Vous nous avez montré que l'Afrique – et notamment les zones que vous avez décrites – était devenue un lieu stratégique pour les grandes puissances, en particulier, la Chine, la Russie et les États-Unis. Leur stratégie est essentiellement économique, axée vers la ressource, ce qui peut ici et là avoir un rôle déstabilisateur pour la paix dans ces régions. La France reste toujours impliquée dans l'exploitation des ressources économiques, mais elle le fait de manière plus prudente, à cause de son histoire particulière qui est celle de la colonisation. Aujourd'hui, l'essentiel de nos forces est tourné vers la question de la stabilisation politique et territoriale, notamment parce que, contrairement à la Russie, à la Chine et aux États-Unis, nous sommes directement concernés par l'Afrique : en cas de déstabilisation politique, les enjeux terroristes et migratoires se trouvent aux portes de nos frontières.
Au sein de l'état-major des armées, comment considérez-vous cette question ? Ne sommes-nous pas dans une situation perdant-perdant ? Nous perdons sur le plan économique, car nous sommes forcés d'avancer prudemment, alors que l'Afrique est probablement le continent de la croissance du XXIe siècle – c'est en tout cas le seul qui n'a pas accompli ses Trente Glorieuses ; en même temps, nous devons assumer militairement et financièrement le coût de la stabilisation, alors même que ceux qui avancent leurs pions d'un point de vue économique, non seulement ne l'assument pas, mais ont parfois un rôle fortement déstabilisateur.