Intervention de Aina Kuric

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric, rapporteure :

L'Autorité bancaire européenne (ABE) a été créée en novembre 2010, au lendemain de la crise financière mondiale qui mit en exergue les failles du système européen de surveillance financière. Depuis, le renforcement de la supervision a contribué à assainir et à stabiliser le système financier et bancaire de l'Union européenne et à accompagner la croissance.

En participant à l'amélioration de la supervision bancaire, l'activité de l'ABE bénéficie non seulement au secteur des services bancaires, mais aussi à tous les secteurs de l'économie, au grand public, aux consommateurs et aux investisseurs, particuliers et institutionnels. Aux côtés de l'Autorité européenne des marchés financiers ou de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, elle concourt au système européen de surveillance qui, en complément des autorités nationales de régulation, assure la stabilité des marchés financiers et du système bancaire.

Conséquence du Brexit, le transfert du siège de l'ABE de Londres à Paris est un atout important pour le rayonnement de la place financière parisienne, dont il contribue à accroître tant l'attractivité que l'activité. Il vient enrichir l'écosystème financier qui s'est constitué en région parisienne après l'installation à Paris de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), dont nous avons approuvé l'accord de siège en 2019.

En effet, la France a notamment fait valoir, à l'appui de la candidature de Paris, l'intérêt que présentent pour l'AEB, d'une part, son implantation au cœur d'un écosystème financier dense et d'un bassin d'emploi international et qualifié, d'autre part, la proximité géographique de l'AEMF, avec laquelle les synergies et les interactions sont réelles et importantes pour la qualité et la cohérence de la régulation. De fait, le déplacement du siège de l'ABE à Paris facilitera sa collaboration avec l'AEMF et contribuera ainsi à maintenir une supervision adéquate des activités de marché des entreprises du secteur bancaire, l'ABE définissant les règles prudentielles, l'AEMF les règles de conduite.

Plus largement, la France tire ainsi bénéfice d'une politique d'attractivité qui vise notamment à attirer une partie de l'écosystème de la City en tirant parti de la perte par le Royaume-Uni du passeport financier européen, lequel permettait à toute entreprise financière britannique de proposer ses services depuis Londres dans toute l'Union. Parmi les mesures d'attractivité adoptées par la France figurent la facilitation de la reconnaissance des qualifications professionnelles obtenues après le Brexit et l'allongement de cinq à huit ans du régime spécifique des « impatriés ».

Dans ce contexte, selon le cabinet Ernst&Young, près de 44 % des sociétés de services financiers ont déplacé ou prévoient de déplacer des opérations ou du personnel du Royaume-Uni vers l'Union pour pouvoir y exercer leur activité. Si leurs bureaux sont principalement transférés à Dublin et Luxembourg, c'est Paris qui accueille le plus grand nombre de personnels. En juin 2021, le Président de la République a ainsi inauguré les nouveaux locaux parisiens de la banque américaine JPMorgan, en prévision du transfert de plusieurs centaines de traders.

L'installation de l'ABE et de l'AEMF à Paris a valeur de symbole : elle positionne celle-ci comme une capitale financière internationale et européenne. D'autres mesures ont été prises pour conforter la position de Paris au centre du jeu européen en matière de régulation financière, comme la création d'une chambre commerciale internationale au sein de la cour d'appel et du tribunal de commerce de Paris ou le développement de l'offre internationale en matière éducative, qui est un élément important pour attirer les talents.

La présence de l'AEB à Paris témoigne donc de l'attractivité nouvelle de notre pays, qui se confirme également au plan économique. En effet, en 2020, la France a conservé, pour la deuxième année consécutive, la première place des pays européens en matière d'accueil de projets d'investissements étrangers : 985 projets ont été annoncés au cours de l'année 2020, notamment dans l'industrie pharmaceutique, l'énergie et la finance. Elle devance ainsi le Royaume-Uni et l'Allemagne dans le baromètre européen de l'attractivité d'Ernst&Young.

Le présent accord vise à offrir à l'ABE les meilleures conditions possibles pour son bon fonctionnement sur le sol français. Il s'agit d'un accord de siège tout à fait classique, qui précise les privilèges et immunités accordés aux agents de l'Autorité en application des règles qui valent pour l'ensemble des agences de l'Union, fixées dans le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne. Ces privilèges sont, en outre, comparables à ceux ordinairement reconnus par accord de siège aux organisations internationales et à leurs personnels. Cet accord n'octroie pas d'immunité diplomatique aux agents de l'ABE au sens de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques mais une immunité de juridiction qui s'applique aux seuls actes commis en leur qualité officielle d'agents de l'ABE.

Cette immunité et l'ensemble des privilèges contenus dans l'accord sont justifiés par la préservation de l'intérêt européen, singulièrement quand les missions des agents de l'ABE sont des missions de supervision. En l'absence de tels privilèges et immunités, ils ne pourraient exercer leur activité en toute objectivité. Il ne s'agit donc pas d'avantages octroyés à des agents européens, mais bien d'une condition à l'exercice même de leur mission au service de l'intérêt général européen.

L'une des spécificités du présent accord réside dans l'enrichissement de l'offre éducative internationale de Paris par la création d'une école européenne agréée qui scolarise 230 élèves à La Défense et qui a vocation à accueillir des élèves internationaux mais également les Franciliens habitant à proximité.

En conclusion, le présent accord concrétise les efforts fournis par la France pour attirer les agences européennes sur son sol et consolider son influence en Europe, efforts qui ont déjà conduit à la conclusion d'accords de siège avec l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer, installée à Valenciennes et à Lille, et l'Office communautaire des variétés végétales, dont le siège est à Angers.

À la lumière de toutes ces remarques, je vous invite à adopter le projet de loi.

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