à vous le dire en toute simplicité, y compris au sein de la majorité, pour ceux qui parmi eux ont une conscience vive de ce qu'est la démocratie participative et représentative.
Au-delà de cette réflexion, sans doute excessive mais qui me semble légitime, nous savons tous que le nerf de la guerre est l'argent. Qui finance donc le groupe Wagner ? Certainement pas la Russie, qui est exsangue. Qui paie donc ces mercenaires dans les pays où ils interviennent étant entendu que, selon leurs compétences, ils perçoivent entre 2 000 et 10 000 euros par mois. N'est-ce pas nous qui payons par un circuit détourné ? J'aimerais le savoir.
Par ailleurs, je vous rends hommage pour vos propos sur le Liban. La crise sanitaire crée une situation particulière mais nous connaissons tous les très nombreux et remarquables médecins libanais qui œuvrent dans nos hôpitaux. Aujourd'hui, la moitié des Libanais travaillent en dehors de leur pays, où il me semble essentiel de restaurer une stabilité monétaire. Le fonds franco-saoudien constitue probablement l'une des solutions pour ce faire. Vous faites bien de le soutenir.
Je constate, monsieur le député, que vous êtes très bien informé, plus que moi, à propos du « Gymnich » de Brest. Pour ma part, j'ai tout de même eu l'impression d'une présentation assez structurée et substantielle de la négociation en cours.
Selon les statistiques établies au 31 décembre 2020, votre ministère compte 28 % d'ambassadrices, contre 11 % en 2012. Les postes de direction et de chefferie de service sont occupés à 28 % par des femmes, contre 22 % en 2012. Bien que ces chiffres demeurent bas, nous devons saluer ces progrès.
Dans une tribune du 9 mars 2019 conjointe avec Marlène Schiappa, à l'époque secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, vous annonciez que la France était à l'œuvre pour promouvoir une véritable diplomatie féministe, une diplomatie concrète qui ne se contente pas du discours mais agit efficacement pour soutenir les femmes, toutes les femmes.
À la suite de cette déclaration, vous avez annoncé lors de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices du 29 août 2019, à Paris, que vous lanciez un « plan complet pour la parité ». Si une dynamique de féminisation du corps diplomatique est incontestable et appréciable, il n'en demeure pas moins que la véritable lacune ne réside peut-être pas seulement dans la faible féminisation mais dans la considération des femmes par le corps diplomatique lui-même, comme j'ai pu en faire l'expérience. Mes différents déplacements m'ont permis de constater des comportements paternalistes récurrents, une infantilisation systématique des femmes et, surtout, une incapacité persistante à considérer la femme comme l'égale de l'homme.
Selon vous, qui défendez la diplomatie française comme vitrine exemplaire de notre savoir-être et de notre savoir-vivre, une mise à niveau ne serait-elle pas nécessaire pour qu'elle le soit effectivement ? Comment peut-on penser ou repenser la formation de nos futurs diplomates français à l'égalité entre les femmes et les hommes ?
J'ai constaté avec déception et incompréhension que le Président de la République lui-même s'est publiquement et officiellement réjoui de la décision des autorités égyptiennes de remettre en liberté, sur la demande de la France, l'activiste du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), Ramy Shaath, et de le rapatrier en France.
Je ne comprends pas ce double langage. Ce militant est le fondateur du mouvement antisioniste BDS en Égypte. Il a été arrêté en 2019 et il est soupçonné d'avoir aidé les Frères musulmans, un mouvement classé terroriste en Égypte et qui a fait tant de mal à notre pays. Comment la France peut-elle à la fois condamner l'antisionisme, qui est le nouvel antisémitisme tueur, et offrir l'asile au fondateur du BDS ? Comment peut-elle à la fois adopter une loi qui condamne le boycott et se réjouir d'accueillir, au nom des droits de l'homme, l'un de ses promoteurs ?
Nous avons commémoré le 21 décembre dernier l'assassinat de notre compatriote, une Française, une Parisienne, une camarade de classe, Esther Horgen, lapidée il y a un an en Samarie par un terroriste palestinien. Elle était la mère de six enfants, elle était danseuse, conseillère conjugale, thérapeute, amoureuse de la France. Elle a été victime de la barbarie antisémite. Son assassin est en prison mais savez-vous que tous les mois, Mahmoud Abass, qui a été décoré de la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris, fait envoyer à sa famille une indemnité équivalente à la paie d'un ministre ou d'un haut gradé de l'administration palestinienne ? Cela vous touche-t-il ? Réagissez-vous à cela ?
Je ne vous interrogerai pas à propos de la situation en Iran – dont vous avez parlé – bien que je sois inquiet puisque ce pays parvient en effet au stade nucléaire ultime et que je craigne donc le pire.
Comme mon collègue Christian Hutin, je me demande d'où vient l'argent qui finance les mercenaires du groupe Wagner. Je crois savoir qu'au Mali, les mines d'or sont principalement exploitées à travers des capitaux canadiens ou sud-africains, très présents traditionnellement. Un ami qui travaille dans ces mines m'a fait part, également, de la même interrogation.
Je suis préoccupé par la fragilité du Burkina Faso. Le drame d'Inata de novembre dernier, où cinquante-trois gendarmes ont été exécutés par des djihadistes, illustre à quel point la faiblesse du nombre de militaires est préjudiciable. Pas de nourriture, pas d'armes, des cibles toutes trouvées : les djihadistes étaient bien informés. Aujourd'hui, les populations se rebellent.
Je crois savoir qu'un coup d'État aurait été déjoué récemment. Si, demain, le Burkina Faso doit connaître la même situation que le Mali, je crains un effondrement.
Lors d'un déplacement de notre commission aux États-Unis, on nous a laissé entendre que les Américains – qui ont peut-être une dette morale à notre égard après l'affaire des sous-marins – s'engageraient au Sahel plus qu'ils ne l'étaient. Qu'en est-il très concrètement ?
En Afghanistan, 80 % de la population ne mange pas à sa faim. Quelle est donc la position de l'Europe en la matière ? Allons-nous regarder mourir un peuple à l'endroit duquel nous avons aussi une dette ?
Comment la France et l'Europe comptent-elles assumer et assurer une autonomie de décision pour pouvoir rediscuter avec la Russie et la Chine, faire valoir leurs désaccords tout en se montrant constructives et ouvrir d'autres perspectives que celles qui semblent s'annoncer ?
Pourquoi la France s'oppose-t-elle à l'intégration de la notion de présomption de non-usage dans le texte relatif à l'usage des armes explosives en zone peuplée ? Est-ce en raison de notre diplomatie de vente d'armes ? Nos clients importants comme l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, qui bombardent le Yémen, nous demandent-ils, en échange de quelques Rafale, de bloquer ce processus et de ravaler nos valeurs ?
Comptez-vous maintenir encore longtemps la coopération franco-égyptienne sur le renseignement, appelée « opération Sirli », qui permet à l'Égypte de mener des assassinats extrajudiciaires ou pensez-vous là encore, en échange de quelques Rafale, ignorer ce sujet et ravaler nos valeurs ?
