Takuba est une force en cours de constitution : elle n'est pas encore opérationnelle – je n'ai peut-être pas été assez précise dans mon propos liminaire. Placée sous le commandement de l'opération Barkhane, Takuba sera composée de forces spéciales venant de différents pays européens. Elle réalisera des missions de conseil, d'assistance et d'accompagnement.
Qui a vocation à en faire partie ? Les pays qui ont été approchés et qui ont marqué leur intérêt – soutenu – sont la Belgique, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la République tchèque et la Suède. J'appelle néanmoins votre attention sur le fait qu'un intérêt marqué n'est pas nécessairement, à ce stade, un intérêt confirmé, en particulier de la part de pays où une validation parlementaire est nécessaire.
Notre objectif est que cette force commence ses opérations à partir de l'été prochain et qu'elle ait une pleine opérationnalité dans le courant de l'année.
J'ai souligné que le soutien de l'Europe au G5 Sahel était bien réel. Une conférence des donateurs a permis de mobiliser 412 millions d'euros de promesses de dons pour équiper les forces locales. Cela s'est déjà traduit par des livraisons d'équipements ou des versements au fonds de la force conjointe, à hauteur de 197 millions d'euros. La dernière manifestation du soutien de l'Europe au G5 Sahel était la présence de Charles Michel et de Josep Borrell à Pau.
Pourquoi avoir insisté sur Kidal dans la déclaration conjointe ? C'est un lieu emblématique de la crise politique qui sévit au Mali et de la désertion de l'État dans les provinces du Nord. Si l'on veut faire du sommet de Pau le tournant que tout le monde souhaite, il faut que l'État revienne rapidement à Kidal. C'est ce qui a été souligné non seulement par le président du Mali mais aussi par celui du Niger : ils demandent qu'une attention particulière soit portée à cette zone.
Sur le plan pratique, la mise à disposition de moyens permettant de faire du sport fait partie des nombreuses mesures du plan famille. Il est prévu de déployer de nouveaux équipements sportifs aussi bien dans le territoire national que dans le cadre des opérations extérieures.
Le discours anti-français – je préfère utiliser ce terme plutôt que celui de « sentiment anti-français » – puise à diverses sources : la frustration légitime de la population, qui subit au tout premier chef l'insécurité qui règne, une rhétorique politique et idéologique utilisée pour discréditer l'action de la France, mais aussi un certain nombre de manipulations de l'information orchestrées par des groupes d'influence. Nous menons des actions déterminées pour lutter contre la désinformation et pour expliquer notre présence, en étroite coordination avec les autorités locales. Mais pour que cela soit efficace, encore fallait-il que les chefs d'État des pays concernés s'expriment d'une manière claire, sans aucune ambiguïté, sur le fait que la présence étrangère – de la France mais aussi d'autres partenaires – est souhaitée dans la durée et d'une façon plus étendue : la déclaration de Pau comporte effectivement un appel à l'internationalisation de cette présence.
La base H5 continue d'être très utile et très efficace dans le cadre des vols de reconnaissance qui sont toujours menés en Syrie et en Irak. À ce stade, et tant qu'il y a une présence américaine au Levant, nous n'avons pas l'intention de réduire ou de fermer cette base que les autorités jordaniennes ont mise à notre disposition. Nous avons apporté un certain nombre de modifications au dispositif Chammal depuis la chute du califat territorial : nous avons rapatrié les canons CAESAR, mais nous avons gardé la base aérienne H5. Si les États-Unis maintiennent leur présence et si la coalition internationale poursuit ses opérations, nous avons l'intention de conserver cette base.
Quelle est précisément la position du Gouvernement irakien au sujet de la présence étrangère ? Le statut de la résolution adoptée par le Parlement irakien n'est pas totalement clair : la totalité des forces et des communautés de l'Irak n'étaient pas présentes au moment du vote. Il s'agit, en outre, d'une résolution et non d'une décision. Enfin, des membres du Gouvernement irakien, qui est de transition – j'ai omis de le préciser tout à l'heure – disent en privé qu'ils ne souhaitent pas le départ des forces étrangères et le désengagement des États-Unis. Il y a donc une voie à explorer pour permettre aux forces présentes au sein de la coalition internationale de rester, en prenant mieux en compte qu'aujourd'hui, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la souveraineté de l'Irak.
