La séance est ouverte à 15 h 00
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Examen, ouvert à la presse, et vote sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à faire évoluer la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation (n° 4975)
La proposition de loi, déposée au Sénat par Samantha Cazebonne, le 30 novembre dernier, comportait quatre articles. La commission des affaires étrangères et de la défense a adopté, le 5 janvier 2022, cinq amendements du rapporteur, Bruno Sido, et deux de Mme Cazebonne. En séance, le 27 janvier dernier, le Sénat a adopté douze amendements, qui ont notamment introduit cinq articles additionnels.
Notre rapporteure a eu moins de dix jours pour étudier le texte qui nous a été transmis. La proposition de loi sera examinée en séance publique mercredi 16 février.
Il ne se passe pas un jour sans que nous, parlementaires des Français établis hors de France, soyons sollicités au sujet de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Notre commission a été saisie de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faire évoluer la gouvernance de l'AEFE et à créer les instituts régionaux de formation (IRF) de nos enseignants. Il s'agit d'un texte attendu, qui s'inscrit dans une séquence ouverte par le Président de la République, en mars 2018, lors de la présentation du plan pour la langue française et le plurilinguisme. C'est à cette occasion qu'a été fixé l'objectif de doublement du nombre d'élèves accueillis dans le réseau d'enseignement français à l'étranger à l'horizon 2030.
À l'automne 2019, un plan de développement de ce réseau a été présenté autour de quatre axes stratégiques : accueillir plus d'élèves ; accompagner la croissance des établissements existants et la création de nouvelles écoles ; mieux associer les familles à la vie des établissements ; mieux accompagner le réseau grâce à une mobilisation de l'AEFE, des ministères concernés et des ambassades. Dans le sillage ce plan, un nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) a été élaboré pour la période 2021-2023. Il nous a été présenté, il y a un mois, par notre collègue Frédéric Petit, qui a rappelé, à cette occasion, qu'il fallait travailler à un nouveau COM avant l'achèvement de celui-ci.
La proposition de loi, qui modifie plusieurs articles du code de l'éducation, s'inscrit dans cette dynamique. Il s'agit de donner à l'AEFE les moyens de jouer son rôle de colonne vertébrale du réseau d'enseignement français à l'étranger. Pour rappel, le réseau comptait, à la rentrée 2021, 545 établissements et 375 000 élèves, contre 165 000 en 1990. L'objectif fixé par le Président de la République revient donc à doubler en douze ans, d'ici 2030, le nombre de ces élèves, alors que le précédent doublement avait été atteint en trente ans : tel est le défi à relever.
Dans le même temps, la proposition de loi vise à modifier la gouvernance de l'AEFE en modifiant la composition et les équilibres de son conseil d'administration. Il s'agit de mieux prendre en compte les évolutions engagées depuis la création de l'agence, en 1990, à commencer par la place croissante des familles dans le financement des établissements du réseau, auquel elles contribuent à hauteur de 81 %. Le nouvel équilibre instauré par la proposition de loi portera donc de deux à quatre le nombre de représentants de fédérations de parents d'élèves siégeant au conseil d'administration.
Ainsi, les premiers articles de la proposition de loi visent à renforcer la représentation des parents d'élèves au sein du conseil d'administration, et à y intégrer une représentation des anciens élèves – qui jouent un rôle clef dans la vie du réseau et dans notre diplomatie d'influence – ainsi que des associations de français langue maternelle (FLAM). Ce réseau a été créé en 2001 dans le but de permettre un contact régulier des enfants avec la langue et la culture françaises dans un cadre extrascolaire, notamment aux enfants qui ne sont pas situés à proximité de l'un de nos établissements ou qui sont binationaux et pratiquent donc une deuxième langue à la maison. Sa complémentarité avec le réseau d'enseignement homologué constitue un véritable atout.
Le Sénat a adopté deux modifications. La première porte sur l'octroi d'un siège à un conseiller des Français de l'étranger, qui vient s'ajouter au siège déjà dévolu à un représentant de l'Assemblée des Français de l'étranger. La deuxième porte sur la représentation de l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE), association chargée, entre 1975 et 2020, de garantir les prêts accordés à 110 établissements conventionnés ou partenaires de l'AEFE pour financer leur développement immobilier. Si le dispositif a été supprimé récemment, la logique qui a prévalu lors du vote a fait valoir le caractère non rétroactif de cette suppression. En conséquence, l'ANEFE devra continuer à gérer l'encours de prêts restants jusqu'en 2047.
Ces deux ajouts se situent à deux niveaux différents, le représentant de l'ANEFE ayant vocation à siéger en tant qu'expert, sans voix délibérative, au même titre que les représentants des associations FLAM et des anciens élèves, alors que le conseiller des Français de l'étranger disposera d'un siège avec voix délibérative, au même titre que les représentants des fédérations d'associations de parents d'élèves.
Pour accompagner le développement du réseau, l'article 3 complète la liste des missions confiées par le législateur à l'AEFE. Celles-ci étaient jusqu'à présent au nombre de six, allant d'une mission de service public éducatif pour les enfants français établis hors de France à la coopération éducative, en passant par le rayonnement de la langue et de la culture françaises et les aides et bourses apportées aux familles, tout en veillant au respect des principes de l'école inclusive.
