Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

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Mes chers collègues, après avoir reçu les préfets maritimes de l'Atlantique et de la Méditerranée, nous terminons notre tour d'horizon des façades métropolitaines en accueillant M. le vice-amiral d'escadre Philippe Dutrieux, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord.

La Manche concentre 20 % du trafic maritime mondial : c'est le premier passage pour les navires marchands dans le monde en tonnage et le deuxième en nombre, derrière le détroit de Malacca. Cela rend cet espace particulièrement complexe à gérer. Le trafic extrêmement dense, dans des eaux assez peu profondes et des conditions météorologiques souvent difficiles, doit franchir des passes étroites au large du Cotentin et dans le pas de Calais. Les navires de commerce cohabitent avec plus de huit cents bateaux de pêche, ainsi que ceux reliant le Royaume-Uni et l'Europe continentale. S'ajouteront prochainement des champs d'éoliennes en mer, qui pourraient constituer autant de zones de danger, notamment en cas de panne d'un navire. Il ne faut pas non plus négliger les zones côtières, puisque cinq sites nucléaires et cinquante-cinq sites Seveso y sont situés, du seul côté français. Des problématiques environnementales sont également à prendre en compte : 38 % de cet espace est constitué d'aires marines protégées.

Le Brexit, officialisé le 31 janvier dernier, risque de venir compliquer la coopération de nos forces navales avec celles des Britanniques. Le maintien de l'ordre dans cette zone maritime n'était déjà pas chose facile ; cette évolution ne peut que le rendre plus difficile encore. Outre les possibles trafics illégaux que pourrait induire la réapparition de la frontière entre le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne, la décision britannique pourrait accentuer les problèmes déjà bien réels de régulation des pêches et de lutte contre l'immigration clandestine. Concernant la pêche, les affrontements entre navires français et britanniques dans ce que les médias ont appelé la guerre de la coquille Saint-Jacques, en août 2018, nous ont démontré l'ampleur des enjeux et des tensions autour de cette question des deux côtés de la Manche. S'agissant de l'immigration, les chiffres parlent d'eux-mêmes : près de 2 500 migrants ont tenté de traverser la Manche en 2019, un chiffre qui a quadruplé par rapport à 2018.

En plus de ses fonctions civiles, le préfet maritime assure des fonctions militaires en tant que commandant de zone et d'arrondissement maritimes. Or la sécurité de la base navale de Cherbourg et de son arsenal est un enjeu d'importance, la nouvelle génération de sous‑marins nucléaires lanceurs d'engins devant être assemblée sur ces sites. Le passage dans cette zone du groupe aéronaval russe en 2016 nous a également rappelé que les menaces issues de flottes étrangères dans la Manche doivent être prises au sérieux.

Voilà, rapidement esquissé, amiral, le contexte de votre mission, dont nous sommes curieux de connaître les détails.

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le vice-amiral d'escadre Philippe Dutrieux, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Étant le troisième préfet maritime à intervenir devant vous, je ne m'étendrai pas sur l'organisation de ma fonction, qui peut sembler aussi complexe qu'elle est efficace, mais j'insisterai sur ce qui fait ses spécificités en Manche et en mer du Nord.

En tant que préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, ma zone d'action s'étend du Mont Saint‑Michel à la frontière belge. Dans ma fonction de commandant de zone maritime, ma zone de responsabilité inclut, en plus de celle de préfet maritime, la mer du Nord jusqu'à la latitude d'Aberdeen. Enfin, je suis commandant d'arrondissement maritime pour la Normandie et les Hauts‑de‑France.

Ma fonction principale est celle de préfet maritime, mais je commencerai en vous parlant de mes deux fonctions militaires. En tant que commandant d'arrondissement maritime, je suis secondé par deux commandants de la marine, l'un au Havre, l'autre à Dunkerque. Il nous appartient, dans le cadre de cette fonction, de faire connaître la marine, dans ses métiers et ses missions, d'établir des liens avec les élus, les différents représentants de la société et le monde de l'éducation nationale. Dans ce domaine, deux outils sont essentiels : les préparations militaires Marine et les classes « défense et sécurité globale ».

Le siège de la préfecture maritime est installé à Cherbourg. Avec 2 700 personnes, c'est une base de défense de dimension familiale, beaucoup plus restreinte que celles de Toulon et de Brest. Après les déflations et les restructurations de la période 2009‑2015, Cherbourg a véritablement retrouvé toute sa place, un horizon, ce qui s'est ressenti sur le moral. Des investissements financiers ont eu lieu, aussi bien dans les ressources humaines que les infrastructures.

Depuis un an et demi, le moral s'est également amélioré, principalement pour deux raisons.

La première est liée au plan famille, qui s'est appliqué de manière très concrète et très rapide, avec des initiatives et des idées ; j'associe à ce plan famille la décision du chef d'état‑major de la marine, il y a deux ans, de faire passer certains bateaux à deux équipages, ce qui est le cas à Cherbourg sur les trois patrouilleurs de service public (PSP) : c'est un réel progrès en termes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée.

La seconde tient à la fierté d'être associés à une grande aventure de la loi de programmation militaire 2019‑2025, celle des sous‑marins nucléaires d'attaque (SNA), qui naissent et terminent leur carrière à Cherbourg. C'est ainsi qu'il nous a fallu tout à la fois accueillir, en juillet dernier, le premier des SNA de la classe Rubis à être désarmé, le Saphir, ainsi que le premier des SNA du programme Barracuda, le Suffren, dont on se souvient du lancement le 12 juillet dernier, qui devait passer au bassin pour les dernières mises au point, afin d'être en mesure d'effectuer bientôt ses essais à la mer. Le challenge, particulièrement complexe, a été réussi : alors que le port de Cherbourg n'avait plus traité de matières nucléaires depuis dix ans, nous avons mené, en moins de six mois, deux opérations qui se sont parfaitement déroulées. Cherbourg a été au rendez-vous.

Ma deuxième fonction militaire est celle de commandant de zone maritime. Si je devais me comparer à mes homologues de Toulon et de Brest, ce ne serait pas à mon avantage, si je puis dire. Leurs zones maritimes, la Méditerranée et l'Atlantique, présentent des enjeux opérationnels bien plus importants qu'en Manche ou en mer du Nord, où les bateaux militaires amis ou concurrents sont essentiellement en transit ou en exercice : s'ils s'arrêtent, ce n'est jamais par provocation, mais le plus souvent pour se mettre à l'abri du Cotentin lorsque la météo est mauvaise dans le golfe de Gascogne. En revanche, il existe une menace beaucoup plus insidieuse, la menace terroriste à laquelle nous sommes particulièrement sensibilisés depuis 2015. Comme vous l'avez rappelé, Madame la présidente, il y a beaucoup de trafic de navires à passagers en Manche, des sites Seveso, qui pourraient représenter des cibles à fort potentiel médiatique, et des centrales nucléaires. Nous avons considérablement amélioré l'élaboration de l'information en amont, avec les différents services de l'État. Par ailleurs, nous pratiquons régulièrement la dissuasion, comme Toulon et Brest, en mettant à bord de certains ferries des équipes de protection de navires à passagers, pour montrer l'uniforme de gendarme maritime ou de fusilier marin. S'il devait y avoir une attaque terroriste à la mer, nous nous sommes préparés, comme Toulon et Brest en formant des fusiliers marins pour les projeter à bord, afin de stabiliser la situation avant l'intervention des forces spéciales.

