La volonté de coopérer avec la France dont a fait part l'ambassadeur du Sri Lanka est un discours que nous entendons de presque tous les pays du monde. Nous sommes victimes du succès de notre expertise : de très nombreux pays aimeraient coopérer avec nous. Nous en sommes très fiers, mais nous avons nos limites. Étant responsable de la coopération avec ces pays, quand de telles demandes arrivent, je me demande prioritairement ce que la France va en retirer en termes stratégiques et politiques. Si le pouvoir politique nous indique qu'il s'agit d'un État majeur, nous trouvons des solutions pour lancer une coopération.
S'agissant plus spécifiquement du Sri Lanka, il y a quelques années, ce pays détenait une véritable expertise, acquise lors des combats durs menés contre les Tigres de libération de l'Îlam tamoul (LTTE). Ils avaient inventé des solutions extrêmement ingénieuses. La décision de coopérer tient évidemment compte de la dimension politique.
Enfin, une fois que des pistes de coopération ont été identifiées, il faut déterminer quels moyens nous pouvons y consacrer. Victimes de notre succès, il nous faut établir des priorités. En ce moment, nous essayons de développer la coopération avec l'Indonésie, ce qui demande de l'énergie et des moyens. Nous ne pouvons pas nous disperser partout, au risque de décevoir tout le monde. Aujourd'hui, la position politique du Sri Lanka n'est pas propice au développement de la coopération.
S'agissant des risques liés aux résidus des essais nucléaires, je ne suis pas un expert de la question, mais les forces armées sont concernées au même titre que les populations locales, puisque nous sommes aussi présents sur place. Quant à la question des moyens, nous avons des ambitions et une présence reconnue. Ce n'est sûrement pas suffisant, mais nous sommes le plus impliqué des États de l'Union européenne. L'amiral qui commande le Pacifique parle de la « dictature des distances ». Nous évoquions les trois semaines nécessaires pour aller à Malacca ; pour rejoindre l'Asie du Sud-Est depuis Papeete, il faut quinze jours. La zone économique exclusive est la richesse de la France, mais elle requiert beaucoup de moyens.
Nous avons les moyens de faire face à nos missions. Nous constatons le déplacement du centre de gravité mondial vers l'Indopacifique, et nous y multiplions les déploiements. Le premier déploiement de l'armée de l'air dans l'Indopacifique a été réalisé à l'été 2018, et une autre opération de ce type est à l'étude. Nous multiplions les déploiements de nos bâtiments – la mission Jeanne d'Arc va bientôt partir pour rejoindre Papeete. L'Indopacifique est au cœur de nos réflexions. Par ailleurs, nous renouvelons nos équipements dans cette zone, notamment maritimes, avec les patrouilleurs outre-mer. Mais nous n'avons pas les moyens de surveiller tout le Pacifique.