Monsieur Blanchet, la réglementation concernant la pêche électrique a évolué récemment : le droit français l'interdit désormais. Si des bateaux pratiquant une telle pêche revenaient dans notre zone, nous les contrôlerions et nous leur donnerions les avertissements ou les amendes qui conviennent.
Concernant les navires usines, cette pêche est autorisée par l'Union européenne dans la limite des taux autorisés de capture (TAC). Je comprends la colère que peuvent ressentir nos amis pêcheurs ; il n'empêche que cette pêche est autorisée. Mais nous les contrôlons : il y a quelques années, un patrouilleur des affaires maritimes a dressé des procès-verbaux à un bateau en infraction et des amendes élevées ont été appliquées.
S'agissant de la coquille Saint-Jacques, une échauffourée a eu lieu, fin août 2018, entre pêcheurs britanniques et français. Là encore, je comprends la colère de nos amis pêcheurs ; il s'avère que le droit, à défaut d'un peu de bon sens, était du côté des Britanniques. Nous sommes toutefois intervenus avec un patrouilleur de la gendarmerie maritime, cette scène s'étant reproduite au mois d'octobre. La pêche à la coquille en France est extrêmement raisonnée, raisonnable et durable. Ce que l'Union européenne n'impose pas – ce qui explique que les bateaux britanniques aient le droit de venir pêcher en baie de Seine –, la France se l'est imposé en ouvrant des carreaux dans lesquels les coquillards français sont autorisés à pêcher, lesquels se rapprochent de la côte au fur et à mesure que la fin de l'année approche, dans une logique également économique, afin que le marché ne s'effondre pas en fin de saison. Cette pêche est extrêmement durable côté français, un peu plus libre côté britannique, et nous devons faire respecter le droit. Dans sa mer territoriale en revanche, la France peut parfaitement décider qui vient faire des captures dans les zones de pêche.
Le Brexit ne changera pas grand-chose aux migrations. C'est un argument des passeurs que de dire à tous ces migrants qui quittent le territoire français pour se rendre au Royaume-Uni de se dépêcher. Ces filières mafieuses qui les poussent à partir dans des conditions criminelles se moquent éperdument de leur survie : ce qui les intéresse, c'est le ticket de passage. Le Brexit n'y changera rien : ce n'est qu'un argument de vente. Nous avons d'excellentes relations avec les Britanniques, qui financent une partie des mesures prises à terre pour contenir les départs ; ils financent même une partie des équipements permettant à la Marine nationale d'être plus efficace dans la détection en mer, mais toujours dans le cadre du sauvetage. Quant au lien entre ferries et embarcations légères, il tient tout simplement au fait que les zones d'embarquement des ferries ont été extrêmement bien sécurisées : alors qu'il était relativement facile pour les migrants d'y pénétrer il y a quelques années, cela est devenu très compliqué. Cette complexité a conduit à la diffusion de ce phénomène sur les plages avec l'utilisation, extrêmement dangereuse, d'embarcations légères.
Concernant le terrorisme, nous serions en effet plus efficaces si l'attaque se produisait au large du Cotentin. Il faudra de toute façon tenir compte du temps de transit de l'hélicoptère qui met une heure et quart à une heure et demie pour se rendre dans le pas de Calais : ce temps est incompressible. Il nous faut un hélicoptère de moyen tonnage de type NH90 car il doit être capable d'emporter une équipe d'au moins six personnes ; il se trouve à Maupertus. L'hélicoptère de la Marine nationale basé au Touquet est beaucoup plus léger.
Monsieur Le Gac, nous sommes bien conscients du risque chimique ; l'accident du Grande America nous l'a rappelé. Je vous renvoie donc à mon homologue de l'Atlantique parce que c'est un risque auquel il a déjà été confronté. Il y avait dans les containers à bord du Grande America des composants chimiques, de l'acide notamment. Si nous maîtrisons maintenant assez bien la pollution aux hydrocarbures, c'est beaucoup plus compliqué avec les composants chimiques parce qu'ils peuvent réagir différemment dans l'eau. Comment se diffusent-ils ? À partir de quel taux de dilution y a-t-il danger ou non ? Des études doivent encore être menées dans ce domaine complexe.
Vous m'avez posé une question sur l'appel d'offres n° 4 pour le nouveau parc éolien en Manche. C'est la commission particulière du débat public qui organise le débat et elle est assez jalouse de son indépendance, même si nous l'épaulons. En parallèle, le conseil maritime de façade, instance copilotée par le préfet de la région Normandie et moi-même, interrogera des experts par le biais de sa commission permanente. Nous verrons ensuite comment les réponses obtenues, qui ne seront pas forcément en phase entre elles, seront prises en compte pour décider du lieu d'implantation du parc éolien.
La conciliation des usages en mer est un des enjeux du document stratégique de façade. Si nous voulons organiser une planification de l'espace maritime en Manche et mer du Nord, nous voulons absolument éviter un cadastrage de la mer car le monde maritime est mouvant : ce qui est vrai une année ne le sera peut-être plus cinq ans plus tard. Nous réviserons régulièrement le document stratégique de façade en fonction des évolutions constatées – le Brexit peut jouer un rôle, de même que l'évolution de l'environnement, du climat ou des espèces halieutiques.
