On constate en effet une augmentation de la piraterie dans le golfe de Guinée, même si elle n'y atteint pas les niveaux extrêmes que l'on a connus en 2011 en face de la Somalie. Le contexte est différent entre les deux régions, et la piraterie dans le golfe de Guinée est souvent du brigandage, c'est-à-dire une attaque menée dans les eaux territoriales, donc sous souveraineté des pays côtiers.
L'architecture de Yaoundé mise en place en 2013, confirmée trois ans plus tard à Lomé, vise à mailler l'ensemble de la zone avec un certain nombre de centres de commandement nationaux, au-dessus desquels sont placés, sur deux niveaux, des centres de plus grande envergure. L'idée est de coordonner et d'améliorer la coopération entre tous les acteurs locaux, pour une diffusion rapide de l'information et la mobilisation immédiate des moyens les plus adaptés pour agir, avant que les pirates n'aient eu le temps de commettre leurs forfaits. Cette manière de s'appuyer sur la volonté et les moyens des pays locaux apparaît à ce jour comme la meilleure des solutions.
Vous avez évoqué, Monsieur le député, le concept de « Présence Maritime Coordonnée » européenne en demandant s'il ne s'agissait pas d'une coquille vide : cela peut être un risque, d'où le fait que ce dispositif ne poursuit pas des objectifs démesurés. Chacun sait que les différents États européens peuvent avoir des intérêts propres à défendre. La France elle-même souhaite conserver son autonomie d'appréciation et d'action.
Néanmoins, la volonté existe de mieux coordonner et de synchroniser nos actions, quand cela est possible. Nous l'avons d'abord fait avec les pays les plus présents sur zone, l'Espagne, le Portugal, mais également le Danemark qui, s'il n'a pas de bâtiments engagés, est présent dans les états-majors et joue un rôle de conseil et de financeur assez actif dans le golfe de Guinée, où il a des intérêts maritimes. Cette entente quadripartite constitue une première base de coordination, l'idée étant qu'un bâtiment français ne se retrouve pas en même temps qu'un bâtiment portugais dans une même zone. La coordination n'est pas toujours simple du fait, des programmes d'activité respectifs des uns et des autres : la France, par exemple, peut estimer prioritaire de positionner ses moyens en un point particulier, pour répondre à des besoins propres. En tout état de cause, le dispositif n'est pas contraignant, chacun s'engageant à la hauteur de ce qu'il souhaite, dans une logique gagnant/gagnant.
On peut imaginer étendre cette coordination à différentes initiatives européennes, telles que GoGIN, SWAIMS ou PESCAO, qui mobilisent des ressources considérables, pour gagner en efficacité.
L'architecture de Yaoundé est encore en phase de montée en puissance, et il faut la soutenir. Il est très bien que les pays africains se saisissent de leurs problèmes et cherchent à y répondre par eux-mêmes, étant entendu que nous les y aidons en leur fournissant du matériel, des conseils juridiques et stratégiques, mais aussi en les accompagnant sur le terrain pour aider notamment les marines locales à gagner en confiance.
J'ajoute que notre soutien est d'autant plus nécessaire que le processus de Yaoundé n'est pas véritablement soutenu par les nouveaux arrivants, comme la Chine et la Russie, qui ont des vues beaucoup plus « court-termistes » dans leur implication et attendent des retours sur investissement rapides.