Mes actions de préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord sont les mêmes que celles qui sont menées en Atlantique ou en Méditerranée, à la seule différence qu'il s'agit de ma fonction principale – elle représente de 75 à 80 % de mes activités, même si ce calcul est un peu artificiel. C'est l'intensité des opérations conduites dans le cadre de l'action de l'État en mer qui caractérise Cherbourg par rapport à Brest et Toulon. La confrontation entre le monde maritime, par définition mouvant, et celui des installations fixes, comme les champs d'éoliennes, est particulièrement aiguë en Manche. Nous n'avons pas connu d'accidents graves depuis plusieurs années, ce dont je me réjouis : de fait, si nos armateurs prennent beaucoup mieux en compte la problématique de la sécurité maritime, notre organisation en matière de surveillance et d'intervention est également efficace. J'en veux pour preuve une étude d'objectivation du risque maritime que nous avons menée avec la direction des affaires maritimes. Nous y avons repris, d'un côté, toutes les dépenses consacrées par l'État à l'organisation de son action en mer, c'est-à-dire ce qu'il dépense pour assurer la surveillance de tout ce qui se passe en Manche, par le biais des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) ou des sémaphores, et celles investies dans les moyens d'intervention – bateaux et hélicoptères ; de l'autre côté, nous avons calculé la somme que représentait le risque couvert, autrement dit, tous les préjudices évités grâce à la chaîne de surveillance et d'intervention. Le rapport est de 1 à 240 : pour 1 euro investi, 240 euros de préjudices sont couverts. En 2017, 23 millions d'euros auront été investis pour 5,5 milliards d'euros de risques couverts, accidents et préjudices divers. Ces chiffres prouvent l'efficience du dispositif : c'est finalement une assurance qu'on se paie. On peut toujours se dire qu'une assurance est superflue tant qu'on n'a pas d'accident, mais le risque existe toujours, et c'est parce que notre assurance est efficace que nous n'avons pas à faire jouer les clauses de réparation. Il serait extrêmement préjudiciable de croire, au prétexte qu'il n'y a pas d'accidents, que l'on peut baisser la garde sur l'assurance que nous nous payons.

Pour être plus efficaces, nous avons également renforcé la coopération avec nos partenaires de la façade maritime. Je rencontre régulièrement mes homologues britanniques. Nous sommes adossés à un plan de coopération, le Manche Plan, qui nous permettrait de nous assister mutuellement en cas de crise en Manche. Nous nous entretenons régulièrement avec les Belges qui mettent eux aussi en œuvre des moyens de sauvegarde. Enfin, dans le cadre de la lutte contre les pollutions, nous agissons au sein de l'accord de Bonn avec les pays de l'Europe du Nord, pour rester vigilants et pouvoir intervenir en cas de pollution.

Le bilan des activités en 2019 est assez éloquent. Nous avons mené 1 877 opérations au titre de l'action de l'État en mer, soit 30 % de plus qu'en 2018, déjà en augmentation de 12 % par rapport à 2017. Nous nous inscrivons dans une véritable dynamique du risque : une autoroute de la mer coupée par cinquante rotations de ferries par jour dans le pas de Calais. Soixante bâtiments, chimiquiers et pétroliers, qui transportent des matières dangereuses l'empruntent chaque jour; 700 à 800 bateaux de pêche la fréquentent; 130 000 bateaux de plaisance y sont immatriculés ; 700 à 800 manifestations nautiques s'y déroulent annuellement ; le taux de fréquentation touristique de la côte augmente, ce dont je me réjouis – cela nous a valu deux fois plus d'interventions en 2019 dans la zone du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Jobourg, qui va du Mont Saint-Michel au cap d'Antifer ; le développement enfin des activités économiques est continu : l'éolien, mais également tout ce qui concerne l'extension des ports maritimes, le clapage, autrement dit le rejet des produits de dragage, l'extraction des granulats marins, dans une zone resserrée où la météo est souvent défavorable. Tous les ingrédients sont réunis pour que le risque soit présent. S'y ajoute le phénomène nouveau que représentent les migrants qui traversent au niveau du pas de Calais. Nous coopérons avec la border force et veillons à ce qu'ils soient assistés. Nous nous plaçons clairement dans le cadre de l'assistance et du sauvetage, et non pas dans celui de l'interception. Il est beaucoup trop dangereux de les intercepter, alors qu'il y a des femmes, des enfants, des nouveau‑nés. Plus de 2 700 migrants ont été traités en 2019, avec malheureusement un bilan de quatre morts, qui nous rappelle que leur traversée est hautement à risque.

Face à cette dynamique du risque, nous avons renforcé les procédures. Ma crainte, je le redis, est celui d'un drame. Le centre de gravité de nos activités a été déplacé dans le pas de Calais ; nous avons adapté notre posture en matière de prévention. Nous multiplions les actions de communication et de contrôle pour éviter les accidents. Parallèlement aux procédures, nous avons également adapté nos moyens : nos PSP (patrouilleur de service public) sont en train de passer à deux équipages, ce qui permettra d'effectuer plus de jours de mer. Le premier PSP est déjà dans ce cas, le deuxième le sera à l'été et le troisième, à l'été 2021. Un peloton de sécurité maritime et portuaire a été créé l'été dernier à Calais ; il a pour vocation de protéger les infrastructures maritimes du port, mais également le trafic, et constitue un outil supplémentaire à la main du préfet maritime pour intervenir dans le détroit du pas de Calais. À Cherbourg, un nouveau bâtiment de soutien, d'assistance et de dépollution (BSAD) a été affrété au 1er janvier 2020, l' Argonaute, qui fournit une vraie capacité en matière de lutte contre les pollutions, si nous devions avoir un accident avec épandage de polluants ou d'hydrocarbures en Manche.

Le préfet maritime s'adosse par ailleurs à la fonction garde‑côtes, laquelle lui offre un réservoir de moyens et de compétences. Si l'ossature de cette fonction est constituée par les moyens de la marine nationale et de la gendarmerie maritime, qui dispose aussi de deux patrouilleurs et de plusieurs vedettes, il peut aussi compter sur les patrouilleurs de la douane et des affaires maritimes, sur les moyens de la protection civile et, bien entendu, ceux de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui sont impliqués dans environ 50 % des opérations que nous menons en Manche et mer du Nord. Tous ces moyens sont extrêmement efficaces et précieux. J'ai d'ailleurs remis, en octobre dernier, des lettres de félicitations à des patrouilleurs de la douane, ainsi qu'à une station de la SNSM pour leur action dans des conditions difficiles. Rappelons également que 20 % de nos opérations sont effectuées grâce à des moyens privés – plaisanciers, pêcheurs, bateaux marchands.

Au‑delà de la gestion des incidents, le préfet maritime est associé à la gouvernance des activités en Manche. Je la partage avec le préfet de la région Normandie, puisque nous sommes tous les deux préfets coordonnateurs de façade. Deux tendances fortes se dégagent à l'heure actuelle : le défi écologique et environnemental, d'une part, auquel j'associe la préservation des ressources en Manche et la pêche ; la conciliation des usages d'autre part. S'agissant de la pêche, il n'est pas dans mes prérogatives de réglementer ni de fixer des objectifs. Cela relève du ministère de l'Agriculture et, localement, du préfet de région, qui agit par le biais de la direction interrégionale de la mer, et dont les moyens sont coordonnés par le CROSS Étel, le centre national de surveillance des pêches maritimes. Néanmoins, cela me concerne dans la mesure où la pêche subit en ce moment l'effet de politiques ambitieuses du Gouvernement, qui procèdent par restriction des usages en développant l'éolien et les aires marines protégées, dans un contexte rendu flou par le Brexit. Face à ces contraintes, le monde de la pêche pourrait faire montre d'un mécontentement, qui risquerait de se traduire par des problématiques de sécurité maritime ou d'ordre public, lesquelles me concerneraient directement.

Comme vous l'avez rappelé, Madame la présidente, 38 % de la surface de la Manche côté français est couverte par des aires marines protégées, ce qui exige du préfet maritime un vrai travail de conciliation des usages et d'adaptation de la gouvernance. Il faut préserver un équilibre harmonieux entre les préoccupations écologiques et socio‑économiques, qui, seul, permettra d'instaurer une réglementation acceptée et efficace. Cet objectif est réaliste. Il y a un parc naturel marin et quarante-sept zones Natura 2000 en Manche et nous commençons à mettre en œuvre une réglementation avec des objectifs effectifs dans certaines aires marines protégées. Mais, dans la mesure où il suppose une concertation, le processus est long. C'est le prix à payer pour obtenir des effets concrets.