Le 10 janvier, la France a pris des sanctions contre le Mali mais elles pèseront plus sur la population malienne que sur ceux qui sont dans l'illégalité. Est-ce là un bon choix politique ? Cela ne renforcera-t-il pas le sentiment anti-français de la population, alors qu'elle crache déjà sur notre armée lorsqu'elle passe devant elle ?
La CEDEAO, qui « gère » le franc CFA, joue-t-elle le bon rôle ?
La diversification de la sécurité de nombreux pays africains – je songe au groupe Wagner – ne fait-elle fait partie des sujets sur lesquels ces derniers s'interrogent ? Depuis treize ans que nous sommes au Mali, n'aurions-nous pas pu aider les Maliens à assurer leur sécurité plutôt que d'avoir chargé l'armée française de le faire à leur place ? Chez nous, en bord de mer, on dit qu'il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher plutôt que de lui donner régulièrement du poisson. Il en va de même de la sécurité pour les Africains : au Mozambique, nous avons aidé l'armée à soutenir la lutte contre le terrorisme.
La dernière déclaration que vous avez faite avec les quatre autres pays détenteurs de la bombe atomique est intéressante. L'ambassadeur de Chine tenait le même langage que le ministre des affaires étrangères français, comme quoi, il existe des terrains d'entente ! Malgré l'accord de non-utilisation de la bombe, ne pensez-vous pas que la France pourrait tout de même observer ce qui se passe dans le cadre du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) ? Quatre-vingt-six États l'ont signé et cinquante-neuf l'ont ratifié, me semble-t-il, mais la situation ne cesse d'évoluer.
Il semblerait que, le 2 décembre dernier, la nomination d'une ambassadrice française en Syrie soit intervenue. Qu'en est-il vraiment ?
Les porte-parole des groupes se sont exprimés. Monsieur le ministre, je vous invite à leur répondre, en essayant de faire preuve de l'imperatoria brevitas la plus absolue afin que nos nombreux collègues qui souhaitent encore intervenir puissent le faire.
L'ensemble des questions couvrant un champ assez large, je vous prie de m'excuser si je suis parfois un peu sommaire.
En effet, le groupe Wagner est présent au Mali, avec l'accord gouvernement malien. Ce groupe, que nous avons vu à l'œuvre en particulier en République centrafricaine, se distingue par ses prédations, ses exactions et son irresponsabilité, puisque personne n'en est responsable. Il est d'ailleurs assez frappant que lorsque l'on interroge nos collègues russes et maliens à son propos, ils déclarent ne pas en connaître l'existence. À la limite, cela pourrait s'entendre pour les Maliens, encore que l'arrivée significative de ce groupe à l'aéroport de Bamako doit bien être autorisée par quelqu'un. Il serait en revanche étonnant que les autorités russes, quand il s'agit de mercenaires qui sont d'anciens combattants russes, dotés d'armes russes et transportés par des avions russes, ne le sachent pas. Je le dis très clairement : nous sommes là dans le mensonge.
Le groupe Wagner se finance à travers la prédation des ressources des pays concernés, en particulier en République centrafricaine. J'ignore, en l'état, ce que les autorités maliennes ont accordé en échange à ce groupe mais elles ont discuté pour qu'il puisse « se payer sur la bête », si je puis dire, car c'est exactement ainsi que cela se passe.
J'ajoute qu'il ne s'agit pas d'une diversification de la sécurité puisque le groupe Wagner est « anonyme » et que personne n'en est responsable.
La France et l'Union européenne, précisément, veulent former les forces armées de ces pays, au Mali comme ailleurs. À cette fin, je vous conseille de rendre visite à l'EUTM Mali – mission de formation de l'Union européenne au Mali – qui forme l'armée malienne, comme l'EUTM RCA forme l'armée centrafricaine. L'objectif de ce dispositif européen est bien de faire en sorte que les Africains puissent assurer leur sécurité eux-mêmes.
La question de M. Quentin sur la Syrie est claire, notre réponse l'est tout autant : la réouverture de notre ambassade à Damas n'est pas d'actualité. La question ne se posera pas tant que nous n'aurons pas observé de changements significatifs sur le terrain. Sans contrepartie préalable, tout pas accompli dans cette direction non seulement ne changerait rien à la situation que subissent les Syriens mais serait immédiatement instrumentalisé.
S'agissant de l'Ukraine, je pense avoir dit l'essentiel dans mon propos introductif. Le Format Normandie, un temps, a été au point mort mais il me semble que nous pouvons aujourd'hui le réactiver, d'autant plus que le Président Zelensky a fait des déclarations significatives à cet égard et que des contacts récents ont été pris à l'initiative du Président de la République afin de reprendre le processus. Nous savons ce qu'est l'essentiel pour que les choses aboutissent : l'intégrité de l'Ukraine, les perspectives humanitaires, que ce soit à travers les échanges de prisonniers, le retrait des armes lourdes, le déminage ou l'ouverture de portes d'accès sur la ligne de séparation. Nous connaissons également ces enjeux politiques que sont le futur statut du Donbass et le processus électoral. Tout cela est sur la table depuis un certain temps et fait partie des accords de Minsk. Il faut reprendre cette discussion et j'espère que nous serons bientôt au rendez-vous.
Nous sommes solidaires de la Lituanie. La Chine a pris des mesures contre ce pays parce qu'il a ouvert un bureau à Taïwan et qu'il a quitté le forum dit des « 17+1 », qui a été impulsé par la Chine et lui permet de retrouver régulièrement un certain nombre de partenaires européens indépendamment de l'Union européenne. Pendant la présidente française de l'Union européenne, nous voulons prendre des mesures anti-coercition permettant à l'Europe de se défendre contre de telles initiatives.
Un plan d'action pour la reconnaissance internationale de la souveraineté française sur Mayotte existe, en effet. J'ai moi-même ouvert l'an dernier, dans les locaux de l'ambassade de France à Madagascar, un bureau du conseil départemental de Mayotte. Cela participe de la défense de ce territoire qui fait partie de la République française.
Même si cela ne fait pas plaisir à M. Hutin, je dirai à M. Girardin que pour avoir suivi les dossiers de défense et la montée en puissance de la défense européenne depuis dix ans, les sauts qualitatifs sont considérables. En 2015, j'ai eu l'occasion de présenter à mes collègues de la défense de l'époque – avec Mme von der Leyen, alors ministre allemande de la défense – un dispositif appelé coopération structurée permanente (CSP). Il s'agissait de commencer à agir ensemble, ne serait-ce qu'à travers la coordination de nos services de santé. Nous avions alors été quasiment mis au ban de l'ensemble des Vingt-Huit, lesquels jugeaient inepte d'imaginer une défense européenne.
