Il ne se passe pas un jour sans que nous, parlementaires des Français établis hors de France, soyons sollicités au sujet de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Notre commission a été saisie de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faire évoluer la gouvernance de l'AEFE et à créer les instituts régionaux de formation (IRF) de nos enseignants. Il s'agit d'un texte attendu, qui s'inscrit dans une séquence ouverte par le Président de la République, en mars 2018, lors de la présentation du plan pour la langue française et le plurilinguisme. C'est à cette occasion qu'a été fixé l'objectif de doublement du nombre d'élèves accueillis dans le réseau d'enseignement français à l'étranger à l'horizon 2030.
À l'automne 2019, un plan de développement de ce réseau a été présenté autour de quatre axes stratégiques : accueillir plus d'élèves ; accompagner la croissance des établissements existants et la création de nouvelles écoles ; mieux associer les familles à la vie des établissements ; mieux accompagner le réseau grâce à une mobilisation de l'AEFE, des ministères concernés et des ambassades. Dans le sillage ce plan, un nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) a été élaboré pour la période 2021-2023. Il nous a été présenté, il y a un mois, par notre collègue Frédéric Petit, qui a rappelé, à cette occasion, qu'il fallait travailler à un nouveau COM avant l'achèvement de celui-ci.
La proposition de loi, qui modifie plusieurs articles du code de l'éducation, s'inscrit dans cette dynamique. Il s'agit de donner à l'AEFE les moyens de jouer son rôle de colonne vertébrale du réseau d'enseignement français à l'étranger. Pour rappel, le réseau comptait, à la rentrée 2021, 545 établissements et 375 000 élèves, contre 165 000 en 1990. L'objectif fixé par le Président de la République revient donc à doubler en douze ans, d'ici 2030, le nombre de ces élèves, alors que le précédent doublement avait été atteint en trente ans : tel est le défi à relever.
Dans le même temps, la proposition de loi vise à modifier la gouvernance de l'AEFE en modifiant la composition et les équilibres de son conseil d'administration. Il s'agit de mieux prendre en compte les évolutions engagées depuis la création de l'agence, en 1990, à commencer par la place croissante des familles dans le financement des établissements du réseau, auquel elles contribuent à hauteur de 81 %. Le nouvel équilibre instauré par la proposition de loi portera donc de deux à quatre le nombre de représentants de fédérations de parents d'élèves siégeant au conseil d'administration.
Ainsi, les premiers articles de la proposition de loi visent à renforcer la représentation des parents d'élèves au sein du conseil d'administration, et à y intégrer une représentation des anciens élèves – qui jouent un rôle clef dans la vie du réseau et dans notre diplomatie d'influence – ainsi que des associations de français langue maternelle (FLAM). Ce réseau a été créé en 2001 dans le but de permettre un contact régulier des enfants avec la langue et la culture françaises dans un cadre extrascolaire, notamment aux enfants qui ne sont pas situés à proximité de l'un de nos établissements ou qui sont binationaux et pratiquent donc une deuxième langue à la maison. Sa complémentarité avec le réseau d'enseignement homologué constitue un véritable atout.
Le Sénat a adopté deux modifications. La première porte sur l'octroi d'un siège à un conseiller des Français de l'étranger, qui vient s'ajouter au siège déjà dévolu à un représentant de l'Assemblée des Français de l'étranger. La deuxième porte sur la représentation de l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE), association chargée, entre 1975 et 2020, de garantir les prêts accordés à 110 établissements conventionnés ou partenaires de l'AEFE pour financer leur développement immobilier. Si le dispositif a été supprimé récemment, la logique qui a prévalu lors du vote a fait valoir le caractère non rétroactif de cette suppression. En conséquence, l'ANEFE devra continuer à gérer l'encours de prêts restants jusqu'en 2047.
Ces deux ajouts se situent à deux niveaux différents, le représentant de l'ANEFE ayant vocation à siéger en tant qu'expert, sans voix délibérative, au même titre que les représentants des associations FLAM et des anciens élèves, alors que le conseiller des Français de l'étranger disposera d'un siège avec voix délibérative, au même titre que les représentants des fédérations d'associations de parents d'élèves.
Pour accompagner le développement du réseau, l'article 3 complète la liste des missions confiées par le législateur à l'AEFE. Celles-ci étaient jusqu'à présent au nombre de six, allant d'une mission de service public éducatif pour les enfants français établis hors de France à la coopération éducative, en passant par le rayonnement de la langue et de la culture françaises et les aides et bourses apportées aux familles, tout en veillant au respect des principes de l'école inclusive.
Deux des trois nouvelles missions– quatre en comptant l'ajout voté par le Sénat – sont étroitement liées au développement du réseau. La première confie à l'AEFE un rôle de conseil des promoteurs d'initiatives en vue de la création d'établissements afin de les aider à élaborer leur projet d'homologation. En effet, l'homologation n'est pas accordée par l'AEFE mais par le ministère de l'éducation nationale, sur la base d'une liste de critères préétablis et après une instruction préalable des dossiers par les postes diplomatiques locaux. Nos établissements à l'étranger sont soumis à deux procédures : l'homologation puis, le cas échéant, le conventionnement avec l'AEFE. Pour exercer cette nouvelle mission de conseil, l'AEFE pourra s'appuyer sur le service de l'appui et du développement du réseau (SADR), créé en 2019, qui accompagne déjà près de soixante établissements auxquels il fournit des prestations facturées.