Deux des trois nouvelles missions– quatre en comptant l'ajout voté par le Sénat – sont étroitement liées au développement du réseau. La première confie à l'AEFE un rôle de conseil des promoteurs d'initiatives en vue de la création d'établissements afin de les aider à élaborer leur projet d'homologation. En effet, l'homologation n'est pas accordée par l'AEFE mais par le ministère de l'éducation nationale, sur la base d'une liste de critères préétablis et après une instruction préalable des dossiers par les postes diplomatiques locaux. Nos établissements à l'étranger sont soumis à deux procédures : l'homologation puis, le cas échéant, le conventionnement avec l'AEFE. Pour exercer cette nouvelle mission de conseil, l'AEFE pourra s'appuyer sur le service de l'appui et du développement du réseau (SADR), créé en 2019, qui accompagne déjà près de soixante établissements auxquels il fournit des prestations facturées.
La deuxième des nouvelles missions porte également sur le développement du réseau, quoique d'une manière moins directe : l'AEFE sera désormais chargée d'instruire les dossiers déposés dans le cadre du nouveau dispositif de garantie de l'État pour le financement des emprunts immobiliers des établissements conventionnés et partenaires, créé au printemps 2021. En effet, l'AEFE – et par-là même les établissements en gestion directe (EGD) – ne dispose plus de la capacité d'emprunt depuis son inscription sur la liste des organismes divers d'administration centrale (ODAC), selon les modalités définies par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014. Le recours par l'agence aux avances de l'Agence France Trésor (AFT) est également remis en cause, ce qui a suscité la création d'un groupe de travail ministériel appelé à formuler des propositions.
Les difficultés auxquelles l'agence est confrontée ont justifié l'adoption au Sénat d'un amendement en vue de la remise au Parlement d'un rapport sur la possibilité d'autoriser l'AEFE à recourir à l'emprunt pour le financement des projets immobiliers, sans lesquels nos établissements ne peuvent exister. C'est un sujet très important dans la mesure où les EGD sont appelés, eux aussi, à contribuer au développement du réseau et où les contraintes de l'Agence peuvent se répercuter sur les familles, au travers des frais de scolarité. Nous devons rester vigilants afin d'éviter qu'une forte pression ne soit exercée sur les familles.
La nouvelle mission introduite par le Sénat porte quant à elle sur l'innovation pédagogique, qui constitue déjà un des atouts du réseau d'établissements homologués, notamment dans le domaine des langues vivantes. Nous avons beaucoup à gagner en développant et en renforçant les liens et les synergies entre les établissements du réseau et nos écoles en France. Ainsi, concernant le développement de l'enseignement à distance, nos établissements à l'étranger ont parfois développé des modèles et des outils innovants en raison de la situation sanitaire – au Vietnam, les établissements viennent juste de rouvrir, après plus d'un an d'école à distance.
La quatrième mission revêt une importance particulière car elle porte sur la formation, en lien étroit avec l'article 4, qui vise à créer les IRF – ceux-ci, au nombre de seize, seront gérés directement par l'Agence. L'objectif est de répondre aux besoins croissants suscités par la dynamique de développement du réseau, dans lequel la part des personnels recrutés localement augmente. Pour rappel, les personnels employés dans le réseau peuvent avoir un statut d'expatrié, qui est en recul, de résident ou de droit local.
Renforcer notre action en matière de formation est une condition sine qua non pour garantir le maintien de la qualité de notre réseau. Le Sénat a introduit une modification visant à rapprocher la formation des personnels et la défense de la francophonie : si un tel lien est pertinent, ces formations devront aussi se faire en langues étrangères pour répondre à la réalité des besoins, en langues vivantes ou dans les disciplines non linguistiques – deux atouts de notre réseau.
Le Sénat a par ailleurs modifié la gouvernance des IRF : celle-ci s'appuiera sur un conseil administratif et financier, d'une part, et sur un conseil pédagogique et scientifique, d'autre part. Si ce dernier devait déjà compter des enseignants formateurs en son sein, une représentation des enseignants a été introduite en complément.
Enfin, la remise de deux autres rapports au Parlement a été votée par le Sénat. Le premier porte sur le respect des principes de la République, en particulier de la laïcité – principe important mais mal connu dans certains pays –, dans notre réseau. Il permettra de valoriser certaines actions déjà menées par l'agence, comme le réseau de correspondants laïcité, mais il faudra veiller à ce qu'il puisse examiner le plus rigoureusement possible la variété des situations existantes dans le réseau d'établissements homologués.
Le deuxième rapport porte sur la mixité sociale dans le réseau, ainsi que sur l'accueil des enfants de fonctionnaires et de militaires en poste à l'étranger. Il devra notamment examiner l'adéquation des majorations et des aides qu'ils perçoivent avec les montants des frais de scolarité. Ce rapport s'inscrit dans le cadre de la première mission de l'AEFE, telle qu'elle est définie par le code de l'éducation : « Assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ».
L'objectif de mixité sociale est soutenu par les bourses octroyées chaque année aux familles éligibles. Grande force de notre réseau, elles le singularisent. Leur enveloppe a augmenté, pour atteindre 108 millions d'euros en 2020-2021. Dans le cadre de la crise sanitaire, le Gouvernement a même alloué une rallonge de 50 millions d'euros. Cet effort exceptionnel a permis aux familles de compenser, le cas échéant, une perte d'emploi.
Sur ce sujet, le Sénat a également voté l'introduction dans le rapport annuel de gestion de l'AEFE d'une présentation de l'ensemble des composantes du barème des bourses et des propositions d'évolution des instructions de la prochaine campagne des bourses scolaires, dans un souci de transparence.
Mes chers collègues, à l'issue de cette présentation générale de la proposition de loi et des avancées qu'elle permettra de mettre en œuvre pour soutenir le réseau d'enseignement français à l'étranger, je vous invite à la voter sans modification. L'équilibre atteint lors de son examen au Sénat et la nécessité de son entrée en vigueur dans les meilleurs délais plaident pour une telle adoption. Je vous remercie par avance de votre soutien.