Aujourd'hui, le Fonds européen de défense est doté de 8 milliards, les Vingt-Sept se retrouvent autour de la CSP et de l'Initiative européenne d'intervention et des opérations militaires européennes se déroulent entre Européens – Takuba, Irini, la MISO (Military Information Support Operations). Certes, il faut aller au-delà mais les avancées sont spectaculaires parce que les Européens ont conscience qu'ils doivent assurer eux-mêmes leur sécurité. Vous avez cité des exemples de coopération en matière d'armement mais il en est bien d'autres, y compris s'agissant de l'avion et du char de nouvelle génération, avec l'Allemagne, à laquelle, pour l'avion, s'est joint l'Espagne. La base industrielle et technologique de défense (BITD) est quant à elle en phase d'activation. Nous nous inscrivons dans une logique positive que la « boussole stratégique » permettra de valider lorsqu'elle sera achevée, lors du Conseil européen du mois de mars.
À propos de l'action des Russes, je suis frappé par la solidarité et la solidité les acteurs de l'Afrique occidentale pour défendre leur souveraineté. Leur expression commune, forte et significative, illustre une forme de résilience à mon avis très positive.
La situation migratoire au Bélarus est à peu près stabilisée, même si elle n'est pas tout à fait revenue à la normale. Nous continuons à suivre avec attention cette question. La tentative d'instrumentalisation par Loukachenko a échoué parce que les Européens se sont montrés solidaires, qu'ils ont su se défendre et faire en sorte de maintenir la frontière avec le Bélarus. Ensemble, nous avons pu réduire significativement la tentative de déstabilisation de l'Union européenne, avec l'acceptation passive de la Russie, et nous avons su agir avec les pays tiers qui étaient eux-mêmes instrumentalisés suite aux vols en provenance d'Irak notamment.
Cela n'empêche pas que la situation du Bélarus soit dramatique, la dictature risquant de se renforcer après le « vol » des élections de 2020 par Loukachenko, lequel veut désormais organiser une réforme de la Constitution, en février, qui portera un nouveau coup d'arrêt à toute forme d'expression de l'opposition. Nous continuerons de soutenir la population bélarusse, nous poursuivons nos envois d'aide humanitaire et nous continuons à rencontrer régulièrement l'opposition, comme j'ai eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises en rencontrant Mme Tikhanovskaïa.
S'agissant de l'initiative franco-italienne concernant le Pacte de stabilité et de croissance et son évolution, l'élaboration d'un nouveau modèle de croissance pour l'Europe sera décisive. À cette fin, il est indispensable que nous préservions nos capacités à produire et à investir. Il faudra donc prévoir des règles budgétaires adaptées et une coordination accrue, pas uniquement en période de crise. C'est le sens de la proposition des Présidents Draghi et Macron. Lors du sommet des 10 et 11 mars annoncé par le Président de la République, il nous incombera de définir le modèle de croissance de l'Europe et de relancer le débat.
Monsieur Hutin, je me présente pour la trente-sixième fois devant votre commission. Je regrette de ne pas avoir pu être là au mois de décembre mais cela tenait à l'actualité. J'imagine que vous étiez vous-même présent aux débats organisés par le Gouvernement et lors de la présentation de la PFUE par le Premier ministre dans l'hémicycle.
Vous allez vous rendre à Beyrouth et vous pourrez constater l'immense flux migratoire, la population quittant le pays dès qu'elle le peut. Ceux qui restent vivent dans des conditions humanitaires et sanitaires déplorables parce que les groupes politiques qui constituent l'ossature du Liban n'avancent absolument pas et ne prennent pas en compte les intérêts de la population et de leur pays. Les bonnes intentions du Premier ministre Mikati n'ont jamais pu se traduire dans les faits ; sans doute convient-il d'attendre les élections du printemps prochain mais encore faut-il qu'elles soient transparentes et qu'elles aboutissent à un résultat, faute de quoi ce pays risque de sombrer définitivement.
Monsieur Habib, j'ai répondu à votre question concernant M. Shaath lors de la séance des questions d'actualité.
Je ne réponds pas à des questions personnelles publiquement.
Monsieur Clément, je partage votre avis à propos de la fragilité du Burkina Faso. Je sais que les autorités burkinabées s'efforcent de remédier aux difficultés que rencontrent leurs forces armées. Un processus démocratique a eu lieu ; le président Kaboré a été réélu et son élection n'a été contestée en aucune manière. Il faut là encore aider ces pays à structurer leur propre sécurité, comme le fait le G5 Sahel. Nous sommes à la disposition du président Kaboré pour lui apporter le soutien qu'il demande.
Lors des entretiens de Rome entre les Présidents Biden et Macron, des engagements ont été pris, en particulier dans le domaine de la logistique et du renseignement, qui se sont très clairement concrétisés.
Je partage vos inquiétudes à propos de l'Afghanistan, où la situation humanitaire est dramatique. Le ministère des affaires étrangères a contribué à hauteur de 100 millions pour y répondre, lesquels ont été entièrement décaissés et confiés pour l'essentiel aux agences onusiennes. D'autres opérations humanitaires doivent être soutenues. Je vous rappelle que nous en avons menée une au mois de décembre, conjointement avec le Qatar, afin de fournir une assistance médicale. Avec d'autres, nous contribuons à aider ce peuple martyr pour qu'il puisse passer l'hiver dans des conditions moins catastrophiques, mais encore faut-il que l'aide humanitaire soit acheminée directement aux populations. Pour ce faire, nous avons besoin de la garantie des Nations unies. C'est la raison pour laquelle nous passons par elles.
Depuis ma prise de fonction à ce ministère, j'ai entrepris de lever les verrous qui, structurellement, font obstacle à l'avancement des femmes. Nous faisons en sorte de procéder à des primo-nominations de directrices, de consules et d'ambassadrices. Nous continuons à progresser régulièrement. Pour les consules, qui sont les viviers de nos futures ambassadrices, nous avons compté en 2020 45 % de primo-nominations. Nous atteignons donc quasiment la parité. Quant aux ambassadrices, leur nombre a doublé en cinq ans : de vingt-trois en 2017, elles sont passées à cinquante à l'automne 2020.
De la même manière, nous avons instauré un dispositif de signalement des agissements sexistes avec la cellule « Tolérance zéro ». Nous avons également programmé un plan de sensibilisation qui permettra de former nos personnels à ces problématiques afin que nous puissions traiter ces difficultés sans aucune forme de complaisance.
Comme nous avons un ambassadeur pour l'Afghanistan, nous avons une ambassadrice pour la Syrie qui suit les dossiers syriens sans être ambassadrice déléguée auprès des autorités syriennes. La situation est la même depuis dix ans.
Je ne vais pas entrer dans un débat TIAN-TNP (traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) mais dès lors que vous vous félicitez que les cinq membres du Conseil de sécurité réaffirment leur position concernant le TNP, il n'est pas possible de dire que le TIAN est le bon outil. Celui qui, aujourd'hui, garantit la non-prolifération, c'est le TNP, sur lequel nous sommes très vigilants pour le maintenir tel quel. Nous sommes en revanche très réservés sur l'évolution du TIAN. Cela suscite des débats certes, mais, comme vous l'avez rappelé, parmi les Vingt-Sept membres de l'UE, nous sommes le seul pays à disposer de l'arme nucléaire.