Madame Dubois, le sujet des armes chimiques a fait l'actualité après la diffusion d'un reportage sur la Baltique montrant des armes chimiques dans un état de dégradation avancé et laissant filtrer des produits chimiques, notamment de l'ypérite, avec lesquels des pêcheurs se sont brûlés. Nous n'avons pas du tout ce genre de phénomène en Manche. Mais le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale s'intéresse au sujet ; nous procédons à des études, à partir de documents historiques, pour localiser les sites car les deux guerres mondiales ont laissé leurs stigmates au fond de la Manche : il y reste énormément de bombes et de mines. Nous n'avons pas à ce stade identifié d'armements chimiques.
Nous procédons en revanche très régulièrement, avec le groupement des plongeurs démineurs (GPD) de la Manche ainsi que des chasseurs de mines basés à Cherbourg, à des campagnes de détection et de neutralisation d'engins explosifs. Nous agissons systématiquement pour neutraliser les bombes et les mines sur découverte d'opportunités, lorsque des pêcheurs remontent des mines dans leurs filets, lorsque nous faisons des dragages pour agrandir un port, ou encore lorsque des engins sont découverts sur l'estran au moment des grandes marées. Nous agissons soit par « missions route », le GPD partant de Cherbourg pour neutraliser l'engin, soit par projection à bord d'un bateau de pêche pour neutraliser une bombe qu'il aurait récupérée. En revanche, nous ne traitons pas les stocks de munitions. Ceux-ci sont repérés sur des cartes avec des interdictions de pêcher ou de mouiller. Ils ne représentent pas de danger particulier dès lors que l'on respecte la réglementation. À l'inverse, tout ce qui est découvert au hasard des activités est neutralisé parce que cela représente un danger pour la vie humaine.
Précisons que les engins que nous remontons, que ce soit des bombes ou des mines, ne sont pas dans l'état de dégradation décrit dans le fameux reportage que j'évoquais : les corps des bombes sont rouillés, certes, mais ils sont encore intègres et le produit actif ne fuit pas. À titre d'illustration, nous avons neutralisé dix-neuf tonnes d'équivalent TNT en 2019 sur la façade Manche ; nous en traitons chaque année entre vingt et trente tonnes, et nous en avons encore pour des décennies.
Monsieur Cubertafon, vous m'avez interrogé sur les conséquences du Brexit pour l'action de l'État en mer : il ne devrait pas y en avoir, du moins en termes d'organisation, puisque l'action de l'État en mer est adossée soit à des traités internationaux – l'Union européenne n'intervient pas là-dedans –, soit à des accords bilatéraux, comme le Manche Plan dont je parlais tout à l'heure, qui ne sera absolument pas remis en question. Quant au pas de Calais, il s'agit d'un détroit international : sa réglementation est adossée à une réglementation internationale de l'Organisation maritime internationale, et cela ne devrait pas changer.
Monsieur Favennec Becot, un avion s'est en effet abîmé hier au large de Fécamp. Nous sommes intervenus car nous avons été prévenus rapidement, l'avion ayant été vu au moment où il s'est crashé. Immédiatement, le CROSS Gris-Nez a été alerté : il a fait intervenir la SNSM, un zodiac et l'hélicoptère Dauphin de la Marine nationale basé au Touquet. Pour prendre la relève du Dauphin, qui devait aller ravitailler, nous avons sollicité le NH90 des Belges, lequel a poursuivi les recherches. Ce matin, nous avons fait redécoller l'hélicoptère du Touquet car des débris de l'engin ont été aperçus ; mais nous n'avons pas encore retrouvé le corps du pilote. La coopération avec les Britanniques – nous faisons intervenir de temps en temps un hélicoptère des Coastguards – et avec les Belges est bonne et se fait d'une manière tout à fait continue. Il existe également des accords de soutien mutuel entre le CROSS Gris-Nez et le MRCC (Maritime rescue coordination centre) de Douvres. Notre organisation actuelle nous donne toute la souplesse requise et ne pose aucune difficulté : pour moi, tout fonctionne bien.
Monsieur Lachaud, vous avez évoqué les hydroliennes en mer : effectivement les courants au large du Cotentin, d'une vitesse d'environ dix nœuds, sont parmi les plus forts au monde. C'est un potentiel hydrolien assez unique en son genre. En 2017 et 2018, les deux concessions attribuées pour des fermes pilotes étaient tombées parce que les industriels n'avaient pas trouvé l'équilibre économique pour installer des hydroliennes dans le raz Blanchard . Depuis l'année dernière, un projet de reprise par le groupe Normandie Hydrolienne, adossé à un industriel britannique, Simec Atlantis Energy, qui pratique déjà l'hydrolienne au large de l'Écosse, est à l'étude. La région cherche ainsi à relancer le projet de fermes expérimentales d'hydroliennes au large du Cotentin, avec quatre hydroliennes de deux mégawatts. Mon rôle sera de surveiller les aspects concernant la sécurité maritime : les concessions avaient été attribuées pour un type d'hydroliennes et nous ne connaissons pas encore le gabarit des futures hydroliennes. Lorsque nous aurons les informations, nous les contrôlerons.