Une menace terroriste pèse bel et bien sur ces navires, menace que vous avez parfaitement illustrée. Cette menace doit être traitée par une approche large. On dit toujours que la défense de nos concitoyens commence au large et se termine en protection le long de nos côtes. Elle passe aussi par les forces de sécurité intérieure. C'est grâce à nos forces de sécurité intérieure – police, gendarmerie, polices municipales ou direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) – que nous avons une bonne connaissance de ce qui se passe sur notre territoire. Nos zones portuaires en particulier sont très surveillées : nous savons que ce sont des zones de transit et de rencontre, donc éminemment sensibles. La protection des bateaux au mouillage, même à un ou deux nautiques de la côte, passe avant tout par le dispositif de sécurité en place à terre. Il faut ensuite surveiller ce qui vient d'un peu plus loin : c'est tout l'intérêt de l'échange d'informations à travers la chaîne sémaphorique. Grâce à nos dix-neuf sémaphores en Méditerranée, dont sept en Corse et douze couvrant à peu près toute la côte continentale, nous avons une assez bonne vision des bateaux qui transitent dans cet espace.
À cela s'ajoutent les patrouilles nautiques. Lors de réunions hebdomadaires, nous organisons les patrouilles des différentes administrations le long de nos côtes, divisées en secteurs : tel jour les gendarmes, le lendemain les douanes, puis les affaires maritimes, puis la marine nationale, en fonction du plan de charge de chacun, afin d'assurer un quadrillage systématique de nos eaux territoriales. Nous partageons le fardeau entre administrations.
Comment faire plus ? Nous pourrions obliger les compagnies à mettre en place des dispositifs de sécurité permanents à bord, à leurs frais, à l'exemple de ce qui se fait à la SNCF, où des équipes de sécurité patrouillent en armes. Il faut l'imposer, et cela ne pourra se faire que par la loi ; les compagnies répercuteront le coût sur les billets, comme les compagnies aériennes ou la SNCF.
Monsieur Lassalle, j'ai actuellement sous ma responsabilité territoriale environ 15 000 militaires, sans tenir compte du personnel civil du Ministère des armées. Ainsi que les trois quarts des frégates de premier rang, tout le corps expéditionnaire de la marine, c'est-à-dire les bâtiments amphibies, le porte-avions, les hélicoptères embarqués, les sous-marins nucléaires d'attaque ou les marins-pompiers au titre de la protection civile. Cela fait beaucoup de monde. Il y a aussi les moyens d'instruction : 8 000 stagiaires qui passent chaque année par le groupe des écoles de Saint-Mandrier, à Toulon. En effet une grande partie de la formation de la Marine nationale se fait en Méditerranée. Nous participons aussi à la formation de nos jeunes : trente-cinq préparations militaires marine (PMM), les cadets de la défense… Il est difficile de tout lister, mais c'est une œuvre collective. Je ne suis pas seul, je m'appuie sur un état-major compétent et efficace qui organise et instruit l'ensemble des sujets concernés. C'est bien une œuvre collective ou chacun a sa place. Nous avons besoin de chaque marin et de chaque personnel civil de la Défense.
J'organise également très régulièrement des réunions avec les services des différentes administrations agissant en mer. Nous partageons beaucoup, nous travaillons vraiment dans un esprit d'équipe. Nous savons quel est le bien commun à protéger. Il n'y a pas de problème particulier entre les administrations sur la côte méditerranéenne. Lorsque les douanes font naviguer leur patrouilleur Jean-François Deniau pendant deux mois devant le Maroc pour surveiller l'émigration, ce bateau travaille au profit de l'agence Frontex, de l'Union européenne, et je le pilote depuis le COM de Toulon avec son autorité de tutelle, les douanes de Marseille. Nous échangeons le renseignement, les bonnes pratiques et nous décidons ensemble des modalités d'action pour remplir la mission. Mais il faut à la fin un responsable pour signer et décider, c'est mon rôle. Mais comme je viens de vous l'illustrer, c'est avant tout un travail collectif et collégial qui se fait en bonne intelligence.
Monsieur Thiériot, la Turquie, effectivement, est membre de l'OTAN et c'est à ce titre que nous coopérons avec ce pays. Cela se passe bien. Nous n'avons pas de difficultés de coordination. Nous échangeons de l'information à la mer. Les bateaux de l'OTAN en navigation communiquent leur situation et l'information dont ils disposent. Il y a quelques semaines, je suis allé rencontrer sur place mon homologue, ou plus précisément le responsable des opérations maritimes pour expliquer ce que nous venions faire, connaître leurs intentions et nous coordonner en tant que membres de l'OTAN. Nous avons des réunions régulières entre les marines de l'OTAN qui se passent en bonne intelligence. Lorsque nous rencontrons un navire turc, il nous arrive même d'organiser des exercices en commun.