Par ailleurs, nous avons déjà eu l'occasion d'expliquer notre politique diplomatique s'agissant des discussions internationales sur la réduction d'attaques sans discrimination et disproportionnées en zone habitée. Nous considérons, avec d'autres Européens, que l'enjeu n'est pas une interdiction mais une bonne application du droit international humanitaire. Nous nous sommes engagés dans la négociation d'une déclaration politique qui permettra d'améliorer réellement la protection des civils.
Concernant l'utilisation éventuelle de moyens de renseignements à des fins qui ne correspondent pas à la lutte contre le terrorisme en Egypte, nous avons diligenté une enquête à la suite des révélations sur l'opération Sirli. Les moyens de renseignement que nous avions mis à disposition de ce pays étaient exclusivement destinés à lutter contre Daech, qui dominait alors en Libye – c'est-à-dire très près de nous –, avec les risques que cela représentait pour nous. Si ces moyens ont été utilisés à d'autres fins, cela ne correspond pas à leurs règles d'engagement, qui devaient répondre aux strictes exigences que je viens de rappeler.
Treize orateurs sont encore inscrits. J'invite donc ces collègues à s'exprimer très brièvement.
Nous sommes à vingt-quatre heures d'un sommet stratégique pour la présidence française de l'Union européenne puisque, dès demain, à Brest, les ministres de la défense et des affaires étrangères européennes se réuniront. C'est la première grande rencontre de la PFUE. Il paraît que le phare de Brest est éclairant ; n'est-ce pas une bonne raison pour qu'en ressorte un message clair et unanime ?
Face à la crise ukrainienne, nous peinons à prendre position, tant au sein de l'OTAN qu'à l'échelle européenne. Il y a plusieurs mois, nous nous sommes largement exprimés en faveur d'une Europe puissance. Pour la concrétiser, nous nous sommes donné pour objectif de définir notre « boussole stratégique ». A priori, ce sera chose faite à partir de mars 2022 avec l'adoption d'un Livre blanc européen de défense et sécurité. Plus immédiatement, cette crise n'est-elle pas l'occasion de prendre position ? En décembre dernier, j'ai organisé des ateliers citoyens dans ma circonscription sur la PFUE, et je me souviens d'une remarque qui m'a un peu perturbée : la voix de l'Union européenne ne serait pas toujours audible. À quoi pourrait donc ressembler une position claire de l'Union européenne sur la crise ukrainienne ?
Les Afghans ont faim et froid. Nous sommes tous confrontés à un dilemme : faut-il verser une aide au risque d'aider le régime des talibans, lesquels estiment n'avoir aucun compromis à faire, en particulier en matière de droits des femmes ? Avant leur arrivée, la tradition patriarcale, la pauvreté et le manque d'éducation ont freiné l'évolution de ces droits. Selon l'ONU, 87 % des femmes ont déjà vécu une forme de violence physique, sexuelle ou psychologique.
Le système embryonnaire de refuge contre les violences faites aux femmes s'est encore dégradé. Fin décembre 2021, le ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice – tout un programme ! – a annoncé de nouvelles restrictions pour elles : elles ne peuvent désormais plus voyager seule à plus de 72 kilomètres et doivent être surveillées par un homme, leur père ou leur frère. Selon le directeur régional de l'entité des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, Mohammad Naciri, ce qui se passe actuellement en Afghanistan relève d'une « urgence de genre ».
Notre diplomatie est féministe et ne peut donc rester indifférente au sort terrible de ces femmes. Nous savons que notre ambassadeur pour l'Afghanistan et le centre de crise et de soutien sont actifs pour exfiltrer celles qui sont en danger, mais comment faire plus ? Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, qu'est-il prévu pour que l'Union européenne agisse de façon plus concertée ?
120 millions de doses de vaccin sont bien arrivées en Afrique, dont 19 millions envoyées par la France. J'ai eu la chance de participer à vos côtés à la visite de l'Institut Pasteur de Dakar, le mois dernier, et je tiens à rappeler combien ce dernier fait figure de référence dans le domaine de l'innovation et du partenariat. Son travail s'inscrit dans l'extraordinaire réseau constitué par les instituts Pasteur, dont notre pays peut s'enorgueillir.
Comment allons-nous continuer à organiser cette solidarité internationale dans le cadre de la lutte contre le covid-19 ? Quels sont les objectifs fixés par le Président de la République quant à l'utilisation des vaccins et, surtout, à l'autonomie vaccinale ? Quelles sont les perspectives ?
Le Bénin, qui ne fait pas la une de l'actualité, subit depuis quelques années un véritable autoritarisme au point qu'il semble difficile d'être dans l'opposition sans être menacé d'incarcération ou d'exil. À l'issue du dernier scrutin présidentiel, des dizaines d'opposants politiques ont ainsi été arrêtés. Nombre d'entre eux sont en exil en France, comme l'ancien maire de Cotonou, condamné à dix ans de prison. Vous avez évidemment entendu parler de l'ancienne garde des sceaux, Reckya Madougou, arrêtée depuis plus de neuf mois, dont la candidature à l'élection présidentielle avait été injustement refusée par la Cour constitutionnelle et qui, en moins de vingt heures de procès, a été condamnée à vingt ans de prison... pour terrorisme, excusez du peu ! L'un de ses juges est d'ailleurs lui-même en exil à ce jour pour avoir dénoncé l'utilisation de la justice à des fins politiques. À cela s'ajoutent des conditions de détention humiliantes et indignes.
Vous dites souvent que la France occupe une place singulière sur la scène internationale. Sans faire preuve de trop d'ingérence, il me semble que c'est aussi son rôle de défendre le sort d'opposants politiques dans un pays comme le Bénin, qui est une démocratie depuis plus de trente ans.
Le déplacement dans le Golfe a été présenté comme une grande réussite mais, au-delà de la signature de beaux contrats pour quatre-vingt Rafale, avez-vous eu le temps d'évoquer les droits humains avec Mohammed ben Salmane, en particulier, la situation d'Ahmed Mansour, et celle au Yémen, que les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite bombardent, alors que nous leur vendons beaucoup d'armes ?
J'ai dit à M. Maire, qui est allé récemment au Sahel, qu'il pourrait bénéficier d'un temps de parole légèrement plus long que ses collègues en raison de l'expérience qu'il a acquise à cette occasion et de la restitution qu'il veut nous en faire.
Je vous remercie.
En fin de mandat, notre stratégie antiterroriste au Mali suppose probablement de prendre un certain recul. Trois faits sont particulièrement importants.
Le premier, bien sûr, est l'action dynamique et efficace de la CEDEAO contre les autorités maliennes avec la fermeture du robinet monétaire. Il semble d'ailleurs que le Mali ne puisse compter que sur quelques semaines de trésorerie avant de se retrouver à sec. Ce sont là des capacités d'action dont nous ne disposions pas auparavant.
Le deuxième est la question du groupe Wagner qui, d'après des sources publiques, est présent sur le terrain et commence à se battre contre les djihadistes, avec les forces armées maliennes (FAMA), notamment dans le centre du pays. Pourquoi une telle présence ? Le groupe Wagner est-il une sorte de garde prétorienne pour soutenir le régime et le protéger contre des actions internationales – auquel cas, c'est un problème politique ? Est-ce une force antiterroriste ou se prétendant telle – auquel cas, en quoi est-elle compatible avec l'action d'autres forces internationales ?
