Intervention de le colonel Loïc

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le colonel Loïc :

Lors de la venue du président malgache nouvellement élu, au printemps 2019, le Président de la République a souhaité mettre en place une commission mixte franco-malgache pour travailler sur la question des Îles Éparses. Elle doit rendre ses conclusions au printemps prochain et nous verrons ce qui en ressort au sujet de cette zone.

Par ailleurs, le Mozambique va être le théâtre, dans les cinq à dix années à venir, d'un très gros investissement industriel, dont le chef de file est Total, avec des investissements dans le domaine des hydrocarbures dans le nord, dans la province de Cabo Delgado.

Ces deux exemples montrent qu'il s'agit d'une zone importante, à propos de laquelle nous avons développé un certain nombre de réflexions. Elle est sous la responsabilité du général commandant les forces armées dans la zone sud de l'océan Indien.

Ces réflexions visent d'abord à approfondir nos relations militaires avec le Mozambique. Nous avons ouvert un poste d'attaché de défense à Maputo. Nous y disposons aujourd'hui d'un poste militaire permanent qui a entrepris d'ouvrir un dialogue militaire avec un régime qui n'a pas l'habitude de parler avec la France.

Il faut par ailleurs préciser que depuis la découverte des hydrocarbures dans le Cabo Delgado et l'annonce d'un accord d'exploitation, des groupes terroristes ou rebelles assez difficiles à caractériser, mais auto-baptisés les Chabab bien qu'ils n'aient aucun lien avéré avec les Chabab de Somalie, commettent un certain nombre d'attentats et d'exactions contre les populations, entraînant le cycle de violences et de répression.

À propos de Madagascar, nous saisissons l'opportunité que représente l'élection du nouveau président, qui souhaite remettre à plat l'ensemble des actions de développement dans le pays, ainsi que le rôle des forces armées dans ces actions de développement, pour contribuer de manière significative au plan Émergence Madagascar. Nous sommes en train d'élaborer la réponse que la ministre fera aux demandes adressées par son homologue malgache : aide à l'écriture d'une loi de programmation militaire et d'une revue stratégique sous la forme d'un livre blanc, soutien aux voies choisies.

Je suis un avocat convaincu de ce type d'approche : comme dans le cas éthiopien, les Malgaches s'approprient les outils conceptuels que nous leur proposons et adaptent leurs forces armées en fonction des menaces majeures auxquelles ils font face, en particulier la pêche illégale et le vol de zébus – lequel peut paraître anecdotique mais constitue un enjeu pour Madagascar. Ils ne nous demandent plus ce que nous pouvons faire pour eux mais nous adressent une liste de besoins auxquels ils souhaitent que nous les aidions à répondre.

Monsieur Becht, je ne partage pas votre analyse quand vous dites que nous sommes dans une situation perdant-perdant. Certes, comme l'a évoqué M. Chassaigne en des termes assez précis et que peu d'experts de l'Afrique contestent – quand nous avons parlé de la conflictualité en Afrique, j'ai souligné le fait que l'absence de gouvernance en est une des causes principales –, il est vrai qu'un certain nombre d'entreprises françaises ont décidé de ne plus investir en Afrique du fait du climat d'insécurité économique. À part certains dirigeants, les capitaines d'industrie français se disent souvent qu'ils n'ont que des coups à prendre. Je voudrais tout de même nuancer ce constat en rappelant l'existence de tout un réseau de petites et moyennes entreprises (PME) et de petites et moyennes industries (PMI), des start-up françaises qui développent par exemple des offres d'assurance sur mobile en Afrique de l'ouest. Ce réseau dispose à travers le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) d'une vision précise des enjeux. Aujourd'hui, notre stratégie prend systématiquement en compte les entreprises françaises.

Nous sommes d'une génération d'officiers ayant servi Sarajevo et nous ne pouvons oublier que, alors que nous avions subi les pertes, ce sont d'autres qui ont signé les contrats de reconstruction de la ville. Aujourd'hui, la coopération militaire se construit aussi avec l'appui des entreprises ; de ce point de vue, ces dernières années ont permis au ministère des armées de réaffirmer sa volonté d'être un acteur majeur du SOUTEX (soutien à l'exportation) et ont été salutaires.

Je ne crois donc pas que nous soyons dans une situation perdant-perdant. Je suis persuadé que la sécurité de l'Europe commence en Afrique. Bientôt, le premier pays francophone sera la République démocratique du Congo. Avec l'élection de Félix Tshisekedi, nous avons de nouveau une carte à jouer. Nous sommes les seuls à avoir maintenu a minima des relations avec le Congo. Aujourd'hui, il est donc naturel que les Congolais se tournent vers nous pour que nous les aidions à créer une école de guerre et à faire que leurs militaires respectent le droit des conflits armés. Nous sommes en train de travailler sur un certain nombre d'actions de coopération. Cela va prendre du temps mais nous progressons.

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