Y a-t-il un bon confessionnalisme qui amènerait à un effacement des oppositions entre les communautés, en les protégeant, et un mauvais confessionnalisme qui serait le modèle irakien, le « bon » étant le modèle libanais ? Il y a des différences entre le confessionnalisme politique au Liban et en Irak. Au Liban, il est officiel depuis la Constitution de 1926, dont l'article 75 institutionnalise le confessionnalisme avant le pacte national de 1943. Il y a dix-huit communautés reconnues depuis 1936. Ce n'est pas le cas en Irak. Dans la constitution irakienne de 2005, vous ne trouvez jamais les mots « sunnites » et « chiites ». Les seules communautés qui sont indiquées sont les communautés ethniques arabes et kurdes, et éventuellement les minorités turkmènes, mais rien sur le plan religieux. Pourtant, il y a beaucoup de ressemblances entre les deux systèmes confessionnels. Il y a des communautés qui ne sont pas reconnues au Liban, des nouvelles communautés, comme les évangéliques, qui aimeraient être reconnues. Les alaouites, bizarrement, ne sont pas reconnus non plus, malgré leur influence et malgré le fait qu'ils aient acquis une forme de représentation non-officielle, notamment du fait de leur présence importante à Tripoli. Il ne faut pas croire que la reconnaissance implique un effacement des identités communautaires. C'est le contraire : cela les met en concurrence les uns avec les autres. La meilleure preuve en est l'absence de mariage civil au Liban. Si vous êtes druze et que vous voulez épouser une maronite, vous êtes obligé d'aller à Chypre et les enfants n'hériteront pas parce que les communautés gardent jalousement leur patrimoine. Ceux qui étaient au bas de la pyramide sociale et politique étaient les chiites qui se sont réveillés grâce à un mouvement initié dans les années 70 et à la révolution islamique en Iran. Toutefois, nous ne pouvons pas dire que cela a atténué les rivalités, puisqu'à la rivalité entre chrétiens et musulmans a succédé la rivalité entre chiites et sunnites. Le fait d'être reconnu ne va pas dans le sens d'un effacement des identités. En Irak, la chose est totalement tacite, elle l'est depuis toujours depuis la fondation de l'État irakien. Il faut aller chercher dans le Code de la nationalité irakienne en 1924, pour voir que les chiites étaient considérés comme des citoyens de seconde zone qui devaient demander la nationalité, alors que n'importe quel Arabe sunnite, même s'il n'était pas né en Irak et qu'il n'avait pas la nationalité irakienne, pouvait avoir la citoyenneté parce qu'il était sunnite. Les deux systèmes se ressemblent beaucoup, et les différences ne sont que superficielles.