Enfin, le dernier point est plus délicat – je comprendrais que vous n'y répondiez pas publiquement – et concerne les groupes terroristes. D'un côté, il y a Daech, structure qui ne dispose pas d'appui et d'ancrage local, dont les membres viennent pour beaucoup d'autres théâtres d'opération. De l'autre, il y AQMI et le GSIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, JNIM en arabe), ce dernier ayant assuré que la France était sa principale cible. Nous nous sommes félicités de l'avoir « décapité » et nous ne discutons donc pas avec lui mais avec AQMI alors que, dans le même temps, de nombreux acteurs gouvernementaux et locaux au Mali, au Niger ou au Burkina Faso échangent avec lui, comme j'ai pu le constater au cours des quelques jours passés sur place.
Pourtant, en 2021, le JNIM a fait savoir pour la première fois, dans des communiqués de presse officiels revendiqués, que le territoire français ne faisait pas partie de ses cibles. C'est donc un élément nouveau. On peut d'ailleurs considérer que cette déclaration est une victoire française puisque l'un des objectifs essentiels de notre présence au Mali est bien de protéger les Français.
Certains se demandent si cette évolution d'AQMI et du JNIM, que nous avons certainement obtenue grâce à la pression militaire, ne doit pas être considérée comme une victoire et une possibilité pour engager une discussion, non une discussion diplomatique aimable mais une discussion armée, afin d'obtenir de nouvelles avancées – je pense à la protection des pays voisins du Mali, ceux du Golfe de Guinée, et à celle des acteurs français dans cette zone.
Le Président de la République, il y a quelques mois, a décidé un redéploiement des forces de l'opération Barkhane. Depuis, nous sommes confrontés à un contexte nouveau qui, d'après moi, offre des marges de redéploiement, de discussion et de réflexion et, probablement, un temps propice pour revisiter nos objectifs au Mali.
Vous avez déclaré devant la représentation nationale, le 4 janvier dernier, que l'Europe devait faire entendre sa voix et défendre ses intérêts dans la crise ukrainienne. Pensez-vous que le sommet qui se tiendra demain à Brest sera l'occasion d'officialiser une position commune des Vingt-Sept de nature à affirmer la souveraineté européenne souhaitée par le Président de la République ?
Concernant les Balkans occidentaux, le Président la République a rappelé lors de la présentation du programme de la PFUE qu'il fallait se réengager et réinvestir cette région et qu'il était nécessaire de clarifier la perspective européenne de certains de ces pays. Pensez-vous qu'il existe une réelle chance pour que les négociations entre l'Union européenne et la Macédoine du Nord ainsi que l'Albanie commencent au cours de la présidence française ?
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s'est rendu le 5 janvier dernier en Ukraine pour soutenir Kiev dans le contexte du renforcement militaire russe à ses frontières. La France et l'Allemagne sont à l'initiative et œuvrent de concert. Aujourd'hui même, vous l'avez rappelé, le président Zelensky a appelé à la réunion du Format Normandie.
Parallèlement se tient à Genève le dialogue stratégique russo-américain sur la réactualisation du traité Start. Les pays de l'Union européenne, quant à eux, pourraient également se saisir de la question du rôle de la dissuasion nucléaire en Europe. S'agissant de surcroît du développement du déploiement de l'OTAN en Europe, la Russie impose son interlocuteur, l'interlocuteur américain. Comment parler de la défense de l'Europe sans l'Europe ? Peut-on espérer qu'au cours de la présidence française de l'Union européenne une ambition commune s'exprime à ce sujet, peut-être à travers la « boussole stratégique » ?
Monsieur le ministre, c'est le président du groupe d'amitié France-Birmanie qui s'adresse à vous pour vous rappeler le massacre de civils et d'humanitaires qui s'est produit le 24 décembre dernier dans l'État de Kayah. Cet accès de violence, toujours très spectaculaire, a justement été dénoncé par plusieurs ONG et par le secrétaire général adjoint de l'ONU, Martin Griffiths, mais des exactions malheureusement moins médiatisées sont commises chaque jour.
Après le gel des avoirs des militaires de la junte et de leurs proches ainsi que des condamnations répétées, quelles nouvelles mesures notre diplomatie pourrait-elle prendre afin d'endiguer cette violence et de participer à un retour à l'ordre constitutionnel dans ce pays ? Aung San Suu Kyi a été condamnée une première fois, en fin d'année, à quatre ans de prison et elle vient de l'être à nouveau à quatre années supplémentaires pour des motifs futiles. Il conviendrait de trouver une formule pour intervenir et faire encore pression sur la junte birmane.
En Libye, parmi les quatre-vingt-dix-huit candidats, il en est un qui sort du lot en raison de son pedigree : le fils de Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam. Candidat après avoir été invalidé une première fois, il est poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité et c'est certainement lui qui est le mieux à même de fédérer l'ensemble des tribus libyennes. Quelle est la position de la France à ce propos ?
Concernant le Mali, j'observe depuis vingt-quatre heures qu'un puissant sentiment de patriotisme et une grande solidarité se font jour autour de la junte : 75 % des messages postés sur les réseaux sociaux, au Mali, soutiennent les autorités militaires et appellent à l'unité nationale et 72 % des publications estiment que la CEDEAO est manipulée par des puissances étrangères. Avec un axe Moscou-Alger-Bamako et une partie des pays de la CEDEAO qui décident de sortir de l'embargo – c'est le cas notamment de la Guinée-Conakry et de la Guinée-Bissau – ne pensez-vous pas que, plutôt que de revenir à la situation antérieure, les cartes pourraient être rebattues dans cette partie de l'Afrique ?
Enfin, au Tchad, où le chef de l'opposition Succès Masra a organisé dans le stade de N'Djamena un immense meeting de 65 000 personnes autorisé par les militaires et où les prisonniers ont été libérés, nous arrivons peut-être à une étape nouvelle et la situation pourrait s'inverser. Pensez-vous que les autorités internationales, l'Europe ou d'autres structures pourraient avoir une approche plus constructive et plus anticipative au lieu de se retrouver devant le fait accompli ?
Mes concitoyens de Strasbourg m'ont parlé spontanément du réseau diplomatique français à deux reprises au cours de mon mandat. La première fois, c'était lors de la crise de la covid et des rapatriements massifs ; nos concitoyens ont alors touché du doigt l'importance vitale de disposer d'un réseau diplomatique fort. La seconde, c'était en rapport avec la crise afghane – j'ai eu en effet l'occasion de suivre quatre familles, deux Franco-afghanes et deux Afghanes ; trois d'entre elles sont en France aujourd'hui et elles savent qu'elles le doivent à ce réseau et à cette action diplomatique. Ma question porte sur le cas de la quatrième famille, composée notamment d'une femme ancien vice-gouverneur d'une des régions afghanes, qui s'est enfuie au Pakistan et qui tente de rejoindre son frère qui vit dans ma circonscription, à Strasbourg. Plus généralement, vos ambassades font-elles état de nombreuses demandes émanant de personnes ayant fui l'Afghanistan et qui essaient de rejoindre la France ? Certains envisagent – c'est le cas de cette famille – de revenir en Afghanistan, leurs démarches n'aboutissant pas.