Madame la rapporteure, je salue votre implication en la matière, ainsi que celle de notre collègue Frédéric Petit et de notre collègue sénatrice Samantha Cazebonne. Ces élus des Français établis hors de France ont su démontrer la pertinence et l'importance de ce sujet, qui peut sembler un peu lointain.
En 2021, l'AEFE gère 543 établissements, qui accueillent 375 000 élèves, dont 60 % d'étrangers. Elle bénéficie de 520 millions d'euros de crédits budgétaires. La crise sanitaire a amené le Gouvernement à lui octroyer une rallonge. Il s'agit donc d'une masse importante.
La proposition de loi que nous examinons contribuera à accompagner la croissance du réseau d'enseignement français à l'étranger. L'ambition est de doubler les effectifs à l'horizon 2030, conformément au plan de développement du réseau, adopté en 2019 et décliné dans le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 en quatre axes stratégiques.
Nous avons reçu une lettre de l'Union des associations des parents d'élèves de l'étranger (UNAPE), qui se félicite de l'adoption de la présente proposition de loi par le Sénat, non sans regretter, mais sans en faire un point de blocage, que la réforme du conseil d'administration de l'AEFE ne l'ait pas aligné sur le modèle en vigueur dans les établissements de France.
J'aimerais poser deux questions.
En 2020, les frais de scolarité des écoles du réseau de l'AEFE ont augmenté, ce qui risque d'en exclure les élèves dont les parents ne peuvent pas suivre le rythme de cette augmentation. Grâce à la présente proposition de loi, les parents d'élèves seront consultés avant toute décision relative à une augmentation des frais d'inscription. J'aimerais savoir quelles sont les préconisations à ce sujet dans la perspective du doublement des effectifs à l'horizon 2030.
J'aimerais également savoir ce que vous pensez, en tant qu'élue des Français établis hors de France, de la différenciation tarifaire pratiquée par certaines écoles du réseau de l'AEFE. Certains élèves français sont inscrits en qualité de ressortissants du pays où ils se trouvent pour bénéficier de frais d'inscription plus avantageux. Cette pratique ne risque-t-elle pas d'affecter les ressources des établissements concernés ?
S'agissant de l'accès aux bourses scolaires, qui sont essentielles pour permettre à toutes et tous d'étudier compte tenu des coûts de scolarisation à l'étranger, certaines familles de la classe moyenne subissent un effet de seuil, qui autorise à s'interroger sur le bien-fondé des critères d'attribution de ces bourses.
Le groupe La République en Marche votera la proposition de loi avec enthousiasme.
Nous attendions depuis longtemps cette proposition de loi assez technique. Je remercie Anne Genetet de son rapport.
En préambule, j'aimerais saluer Madeleine, élève de troisième d'un lycée français de ma circonscription, qui effectue son stage parmi nous et est hébergée par ses grands-parents. Comme chacun peut le voir, nous, Français établis à l'étranger, existons bel et bien ! Je suis ravi de l'accueillir dans notre commission.
J'aimerais formuler quatre observations.
Nous contribuons à l'action de la France à l'étranger en modifiant le code de l'éducation. Les rapports que j'ai rédigés démontrent que je suis attaché à la fonction de diplomate généraliste, selon les mots du Président de la République. Il n'en faut pas moins agir par métier, en l'espèce celui de l'éducation, exercé partout sur la planète. Il me semble que fixer dans la loi la langue utilisée par un organisme de formation, c'est aller un peu loin, mais je me réjouis que le texte adopté par le Sénat nous dispense d'y ajouter des garde-fous.
L'intégration des familles, des FLAM et des anciens élèves dans le conseil d'administration de l'AEFE est un combat que nous menons depuis quatre ans. L'action de la France désignée par l'expression « diplomatie d'influence », que je n'aime pas, est le fait des Français établis hors de France et pas uniquement des diplomates. Ces familles financent cette action. Elles sont parfois au front de la diplomatie : tenir une école française dans un pays un peu en crise, n'est pas simple. Elles sont exposées à l'application du droit local. Quant aux anciens élèves et aux FLAM, ils sont très présents dans les communautés françaises et francophiles à l'étranger.
La création des instituts régionaux de formation est fondamentale. Samantha Cazebonne a remis un rapport à ce sujet au début de la législature. Depuis lors, nous menons ce combat. Leur inscription dans le code de l'éducation est fondamentale. Elle permettra à l'AEFE de mieux accomplir sa tâche de coopération éducative avec les autorités locales, qu'elle a souvent délaissée depuis trente ans.
Comme le démontre la lettre que nous a adressée l'UNAPE, la présente proposition de loi est un modèle de concertation, laquelle a commencé dès la remise du rapport de Samantha Cazebonne. Depuis lors, nous construisons et nous réfléchissons au moyen le plus économe de faire évoluer le droit. La présente proposition de loi est le véhicule législatif ad hoc. Le groupe MODEM la votera.
J'ai l'honneur d'être le plus ancien, à défaut d'être le plus vieux, député des Français établis hors de France. Ceux-ci forment une magnifique population, en pleine expansion. Leur nombre a augmenté de 30 % au cours des dix dernières années, pour atteindre environ 2,5 millions de personnes, soit davantage que la population de Paris ou autant que celle de l'outre-mer. Je salue Madeleine, qui en fait partie. Mademoiselle, c'est un honneur et un bonheur de vous avoir parmi nous. Quant à ma circonscription, qui englobe l'Italie, la Turquie, la Grèce et Israël, j'oserai dire, avec tout le respect que je porte aux autres, qu'elle est la plus belle de celles qui se situent à l'étranger.
