Intervention de Général de corps d'armée Christian Bailly

Réunion du jeudi 7 mai 2020 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général de corps d'armée Christian Bailly, officier général commandant la zone de défense et de sécurité Est :

La zone Est inclut deux régions – la Bourgogne-Franche‑Comté et le Grand Est –, auxquelles s'ajoute, au titre de mes fonctions organiques de commandant de la zone Terre Nord-Est, la région des Hauts-de-France, et, au titre de mes fonctions de commandant des forces françaises et de l'élément civil stationnés en Allemagne, nos structures implantées sur le territoire allemand. Tout cela représente 12 états-majors, 31 régiments de l'armée de Terre, 4 bases aériennes, 50 000 ressortissants du ministère des armées, soutenus par 12 bases de défense, et 4 000 à 5 000 militaires en moyenne projetés dans nos opérations.

J'insisterai en premier lieu sur la singularité de notre engagement dans cette crise majeure. Alors que la création de l'opération Sentinelle, lors du choc des attentats de 2015, répondait à un besoin massif en forces militaires, la crise du Covid-19 a avant tout mobilisé le monde des soignants et donc, pour notre ministère, le service de santé des armées (SSA) et, plus largement, le personnel soignant du régiment médical de l'armée de Terre (RMED). Nos soldats en armes ne pouvaient pas faire grand-chose contre l'ennemi coronavirus.

La zone Est ayant été très vite et très gravement touchée, nous nous sommes résolument engagés en appui des services publics et de la population, par des actions concrètes qui ont démarré dès le 11 mars.

Dans un premier temps, et c'est une autre singularité, nous nous sommes d'abord trouvés en position de faire des offres de services, qui ont été ensuite mieux structurées en trois catégories – sanitaire, logistique et protection – dans le cadre de l'opération Résilience.

Singulièrement enfin, alors que, d'ordinaire, tous les centres opérationnels des délégations militaires départementales sont activés pour gérer les crises d'envergure nationale, la crise du Covid‑19 a été entièrement conduite à partir de l'état-major de zone de défense Est, en liaison notamment avec la préfecture de zone.

En second lieu, l'échelon zonal de notre organisation territoriale interarmées de défense a parfaitement fonctionné. Il nous a permis d'inscrire notre action dans l'action interministérielle, plus large, conduite par la préfecture de zone et par l'ARS, entité que nous avons appris à connaître. La convergence d'efforts, toujours très synchrone entre mon état‑major et nos partenaires extérieurs, a bien fonctionné, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, nous sommes au bon niveau de subsidiarité. Avoir le contrôle opérationnel de l'ensemble des opérations qui se déroulaient sur le territoire de la zone de défense a permis d'assurer une très forte réactivité et de répondre aux besoins dans l'urgence, laquelle était une donnée déterminante de cette crise.

S'agissant, ensuite, de la préfecture de zone, nous travaillons en relation avec des interlocuteurs avec qui nous avons, de longue date, tissé des relations de confiance, qui nous permettent d'évaluer ensemble la situation dans toutes ses dimensions pour prendre les meilleures décisions. Cela a été un facteur déterminant, comme l'a été le fait que nos délégations militaires départementales nous offrent un maillage territorial qui nous permet d'avoir des remontées de l'ensemble des préfectures de département.

Enfin, j'ai pu m'appuyer en interne, à Metz, sur l'ensemble des chefs de nos services de soutien interarmées, dont la coordination m'a permis d'actionner tel ou tel levier.

En guise de bilan, nous avions sept sections engagées dans des actions de protection de centres hospitaliers, et deux sections engagées sur la protection de dépôts ou de sites sensibles – notamment à Marolles, où sont situés l'établissement ravitailleur du service de santé des armées et un établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, ainsi qu'à Vatry où sont entreposés, dans un dépôt de Geodis, les arrivages de masques.

En matière sanitaire, les transferts de patients sur lits de réanimation, ont débuté dès le 14 mars, avec le premier vol Airbus A330 MORPHEE (module de réanimation pour patients à haute élongation d'évacuation) entre Mulhouse et Istres. Trente-six patients ont ainsi été évacués en six vols MORPHEE, ailleurs en France ou en Allemagne ; vingt-quatre rotations d'hélicoptères Caïman ont été effectuées pour transporter quarante-huit patients, enlevés au plus près des centres hospitaliers et convoyés vers l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse ou d'autres régions françaises. Il faut encore ajouter une rotation par A400M français et une rotation par A400M allemand, ce qui fait qu'au total quatre-vingt-dix patients ont été évacués par voie aérienne militaire, la dernière en date remontant au 6 avril.

Les hélicoptères ont constitué une réponse à l'urgence, qui était telle que la fréquence des vols MORPHEE était insuffisante. Pour des raisons techniques, aucune disposition ne nous permettait de procéder à des évacuations de lits de réanimation dans nos hélicoptères de manœuvre. Nous avons donc décidé de procéder à une expérimentation avec des équipes du SAMU, et c'est ainsi que, le 27 mars, nous avons fait converger vers Phalsbourg des équipes de la section technique de l'armée de Terre et de son groupement aéromobile pour trouver, en liaison avec le commandement de l'ALAT à Villacoublay, une solution appropriée. En une journée, toutes les conditions et tous les protocoles étaient calés et, dès le 28 mars, nous effectuions les trois premières rotations avec des lits de réanimation.

En matière d'aide sanitaire, l'hôpital des armées Legouest a été fortement mobilisé. Il a créé jusqu'à 52 lits de cohorting Covid pour les patients n'étant pas hospitalisés en réanimation, soit 25 % des lits du complexe hospitalier local, et a accueilli au total 142 patients Covid. Nous avons également apporté des contributions à toutes les structures hospitalières civiles grâce à l'intégration de médecins ou d'infirmiers militaires. Le 4e centre médical des armées, à Metz, a, à lui seul, fait intervenir 17 médecins au profit de structures hospitalières civiles ou en appui aux évacuations. Deux équipes du 2e régiment de dragons nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) de Fontevraud, et une équipe de l'armée de l'air qui a prêté son concours à partir de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey, ont procédé à des décontaminations d'hélicoptères, d'avions et de sites, et à des formations aux gestes barrières.

Nous sommes venus en renfort des agences régionales de santé. À Nancy, nous avons apporté une expertise logistique pour la planification et l'organisation des rapatriements des patients à l'étranger. À Dijon, nous avons apporté notre appui logistique pour la gestion des flux d'équipements.

Deux escouades du 511e régiment du train d'Auxonne et du 516e régiment du train de Toul ont procédé à une trentaine de missions, essentiellement des convois lourds de transports interdépartementaux, au profit des préfectures. À ce jour, nous comptons de l'ordre de soixante missions logistiques.

Au total, l'opération Résilience a représenté environ 150 missions, une moyenne de 400 militaires engagés avec des pics allant jusqu'à plus de 1 000, des contributions de 45 formations, régiments, bases aériennes, groupements de soutien, le transport de 30 000 litres de gel hydro-alcoolique et de 14 millions de masques, et la rétrocession de 120 palettes de sur-blouses du ministère des armées (MINARM) à des structures hospitalières.

Nous avons pu fonctionner de manière très optimisée grâce à un excellent dialogue civilo-militaire à trois, c'est-à-dire avec la préfecture de zone et l'ARS.

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