En ce début de présidence française de l'Union européenne, notre commission dans son ensemble s'associera je pense à un mot de condoléances après le décès, la nuit dernière, du président du Parlement européen, M. David Sassoli.
J'étais hier à Tripoli, en Libye, et je suis aujourd'hui en Tunisie. Je m'associe aux félicitations adressées à notre force diplomatique car j'ai eu l'occasion de voir de mes propres yeux combien, sur des théâtres de guerre, dans une ville comme Tripoli, encerclée et tenue par les milices, nos agents et nos diplomates risquent leur vie chaque jour et combien ils font preuve d'abnégation, entourés de gardes du corps, loin de leur famille, pour représenter la France. Je tiens en particulier à saluer notre ambassadrice Béatrice Le Frapper du Helen, qui a accompli un travail extraordinaire et qui, dans les prochaines semaines, rouvrira notre ambassade à Tripoli. Je crois d'ailleurs, monsieur le ministre, que dans quelques semaines ou quelques mois vous irez inaugurer cette emprise exceptionnelle.
Il y a là-bas une petite école française qui accueille centre-quatre-vingt-douze enfants. Les parents d'élèves se sont regroupés et les enfants suivent les cours du centre national d'enseignement à distance, le CNED. Dans quelque temps, une demande d'homologation sera vraisemblablement formulée pour que cette école devienne une véritable école française. J'espère que vous serez aux côtés des différents acteurs et que vous donnerez les consignes nécessaires à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) afin de les accompagner et de les aider.
La Tunisie se trouve dans une situation compliquée ; son économie est en berne et sa population s'appauvrit. De quelle manière l'UE peut-elle intervenir pour sortir de ces blocages ?
Ma collègue Aude Amadou et moi-même sommes chargés d'une mission d'information sur l'espace indopacifique. Qu'attendez-vous concrètement du forum qui doit se tenir le 22 février ? Notre déconvenue suite à la perte des contrats australiens a-t-elle entraîné une révision ou une réévaluation de notre stratégie indopacifique, sachant qu'elle est une priorité de la politique étrangère fixée par le Président de la République au début de son mandat ? Quelles en sont également les conséquences pour l'Europe, l'Union européenne ayant présenté sa stratégie pour l'Indopacifique le lendemain même de la perte des contrats australiens ?
Par ailleurs, quel vœu formez-vous pour nos diplomates, très inquiets à l'idée que la réforme de la haute fonction publique et la suppression de l'École nationale d'administration (ENA) décidées par le Président de la République mettent en cause la spécificité de leur expertise et de leur métier ?
Je vous remercie pour vos propos très clairs sur la présence du groupe Wagner. Il était important que vous en parliez, comme vous l'aviez déjà fait publiquement devant notre commission.
Des discussions sont engagées entre nos représentants et nos partenaires financiers, que ce soit à l'Alliance Sahel, au FMI ou à la Banque mondiale. Sous l'impulsion de la France et du Président de la République, le Mali, comme d'autres pays, a bénéficié d'un allégement de sa dette, en l'occurrence en novembre 2021. Qu'en est-il, dans ces conditions, du financement du groupe Wagner, étant entendu qu'il n'est pas question d'alléger une dette qui serait utilisée à son profit et, donc, pour financer des opérations qui, comme vous l'avez dit, relèvent d'exactions et de spoliations ?
L'année 2022 sera celle de l'application de la loi relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ma première préoccupation peut sembler anecdotique puisqu'elle porte sur le changement de nom de l'Agence française de développement proposé dans le rapport que je vous ai rendu car cela reflète notre vision de la loi. Vos équipes ont-elles commencé à se pencher sur cette question ? Avez-vous une préférence ?
Le partenariat UE-UA repose sur le triptyque prospérité, mobilité et sécurité. S'agissant de la prospérité, nous avons besoin de projets pour les transitions écologique et numérique. Des discussions sont-elles déjà ouvertes à ce propos, nos partenaires africains attendant notamment le financement d'infrastructures ? Pour faire de l'aide publique au développement un enjeu d'influence, il faut en financer afin d'améliorer la vie quotidienne dans les pays partenaires.
Monsieur le ministre, il vous appartient de répondre. Toutefois, comme je le disais quand j'étais professeur de lettres, je vous invite à faire des réponses qu'en rhétorique classique on qualifierait de stichomythiques.
Mesdames Le Peih, Tanguy et Pouzyreff, je crains que nous ne soyons en désaccord : la stratégie européenne concernant l'Ukraine existe bel et bien. Il ne faut pas vous laisser entraîner par la petite musique, diffusée en grande partie sous influence russe, selon laquelle la Russie ne parlerait désormais qu'aux États-Unis pour régler tous les problèmes.
La situation que j'ai exposée concernant l'Ukraine montre que ce sont les Européens qui discutent avec les Russes et avec les Ukrainiens – qui sont tout de même un peu des Européens –, lesquels discutent avec l'Allemagne et la France sur la base des accords de Minsk. La Russie a peut-être été intéressée, un temps, à empêcher un tel mécanisme mais il a redémarré. Ce sont donc les Européens qui sont à la manœuvre.
Ils le sont également au sein de l'OTAN s'agissant de la sécurité de l'Europe et des relations avec la Russie puisque, parmi les trente pays qui composent l'Organisation, on compte nombre de pays européens, lesquels débattent de la définition du projet dont devront discuter les principaux responsables de la Russie et de l'OTAN demain. J'ai participé vendredi dernier à la préparation de cette réunion. Les Européens ont fait part de leur point de vue et je me suis exprimé au nom de la présidence française mais aussi en tant que représentant du haut représentant, M. Borrell. Si la discussion sur l'armement stratégique ne se déroule qu'entre les Russes et les Américains, c'est que le traité Start n'a été conclu qu'entre ces deux puissances, la position américaine ayant été quant à elle élaborée en concertation avec les Européens. Enfin, à l'OSCE, qui est présidée par la Pologne, où tous les Européens sont présents et où l'on décide des fondamentaux, ce sont les Européens qui donnent le ton.
Les Européens sont donc bien à la manœuvre ; ils décident de leurs orientations, qu'ils communiquent à travers tous les canaux possibles, et ils assument pleinement leur souveraineté parce que la sécurité des Européens passe par les Européens et non par des ordres donnés de l'extérieur. La sécurité des Européens se fera par les Européens.
Permettez-moi une remarque : la France et l'Allemagne étaient partisanes il y a quelques mois d'engager le dialogue avec la Russie et nos partenaires s'y sont opposés. Peut-on vraiment reprocher à la Russie de ne pas parler avec ceux qui ont refusé de parler avec elle ? La position des Européens est en l'occurrence paradoxale.