Nous avons franchi un pas important en 2019 avec la production de la première partie d'un document stratégique de façade, qui fixe des objectifs en matière environnementale et d'usages à l'horizon de 2030 et dresse un état des lieux de la façade. En 2020, nous allons continuer le travail afin d'établir des plans d'action, ainsi que des indicateurs de suivi. Il ne faut pas brider le développement économique ou touristique, mais l'inscrire dans une exploitation durable de la façade. La conciliation raisonnée entre les usages, doublée de mesures permettant d'atteindre le bon état écologique du milieu marin, est fondamentale pour que tout se passe dans la bonne entente et le respect de la sécurité, de la sûreté et de l'ordre public en Manche et en mer du Nord.

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Merci, amiral. L'affluence ce matin démontre l'intérêt que nos collègues portent à vos propos !

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Amiral, vous avez un très beau territoire, ne serait-ce qu'avec le Mont Saint-Michel, qui est bien en Normandie, rappelons-le. (Sourires.) Il y a deux semaines, nous avons reçu le secrétaire général de la mer, qui m'avait indiqué que vous seriez à même de répondre précisément à mes questions.

Tout d'abord, quels sont les moyens engagés et surtout les moyens légaux pour lutter contre la pêche électrique et pour prévenir la surpêche des gros porteurs venus du Nord ?

Ensuite, à l'heure du Brexit, quels sont les moyens utilisés et dédiés à la prévention de la pêche illégale de la coquille Saint-Jacques en baie de Seine pratiquée par nos amis anglais, qui viennent piller les stocks que les marins français ont constitués depuis tant d'années ?

Par ailleurs, concernant l'émigration – et non l'immigration, car ces migrants ne veulent pas rester en France –, vous avez évoqué ceux qui ont tenté la traversée : quelle distinction faites-vous entre les ferries et les petites embarcations que les migrants prennent dans les ports ou que des passeurs leur fournissent ?

Enfin, vous avez indiqué qu'en cas d'attaque terroriste, vous interviendriez avec des moyens partant de Cherbourg. La zone que vous couvrez s'étend du Mont Saint-Michel et de Cherbourg à Calais, et concerne tout le trafic transmanche : quel serait votre temps de réaction en cas d'attaque terroriste visant un ferry, sachant que, le temps que la riposte ait lieu, le massacre se poursuivra ?

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L'année 2020 marque le vingtième anniversaire du naufrage du chimiquier Ievoli Sun, un an après le naufrage de l' Erika qui, lui, contenait des hydrocarbures – rappelons que la pollution par les produits chimiques est bien plus dangereuse que celle provoquée par les hydrocarbures. Vingt ans après, comment tout cela a-t-il évolué ? A-t-on connaissance des cargaisons des navires ? Si demain se présente un autre Ievoli Sun, comment réagirez-vous, et avec quels moyens particuliers ?

Actuellement a lieu le débat public sur le parc éolien en mer qui sera prochainement implanté en Normandie. Cela relève-t-il de votre compétence de préfet maritime ? Comment avez-vous participé à la concertation dans le cadre de ce débat public ? Il faut trouver 300 kilomètres carrés – ce n'est pas rien ! – pour ces espaces dévolus aux énergies marines renouvelables, dites EMR. Plus largement, pouvez-vous nous donner votre sentiment sur le partage des usages en mer, qui provoque conflits et crispations ?

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Pendant les deux guerres mondiales, les Alliés ont volontairement coulé de très nombreux navires transportant plusieurs millions de tonnes d'armes chimiques – gaz moutarde, munitions au chlore, armes conventionnelles. Ces armes et munitions se trouvent encore au fond de la mer du Nord et de la Baltique. Sur terre, le déminage des bombes enfouies est régulièrement pris en charge par l'État mais les armes restées au fond de la mer ne semblent pas recevoir le même traitement. La pollution est déjà réelle et des risques majeurs sont à craindre du fait de la corrosion. Les pays voisins comme la Belgique, conscients du danger, travaillent sur les solutions à apporter. Les autorités françaises ont-elles pris la mesure de ce risque majeur ?

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La Manche est un secteur maritime à l'activité particulièrement dense dans une zone resserrée, aux contraintes climatiques et géographiques importantes. Mais la Manche est aussi la frontière naturelle avec le Royaume-Uni, pays qui, le 31 janvier, a quitté l'Union européenne. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les conséquences du Brexit sur l'action de l'État en mer dans cette zone maritime ?

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Mardi, un petit aéronef s'est abîmé à environ deux kilomètres au nord-ouest de Fécamp. Un hélicoptère de l'armée de l'air belge s'est engagé aux côtés du Dauphin de la marine nationale pour effectuer les recherches – j'ai bien sûr une pensée particulière pour les victimes. Pouvez-vous nous expliquer comment s'organise cette coopération entre deux États voisins, membres de l'Union européenne ? Pensez-vous qu'elle soit suffisante ou devrait-elle être renforcée, notamment au regard de la multiplication des tempêtes, qui peut entraîner des interventions de recherche et de sauvetage en mer de plus en plus nombreuses ?

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Je souhaite revenir sur les hydroliennes en Manche. Pourriez-vous nous dire si, en tant que préfet maritime, vous avez un rôle à jouer dans le développement des énergies marines ?

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Amiral Philippe Dutrieux

Monsieur Blanchet, la réglementation concernant la pêche électrique a évolué récemment : le droit français l'interdit désormais. Si des bateaux pratiquant une telle pêche revenaient dans notre zone, nous les contrôlerions et nous leur donnerions les avertissements ou les amendes qui conviennent.

Concernant les navires usines, cette pêche est autorisée par l'Union européenne dans la limite des taux autorisés de capture (TAC). Je comprends la colère que peuvent ressentir nos amis pêcheurs ; il n'empêche que cette pêche est autorisée. Mais nous les contrôlons : il y a quelques années, un patrouilleur des affaires maritimes a dressé des procès-verbaux à un bateau en infraction et des amendes élevées ont été appliquées.

S'agissant de la coquille Saint-Jacques, une échauffourée a eu lieu, fin août 2018, entre pêcheurs britanniques et français. Là encore, je comprends la colère de nos amis pêcheurs ; il s'avère que le droit, à défaut d'un peu de bon sens, était du côté des Britanniques. Nous sommes toutefois intervenus avec un patrouilleur de la gendarmerie maritime, cette scène s'étant reproduite au mois d'octobre. La pêche à la coquille en France est extrêmement raisonnée, raisonnable et durable. Ce que l'Union européenne n'impose pas – ce qui explique que les bateaux britanniques aient le droit de venir pêcher en baie de Seine –, la France se l'est imposé en ouvrant des carreaux dans lesquels les coquillards français sont autorisés à pêcher, lesquels se rapprochent de la côte au fur et à mesure que la fin de l'année approche, dans une logique également économique, afin que le marché ne s'effondre pas en fin de saison. Cette pêche est extrêmement durable côté français, un peu plus libre côté britannique, et nous devons faire respecter le droit. Dans sa mer territoriale en revanche, la France peut parfaitement décider qui vient faire des captures dans les zones de pêche.

Le Brexit ne changera pas grand-chose aux migrations. C'est un argument des passeurs que de dire à tous ces migrants qui quittent le territoire français pour se rendre au Royaume-Uni de se dépêcher. Ces filières mafieuses qui les poussent à partir dans des conditions criminelles se moquent éperdument de leur survie : ce qui les intéresse, c'est le ticket de passage. Le Brexit n'y changera rien : ce n'est qu'un argument de vente. Nous avons d'excellentes relations avec les Britanniques, qui financent une partie des mesures prises à terre pour contenir les départs ; ils financent même une partie des équipements permettant à la Marine nationale d'être plus efficace dans la détection en mer, mais toujours dans le cadre du sauvetage. Quant au lien entre ferries et embarcations légères, il tient tout simplement au fait que les zones d'embarquement des ferries ont été extrêmement bien sécurisées : alors qu'il était relativement facile pour les migrants d'y pénétrer il y a quelques années, cela est devenu très compliqué. Cette complexité a conduit à la diffusion de ce phénomène sur les plages avec l'utilisation, extrêmement dangereuse, d'embarcations légères.

