Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti, rapporteure :

Pour Marion Lenne, je suis complètement d'accord. La grande différence entre la Chine et nous, Europe et Etats-Unis, c'est évidement la pratique démocratique et les contre-pouvoirs qui sont mis en place dans nos pays et qui n'existent pas en Chine. Le sujet du numérique comme le sujet de Huawei par exemple qui a suscité un certain nombre de réactions, et de toutes les technologies sensibles et stratégiques, doit se regarder à la lumière d'un pays qui ne fonctionne absolument pas comme nous, et pire qui rejette notre système démocratique et l'existence des contre-pouvoirs. Chez eux, il y a un gouvernement et il y a le parti communiste chinois qui est présent partout et a une vision de la société que nous ne partageons pas. Tu as raison de dire que la population chinoise est contrôlée et surveillée, et même de plus en plus, et ils ont le sentiment petit à petit de perdre leur liberté . Il est hors de question de promouvoir un système dans lequel nous ne nous reconnaissons pas ou d'y apporter le moindre soutien, on est vraiment dans la critique par rapport à un système comme celui-là.

Cela fait de tous ces sujets, qui sont des sujets d'avenir, le numérique, l'intelligence artificielle, la 5G, la 6G, des sujets sensibles : si on a des « grandes oreilles » derrière ça peut transformer la vie de tout un chacun. C'est pour ça qu'il y a eu une réaction sur Huawei, ça a fait l'objet de débats entre nous, c'est un peu « centriste » finalement comme rapport. On a essayé, Monsieur le président, de se retrouver sur une ligne commune et d'essayer d'exprimer l'ensemble des problématiques en étant malgré tout ensemble parce que nous partageons des choses importantes. Mais c'est vrai que dans la rédaction du rapport, il y a eu des sujets de désaccords comme la situation de Huawei par exemple. En tout cas, je suis complètement sur cette ligne en disant qu'il faut qu'on soit extrêmement prudents sur ces sujets-là.

Pour Michel, je partage tout ce que tu as dit, tu sais que je suis d'accord avec toi, on en a parlé, on en parle tout à fait régulièrement. Je vais répondre à deux questions que tu as posées. La première était faut-il s'appuyer sur l'Europe ou faut-il s'appuyer sur les relations bilatérales. Evidemment il faudrait s'appuyer sur l'Europe parce que l'Europe a une puissance de feu que nous n'avons pas seuls et une possibilité de peser par rapport à la Chine que nous n'avons pas non plus. La problématique de l'Europe, ça a été expliqué par Buon et moi, c'est sa désunion. Sa désunion c'est sa grande faiblesse. Les Chinois quelque part méprisent l'UE pour sa désunion et se tournent plutôt les Etats-Unis. Tout cela parce que nous sommes désunis, parce que nous ne répondons pas de manière unifiée aux problématiques que pose la Chine. D'ailleurs lorsqu'on a entendu Hubert Védrine, il nous a dit dans un premier temps qu'on n'arriverait à rien avec l'Europe. Un vœu pieux, c'est ce que disait notre amie Frédérique Dumas. Oui on va se battre pour défendre nos valeurs, on va essayer d'obtenir des marchés. Mais nous sommes petits, tout petits par rapport à la Chine, et on est déjà tellement dépendants. Evidemment le bon niveau est l'Europe, mais c'est un niveau abstrait.

C'est le fond du sujet. Il y a deux fonds du sujet, celui-là, et deuxièmement notre mauvaise connaissance de la Chine. En tout cas, c'est ce qui m'a motivée au départ pour demander cette mission. J'ai eu cette révélation que la France n'avait pas assez de connaissances. D'ailleurs c'est expliqué dans le rapport, il y a un organisme européen qui est là normalement pour approfondir ces connaissances, qui n'est financé que par la France pour le moment, parce qu'en Europe personne n'en veut. Les Allemands ont leur propre système qui marche très bien, et les autres pays ne veulent apporter de financements, ne veulent pas s'impliquer.

Sur l'aide publique au développement, ce qui fait le fond de l'aide publique au développement ce sont les critères de l'OCDE qui définissent quels pays sont éligibles à l'aide publique au développement internationale. Ce qui est retenu, ce n'est pas le PIB du pays, qui va définir sa puissance économique notamment, mais le PIB par habitant. Le PIB par habitant de la Chine est un peu en dessous du seuil, pour être éligible il faut être en-dessous de 12 235 dollars par habitant. Comme je l'ai dit plusieurs fois au ministre de l'Europe et des affaires étrangères Jean-Yves le Drian lors d'auditions, nous ne sommes pas obligés de nous plier aux critères définis par l'OCDE. C'est vrai pour la Chine, c'est vrai pour la Turquie, c'est vrai pour les frais d'écolage. J'ai demandé qu'on mette en annexe du rapport deux courriers, un courrier grâce auquel j'ai interpellé Rémy Rioux en rappelant qu'en audition, il nous avait indiqué qu'on gagnait de d'argent en faisant de l'aide publique au développement avec la Chine. Or le rapporteur budgétaire Marc Le Fur a communiqué récemment en disant l'inverse, avançant une somme de plus de 135 millions d'euros dépensés pour la Chine en 2020 au titre de l'aide publique au développement bilatérale. La réponse au courrier adressé illustre l'opacité et le manque de transparence de l'Agence française de développement vis-à-vis du Parlement. Le directeur répond par des généralités, il ne répond pas à la question, il ne donne pas de précisions sur les dépenses, il parle des frais d'écolage mais sans donner le montant, donc j'en suis restée au même point. Je vais lui poser la question, et je vais également poser la question au ministère. Donc je trouve que nous ne sommes pas bons sur ces sujets-là. Pour moi on a un directeur de l'Agence française de développement qui a envie de faire de la diplomatie et considère que ce qu'il fait avec l'argent de l'aide publique au développement française contribue à la relation entre la France et la Chine.

Je vous recommande de l'interroger sur ce sujet.

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