En sus des immenses opportunités qu'offre la francophonie en matière culturelle, économique, diplomatique et politique, il incombe à l'État de continuer à transmettre aux citoyens français établis hors de France la culture française. Telle est la mission de l'AEFE, créée en 1990 pour assurer la continuité de l'enseignement français, dont la qualité est reconnue dans le monde entier, et que les Français établis hors de France plébiscitent pour leurs enfants. Des élèves étrangers fréquentent aussi nos établissements, de sorte que l'AEFE contribue au rayonnement de notre langue, de notre culture et de nos valeurs grâce à leur accueil massif. Il s'agit d'un atout majeur pour la France. Le Gouvernement semble l'avoir compris en lui fixant des objectifs importants.
Toutefois, les moyens financiers et juridiques de l'AEFE me paraissent insuffisants. En 2017, l'annulation de crédits, à hauteur de 33 millions d'euros, a eu des conséquences négatives durables sur l'AEFE. Elle n'a pas été entièrement compensée par l'augmentation de 25 millions d'euros prévue par la loi de finances initiale pour 2020. La baisse des aides à la scolarité pour les élèves français et, surtout, le recul des effectifs constituent d'autres difficultés, en contradiction avec l'objectif de doublement du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger.
L'une des entraves principales au développement de ce réseau réside dans l'interdiction faite à l'AEFE d'emprunter à moyen et à long terme. Placée sur la liste des ODAC, l'AEFE ne peut contracter un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois. Or le développement du réseau suppose des opérations immobilières pour amplifier les capacités d'accueil des établissements en gestion directe. Sur ce point, la présente proposition de loi va dans le bon sens. Elle assure notamment une meilleure représentation des parents d'élèves au conseil d'administration de l'AEFE, qui contribue à l'essentiel des frais de fonctionnement des établissements.
Il n'en est pas moins impératif d'augmenter significativement les ressources de l'AEFE et de l'autoriser à recourir à l'emprunt pour financer ses futurs projets de manière autonome et durable. Les amendements votés par le Sénat vont dans le bon sens.
Le groupe UDI-I votera le texte sans hésitation.
C'est un plaisir de voir une rapporteure aussi impliquée, qui a toujours su défendre sa circonscription de manière extrêmement humaine. Je la remercie pour son rapport, mais aussi d'avoir représenté effectivement les Français de l'étranger : ainsi, nous les connaissons mieux et nous les défendrons.
J'ai eu l'occasion de me rendre dans la capitale du Kazakhstan – alors Astana, désormais Noursoultan – et il est exact que sans l'aide de Total, il serait très difficile de faire vivre l'école française internationale qui y est installée.
Le sujet de l'enseignement français à l'étranger peut paraître lointain, mais il est en fait beaucoup plus proche qu'on le pense parfois. Mes chers collègues, dans chacune de vos circonscriptions se trouvent des élèves qui ont étudié à l'étranger avant de revenir en France ou, au contraire, dont les parents partent s'y installer.
Les deux tiers des élèves de notre réseau sont étrangers, et l'on aimerait que beaucoup d'entre eux, si ce n'est la majorité, viennent étudier dans l'enseignement supérieur français. Je compte sur vous pour promouvoir la qualité de l'enseignement dispensé par le réseau d'enseignement à l'étranger et celle des élèves qui en sont issus auprès des responsables d'écoles et d'établissements que vous rencontrez. Ces élèves savent « penser en dehors de la boîte » : leur famille a pris des risques en allant s'établir à l'étranger et ils font preuve d'une créativité, d'une originalité et d'une capacité à comprendre les différences culturelles qui sont extrêmement enrichissantes. Je peux vous assurer que lorsque ces élèves rentrent en France, ils se sentent parfois un peu étrangers chez eux, parce qu'ils arrivent avec la richesse de venir d'ailleurs et de s'être ouvert à une autre culture.
J'en viens à la question posée par Jean François Mbaye sur les frais de scolarité. La proposition de loi vise à trouver des solutions pour accompagner le développement du réseau d'enseignement à l'étranger. Les modalités de prise en compte du financement de l'immobilier pèsent souvent lourd dans le calcul des frais d'écolage. Mais il faut rappeler qu'il existe un système d'octroi de bourses pour les élèves français qui est extrêmement important et qu'il convient de conserver.
Il y a trois ans, j'avais déposé un amendement au projet de loi de finances portant sur le calcul du plafond de revenus pour l'attribution de ces bourses. Je l'avais retiré à la demande du Gouvernement, qui a traité cette question par la suite par la voie réglementaire. Ce plafond a ainsi été légèrement rehaussé, mais je considère qu'il est encore trop bas.
En effet, une partie des classes moyennes n'a pas accès à ces aides. Surtout, la principale difficulté réside dans le fait qu'il existe deux catégories de familles. D'une part, celles qui cotisent au système de retraite par répartition, dont on peut estimer que les cotisations correspondent à une forme de constitution de capital mais qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du revenu disponible. D'autre part, les familles qui ne bénéficient pas de ce système et qui doivent constituer un capital retraite, sous la forme de liquidités, d'investissements ou d'un bien immobilier. Dans leur cas, ce capital est hélas pris en compte pour déterminer le revenu disponible, ce qui a de lourdes conséquences en matière d'accès aux bourses scolaires.
Je souhaite que l'on réfléchisse à la manière de comptabiliser un premier bien immobilier ou ce qui peut être considéré comme un capital retraite pour la détermination de la quotité de bourse octroyée aux élèves. Il faut rehausser le plafond de revenus et prendre en compte ce qui représente un capital retraite, pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité.
Je vous remercie par avance de soutenir la proposition de loi et l'ensemble du réseau d'enseignement français à l'étranger.