Concernant le terrorisme, nous serions en effet plus efficaces si l'attaque se produisait au large du Cotentin. Il faudra de toute façon tenir compte du temps de transit de l'hélicoptère qui met une heure et quart à une heure et demie pour se rendre dans le pas de Calais : ce temps est incompressible. Il nous faut un hélicoptère de moyen tonnage de type NH90 car il doit être capable d'emporter une équipe d'au moins six personnes ; il se trouve à Maupertus. L'hélicoptère de la Marine nationale basé au Touquet est beaucoup plus léger.

Monsieur Le Gac, nous sommes bien conscients du risque chimique ; l'accident du Grande America nous l'a rappelé. Je vous renvoie donc à mon homologue de l'Atlantique parce que c'est un risque auquel il a déjà été confronté. Il y avait dans les containers à bord du Grande America des composants chimiques, de l'acide notamment. Si nous maîtrisons maintenant assez bien la pollution aux hydrocarbures, c'est beaucoup plus compliqué avec les composants chimiques parce qu'ils peuvent réagir différemment dans l'eau. Comment se diffusent-ils ? À partir de quel taux de dilution y a-t-il danger ou non ? Des études doivent encore être menées dans ce domaine complexe.

Vous m'avez posé une question sur l'appel d'offres n° 4 pour le nouveau parc éolien en Manche. C'est la commission particulière du débat public qui organise le débat et elle est assez jalouse de son indépendance, même si nous l'épaulons. En parallèle, le conseil maritime de façade, instance copilotée par le préfet de la région Normandie et moi-même, interrogera des experts par le biais de sa commission permanente. Nous verrons ensuite comment les réponses obtenues, qui ne seront pas forcément en phase entre elles, seront prises en compte pour décider du lieu d'implantation du parc éolien.

La conciliation des usages en mer est un des enjeux du document stratégique de façade. Si nous voulons organiser une planification de l'espace maritime en Manche et mer du Nord, nous voulons absolument éviter un cadastrage de la mer car le monde maritime est mouvant : ce qui est vrai une année ne le sera peut-être plus cinq ans plus tard. Nous réviserons régulièrement le document stratégique de façade en fonction des évolutions constatées – le Brexit peut jouer un rôle, de même que l'évolution de l'environnement, du climat ou des espèces halieutiques.

Madame Dubois, le sujet des armes chimiques a fait l'actualité après la diffusion d'un reportage sur la Baltique montrant des armes chimiques dans un état de dégradation avancé et laissant filtrer des produits chimiques, notamment de l'ypérite, avec lesquels des pêcheurs se sont brûlés. Nous n'avons pas du tout ce genre de phénomène en Manche. Mais le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale s'intéresse au sujet ; nous procédons à des études, à partir de documents historiques, pour localiser les sites car les deux guerres mondiales ont laissé leurs stigmates au fond de la Manche : il y reste énormément de bombes et de mines. Nous n'avons pas à ce stade identifié d'armements chimiques.

Nous procédons en revanche très régulièrement, avec le groupement des plongeurs démineurs (GPD) de la Manche ainsi que des chasseurs de mines basés à Cherbourg, à des campagnes de détection et de neutralisation d'engins explosifs. Nous agissons systématiquement pour neutraliser les bombes et les mines sur découverte d'opportunités, lorsque des pêcheurs remontent des mines dans leurs filets, lorsque nous faisons des dragages pour agrandir un port, ou encore lorsque des engins sont découverts sur l'estran au moment des grandes marées. Nous agissons soit par « missions route », le GPD partant de Cherbourg pour neutraliser l'engin, soit par projection à bord d'un bateau de pêche pour neutraliser une bombe qu'il aurait récupérée. En revanche, nous ne traitons pas les stocks de munitions. Ceux-ci sont repérés sur des cartes avec des interdictions de pêcher ou de mouiller. Ils ne représentent pas de danger particulier dès lors que l'on respecte la réglementation. À l'inverse, tout ce qui est découvert au hasard des activités est neutralisé parce que cela représente un danger pour la vie humaine.

Précisons que les engins que nous remontons, que ce soit des bombes ou des mines, ne sont pas dans l'état de dégradation décrit dans le fameux reportage que j'évoquais : les corps des bombes sont rouillés, certes, mais ils sont encore intègres et le produit actif ne fuit pas. À titre d'illustration, nous avons neutralisé dix-neuf tonnes d'équivalent TNT en 2019 sur la façade Manche ; nous en traitons chaque année entre vingt et trente tonnes, et nous en avons encore pour des décennies.

Monsieur Cubertafon, vous m'avez interrogé sur les conséquences du Brexit pour l'action de l'État en mer : il ne devrait pas y en avoir, du moins en termes d'organisation, puisque l'action de l'État en mer est adossée soit à des traités internationaux – l'Union européenne n'intervient pas là-dedans –, soit à des accords bilatéraux, comme le Manche Plan dont je parlais tout à l'heure, qui ne sera absolument pas remis en question. Quant au pas de Calais, il s'agit d'un détroit international : sa réglementation est adossée à une réglementation internationale de l'Organisation maritime internationale, et cela ne devrait pas changer.

Monsieur Favennec Becot, un avion s'est en effet abîmé hier au large de Fécamp. Nous sommes intervenus car nous avons été prévenus rapidement, l'avion ayant été vu au moment où il s'est crashé. Immédiatement, le CROSS Gris-Nez a été alerté : il a fait intervenir la SNSM, un zodiac et l'hélicoptère Dauphin de la Marine nationale basé au Touquet. Pour prendre la relève du Dauphin, qui devait aller ravitailler, nous avons sollicité le NH90 des Belges, lequel a poursuivi les recherches. Ce matin, nous avons fait redécoller l'hélicoptère du Touquet car des débris de l'engin ont été aperçus ; mais nous n'avons pas encore retrouvé le corps du pilote. La coopération avec les Britanniques – nous faisons intervenir de temps en temps un hélicoptère des Coastguards – et avec les Belges est bonne et se fait d'une manière tout à fait continue. Il existe également des accords de soutien mutuel entre le CROSS Gris-Nez et le MRCC (Maritime rescue coordination centre) de Douvres. Notre organisation actuelle nous donne toute la souplesse requise et ne pose aucune difficulté : pour moi, tout fonctionne bien.

Monsieur Lachaud, vous avez évoqué les hydroliennes en mer : effectivement les courants au large du Cotentin, d'une vitesse d'environ dix nœuds, sont parmi les plus forts au monde. C'est un potentiel hydrolien assez unique en son genre. En 2017 et 2018, les deux concessions attribuées pour des fermes pilotes étaient tombées parce que les industriels n'avaient pas trouvé l'équilibre économique pour installer des hydroliennes dans le raz Blanchard . Depuis l'année dernière, un projet de reprise par le groupe Normandie Hydrolienne, adossé à un industriel britannique, Simec Atlantis Energy, qui pratique déjà l'hydrolienne au large de l'Écosse, est à l'étude. La région cherche ainsi à relancer le projet de fermes expérimentales d'hydroliennes au large du Cotentin, avec quatre hydroliennes de deux mégawatts. Mon rôle sera de surveiller les aspects concernant la sécurité maritime : les concessions avaient été attribuées pour un type d'hydroliennes et nous ne connaissons pas encore le gabarit des futures hydroliennes. Lorsque nous aurons les informations, nous les contrôlerons.