La deuxième des nouvelles missions porte également sur le développement du réseau, quoique d'une manière moins directe : l'AEFE sera désormais chargée d'instruire les dossiers déposés dans le cadre du nouveau dispositif de garantie de l'État pour le financement des emprunts immobiliers des établissements conventionnés et partenaires, créé au printemps 2021. En effet, l'AEFE – et par-là même les établissements en gestion directe (EGD) – ne dispose plus de la capacité d'emprunt depuis son inscription sur la liste des organismes divers d'administration centrale (ODAC), selon les modalités définies par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014. Le recours par l'agence aux avances de l'Agence France Trésor (AFT) est également remis en cause, ce qui a suscité la création d'un groupe de travail ministériel appelé à formuler des propositions.
Les difficultés auxquelles l'agence est confrontée ont justifié l'adoption au Sénat d'un amendement en vue de la remise au Parlement d'un rapport sur la possibilité d'autoriser l'AEFE à recourir à l'emprunt pour le financement des projets immobiliers, sans lesquels nos établissements ne peuvent exister. C'est un sujet très important dans la mesure où les EGD sont appelés, eux aussi, à contribuer au développement du réseau et où les contraintes de l'Agence peuvent se répercuter sur les familles, au travers des frais de scolarité. Nous devons rester vigilants afin d'éviter qu'une forte pression ne soit exercée sur les familles.
La nouvelle mission introduite par le Sénat porte quant à elle sur l'innovation pédagogique, qui constitue déjà un des atouts du réseau d'établissements homologués, notamment dans le domaine des langues vivantes. Nous avons beaucoup à gagner en développant et en renforçant les liens et les synergies entre les établissements du réseau et nos écoles en France. Ainsi, concernant le développement de l'enseignement à distance, nos établissements à l'étranger ont parfois développé des modèles et des outils innovants en raison de la situation sanitaire – au Vietnam, les établissements viennent juste de rouvrir, après plus d'un an d'école à distance.
La quatrième mission revêt une importance particulière car elle porte sur la formation, en lien étroit avec l'article 4, qui vise à créer les IRF – ceux-ci, au nombre de seize, seront gérés directement par l'Agence. L'objectif est de répondre aux besoins croissants suscités par la dynamique de développement du réseau, dans lequel la part des personnels recrutés localement augmente. Pour rappel, les personnels employés dans le réseau peuvent avoir un statut d'expatrié, qui est en recul, de résident ou de droit local.
Renforcer notre action en matière de formation est une condition sine qua non pour garantir le maintien de la qualité de notre réseau. Le Sénat a introduit une modification visant à rapprocher la formation des personnels et la défense de la francophonie : si un tel lien est pertinent, ces formations devront aussi se faire en langues étrangères pour répondre à la réalité des besoins, en langues vivantes ou dans les disciplines non linguistiques – deux atouts de notre réseau.
Le Sénat a par ailleurs modifié la gouvernance des IRF : celle-ci s'appuiera sur un conseil administratif et financier, d'une part, et sur un conseil pédagogique et scientifique, d'autre part. Si ce dernier devait déjà compter des enseignants formateurs en son sein, une représentation des enseignants a été introduite en complément.
Enfin, la remise de deux autres rapports au Parlement a été votée par le Sénat. Le premier porte sur le respect des principes de la République, en particulier de la laïcité – principe important mais mal connu dans certains pays –, dans notre réseau. Il permettra de valoriser certaines actions déjà menées par l'agence, comme le réseau de correspondants laïcité, mais il faudra veiller à ce qu'il puisse examiner le plus rigoureusement possible la variété des situations existantes dans le réseau d'établissements homologués.
Le deuxième rapport porte sur la mixité sociale dans le réseau, ainsi que sur l'accueil des enfants de fonctionnaires et de militaires en poste à l'étranger. Il devra notamment examiner l'adéquation des majorations et des aides qu'ils perçoivent avec les montants des frais de scolarité. Ce rapport s'inscrit dans le cadre de la première mission de l'AEFE, telle qu'elle est définie par le code de l'éducation : « Assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ».
L'objectif de mixité sociale est soutenu par les bourses octroyées chaque année aux familles éligibles. Grande force de notre réseau, elles le singularisent. Leur enveloppe a augmenté, pour atteindre 108 millions d'euros en 2020-2021. Dans le cadre de la crise sanitaire, le Gouvernement a même alloué une rallonge de 50 millions d'euros. Cet effort exceptionnel a permis aux familles de compenser, le cas échéant, une perte d'emploi.
Sur ce sujet, le Sénat a également voté l'introduction dans le rapport annuel de gestion de l'AEFE d'une présentation de l'ensemble des composantes du barème des bourses et des propositions d'évolution des instructions de la prochaine campagne des bourses scolaires, dans un souci de transparence.
Mes chers collègues, à l'issue de cette présentation générale de la proposition de loi et des avancées qu'elle permettra de mettre en œuvre pour soutenir le réseau d'enseignement français à l'étranger, je vous invite à la voter sans modification. L'équilibre atteint lors de son examen au Sénat et la nécessité de son entrée en vigueur dans les meilleurs délais plaident pour une telle adoption. Je vous remercie par avance de votre soutien.