Intervention de le colonel Guillaume

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

le colonel Guillaume :

Je commencerai par évoquer le rôle de la Turquie au sein de l'OTAN. La Turquie est cet allié parfois encombrant, qui oppose des blocages administratifs au sein de l'OTAN pour la signature du Graduated Response Plan (GRP), la planification à long terme pour la protection à l'Est de l'Europe face à la Russie. Bref, c'est un allié assez particulier. Néanmoins, est-ce qu'on peut se l'aliéner ? Je crois avoir déjà partiellement répondu à la question. Se l'aliéner serait pousser la Turquie dans les bras de la Russie. La Turquie reste la Sublime Porte, un accès vers l'Orient et l'accès à la mer Noire. Aujourd'hui, il est inenvisageable d'abandonner la Turquie. Mais elle est isolée diplomatiquement. C'est le cas en Méditerranée orientale, mais pas uniquement. Je n'entrerai pas sur le terrain politique mais, dans le domaine militaire, se mettre à dos la Turquie serait déclarer la fin de l'OTAN. Il n'existe pas de procédure de sortie d'un pays de l'OTAN, ce n'est pas prévu dans les textes. Mettre à mal l'OTAN et utiliser un coin pour la percer fait bien partie de la stratégie russe.

Le président turc est bien le candidat favori de Poutine. Il y a un jeu de la Russie vis-à-vis de la Turquie. La Turquie a indéniablement besoin de rester dans l'OTAN, puisque la majorité de son matériel est quand même occidentale. Entrée dans l'OTAN face à une menace russe, elle connaît le poids du passé. Même si, par sa personnalité, Erdogan a su s'imposer dans son parti et donner sa nouvelle forme à la Turquie, il sait que la menace russe peut de nouveau peser sur le peuple turc à n'importe quel moment. De plus, je le répète, cette alliance avec la Russie est une alliance de circonstance liée à la tentative de coup d'État de 2016. Sur le fond, on lui reproche effectivement d'avoir acheté des systèmes de défense S-400. C'est donc un allié assez particulier que, je le répète, on ne peut s'aliéner.

Je reviendrai sur les clauses d'assistance mutuelle et le travail en bilatéral en rappelant les conditions historiques du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Des accords bilatéraux ont conduit à cette époque à l'embrasement d'une poudrière en Europe. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à conclure des accords multilatéraux plus propres à calmer les velléités de conflits entre deux pays et à éviter l'instrumentalisation des traités.

J'évoquerai enfin la mission Sophia, nouvelle génération, qui représente le véritable espoir d'une réactivité européenne forte et d'une capacité de réponse commune. Ce n'est plus qu'une question de jours ou de semaines pour que les Européens se mettent d'accord sur une solution pour disposer en Méditerranée centrale d'une force capable de garantir le respect de l'embargo. On peut craindre de ne pas pouvoir aligner toutes les capitales européennes sur le besoin d'une réponse musclée. Au niveau militaire, on essaie bien d'aligner nos coopérations de manière à trouver des alliés qui soient able and willing, capables et volontaires, pour mettre des moyens militaires dans cette zone. On a donc de véritables espoirs dans ce domaine.

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