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L'action de l'État en mer assure, entre autres, la surveillance maritime des câbles sous-marins, qui sont stratégiques pour la plupart des communications mondiales. Notre zone maritime voit passer un transit important de navires militaires non occidentaux – je pense aux Russes mais aussi, parfois, semble-t-il, aux Chinois. Lors d'une audition menée dans le cadre du dernier rapport pour avis sur le budget de la Marine à Cherbourg, vous m'aviez indiqué que ces mouvements de navires militaires se limitaient pour l'instant à des manœuvres habituelles. Vous aviez précisé qu'il fallait y faire tout de même attention car la densité des câbles dans la zone est très importante. Ma question est simple : pouvez-vous nous faire un bilan de la surveillance maritime des câbles sous-marins dans votre zone pour 2019 ?

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Amiral, je voulais vous interroger sur différents dispositifs, notamment ORSEC pour la sécurité civile, POLMAR pour la pollution maritime, ou encore la politique des pêches. Différents moyens existent : trois patrouilleurs de service public, deux patrouilleurs côtiers de gendarmerie maritime, quatre vedettes côtières de gendarmerie maritime, des brigades de surveillance du littoral, des aéronefs. Ma question porte sur la coordination de ces différents moyens : une cellule de crise se met-elle en place systématiquement en cas d'alerte, ou bien disposez-vous d'un pouvoir de coordination pour réagir dans un délai rapide ?

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Je voudrais revenir sur la question de la sécurité, en particulier du risque terroriste. Je voudrais mettre vos actions et vos missions en rapport avec le continuum de sécurité. Le livre blanc est en cours de rédaction et sera complété. J'aimerais savoir si vous y avez été associé dans le but d'intégrer vos missions dans ce continuum de sécurité concernant le risque terroriste mais aussi d'autres menaces – on parle beaucoup en ce moment du risque sanitaire, avec le coronavirus.

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Amiral, vous avez mentionné Cherbourg comme zone opérationnelle de lutte contre les attaques terroristes. Pourriez-vous me donner quelques informations concernant l'exercice TERRAPIN 20 ? Avez-vous déjà tiré des enseignements concernant l'interconnexion des dispositifs français et anglais ?

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Ma question concerne la guerre des mines. Lorsque j'étais officier sur un chasseur de mines, il y a vingt-cinq ans, nous pétaradions régulièrement des mines en Manche et en mer du Nord : c'était un entraînement formidable. Procède-t-on à autant de pétaradages qu'à cette époque ?

Cela pose la question de l'anticipation de la menace dans ces autoroutes maritimes : pensez-vous qu'il existe un risque terroriste et que des mines modernes pourraient être lâchées dans ces détroits, avec toutes les conséquences que cela impliquerait pour le trafic maritime commercial ou de passagers ?

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Un homme célèbre aurait dit un jour que la grandeur s'accompagne toujours de simplicité : c'est exactement ce que je pensais en vous écoutant, amiral ! Vous avez remarquablement balayé l'ensemble des problèmes de votre zone de compétence. De plus, je vous ai trouvé, ce qui est rare par les temps qui courent, modeste à l'égard de vos collègues : vous n'avez pourtant rien à leur envier.

Vous avez évoqué l'autoroute de la mer – c'est une affaire qui me tient très à cœur – et vous dites que le trafic incessant entre le Royaume-Uni et nos côtes pourrait être de nature à y perturber la circulation. Pensez-vous que le défi de l'organisation de l'autoroute de la mer peut être relevé ?

J'ai apprécié votre réponse à propos des sujets de sa gracieuse Majesté : nous allons vivre une phase nouvelle, parce que nul n'ignore le rôle que nos deux grands pays ont joué tout au long des siècles. Ils vont devoir apprendre à vivre côte à côte. Des simulations ont-elles été réalisées sur les problèmes ou les tensions, un peu plus complexes que d'habitude, qui pourraient surgir ?

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Dans un contexte où les tempêtes sont de plus en plus fortes et où vos actions de sauvetage, de surveillance ou de déminage de plus en plus nombreuses, estimez-vous que l'usage des drones – marins, aériens, voire sous-marins – pourrait utilement compléter les outils dont vous disposez ?

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Amiral Philippe Dutrieux

Monsieur Marilossian, lors de notre rencontre à Cherbourg l'été dernier, je vous avais parlé des câbles sous-marins. L'activité russe dans la zone est relativement modérée depuis deux ans, après un pic dans les années 2016 et 2017. Actuellement, ce sont une trentaine ou une quarantaine de bateaux qui passent et que nous surveillons, y compris lorsqu'ils mouillent. Après qu'ils ont appareillé, nous organisons régulièrement des contrôles des sites sur lesquels ils ont mouillé sans avoir jusqu'à présent identifié de traces inquiétantes. Je n'ai donc jusqu'à présent jamais eu à tirer de signal d'alerte.

Monsieur Chassaigne, en termes de coordination des moyens et de réaction face à une situation de crise, nous disposons de dispositifs ORSEC standardisés, conçus pour se coordonner avec ceux des préfets de département, de manière à ce que nous puissions discuter et à ce que la montée en puissance d'un dispositif ORSEC maritime n'entraîne pas systématiquement la montée en puissance d'un dispositif ORSEC terrestre ; si ce dernier doit monter en puissance, il doit pouvoir le faire de manière coordonnée.

Pour les cas d'accident sur un navire nécessitant une assistance en mer, il faut savoir que nous sommes en permanence au niveau ORSEC 1, ce qui signifie que les alertes sont tenues ; nous pouvons ensuite passer en ORSEC 2 et en ORSEC 3, pour lequel nous mobilisons une équipe de gestion de crise, qui sera localisée à la préfecture maritime. En parallèle, une équipe de gestion de l'intervention sera positionnée au sein du centre opérationnel concerné par l'opération (CROSS ou COM). Ainsi, dans une intervention standard, la coordination tactique des moyens sera menée par l'équipe de gestion de l'intervention, avec un commandant tactique sur zone, qui est la plupart du temps un commandant de bateau, tandis que l'équipe de gestion de crise, en préfecture maritime, a pour mission de dégager l'équipe de gestion d'intervention de tout ce qui relève de la pression médiatique, de la coordination avec les organismes centraux parisiens ou de la sollicitation des renforts, en fonction des demandes de l'équipe de gestion de l'intervention.

Cette structure monte en puissance en fonction de l'événement, et nous déroulons régulièrement des exercices, notamment deux exercices de grande ampleur que nous devons effectuer chaque année pour activer l'ensemble de la chaîne. Pour ma part, j'assume les fonctions de directeur des opérations de secours (DOS).

Monsieur Baudu, le continuum entre sécurité intérieure et sécurité maritime correspond au continuum terre-mer sur lequel nous travaillons en permanence, à l'occasion de tous nos exercices mais également dans le cadre des relations que j'ai souhaité renforcer avec toutes les forces de sécurité intérieure. C'est souvent sous la pression de l'événement qu'on renforce ces coopérations ; et cet événement, au cours de ces derniers mois, s'est surtout matérialisé dans la question migratoire et tous ces migrants qui veulent quitter le territoire français. J'ai été personnellement à maintes reprises, parfois la nuit, en relation avec le préfet du Pas-de-Calais pour échanger sur ce qui ce qui se passait de son côté, à terre, et du mien, sur mer.

Ce continuum entre terre et mer, entre les opérations maritimes et les opérations intérieures, je le vis donc au quotidien et il ne me pose guère de difficulté. J'imagine que les retours d'expérience qui en découlent doivent innerver les réflexions actuelles menées dans le cadre de l'élaboration du livre blanc sur la sécurité intérieure.

Quoi qu'il en soit, sur le terrain, la pression de l'événement nous oblige à nous mettre en ordre de bataille, ce à quoi nous parvenons, même si les débuts sont toujours marqués par des tâtonnements. Mais, lorsqu'on partage un intérêt commun, il n'y a pas de place pour les états d'âme, c'est toujours l'intérêt collectif qui prévaut.

