Intervention de Fabrice Balanche

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Fabrice Balanche, maître de conférences à l'Université Lyon 2 :

Je réagis sur Oman parce que nous en avons peu parlé et que j'ai une carte appropriée pour vous expliquer la situation. Oman est un peu la Suisse de cette région, puisque c'est le pays neutre où nous avons eu les premières discussions entre les États-Unis et l'Iran sur le Joint Comprehensive Plan of Action ( JCPoA ) en 2013, et le sultan Qabus a toujours voulu maintenir cette neutralité. Il va au forum de Doha, alors qu'au Qatar, aucun pays arabe ne veut y aller parce qu'ils ont peur des Saoudiens. Il a toujours réussi à maintenir cet équilibre. C'est la grande force d'Oman et son successeur voudrait poursuivre. Il se méfie beaucoup des Émirats arabes unis, parce qu'ils veulent unifier le sud de la péninsule arabique, faire éclater le Yémen, faire éclater la Somalie pour dominer ces territoires et surtout les territoires portuaires. Les Émirats arabes unis se méfient quant à eux du potentiel portuaire d'Oman, le port de Salalah, qui pourrait concurrencer Jebel Ali. Ils ont cherché à influencer la succession à Oman, ils cherchent à y étendre leur emprise, et c'est le principal défi pour le nouveau sultan d'Oman. Les Saoudiens le soutiennent parce qu'ils ne veulent pas que les Émirats arabes unis prennent trop d'influence dans cette corne. Ils voudraient aussi avoir un accès à l'océan Indien, parce que les débouchés saoudiens sont sur des mers potentiellement fermées, la mer Rouge et le golfe arabo-persique. Cette géopolitique du Golfe d'Aden est importante.

Concernant la mission navale européenne, les pays de cette région préfèrent quand même avoir le soutien des États-Unis. La principale base, la base de Bahreïn, la base au Qatar, la base américaine, représente quand même un déploiement de forces beaucoup plus important que la force européenne. Mais pourquoi pas ? Si nous pouvons monter en puissance et nous installer dans cette région, au même titre que les États-Unis, cela serait bienvenu.

Le blocus sur le Qatar ne me semble pas près d'être levé. Le Qatar finance la Turquie, appuie l'armée turque qui se déploie en Somalie, au Soudan, et a maintenant des ambitions en Libye qui contrecarrent les ambitions des Émirats arabes unis en Libye. Nous assistons à une guerre interne au monde sunnite, entre la Turquie et l'Arabie saoudite. Le Qatar s'est rangé derrière la Turquie pour se protéger de l'Arabie saoudite. Dans le cadre d'une confrontation majeure avec l'Iran, verrait-on le monde sunnite se réunifier ? Pourquoi pas ? Pour l'instant, le monde sunnite est en train de se fragmenter avec la Turquie et l'Arabie saoudite d'un côté, et dans le futur, les Émirats arabes unis vont rentrer dans une confrontation avec l'Arabie saoudite.

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