Je vous assure que nous aborderons la question de tous les engagements que je viens d'évoquer au « Gymnich » et qu'elle sera centrale. Il n'en reste pas moins que les Européens sont « en phase ». Le constat effectué sur nos relations avec la Russie repose sur un accord général. Si des divergences d'approche dues, entre autres, à l'histoire et la géographie ont pu exister, il faut vraiment s'inscrire en faux contre cette antienne diffusée par les Russes, lesquels appréhendent en effet, une discussion avec l'Union européenne et préfèrent essayer de la déstabiliser de l'intérieur – d'où Loukachenko et autres...
Nous souhaitons que la Macédoine du Nord et la Bulgarie trouvent un terrain d'entente pour nous permettre d'engager la conférence intergouvernementale sur la Macédoine du Nord et l'Albanie. Nous souhaitons que cela se passe sous présidence française mais un blocage bulgare demeure sur la Macédoine du Nord. Le nouveau gouvernement bulgare a indiqué qu'il lui faudrait du temps avant de trouver un accord mais qu'il allait y parvenir. De plus, si je suis bien au fait de l'actualité politique internationale, un nouveau gouvernement doit être investi en Macédoine du Nord dans les prochains jours. Il permettra, je l'espère, de trouver un bon accord entre les deux pays. Nous ne souhaitons pas découpler le processus d'adhésion entre l'Albanie et la Macédoine du Nord.
Madame Clapot, la situation des femmes en Afghanistan est bien conforme à celle que vous avez décrite. Vous savez comme moi que les atteintes aux droits des femmes se sont multipliées avec les talibans : restriction de la pratique du sport, interdiction aux chaînes de télévision afghanes de diffuser des séries mettant en scène des femmes, interdiction pour les femmes de voyager non voilées, interdiction de se déplacer à plus de 72 kilomètres sans être accompagnées par un homme, etc. La situation est absolument dramatique.
Lors de la prise de pouvoir par les talibans à Kaboul, j'avais posé cinq conditions – qui ont fait l'objet d'un consensus européen – indispensables à toute forme de reconnaissance de ce gouvernement intérimaire, parmi lesquelles le respect des droits humains, notamment celui des droits des femmes et des filles. Elles ne sont pas réunies et nous devons soutenir le combat des femmes afghanes. Nous le faisons à travers des financements spécifiques et les Nations unies. Nous avons notamment fait en sorte que la dignité des femmes afghanes soit régulièrement réaffirmée et l'Union européenne s'est fortement mobilisée aux côtés des femmes et des filles dont les droits élémentaires sont bafoués. C'est un combat que nous devons poursuivre de manière très vigoureuse.
Nous poursuivons les opérations d'évacuation d'Afghanes et Afghans menacés de manière imminente en raison de leur engagement à nos côtés ou des valeurs que nous avons en partage. Nous avons pu bénéficier de partenariats avec le Qatar. Dernièrement, deux-cent-soixante personnalités afghanes qui étaient en danger en raison de leurs engagements ont été évacuées mais de telles opérations deviennent de plus en plus difficiles.
Nous disposons d'informations sur les Afghans qui se rendent au Pakistan, notamment pour rejoindre la France. Nos consulats instruisent les procédures afin d'accélérer l'obtention des visas. Si vous connaissez une personne en particulier, enjoignez-lui de s'adresser au consulat concerné, tous étant très mobilisés.
Par décision du Président de la République, 120 millions de doses ont été donnés à des pays en difficulté qui ne peuvent en acquérir eux-mêmes, dont 75 millions sont engagés. Par ailleurs, le dispositif COVAX, impulsé par le Président de la République, a d'ores et déjà permis la livraison d'un milliard de doses dans cent quarante-quatre pays. Ce mouvement va se poursuivre, l'Europe ayant exporté davantage de doses qu'elle n'en a elle-même consommé et constituant le principal fournisseur de doses de vaccin dans le monde.
Parallèlement, nous nous sommes engagés en Afrique afin que ce continent puisse produire des vaccins, à la fois grâce aux dispositifs des licences volontaires et des licences obligatoires que nous promouvons dans l'Union européenne. Nous dresserons un bilan provisoire de ces opérations à l'occasion de la réunion organisée avec Olivier Véran.
Je souhaite que nous travaillions plus encore avec l'Union africaine sur la question difficile de la vaccination en tant que telle. Grâce à la force du mouvement que nous avons impulsé, les pays africains reçoivent des dons mais ils ne sont pas distribués assez rapidement, ce qui soulève la question des problèmes rencontrés par leurs systèmes de santé. Il faut les aborder avec les autorités africaines, même si la situation varie selon les pays et selon les régions au sein de chaque pays.
J'ignore si la presse continue à m'écouter mais, s'agissant du Yémen, on entend toujours parler de « ces méchants Saoudiens qui continuent à bombarder, etc. ». Il est vrai que c'est une sale guerre, mais peut-être faut-il faire un retour sur le passé. Il fut un temps où le gouvernement yéménite était reconnu internationalement avec, à sa tête, le président Hadi, aujourd'hui en exil parce qu'il a été renversé par les houthis, soutenus par l'Iran, au profit du président Saleh, qui lui-même a été exécuté par ces mêmes houthis qui, aujourd'hui, bombardent l'Arabie saoudite.
Il n'est donc pas possible d'aborder la question yéménite uniquement à travers des incantations contre l'Arabie saoudite. Quand votre pays est atteint par des armements utilisés par les houthis et fournis par l'Iran, cela peut agacer. Même si j'estime qu'il s'agit d'une guerre inutile et qu'il faut s'engager dans un processus de paix, il n'empêche qu'il faut, de temps à autre, « remettre les choses d'équerre », ce qui n'est pas si simple.
Il est souhaitable que les Saoudiens prennent des initiatives de paix, ce qu'ils ont commencé à faire, de même que les Émiriens, mais il faut que les houthis comprennent qu'il n'y aura pas d'autre sortie qu'à travers un cessez-le-feu et un dispositif politique. J'ajoute que le président Hadi a demandé le soutien de ses partenaires quand il a été destitué par les forces houthies.
Comme vous, je suis préoccupé par la situation de Mme Reyckya Madougou, au Bénin. J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur le sujet et de faire pression auprès des autorités béninoises, en particulier lors de la visite du président Talon en France, en novembre 2021. Lorsque nous recevons des chefs d'État de pays où se posent des questions relevant des droits de l'homme ou lorsque nous nous déplaçons, le Président de la République, moi-même et d'autres ministre les évoquons toujours ; à force de le faire, on obtient parfois des résultats mais la ténacité est indispensable.
Le groupe Wagner est présent pour soutenir la junte en faisant croire qu'il vient combattre le terrorisme. Par ailleurs, il n'est pas rémunéré sur des crédits financiers mais sur des actes de prédation sur les ressources du pays, notamment celles des mines.
Le JNIM et l'EIGS, l'État islamique au Grand Sahara, dépendent de holdings terroristes bien connus, Al-Qaïda au Maghreb islamique et Daech, dont ils reçoivent directement leurs ordres. Ce n'est pas parce qu'il arrive que tel ou tel fasse amende honorable et prenne des initiatives plus souples qu'il faut oublier leur rattachement à la maison mère, si je puis utiliser ce terme. Si les uns ou les autres veulent prouver leur attachement à la paix, il suffit qu'ils rejoignent les accords d'Alger, comme certains l'ont fait. Même si le JNIM manifeste, localement, quelques vertus, il n'en reste pas moins qu'un Français victime d'AQMI est toujours otage au Mali.
