Intervention de Colonel Loïc

Réunion du mercredi 18 décembre 2019 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Colonel Loïc :

Lorsque nous sommes ensemble, les soldats maliens, nigériens, burkinabés sont vraiment de vaillants combattants et ils obtiennent des résultats. Le chef d'état-major le rappelle souvent, nous avons une dette du sang vis-à-vis d'eux : leurs aînés se sont très courageusement battus pour la France pendant la première et la seconde guerre mondiale.

Reste qu'une question de souveraineté se pose. Prenons l'exemple du Burkina, jeune pays qui s'est dressé fièrement contre la puissance coloniale à travers le sankarisme : la présence de troupes étrangères est sensible et les gouvernements en place doivent pouvoir la contrôler. Il n'est pas difficile de le concevoir : la France n'est pas pour rien la patrie du général de Gaulle, qui a demandé à l'OTAN de quitter notre territoire en quelques mois.

Nous cherchons à convaincre ces pays que nous pouvons les aider. Ils peuvent bien sûr aller au combat sans nous ; nous demandons juste qu'ils nous préviennent, que nous puissions faire décoller nos avions et leur donner un coup de main si besoin est.

Je vous remercie beaucoup, Monsieur le député Marilossian, d'avoir évoqué la Mauritanie. Vous avez absolument raison : les groupes spéciaux d'intervention, les GSI, démontrent que la situation sécuritaire du Sahel n'est en rien fatale.

J'ai eu le triste privilège d'assister à la réunion interministérielle où il a été décidé d'arrêter le Paris-Dakar. Ce fut une décision très difficile à prendre mais, aujourd'hui, les touristes peuvent revenir en Mauritanie. Ce qui importe donc, c'est la définition d'une stratégie de sécurité nationale laquelle, je le rappelle, repose sur la conjonction d'un objectif, des moyens qui y sont associés, de la façon « d'y aller » avec des soldats payés, équipés et entraînés, et d'une volonté politique.

La question de la souveraineté nationale est quant à elle très intéressante à analyser : les Mauritaniens se sont tournés vers les Français et les Américains pour leur dire qu'ils allaient constituer des groupes spéciaux d'intervention et qu'ils les voulaient comme ceci et comme cela. Nous leur avons dit : « OK ! », nous avons formé ces GSI et à la fin de la mission, les Mauritaniens nous ont vivement remerciés puis… au revoir ! Ils ont en effet été capables de créer et de mener un projet, de définir un objectif et de demander à leurs partenaires de clôturer une mission, qui a réussi.

Nous sommes en train de reproduire au Niger le modèle des GSI mauritaniens. Le Niger développe ainsi une douzaine de bataillons spéciaux d'intervention, les BSI, qui seront équipés par un certain nombre de partenaires européens ayant décidé d'être partie prenante du projet – Allemands, Belges, Français – avec les Américains et les Canadiens. Cela montre bien que des solutions existent et qu'elles peuvent aboutir.

Je suis mal placé pour répondre sur ce qu'il en est quant au niveau de corruption car tel n'est pas mon cœur de métier mais je souligne simplement que nous avons créé un outil assez original avec la DCSD, la Direction de la coopération et de la sécurité de la défense qui, au sein du ministère des affaires étrangères, fait la synthèse entre la coopération militaire et les coopérations judiciaire et policière. Grâce à elle, nous pouvons agir de manière complémentaire.

Les chiffres que je vous ai donnés dans mon exposé illustrent combien je ne peux qu'être d'accord avec vous-même si, dans certains cas, notamment sous la présidence d'Houphouët-Boigny, d'aucuns évoquaient une forme particulière de « redistribution ». Ce dernier avait eu en effet l'intelligence d'opérer une redistribution nationale équitable, mais la création de « l'ivoirité », sous Henri Konan Bédié, a entraîné une rupture qui est à l'origine de la crise politique que nous avons connue.

Je suis d'accord avec vous quoique la situation évolue grâce à la DCSD, aux dispositifs de l'Union européenne, au G5 Sahel – qui ne se résume pas à la force conjointe mais constitue aussi un pilier « judiciaro-policier » avec un ensemble de plateformes d'échanges de renseignements dans les domaines civil et judiciaire – et, enfin, au P3S, le partenariat pour la sécurité et la stabilité pour le Sahel qui, normalement, chapeautera et permettra de faire la synthèse dans toutes ces affaires.

Dernier point : n'oublions pas que ces pays sont peut-être des démocraties imparfaites mais que ce sont des démocraties. Il y a donc des rendez-vous électoraux. L'année prochaine, des élections présidentielles sont ainsi prévues au Niger et au Burkina. Nous attendons du premier sommet de Pau, qui aura lieu le 13 janvier prochain, un clair engagement des États du Sahel à contribuer à leur mesure et à la hauteur de leurs investissements à cette lutte contre les groupes armés terroristes, ni plus, ni moins.

Les chefs d'État du G5 se sont réunis dimanche à Niamey pour préparer le sommet afin de se mettre d'accord entre eux. Ils ont publié un communiqué final en vingt points, qui constitue d'ores déjà une très grande avancée en termes de clarification. Il serait trop long de détailler un certain nombre de dossiers très techniques ; mais, visiblement, les paroles fortes du Président Macron ont déjà commencé à porter des fruits, très concrets, sur le terrain, pour l'opération Barkhane. Je gage que d'autres seront récoltés d'ici le 13 janvier.

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