Madame Bono-Vandorme, l'exercice TERRAPIN s'est bien déroulé, et je suis très heureux que vous l'ayez suivi. Il a été riche en retours d'expérience, parce que nous avons activé des cellules de gestion de crise et de gestion de l'événement à tous les niveaux. Rien que le fait d'identifier les correspondants est une chose qui n'est pas forcément évidente, mais nous y sommes parvenus.

Nous prévoyons à l'automne un exercice Antifer, au large de la Seine-Maritime, et nous comptons y associer les Britanniques, de manière à pouvoir voir jusqu'à quel point ils sont prêts à participer. L'une de nos préoccupations majeures est de pouvoir, en cas de crise terroriste en Manche, agir de concert avec nos partenaires britanniques, dans la mesure où nos intérêts sont mêlés, qu'il s'agisse d'un navire britannique ou français, dans les eaux britanniques ou françaises, transportant des passagers de l'une ou l'autre nationalité. Compte tenu de cette imbrication, il est indispensable que nous puissions nous préparer et être prêts à décider qui prendra le lead d'une éventuelle opération.

Monsieur Thiériot, je ne saurais vous dire si l'on démine plus aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans, mais je peux vous dire qu'on démine beaucoup – on démine probablement davantage parce que, même si le stock diminue heureusement, année après année, au fil des neutralisations, nos moyens actuels de détection sont assez performants pour nous donner une meilleure cartographie des fonds, d'autant que les travaux auxquels vous avez participé il y a vingt-cinq ans ont contribué à améliorer notre connaissance de ces fonds. Quoi qu'il en soit, ce sont entre vingt et trente tonnes d'équivalent TNT qui sont neutralisées, chaque année.

Quant au risque terroriste, jamais je ne prétendrai qu'il n'existe pas dans un détroit comme celui du pas de Calais. C'est un détroit évidemment extrêmement surveillé, et y mouiller des mines implique d'avoir un comportement qui ne manquerait pas d'attirer notre attention ; j'espère donc que nous le détecterions. Mais la mine, c'est l'arme du pauvre : on peut même prétendre qu'on a miné un lieu sans l'avoir fait, ce qui déclenchera quand même de longues opérations de recherche qui peuvent paralyser le trafic maritime pour un moment.

Monsieur Lassalle. Je vous remercie pour les mots que vous avez eus à mon endroit. Le pas de Calais est en effet une véritable autoroute de la mer ; c'est même un croisement d'autoroutes, mais sans carrefour aménagé… D'où la difficulté. Aucune autre organisation que celle qui existe n'est envisagée, le principe, en mer, étant celui de la liberté de navigation.

J'ai beaucoup d'admiration pour les commandants de ferries qui traversent la Manche et organisent eux-mêmes leur anticollision. Ce sont de grands professionnels, puisqu'il n'y a pas eu d'accidents impliquant des ferries ces dernières années. Or, à mes yeux, lorsqu'il y a du vent, chaque opération d'appareillage ou d'accostage d'un ferry est une opération qui vaut largement un appontage ou un décollage depuis un porte-avions.

Pour ce qui concerne le Brexit, je sors un peu de mon périmètre de responsabilités, mais je sais que des simulations ont été faites à terre dans l'hypothèse d'un Brexit nécessitant des contrôles. C'est le préfet du Nord, préfet de la région Hauts-de-France qui a été mandaté pour évaluer la situation dans les grands ports ; mais, à ma connaissance, les dispositions ont été prises pour que le trafic soit le plus fluide possible, quand bien même il faudrait mettre en place des contrôles douaniers et, surtout, des contrôles sanitaires.

Monsieur Jacques, oui, il nous faut des drones et même, comme l'a dit le chef d'état-major de la Marine, un drone par bateau. Cela donne une allonge considérable aux bateaux en termes de surveillance et permet des économies par ailleurs : actuellement, pour un migrant signalé en difficulté, il faut parfois faire voler un hélicoptère. Ce dernier reste indispensable pour treuiller s'il n'y a pas de moyens nautiques sur zone mais, dans le cas contraire, un drone pourrait suffire, ce qui éviterait de faire voler nos hélicoptères. Si les cinq patrouilleurs de la Marine nationale ou de la gendarmerie maritime positionnés dans la Manche disposaient chacun d'un drone, ils seraient autrement plus performants en termes de couverture de zone. Les drones sont donc bien les outils dont il faut désormais doter nos capacités navales et même nos sémaphores, pour leur donner une allonge supplémentaire.

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Ma première question concerne l'économie de la pêche. Disposez-vous de statistiques sur l'évolution du nombre de bateaux de pêche français, les effectifs employés et le tonnage des prises ?

Quels sont ensuite vos moyens de remorquage lourds pour les cas de navires pétroliers à la dérive ?

En troisième lieu, quel rôle jouent les satellites d'observation dans la surveillance de la zone et du trafic ?

Enfin, comment voyez-vous évoluer les recrutements dans la marine nationale ? Les candidatures sont-elles en augmentation ? Qu'en est-il, en parallèle, du renouvellement des contrats et de la fidélisation ?

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Une négociation est en cours entre l'Europe et le Royaume-Uni, qui se sont engagés à trouver un accord d'ici le 31 décembre, notamment sur les quotas de pêche, le contrôle, la reconstitution des stocks de poissons et l'accès à la mer. Pourriez-vous nous préciser la manière dont sont assurés aujourd'hui la surveillance et le contrôle de la pêche et comment vous envisagez l'évolution de ces missions ?

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Pourriez-vous nous donner des précisions sur la nature de la pollution à laquelle vous êtes le plus confronté et contre laquelle vous pouvez agir ? Avez-vous des statistiques ? Disposez-vous dans ce domaine de suffisamment de moyens ou vous en faut-il davantage ? Comment, enfin, travaillez-vous avec les autres pays de la zone ?

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En matière de pression migratoire le long de la Manche, on évoque souvent les cas de Calais et Dunkerque, mais les Normands s'inquiètent de la zone de Ouistreham ; comment analysez-vous la situation autour de ce point sensible ?

De plus en plus de migrants, venus notamment d'Irak, veulent à tout prix aller en Angleterre, par tous les moyens possibles, et certains n'hésitent pas à entreprendre la traversée de la Manche dans de petites embarcations. Pouvez-vous nous dire combien de ces petites embarcations vous avez interceptées en 2019 ? J'ignore le nombre de migrants qui parviennent malgré tout à gagner l'Angleterre et dans quelles conditions : disposent-ils de complices, et est-ce grâce aux passeurs qu'ils y parviennent ?

Selon vous, que doit-on faire, sachant qu'il est compliqué de renvoyer un Kurde ou un Afghan dans son pays d'origine ? Certains d'entre eux sont pris en charge par les ONG, mais j'ai du mal à voir quelle peut être l'issue de cette situation.

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Amiral, je tenais vivement à vous remercier, ainsi que M. le préfet de région, Pierre-André Durand, des moyens que vous avez déployés depuis hier pour rechercher l'avion qui s'est crashé. L'aérodrome d'où il avait décollé est à cinq minutes de chez moi, mon fils y vole, je connais très bien le pilote disparu et je suis donc très affectée. Je tenais à vous dire que le club aéronautique auquel il appartient est connu pour son sérieux ; il accueille et forme beaucoup de jeunes pilotes. Les membres de son bureau du club ont été particulièrement touchés par votre mobilisation.

Ma question, elle porte sur l'Eure, point d'entrée de la Normandie. Comme vous l'avez indiqué dans votre propos liminaire, vous avez renforcé le contrôle des façades maritimes pour empêcher le passage des migrants vers l'Angleterre. La conséquence en est qu'on en retrouve de plus en plus souvent sur les terres rurales de ma circonscription, où ils tentent souvent de s'introduire dans les poids lourds stationnés sur les aires de repos. Pour avoir suivi les gendarmes, j'ai pu constater qu'ils étaient confrontés à des problèmes difficiles à résoudre dans les territoires ruraux : que faire en effet, lorsqu'on appréhende une dizaine d'individus mais qu'on ne dispose pas de cellule pour plus de deux personnes ? Nous sommes obligés dans ces circonstances de mettre en branle toute une chaîne, qui passe par la préfecture et se doit d'être très réactive. Comment et dans quelle mesure coopérez-vous avec les gendarmes dans la gestion des migrants ?

