Intervention de Marion Lenne

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Lenne :

Chers collègues, merci pour votre rapport qui assurément œuvre pour une meilleure connaissance de la Chine - dont nous avons bien besoin - et pour un dialogue diplomatique ouvert, fruit de notre culture de la coopération. A l'heure du numérique et en tant que co-rapporteure du rapport sur les géants du numériques avec Alain David, je vais revenir spécifiquement sur ce domaine tant il me semble important de comprendre ses enjeux, qui caractérisent les relations sino-américano-européennes. Le développement des entreprises chinoises du numérique répond à une volonté de rattrapage technologique et à un objectif de souveraineté, affirmé via de nombreux plans et stratégies. L'émergence des géants du numérique chinois, parfois présentés sous l'acronyme BATHX (pour Baidou, Ali Baba, Tencent, Huawei et Xiaomi), est indissociable de la place conférée aux nouvelles technologies par les autorités chinoises dans le développement économique de la Chine et dans son positionnement sur la scène internationale.

Ce qui m'interroge, et c'est là-dessus que mon regard s'est porté à la lecture de votre rapport, c'est la gouvernance numérique de Xi Jinping sur sa population. Concrètement, si en 1962 Deng Xiaoping disait que « peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, s'il attrape la souris c'est un bon chat », laissant supposer ainsi une vision neutre et pragmatique des pratiques, l'actuel système de crédit social ou projet gouvernemental chinois visant à évaluer et noter les citoyens et personnes morales suscite inquiétudes et incompréhension en Occident. Pour les fans de la série Black Mirror, la réalité dépasse la fiction, ce système est présenté comme un moyen d'accroître l'intégrité morale des citoyens en vue de faciliter et de fluidifier les transactions économiques et financières. Selon Pékin, la mise en place d'un tel système sera un élément important dans l'avènement d'une société chinoise plus civilisée et harmonieuse. Cela ne m'inspire pas vraiment confiance. Quant à l'application lancée par le parti communiste en 2019 pour tester la fidélité au président et rendre le pays plus fort, elle propose aux utilisateurs toutes sortes de quizz portant sur la pensée de Xi Jinping mais aussi sur l'histoire du pays, avec des récompenses à la clé sous forme de points ou de cadeaux. En septembre de cette même année, le département central de la propagande du parti communiste chinois a prévu que les journalistes chinois devraient passer un examen spécifique sur celle-ci tous les ans pour obtenir le renouvellement de leur carte de presse. Le numérique est donc une nouvelle donne de l'enjeu démocratique et le moins que l'on puisse dire, comme vous le soulignez dans votre rapport et l'avez rappelé, c'est que l'ouverture économique de la Chine et son intégration à la mondialisation ne l'ont pas transformée en démocratie libérale. Chère Bérengère, cher Buon, si le groupe de la République en Marche votera pour la publication de votre rapport de très grande qualité, j'aimerais connaître votre avis sur la stratégie européenne du numérique face à la voie autoritaire chinoise. Je vous remercie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.