Ce réseau n'est pas lointain, puisque l'ancien Premier ministre Édouard Philippe et le ministre délégué Jean-Baptiste Lemoyne ont été formés dans des lycées français à l'étranger.
S'agissant de l'évolution des crédits, je ne peux pas laisser répéter certaines choses. On ne peut pas comparer les 33 millions d'euros de crédits de paiement annulés en une fois en 2017 avec les 25 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts par la loi de finances pour 2020 ; cela n'a aucun sens comptable. L'effort qui avait alors été demandé à l'AEFE représentait quinze jours de trésorerie, et l'agence s'était adaptée en anticipant de quelques semaines les remontées de recettes tirées de droits d'écolage. Je sais que l'on entre dans la période de campagne électorale, mais je maintiens que l'annulation portait sur des crédits de paiement et que les autorisations d'engagement n'ont jamais diminué.
Le problème posé par l'endettement des ODAC ne concerne que les établissements en gestion directe. Au cours de cette législature, nous avons ouvert une nouvelle ligne de garantie de prêts par l'État, laquelle ne relève plus de l'AEFE mais du ministère des finances. En facilitant l'emprunt, nous avons résolu les problèmes d'immobilier et d'investissement des établissements conventionnés et partenaires – soit 85 % des établissements d'enseignement français à l'étranger. La procédure que doit suivre un établissement en gestion directe pour financer par l'emprunt une extension ou une importante rénovation ressemble à une usine à gaz. Il faudra qu'un jour l'AEFE ne fasse plus partie de la catégorie des ODAC, ce qui serait tout à fait logique.
En ce qui concerne les frais de scolarité pour les familles, je rappelle également que l'on parle seulement des 15 % de lycées dont l'AEFE fixe les tarifs. Tous les autres sont des lycées de droit local, qui déterminent leurs tarifs comme ils l'entendent et sur lesquels nous n'avons pas d'influence – en général, ces tarifs ne sont pas contestés.
S'agissant du lien entre les lycées français à l'étranger et le système universitaire français, il a fallu que nous montions au créneau lors de cette législature car ces lycées avaient été oubliés par Parcoursup. Ce dernier est désormais adapté et nous n'avons plus de problèmes. Non seulement les bacheliers des lycées français à l'étranger peuvent facilement aller sur Parcoursup, mais la valeur particulière de leur cursus est reconnue par les établissements supérieurs.
Je ne voudrais pas que mes propos laissent croire que je considère que le réseau de l'enseignement français à l'étranger est un sujet lointain, pour la simple et bonne raison que j'en ai moi-même bénéficié. Je voulais dire que ce thème n'avait pas été suffisamment exploré, alors que son importance est primordiale. C'est désormais fait.
Je reconnais bien volontiers que l'AEFE ne fixe les tarifs que pour 15 % des établissements, mais certaines modalités peuvent susciter des interrogations. Des binationaux peuvent acquitter le tarif applicable à la population locale, alors que le niveau des revenus de leurs parents pourrait justifier l'application de la tarification retenue pour les Français expatriés.
On pourrait dire, comme Jacques Chirac, que l'enseignement français à l'étranger, c'est loin mais c'est beau.
Article 1er A (nouveau)
La commission adopte l'article 1er A non modifié.
Article 1er
La commission adopte l'article 1er non modifié.
Article 2
La commission adopte l'article 2 non modifié.
Article 3
La commission adopte l'article 3 non modifié.
Article 4
La commission adopte l'article 4 non modifié.
Article 5 (nouveau)
La commission adopte l'article 5 non modifié.
Article 6 (nouveau)
Amendement AE1 de M. Alain David.
Cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés demande au Gouvernement un rapport qui étudie la possibilité pour l'AEFE de recourir à l'emprunt. Il s'agit de trouver des solutions adaptées à l'un des problèmes structurels les plus importants, susceptible d'affecter le développement futur du réseau d'enseignement français à l'étranger. L'AEFE ne peut emprunter qu'à très court terme – un an – auprès de l'Agence France Trésor, pour subvenir à des difficultés financières inattendues.
Face à la nécessité de développer le réseau de l'enseignement français à l'étranger pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de doubler les effectifs accueillis, il serait inconcevable de ne pas donner à l'AEFE les moyens de financer l'acquisition ou la construction indispensable de nouveaux locaux d'enseignement. Comme nous ne pouvons pas augmenter les crédits pour aider directement cette agence, nous souhaitons lui permettre d'emprunter dans des conditions différentes.
Le moment venu, il faudra en effet se pencher sur les capacités d'emprunt à moyen et à long terme des établissements en gestion directe. Au nombre de soixante-neuf, ils constituent une minorité au sein du réseau et représentent de l'ordre de 15 % des établissements. Mais ils jouent bien entendu un rôle très important dans le développement de ce réseau et pour répondre à l'objectif de doublement du nombre d'élèves fixé par le Président de la République.
Je salue votre souhait de nourrir la réflexion, mais la rédaction du Sénat est tout à fait satisfaisante car elle aborde à la fois les capacités d'emprunt et celles de financement. De plus, elle introduit une date pour la remise du rapport – le 30 juin 2022 – plus proche que le délai d'un an après la promulgation de la loi prévu par votre amendement tout en étant réaliste Il faut en effet aller vite pour accompagner le développement du réseau. Un groupe de travail a en outre été créé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et par celui chargé des comptes publics afin de formuler rapidement des propositions sur un mécanisme qui aura vocation à remplacer les avances de l'AFT et à répondre au besoin d'emprunt à moyen et à long terme. Demande de retrait.
Ce sujet est très compliqué et la capacité d'emprunt de l'AEFE n'est pas le seul problème. En effet, faute de pouvoir emprunter, elle se tourne vers les familles. Je vous laisse imaginer la situation lorsque des familles financent pendant des années la construction d'un bâtiment qui ne voit pas le jour. Je l'ai vécu au Caire.