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Je souhaiterais savoir si vos moyens en Manche et en mer du Nord sont suffisants. Vous nous avez parlé du doublement des effectifs, mais l'état de santé et la disponibilité de vos bâtiments suit-elle cet accroissement des équipages ? De même, l'état de santé et la disponibilité des NH90 et des Dauphin vous permettent-ils de pouvoir intervenir n'importe quand ?

En ce qui concerne les éoliennes en Manche, en particulier le parc en face de Fécamp, que pensez-vous de la manière dont les études d'impact ont pris en compte à la fois la pollution pyrotechnique des sols et les incidences sur la sécurité de la navigation dans cette zone, à mi-chemin entre Dunkerque et Cherbourg ?

Enfin, les moyens POLMAR lourds qui devaient être centralisés à Brest sont pour l'heure répartis entre Le Havre et d'autres ports. Savez-vous si la centralisation à Brest est toujours envisagée ou s'ils vont rester là où ils sont, sachant qu'au moment de la catastrophe de Lubrizol, la mobilisation de ces moyens, situés à proximité, a permis d'éviter une pollution majeure de la Seine, ce qui n'aurait pas été possible s'ils avaient été positionnés beaucoup plus loin ?

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Le système d'identification automatique (AIS) permet l'échange de données entre navires mais également entre navires et autorités maritimes. Rendu obligatoire par l'Organisation maritime internationale, il était initialement destiné à aider les navires à éviter les collisions, et les autorités portuaires et maritimes à surveiller la circulation et à assurer un meilleur contrôle de la mer. Il permet de connaître le type du navire, sa position, la nature, voire la dangerosité de sa cargaison, tout en aidant à anticiper ses mouvements.

L'immigration clandestine, la contrebande, la pêche illégale, le rejet des déchets d'hydrocarbures pourraient ainsi être rapidement repérés, mais j'imagine que les bateaux dans l'illégalité coupent leur transpondeur. Que pouvez-vous nous dire des limites de ce système, et existe-t-il des possibilités techniques pour tracer les bâtiments qui ont éteint leur transpondeur ?

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Vous avez dit que le Brexit n'aurait que peu d'incidences en matière de coopération sur les questions migratoires. Pensez-vous que nous devons nous attendre à une nouvelle augmentation des flux ? La lutte contre les mafias de passeurs produit-elle des résultats suffisants pour enrayer cette dynamique ?

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Amiral Philippe Dutrieux

Monsieur de la Verpillière, notre façade maritime, particulièrement riche en ressources halieutiques, se caractérise également par un important développement de la pêche. Celle-ci est pour une grande part le fait de petits bateaux : 70 % font moins de douze mètres. Mais nous avons également une quarantaine d'unités qui pratiquent la pêche au large ou la grande pêche et qui seraient donc les premiers pénalisés si la zone économique exclusive britannique venait à se fermer – ce que, bien entendu, je ne souhaite pas.

Il y a, de mémoire, entre 2 500 et 3 000 pêcheurs sur notre façade, pour une activité économique qui, de mémoire encore, se monte à 240 millions d'euros environ pour la pêche sur la façade. Mais il faut également ajouter à cela toute la filière de traitement du poisson, notamment à Boulogne, premier port de pêche du pays, qui abrite un des plus importantes criées et des entreprises de retraitement, où sont débarquées environ 50 000 tonnes de poissons chaque année, dont une partie en provenance du Royaume-Uni. J'espère donc que, demain, tout continuera comme aujourd'hui, que les pêcheurs français iront toujours pêcher en zone économique exclusive britannique et que les Britanniques débarqueront toujours leurs produits dans les ports et les criées françaises. Tout cela doit se négocier dans le cadre des discussions menées à l'échelle européenne.

En ce qui concerne nos moyens de remorquage lourds, nous avons deux remorqueurs d'intervention, d'assistance et de sauvetage, l' Abeille Liberté à Cherbourg et l' Abeille Languedoc à Boulogne. Affrétés par la Marine nationale, ils sont en alerte permanente et peuvent appareiller en quarante minutes. Ce sont un des outils majeurs du préfet maritime en cas de risque avéré, puisque le préfet maritime a le pouvoir, face à un bateau qui représenterait un danger, de mettre en demeure d'agir l'armateur et de se substituer à lui s'il ne réagit pas dans les délais prescrits, pour remorquer le bateau et le mettre en sécurité.

Pour ce qui est des satellites, ce n'est pas un secret : nous y avons recours pour surveiller notre zone. Nous utilisons en particulier les satellites de l'EMSA – European Maritime Safety Agency – qui passent régulièrement et nous signalent les traces de pollution qu'ils détectent, à charge pour nous d'aller vérifier s'il s'agit ou non d'une fausse alerte. C'est à eux également que l'on doit les cartes établissant les routes du trafic commercial.

L'évolution du recrutement dans la marine, enfin, est un vrai sujet de préoccupation. Le métier de marin est atypique et n'attire pas nécessairement spontanément nos jeunes : appareiller pour des missions qui peuvent durer de trois à quatre mois, c'est nécessairement se couper de ses liens familiaux. C'est pourquoi nous faisons en sorte, de plus en plus, de maintenir ces liens grâce aux réseaux informatiques, aux réseaux sociaux, afin que les recrues n'aient plus le sentiment d'être des expatriés. À Cherbourg, nous avons également obtenu tout récemment l'autorisation du directeur du personnel de la marine de faire du recrutement local, c'est-à-dire que nous garantissons aux jeunes engagés que leur première affectation – et donc leurs trois premières années dans la marine – sera à Cherbourg, avant qu'ils puissent ensuite être mutés ailleurs.

Le renouvellement des contrats est également une réelle préoccupation. D'où le plan famille, destiné à montrer aux marins que l'on se soucie non seulement d'eux mais également de leurs familles, que nous avons à cœur d'accompagner autant que possible. Nous faisons donc de vrais efforts pour maintenir le volontariat dans l'engagement, le renouvellement et l'embarquement.

Madame Michel, en ce qui concerne les accords de pêche, nous vérifions si la pêche effectuée par les bateaux est conforme aux taux de capture autorisés par l'Union européenne, si les poissons ne sont pas sous taille et si les moyens utilisés sont légaux. Nous nous référons pour ce faire aux directives publiées chaque année, qui varient en fonction des différentes espèces. De son côté, l'Union européenne procède également à ses propres contrôles, grâce à son bateau, le Lundy Sentinel, que nous voyons régulièrement croiser en Manche.

Madame Bureau-Bonnard, le problème de la pollution dans la Manche a vraiment été pris à bras-le-corps depuis plusieurs années, grâce en particulier à l'organisation d'une réponse judiciaire. Il y a notamment au Havre une juridiction spécialisée qui traite des cas de pollution volontaire. Fort heureusement, depuis que j'ai pris mes fonctions il y a un an et demi, nous n'avons pas identifié de pollution volontaire – je veux parler d'un bateau qui dégazerait ou nettoierait ses soutes en laissant les déchets derrière lui.

En revanche, nous connaissons une centaine d'épisodes de pollution malencontreuse chaque année, essentiellement en bordure de côte, pendant la saison de la plaisance. Ils sont liés principalement à des nourrices mal connectées ou à des fonds de cale qui se déversent à la mer lorsqu'on reprend son bateau, mais ce sont des pollutions dues à des hydrocarbures légers, qui s'évaporent lorsqu'ils sont brassés.