Je n'émets aucun pronostic sur Seif al-Islam, le fils de Mouammar Kadhafi, et je n'ai pas à en formuler. Il fait ses choix, les Libyens feront les leurs.
Un processus reconnu internationalement est en cours au Tchad, la période de transition devant conduire à une réforme constitutionnelle et à une procédure électorale. Le lancement du dialogue national inclusif, étape indispensable de la transition, est prévu le 15 février. J'observe que depuis sa prise de fonction, le président Mahamat Idriss Déby a fait ce qu'il a dit.
La situation du Tchad est très différente de celle du Mali. Au Tchad, le président Idriss Déby Itno, tué au combat, doit être remplacé. Une solution de transition a été trouvée par un accord entre différents acteurs, y compris le président de l'Assemblée nationale tchadienne qui, normalement, aurait dû assurer l'intérim mais qui a refusé. Ce mouvement est en cours et me semble plutôt positif. Nous espérons donc qu'il se poursuivra et que nous pourrons aboutir à une stabilisation future, prévue, selon le calendrier retenu, au mois de septembre 2022.
Je ne sous-estime pas les réactions anti-françaises au Mali mais je m'interroge parfois sur les manipulations d'un certain nombre de réseaux sociaux et d'acteurs. La Russie profite de certaines instabilités comme elle l'a fait en République centrafricaine, quand les autorités du pays ont demandé au groupe Wagner de venir s'y installer. Je ne crois pas à un axe Moscou-Alger. Les autorités algériennes ont témoigné de leur volonté d'aider les pays de la CEDEAO pour parvenir à une solution positive.
Monsieur El Guerrab, je m'associe à l'hommage que vous avez rendu au président Sassoli, que j'ai reçu il y a peu de temps au Quai d'Orsay dans le cadre de la préparation de la présidence française.
Je me rendrai à Tripoli dès que je le pourrai, ce qui n'est pas possible actuellement en raison d'un calendrier chargé et d'une situation qui n'est pas toujours stable.
En Tunisie, nous souhaitons que le processus politique annoncé par le président Saïed intervienne le plus rapidement possible. Le référendum est prévu fin 2022. Ces réformes institutionnelles sont bienvenues mais un retour rapide au bon fonctionnement des institutions tunisiennes serait très opportun. J'espère que les autorités pourront aboutir à un dispositif inclusif et que le peuple tunisien sera consulté rapidement.
D'un point de vue stratégique général, au-delà des enjeux, pour l'Europe et pour l'avenir de l'économie mondiale, autour de la zone indopacifique, nous devons contribuer à l'instauration d'un modèle alternatif entre la conflictualité avec la Chine, souhaitée par certains, et la sujétion que d'autres – je pense à la Chine – souhaitent exercer sur des pays riverains. Nous voulons proposer un modèle qui respecte la souveraineté des pays et leur propre développement mais, aussi, qui favorise des initiatives dans les domaines du numérique, de l'environnement, de la connectivité, de la maritimité, de la santé mondiale et de la défense. J'attends de ce forum des actions concrètes car nous ne gagnerons en crédibilité que si nous développons des projets efficaces dans l'ensemble de ces domaines. Nous ne nous désolidarisons pas des États-Unis et nous ne nous plaçons pas à équidistance entre eux et la Chine : nous voulons montrer que nous pouvons ouvrir une voie alternative mobilisatrice, dans le respect des souverainetés.
Je n'ai pas encore choisi le nouveau nom de l'Agence française de développement, mais il changera.
Le plan de relance africain, le New Deal préparé par l'Union européenne et l'Union africaine, passe par le financement d'infrastructures et l'affectation efficace de 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux qui, je l'espère, seront mobilisés.
S'agissant des fonds susceptibles d'être affectés au Mali, nous prenons des dispositions pour éviter que des financements directs puissent bénéficier aux autorités maliennes. L'Union européenne et la France ont ainsi suspendu leurs aides directes. Nous étudions également la situation après les affirmations de la CEDEAO de dimanche dernier afin d'éviter que les autorités putschistes maliennes bénéficient de fonds de développement qui, en l'occurrence, seraient indus.
Je partage vos inquiétudes et vos propos sur l'effroyable massacre du 24 décembre en Birmanie. Le président de la République, M. Win Myint, et Mme Aung San Suu Kyi sont non seulement toujours détenus mais leur peine a été prolongée hier, lundi 10 janvier. Les peines cumulées sont très lourdes et spectaculaires. Nous avons condamné à plusieurs reprises la junte birmane et, à notre demande, des sanctions ont été prises sur le plan européen, à la fois à l'encontre d'individus mais aussi d'entités économiques qui alimentent la junte au pouvoir, en particulier des conglomérats militaires. Nous continuerons à faire preuve d'une grande détermination à ce sujet. Nous prenons donc des mesures ciblant les intérêts des militaires mais nous essayons d'épargner la population civile et les plus vulnérables, qui sont les premiers touchés par la crise. Nous avons maintenu notre aide humanitaire à la société civile, y compris notre aide à la vaccination, en livrant plus d'un million de doses.
Merci, monsieur le ministre de ces propos très substantiels. M. Hutin a émis quelques réserves, sans doute parce que l'actualité n'est pas très réjouissante et que les sujets dont nous avons traité n'étaient vraiment pas récréatifs.
L'ordre du jour de la réunion de Brest est très soutenu. La France et vous en particulier, monsieur le ministre, avez une tâche immense à accomplir pendant les prochains mois. Nous ne pourrons pas vous suivre encore longtemps puisque les activités de notre commission prendront fin à la fin du mois de février. Je crois toutefois très utile que vous reveniez devant notre commission avant la fin de nos travaux afin de présenter l'état de la présidence française de l'Union européenne et de dresser le bilan de cette législature, où vous nous avez accompagnés avec beaucoup de soin, de zèle et de disponibilité.
J'ai dit ce matin à M. le président Ferrand qu'il était essentiel de rendre un hommage à M. Sassoli en séance publique, ce qu'il a fait. J'écrirai aux autorités du Parlement européen pour dire à quel point nous avons été peinés par sa disparition. Nous n'avons pas toujours été d'accord, il n'a pas fait preuve de beaucoup de zèle à Strasbourg mais c'était un Européen très convaincu, très sympathique, avec lequel nous avions noué des relations très étroites. Il avait été reçu à l'Assemblée nationale au mois de décembre.
M. Sassoli est décédé un an après Marielle de Sarnez, de la même maladie, la leucémie. Pour ceux d'entre vous qui souhaiteraient se joindre à moi et à d'autres, je vous informe qu'une messe sera dite demain à dix-huit heures trente, à la petite chapelle de la basilique Sainte-Clotilde, à la mémoire de notre présidente, que nous regrettons.
Je vous remercie.
La séance est levée à 0 heure 20.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Éric Girardin, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Natalia Pouzyreff, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman
Excusés. – M. Philippe Benassaya, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Luc Reitzer