Nous devrons sortir l'AEFE de la catégorie des ODAC. Pour anticiper la concrétisation de certains projets, l'argent des familles est placé sur des comptes sur lesquels ces familles finissent par perdre toute visibilité. C'est une véritable bombe à retardement.
En revanche, Mme la rapporteure a raison, la rédaction de votre amendement est moins satisfaisante que celle de l'article 6.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 6 non modifié.
Article 7 (nouveau)
La commission adopte l'article 7 non modifié.
Article 8 (nouveau)
La commission adopte l'article 8 non modifié.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
Je vous remercie, chers collègues. Ce réseau doit se développer car il s'agit d'un outil d'influence exceptionnel. Les élèves d'aujourd'hui seront nos vecteurs d'influence dans vingt ou trente ans.
Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour (n° 4425)
Madame Anne Genetet, nous vous écouterons avec beaucoup d'attention car vous êtes élue des Français établis à Singapour mais également résidente singapourienne depuis de longues années.
Le contenu de la convention d'entraide est relativement classique. La commission a déjà examiné des conventions sur le même sujet mais la nouveauté tient à la nouvelle phase de coopération que nous engagerons avec Singapour, dont le système judiciaire diffère profondément du nôtre. Les diplomates et les magistrats de nos deux pays ont pourtant trouvé rapidement un terrain d'entente pour élaborer cette convention.
Mme la rapporteure nous expliquera ce contexte et la portée de la convention.
Les conventions d'entraide pénale sont des accords assez classiques par lesquels deux pays s'engagent à s'entraider dans la conduite d'enquêtes judiciaires lorsque des éléments de preuve se trouvent dans l'autre pays. Cette entraide peut inclure la localisation de personnes, la perquisition, la saisie ou la communication de documents officiels.
Il ne faut pas confondre les accords d'entraide judiciaire avec les accords d'extradition qui concernent la remise de personnes poursuivies ou condamnées. Les accords d'extradition présentent des risques bien plus immédiats pour le droit des personnes.
La France a déjà signé des accords d'entraide pénale avec de nombreux pays en Asie dont le Laos, la Corée du sud, la Thaïlande ou le Vietnam. Le contenu de ces accords est, dans l'ensemble, assez standardisé.
Cette convention présente une spécificité : elle a vocation à nous lier avec un pays, Singapour, dont le système juridique est très différent du nôtre, puisqu'il découle de la common law alors que nous sommes gouvernés par le droit civil. De ce fait, la procédure pénale est plus longue et complexe à Singapour, au stade de l'enquête judiciaire.
D'autre part, Singapour est l'un de nos principaux partenaires dans l'espace Indopacifique. Nous avons tissé des liens étroits. La communauté française de Singapour, à laquelle j'appartiens, est la plus importante de l'Indopacifique regroupée dans un même espace urbain. Nous sommes officiellement 14 000 mais sans doute beaucoup plus en réalité – 20 000 ou 25 000. À titre de comparaison, environ 25 000 Français sont répartis dans toute la Chine et autant le sont en Australie. Cela explique en partie le dynamisme de la relation bilatérale.
Nous avons conclu avec Singapour des accords dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la défense, de la fiscalité ou de la culture mais nous ne sommes liés par aucune convention en matière pénale.
Même en l'absence de convention, nos deux pays s'entraident déjà sur le fondement de la réciprocité et de la courtoisie internationale. La France a saisi Singapour de 103 demandes d'entraide pénale depuis 2010. La plupart de ces demandes concernent des affaires de délinquance économique et financière. N'allez pas en conclure que Singapour est gangrenée par la délinquance financière ! La communauté française ne se résume pas à des délinquants financiers. Je signale au passage que le lycée français de Singapour accueille près de 3 000 élèves et a vocation à se développer encore davantage pour recevoir 4 000 élèves. C'est dire la bonne santé de notre relation !
L'entraide avec Singapour a récemment permis de saisir plus de 10 millions de dollars provenant de l'activité d'un réseau organisé spécialisé dans l'escroquerie aux quotas carbone.
La France souhaite encadrer plus sûrement l'entraide pénale avec Singapour pour deux raisons. Tout d'abord, les demandes adressées par la France à Singapour ont augmenté depuis sept ou huit ans et Singapour se montre beaucoup plus coopérant. Ensuite, ces demandes d'entraide se heurtent à des difficultés d'exécution qui ne sont pas liées au manque de bonne volonté des autorités singapouriennes mais à la complexité de la procédure pénale de ce pays, qui oblige les praticiens français à formuler de nombreuses demandes complémentaires.
Voici un extrait de l'étude d'impact qui traite du cas des perquisitions : « Une perquisition est très difficile à obtenir et implique de motiver très précisément la demande, avec un exposé des faits très complet, des éléments sur la nécessité de la perquisition pour l'enquête française, l'indication du lieu à perquisitionner et les éléments de preuve qui y seront présents. Toute demande nécessite également de nombreux certificats signés par diverses autorités visant à justifier que l'auteur de la demande a qualité pour faire la demande ou que la demande est liée à une affaire pénale. »
Sur les 103 demandes judiciaires que nous avons présentées à Singapour depuis 2010, plus de la moitié sont toujours en cours d'exécution.
La convention n'a pas seulement pour objet de lever ces difficultés d'exécution, elle a aussi un intérêt politique. Pour Singapour, la convention présente en réalité un faible intérêt opérationnel puisque, depuis 2010, Singapour n'a saisi la France que de trois demandes d'entraide.
En revanche, pour Singapour, la dimension politique de cet accord est importante puisque la France serait le premier pays de droit civil avec lequel Singapour conclurait une convention d'entraide pénale. Elle n'en avait conclu jusqu'à présent qu'avec des pays de la common law, ce qui témoigne de la proximité entre nos deux pays.
Alors que nos systèmes juridiques sont différents et que nous aurions pu nous attendre à de longues discussions avant de parvenir à une rédaction commune, il n'aura fallu que trois tours de négociation pour conclure cette convention.
Nous devons ce résultat à la grande compétence des négociateurs français du bureau de la négociation pénale européenne et internationale du ministère de la justice, ainsi qu'à celle des négociateurs singapouriens.
Que devons-nous attendre de cette nouvelle convention ? L'enjeu est clair : mieux réprimer toutes les infractions pénales pour faire reculer l'impunité.
Certes, il s'agira de s'attaquer plus fermement à la délinquance économique et financière mais cette convention a vocation à s'appliquer à tous les crimes et délits, y compris les homicides ou la pédophilie. Les faits de visionnage de vidéos pédopornographiques, où l'on peut assister au viol d'enfants d'Asie du sud-est, ont explosé durant le confinement. On en déplore des dizaines de milliers chaque année. Les personnels du bureau du ministère de l'intérieur chargé des enquêtes manquent cruellement de moyens contrairement à leurs homologues allemands ou britanniques.
Cette convention élargit le champ de l'entraide. Nos deux pays s'engagent, à l'article 1er, à s'accorder l'entraide judiciaire la plus large possible. L'extradition est exclue du dispositif. Les autorités singapouriennes ont indiqué vouloir procéder par étape, en commençant par l'entraide judiciaire qui pose moins de questions au regard du droit des personnes.
La convention prévoit également une série de motifs qui permettent de refuser l'entraide. Ce sera ainsi le cas lorsque la demande concernera une infraction de nature politique. Ces clauses sont classiques mais indispensables pour rester fidèles à notre conception de l'État de droit et des droits humains.
Tous les motifs de refus ne sont toutefois pas justifiés et il convenait également d'écarter ceux qui pouvaient limiter indûment la portée de la convention. Il est ainsi prévu qu'aucune partie ne peut invoquer la nature fiscale d'une infraction ou l'obstacle du secret bancaire pour refuser une demande d'entraide.
D'autre part, la convention permettra de fluidifier les interactions. Les autorités compétentes sont ainsi clairement identifiées. Au passage, nous ne disposons pas de magistrat de liaison à Singapour. Pour créer ce poste, il faudrait prévoir les crédits nécessaires dans le budget du ministère de la justice.
L'article 4 dresse la liste de tous les documents qu'il faudra produire à l'appui d'une demande d'entraide. La longueur de cette liste reflète la complexité de la procédure pénale singapourienne mais elle est simplifiée par rapport à ce que demande habituellement Singapour. Surtout, elle est exhaustive, ce qui évitera aux praticiens français de devoir présenter de trop nombreuses demandes complémentaires qui ralentissent le processus.
La convention prévoit également des standards partagés pour chaque type de demande d'entraide : localisation d'une personne, comparution, perquisition ou confiscation des produits d'une infraction. Ces référentiels communs sont évidemment très utiles pour les praticiens.
Enfin, cette convention intègre les règles les plus modernes en matière d'entraide. Elle ouvre ainsi la possibilité d'auditionner des témoins ou des experts par visioconférence lorsque la comparution en personne est compliquée. Elle sanctuarise également le socle de protection des données personnelles tel qu'il s'impose à nous dans le règlement européen sur la protection des données (RGPD). Notons que Singapour réfléchit à la rédaction d'un règlement qui s'inspire de notre RGPD, ce qui témoigne de l'influence mondiale de cette norme.
Cette convention est la première à être signée par visioconférence, signe que la pandémie ne doit pas entraver la coopération.
Je vous invite à présent à autoriser la ratification de cette convention que Singapour attend avant d'engager la sienne, selon une procédure beaucoup plus simple. Nous pourrons ainsi avancer plus rapidement sur la conclusion d'une convention d'extradition dont les discussions ont déjà commencé.
Fermons les yeux un instant et voyons en rêve l' Eastern and Oriental Express quittant la cité-État de Singapour pour rejoindre Bangkok via Kuala Lumpur… Revenons maintenant à la réalité, évoquée par Mme la rapporteure dans sa présentation et son rapport très complet, celle de la complexité de la procédure pénale et de la gravité des infractions commises.
Vous l'avez souligné, nos rapports avec Singapour sont très divers. Cette cité-État est notre deuxième client en Asie, derrière la Chine et devant le Japon. Elle attire 62 % des investissements français en Asie. Quelque 750 entreprises françaises y sont présentes, dans des secteurs variés : services aux entreprises, habitat, loisirs, culture, agroalimentaire, nouvelles technologies.
J'avais noté que la communauté française à Singapour comptait 12 000 personnes. Ce chiffre est-il en recul ?
La présente convention d'entraide judiciaire en matière pénale complétera utilement les différents accords conclus avec Singapour, notamment en matière de défense, dans le domaine fiscal et dans le champ culturel. C'est un nouvel outil qui contribuera aux efforts que nous fournissons pour développer la coopération judiciaire internationale, indispensable pour réprimer différentes infractions – vous avez notamment évoqué des faits épouvantables de pédophilie. Le but est d'améliorer encore et toujours la lutte contre une délinquance qui se diversifie et ne connaît pas de frontières, ni d'ailleurs de limites. Tel est le cas notamment, mais pas seulement, de la délinquance économique et financière.
Des négociations viennent de s'ouvrir pour mettre sur les rails un accord d'extradition avec Singapour. De quelle façon un tel accord complèterait-il la présente convention d'entraide judiciaire ? Le groupe La République en Marche votera bien évidemment le projet de loi autorisant l'approbation de cette dernière.
Nous sommes réunis pour autoriser l'approbation d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec Singapour, sachant que notre partenariat avec cet État connaît une dynamique d'approfondissement depuis plusieurs années.
Singapour est l'un des principaux partenaires de la France dans la zone Indopacifique. Elle est notre onzième client à l'échelle mondiale, le deuxième en Asie après la Chine. Elle est aussi la première destination des investissements français en Asie du Sud-Est.
La proximité entre les deux pays n'est pas seulement économique ; la relation bilatérale se veut riche et repose sur de nombreux partenariats, dans les domaines scientifique, culturel et de la défense. La présence française sur ce territoire ne cesse de se renforcer, si bien que Singapour est, dans la zone Indopacifique, le pays qui accueille la communauté française la plus importante.
S'il tend à renforcer notre partenariat, le texte que nous examinons répond surtout à un besoin opérationnel. En effet, les deux pays ne sont liés à ce jour par aucune convention bilatérale en matière pénale. Or, ces dernières années, la France a adressé à Singapour un nombre croissant de demandes d'entraide pénale, en particulier dans le domaine économique et financier. La présente convention, signée le 22 juillet 2020, tend à fixer un cadre juridique stable et à lever en partie les difficultés liées à la complexité de la procédure pénale singapourienne, qui a entravé jusqu'à présent l'exécution des demandes d'entraide. Grâce à ce cadre commun, nous améliorerons l'efficacité de notre coopération dans la lutte contre la délinquance transnationale.
Je note que l'étape suivante pourrait être la signature d'une convention d'extradition. Je salue cette initiative, qui permettra une nouvelle avancée dans la coopération judiciaire avec Singapour.
Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés soutiendra bien évidemment la présente convention.
Il s'agit d'une convention d'entraide judiciaire assez classique, mais vous en avez fait une présentation éclairante, madame la rapporteure, grâce à votre parfaite connaissance du pays.
Singapour est l'un de nos principaux partenaires dans la zone Indopacifique, dont il est souvent question dans nos travaux. Je note avec satisfaction que la présente convention devrait permettre de mieux réprimer la délinquance économique et financière. C'est heureux car, d'après le Réseau pour la justice fiscale, Singapour se classe au neuvième rang des paradis fiscaux à l'échelle mondiale, derrière Hong Kong – qui occupe pour sa part la septième place, la première parmi les pays hors OCDE. Selon Oxfam, Singapour et Hong-Kong font aussi partie des dix territoires qui proposent les politiques fiscales les plus nocives.
C'est avant tout pour cette raison, ainsi que pour celles développées dans votre rapport, que le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi.
Monsieur Cabaré, vous avez souligné le dynamisme de la relation entre les deux pays, 750 entreprises françaises étant présentes sur place.
Plusieurs entrepreneurs français de grand talent se sont implantés dans la région, particulièrement à Singapour. Ils ont « pris leur risque » en montant des entreprises qui ne sont pas des filiales de structures françaises existantes, et ont souvent connu un grand succès. Je pense par exemple à des personnes qui ont créé des écoles de toutes pièces, y compris pour des enfants à besoins éducatifs particuliers, et qui sollicitent ensuite une homologation. Ils font un travail remarquable.
Il y a aussi un certain nombre de start-up. L'une d'entre elles est issue d'une plateforme de trading sur les cryptomonnaies fondée par un Français et un Singapourien. Leur travail est tellement sérieux qu'ils ont obtenu une autorisation de l'autorité des marchés financiers de Singapour, réputée pour sa rigueur. L'entreprise envisage désormais de développer son activité en France.
Ainsi, nos entrepreneurs créent à l'étranger des structures qui sont à moyen terme, voire à court terme, créatrices de valeur et d'emplois en France. Je tiens à saluer leur audace, leur créativité et leur sens de l'innovation. Nous avons besoin d'eux.
Après plusieurs années de forte croissance, la population française à Singapour accuse une légère baisse, liée à la crise sanitaire. De manière générale, nous avons assisté à un effet domino dans la région : des gens ont quitté la Chine pour Hong-Kong ; d'autres, Hong-Kong pour Singapour ; d'autres enfin, Singapour pour Dubaï.
Les communautés françaises risquent de connaître un tassement ou un affaissement dans les pays d'Asie, notamment à Singapour, et c'est pour moi un motif d'inquiétude. La principale conséquence serait une réduction du vivier de compétences et de talents dans lequel se recrutent les enseignants de nos enfants, ceux-là mêmes que nous entendons former aux principes d'éducation à la française dans les instituts régionaux de formation faisant l'objet de la proposition de loi examinée précédemment. Nous avons besoin d'eux.
Il est exact que la délinquance ne connaît pas de frontières. La convention d'extradition sera l'ultime avancée, qui permettra de faire venir en France des personnes recherchées ou condamnées, ou d'en envoyer à Singapour. Un tel texte nous aurait été bien utile pour poursuivre pénalement dans notre pays des citoyens français impliqués dans des enlèvements d'enfants.
Je vous remercie les uns et les autres du soutien que vous apportez à cette convention originale, qui établira une coopération entre un système de common law et un système de droit civil.
La commission adopte l'article unique non modifié.
L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
La séance est levée à 16 h 20.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, M. Alain David, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, Mme Olga Givernet, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Sira Sylla, Mme Valérie Thomas
Excusés. – Mme Aude Amadou, M. Philippe Benassaya, M. Jean-Claude Bouchet, M. Éric Girardin, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Isabelle Rauch