Les moyens que nous déployons en Manche et en mer du Nord, hormis les remorqueurs d'intervention, d'assistance et de sauvetage et le bâtiment de soutien, d'assistance et de dépollution l' Argonaute, sont globalement légers par rapport à ceux de la Marine nationale : un patrouilleur de service public, c'est entre 300 et 350 tonnes, donc très en deçà d'une frégate. Et les deux patrouilleurs de la gendarmerie maritime, l' Athos et l' Arami s, jadis affectés à la surveillance du centre d'essais des Landes sont en bois et ont 40 ans d'âge : autant dire qu'ils ne sont pas au mieux de leur forme ! Cela est à mettre au rang des points négatifs, mais nous ne boudons cependant pas ces renforts, d'autant qu'ils devraient être remplacés à l'horizon 2022 – j'ai insisté sur cette nécessité, qui a parfaitement été entendue par l'état-major de la Marine et par le ministère des Armées.

Numériquement, je n'ai donc pas à me plaindre des moyens en Manche, dont nous avons su optimiser l'efficacité. Outre les deux patrouilleurs dont je viens de parler et dont le remplacement est prévu dans l'actuelle loi de programmation militaire, les trois patrouilleurs de service public de 22 ou 23 ans d'âge basés à Cherbourg seront remplacés dans le cadre de la prochaine loi de programmation – l'actuelle LPM ayant permis le remplacement des patrouilleurs outre-mer, ce sera au tour des patrouilleurs métropolitains ensuite. Ils seront également dotés de capacités supplémentaires – drones, systèmes de vision nocturne infrarouge – adaptées aux technologies de notre temps.

Je n'ai aucune inquiétude enfin sur notre coopération avec les pays voisins, la Grande-Bretagne ou la Belgique. Nous partons du principe que celui qui nous aide aujourd'hui sera peut-être celui que nous aiderons demain. C'est notre intérêt commun.

Monsieur Pueyo, de nombreux migrants tentent certes la traversée de la Manche dans des petites embarcations, mais la pression migratoire s'exerce surtout au niveau des terminaux des ferries. J'ai dit qu'ils étaient mieux protégés, mais ça n'empêche pas les migrants de tenter encore et toujours de s'embarquer sur les camions qui traversent. Je ne dispose pas directement des chiffres, mais le préfet du Pas-de-Calais parle de dix à onze mille personnes par an, là où nous parlons, nous, de deux mille cinq cents personnes : on n'est pas dans le trait de plume, mais très loin toutefois de la pression que subissent les moyens routiers.

Des migrants sont en effet arrivés à Ouistreham, mais, à ma connaissance, aucun encore n'a tenté la traversée par des moyens légers. Je pense que cela s'explique par le facteur d'opportunité : les falaises de Douvres sont visibles en journée depuis le département du Pas-de-Calais, alors qu'on ne voit rien depuis Ouistreham. Une traversée exigerait des moyens beaucoup plus lourds et impliquerait de la part des passeurs une grosse organisation. Dans le pas de Calais, le passeur ne prend aucun risque : il se garde bien de monter dans l'embarcation et se contente de confier la barre à celui des migrants qui lui semble le mieux qualifié, en lui disant de viser le mat avec les feux rouges situés devant Douvres. S'il partait de Ouistreham, il faudrait monter à bord et courir le risque d'une interception : ce serait autre chose…

Quant au nombre de migrants qui parviennent à passer, je ne peux évidemment pas vous le donner, mais je suis persuadé que certains réussissent la traversée et qu'on ne les voit pas passer, parce qu'il y a des dizaines de kilomètres de côtes à surveiller. Ce sont souvent des pêcheurs, des plaisanciers ou des ferries qui nous signalent des embarcations, quand ce ne sont pas les occupants eux-mêmes des embarcations en détresse. Je ne peux vous garantir que notre dispositif est étanche, car nous n'en avons pas les moyens.

Quant à moi, je ne peux malheureusement faire que du sauvetage. Je n'empêche pas les migrants de partir, c'est sur la côte qu'on doit les en empêcher. Je continuerai donc à faire du sauvetage.

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Amiral Philippe Dutrieux

Madame Gipson, je vous remercie des mots que vous avez eus à notre égard. Le crash de cet avion nous a tous beaucoup touchés. Nous sommes désormais à la recherche d'un corps, malheureusement plus d'un survivant.

En ce qui concerne les migrants, nous coopérons avec les gendarmes, notamment en nous communiquant mutuellement des informations. Par exemple, lorsqu'ils voient partir une embarcation qu'ils n'ont pas pu arrêter, ils nous la signalent, et nous envoyons automatiquement un moyen aérien ou nautique pour assister cette embarcation. Nous patrouillons également de nuit au large et, si nous apercevons des mouvements ou des regroupements anormaux sur une plage, nous les signalons à la police aux frontières pour qu'ils interviennent. La coopération est donc excellente.

Monsieur Batut, il faut bien entendu réaliser pour tout parc éolien une étude pyrotechnique préalable. La responsabilité en incombe au concessionnaire : sitôt qu'il identifie des bombes ou des mines, nous intervenons en mer territoriale pour les neutraliser. Cela nous fait découvrir davantage de mines, puisque ce sont des zones où nous n'irions pas sans ces travaux intrusifs pour installer les pylônes.

Il est effectivement projeté de centraliser au moins une partie des moyens POLMAR ; je précise toutefois qu'il s'agit de moyens terrestres et non de moyens maritimes, et que c'est la direction des affaires maritimes qui pilote cette centralisation. Je sais que l'accident de Lubrizol fait voir cette manœuvre sous un prisme nouveau, mais je ne peux vous dire où en est l'état de la réflexion à l'heure actuelle, sachant qu'en la matière la responsabilité de l'État n'est pas seule en jeu : il y a également celle des ports.

Monsieur Verchère, un bateau de plus de vingt mètres doit effectivement être doté d'un AIS qui fonctionne. S'il le coupe, il est en infraction, passible d'une verbalisation. J'aimerais pouvoir vous dire que nous pistons tous les bateaux qui coupent brutalement leur AIS, mais je ne peux le certifier. Cela étant, nos commandants de patrouilleurs sont sensibilisés au fait que certains navires qui naviguent dans des zones où ils n'ont pas à être aux heures où ils s'y trouvent peuvent avoir l'idée de se débrancher – la pêche à la coquille, par exemple, est limitée à certains créneaux horaires. Dans ces cas-là, ils verbalisent systématiquement et sans état d'âme. Celui qui coupe son AIS sait parfaitement pourquoi il le fait.

Monsieur Meizonnet, vous me demandez si les flux migratoires vont s'accroître ; je ne peux qu'émettre le souhait que cela ne soit pas le cas. Je n'ai malheureusement pas la clé pour les diminuer. Les passages ont connu une très forte augmentation fin 2018, au moment où les terminaux des ferries ont renforcé leurs moyens de protection : dès que les premières traversées ont réussi, la nouvelle s'est répandue et les mafias de passeurs n'ont pas eu besoin qu'on le leur dise deux fois. Nous continuons d'intercepter des embarcations, mais le seul fait qu'il y ait eu quatre morts doit faire prendre conscience que cette entreprise est extrêmement dangereuse et tempérer les velléités des aspirants à la traversée. Quant à la question des mafias de passeurs, elle relève de la justice et non de mes attributions maritimes.

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Amiral, nous vous remercions pour votre disponibilité et la clarté de vos réponses. La commission achève avec vous le cycle d'auditions des trois préfets maritimes ; je tenais à vous faire part de l'admiration que j'avais pour votre travail et la manière dont vous assumez vos responsabilités, qui sont une fierté pour notre pays. Nous vous adressons donc toute notre gratitude.

(Applaudissements.)

La séance est levée à onze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean‑Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean Lassalle, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel‑Kleisbauer, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, M. Pierre Venteau, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Thibault Bazin, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Laurent Furst, M. Benjamin Griveaux, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, M. Joachim Son-Forget, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson