Monsieur Lachaud, peut-on faire une mission navale sans bateaux ? Je pourrais vous répondre que l'opération Sophia n'est pas une mission navale mais une mission aéronavale. En effet au lancement de cette opération, la force comprenait des bâtiments et des aéronefs. Depuis les règles de désignation du port de refuge initialement établies entre les nations participant à la mission, c'est-à-dire du port de débarquement des personnes à qui les navires ont porté assistance à la mer, ont été dénoncées par certains États. De ce fait certaines nations dont la France ont retiré leurs navires tout en maintenant leurs avions de patrouille maritime. L'opération Sophia se termine au 31 mars et la nouvelle opération est en cours de définition et devrait être davantage orientée sur la lutte contre les trafics à destination de la Libye et le respect de l'embargo sur les armes imposé par l'ONU.
En effet Monsieur Lachaud, presque 80 % de la pollution maritime vient de la terre ; ce sont essentiellement les plastiques mais d'autres éléments comme aussi les engrais par exemple. Je pourrais vous répondre que les activités à terre ne sont pas de ma zone de responsabilité réglementaire mais ce ne serait pas totalement vrai. À l'issue d'une très large consultation à la fois des ministères, des représentations d'usagers, d'associations, de chercheurs universitaires ou de personnes intéressées tout simplement par le sort de la mer, nous avons établi et cosigné avec le préfet de région au mois de novembre un document conjoint qui établit une stratégie maritime de façade pour la Méditerranée. La dimension protection de l'environnement et du développement durable y occupe une place toute particulière.
Madame Sereine Mauborgne, dans le Nord du Cap Corse, après la collision de l' Ulysse et du Virginia, des recommandations ont été faites pour améliorer le dispositif de prévention et de lutte contre la pollution. Nous avons renforcé les moyens d'intervention en pré-positionnant un remorqueur en Corse à chaque fois qu'une période de très mauvais temps était annoncée. En parallèle et à la suite de l'échouage du cargo Rhodanus, nos services ont conduit l'étude de faisabilité technique et économique de doter l'un des ports civils corse d'un remorqueur de grande puissance de traction subventionné par la collectivité locale ou la CCI, ainsi que la création d'une station de pilotage à Bonifacio si la France obtient l'accord de l'OMI pour rendre le pilotage obligatoire dans les Bouches de Bonifacio. Nos études vont être présentées et partagées avec les responsables locaux.
Monsieur Jean-Michel Jacques, vous vous interrogez sur la pertinence d'un projet de création d'un groupe international de forces spéciales pour agir dans le domaine du contre-terrorisme en méditerranée. Vous prenez l'exemple des forces spéciales de la bande sahélo-saharienne, dont je me suis beaucoup occupé durant ma précédente affectation en tant que commandant des opérations spéciales. Cela suppose de définir au préalable un cadre d'emploi politique et tactique très précis afin de pouvoir déterminer les moyens nécessaires et en fixer les règles de fonctionnement et d'emploi. La difficulté portera notamment sur les différences constitutionnelles d'usage de la force armée entre les Nations. Cependant ce projet permettrait effectivement de partager le fardeau car la ressource en forces spécialisées est comptée comme vous le savez. La première condition est bien de définir un cadre politique pour pouvoir agir ensemble.
Madame Trastour-Isnart, vous m'interrogez sur l'utilité d'un patrouilleur rapide léger. Je suis toujours preneur de moyens supplémentaires. Cependant, aujourd'hui c'est plutôt les hélicoptères lourds qui me font défaut. Un programme de patrouilleurs est développé par la marine, dont les premiers seront livrés en 2025 et rejoindront l'Atlantique ; la seconde vague n'arrivera en Méditerranée qu'à partir de 2027 et 2028. Le plan d'équipement en cours donne satisfaction. Mais nous sommes toujours preneurs de plus de bateaux, pour la marine comme pour les autres administrations.
Mme Séverine Gipson, vous m'avez demandé si les migrants peuvent utiliser les navires de plaisance et les ferries. Du côté de la marine marchande, les ferries comme les cargos sont soumis à des contrôles de sécurité assez efficaces. Certains clandestins arrivent à passer, mais leur nombre reste très limité. Ils pourraient effectivement chercher à entrer en France en utilisant des navires de plaisance, mais cette pratique n'est pas coutumière de la zone Méditerranée contrairement à ce qui se passe en mer du Nord et dans la Manche. Si c'est un fait avéré au large de Calais, ce n'est pas le cas à Menton ou Perpignan. Mais cela viendra… C'est pourquoi nous mettons en place un dispositif de contrôle de nos ports et de nos zones de mouillage, afin qu'avec l'aide de nos dix-neuf sémaphores nous puissions surveiller au mieux nos deux mille kilomètres de frontière maritime.
Madame Michel, depuis le 1er janvier, la réglementation a changé concernant les émissions de fumée pour la marine marchande. La limite du taux de soufre admissible est passée à 0,5 % au 1er janvier 2020. Mais dans de nombreux ports, notamment français, les navires sont déjà passés à 0,1 %. En zone PACA par exemple, des accords sont passés entre les compagnies maritimes et les mairies, les autorités portuaires et les chambres de commerce et d'industrie. Le coût de l'adaptation technique des navires est partagé entre les compagnies et les collectivités locales avec des réductions sur les frais d'escale et la location des quais. De fait, une partie de la Méditerranée est déjà en train de passer en zone d'émissions contrôlées (ECA). À terme, la Méditerranée sera une zone ECA. Tout porte à penser que la dynamique venue des pays du Nord de l'Europe se déclinera naturellement en Méditerranée. À cet égard, la France est plutôt bonne élève. Les projets d'électrification des quais sont en cours de réalisation dans les ports français importants de la Méditerranée.
Je n'ai pas répondu à la question sur la grande jetée à Toulon et la concertation sur les financements des infrastructures. Le financement est partagé pour moitié par le ministère des Armées, et pour les deux autres quarts entre la région et la métropole de Toulon. Nous construisons ensemble dans un souci de développement durable et de développement partagé. Quelques 25 000 personnes transitent dans cette base navale et ses grands sites périphériques que sont les écoles, deux régiments de l'Armée de terre et la base aéronavale. Sur cet ensemble, 8 000 personnes n'appartiennent pas au ministère des Armées mais relèvent de sociétés sous-traitantes indispensables à notre fonctionnement. C'est tout un écosystème qui fonctionne au quotidien autour de la Marine pour l'essentiel. Les relations avec la métropole toulonnaise et la région PACA sont excellentes, comme elles le sont aussi avec l'Occitanie ou la Corse. Nous participons au développement économique de la région PACA : le ministère des Armées est le premier employeur du Var, nous avons, à ce titre, des responsabilités. Nous vivons avec nos familles dans cette très belle région : c'est l'intérêt pour nos conjoints d'avoir des emplois, et nos enfants des écoles et des facultés dignes de ce nom. Nous sommes des citoyens à part entière et nous prenons toute notre place dans la vie et les activités des communes où nous résidons.
Sur les causes de l'accident de la Minerve enfin, un compte rendu d'enquête avait été rédigé, à l'époque, à la suite de l'accident. Une nouvelle étude de la marine est en cours au vu des photos qui ont été récupérées cet été et complétées à l'occasion de la dépose de la plaque. Je crois comprendre qu'elle confirme les conclusions de l'époque, mais c'est plutôt au chef d'état-major de la Marine nationale de s'exprimer sur ce sujet. Chacun est libre de penser ce qu'il veut, mais il existe des faits et des conclusions techniques : les photos de qualité que nous avons pu obtenir confirment ce que nos prédécesseurs avaient pressenti grâce à leur expérience et à une enquête exhaustive.