Quel sera l'impact des 220 personnes supplémentaires déployées au Sahel ? Cette augmentation – nous avions déjà 4 500 personnes sur place – va-t-elle changer la donne ? C'est un signal que nous avons voulu adresser à nos partenaires européens et internationaux, mais aussi sahéliens. La déclaration conjointe de Pau souligne que chacun doit faire sa part du travail. Nous avons décidé de signifier que nous sommes prêts à nous engager plus, mais il faut aussi que ce qui a été défini dans la feuille de route de Pau soit réalisé par nos partenaires, sur le plan militaire comme dans le cadre des autres piliers : je pense en particulier au pilier politique, qui relève des États du Sahel. Ce que nous avons décidé n'est pas un changement de magnitude ou d'échelle de la force Barkhane, mais un puissant signal que nous voulions adresser, d'une façon positive, à l'ensemble des partenaires.
Le renseignement américain, qui nous est fourni par un certain nombre de capacités, est important. Nous souhaitons pouvoir en conserver le bénéfice. Cela sera-t-il le cas dans la durée ? Il est trop tôt pour le dire. Nous avons reçu des signaux qui n'étaient pas forcément positifs, et c'est pour cela qu'il faut agir. Tout ce que vous pourrez faire à votre niveau, en complément de ce nous nous efforçons de faire, avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sera le bienvenu.
Je ne répondrai pas aux questions portant sur l'espace, Monsieur Lachaud, car elles ne sont pas nécessairement au cœur de cette audition, mais nous pourrons revenir plus tard sur ce sujet, qui le mérite – il y a notamment des aspects industriels.
La mission de sécurisation maritime dans le golfe Arabo-persique a été très positivement comprise et accueillie par nos partenaires : elle est le reflet de notre position équilibrée, de notre volonté de favoriser une désescalade et de ne pas prendre part à la stratégie de pression maximale des États-Unis vis-à-vis de l'Iran. Cette mission sera officiellement lancée à la fin du mois. Sa capacité opérationnelle sera initialement constituée d'un état-major tactique européen, établi à Abou Dhabi, et de la frégate Courbet. La mission aura une pleine capacité opérationnelle à la mi-février avec l'arrivée de la frégate néerlandaise. D'autres contributions suivront, en particulier de la part du Danemark.
L'engagement de la France dans l'OTAN sert d'abord nos intérêts stratégiques et ceux des Européens, Monsieur Chassaigne. Nous avons décidé de participer à l'EFP (enhanced Forward Presence), qui est une force de réassurance face à la Russie. Cela sert nos intérêts stratégiques, je le répète, et cela nous aide beaucoup à conserver, voire à amplifier l'effort que réalisent certains de nos partenaires européens – les Estoniens en particulier, qui sont d'ores et déjà présents au Sahel, à travers un contingent déployé à Gao, et qui pourraient l'être encore plus dans le cadre de la task force Takuba. Je ne devrais d'ailleurs pas employer le conditionnel mais le futur : l'Estonie est le premier pays à avoir été au bout du processus politique permettant de sécuriser, d'une façon certaine, sa participation à la task force Takuba.
Rien n'empêche les Européens de travailler à bâtir une autonomie stratégique leur permettant de réagir à une crise même si l'OTAN n'est pas concernée : c'est le sens des outils que nous développons, notamment l'Initiative européenne d'intervention, la coopération structurée permanente et le Fonds européen de défense. Je rappelle aussi que les décisions sont prises à l'unanimité au sein de l'Alliance : si nous voulons nous opposer à une action, parce qu'elle serait manifestement contraire à nos intérêts, nous avons la capacité de l'empêcher. Je ne voudrais pas paraphraser le général de Gaulle, mais vous m'avez comprise. (Sourires.).