Intervention de le médecin chef des services hors classe (2S) Jacques Escarment

Réunion du jeudi 7 mai 2020 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le médecin chef des services hors classe (2S) Jacques Escarment, chef de l'élément militaire de réanimation à Mulhouse :

Le 16 mars, le Président de la République a annoncé, la mise à disposition de l'élément militaire de réanimation du service de santé des armées (EMR-SSA). La commande, d'une capacité de trente lits, nécessitait une structure complètement nouvelle ; celle-ci est conçue en quarante-huit heures par la direction des approvisionnements en produits de santé des armées (DAPSA) à Orléans, puis montée sur 1 000 mètres carrés du parking du centre hospitalier Émile-Muller. Les 22 et 23 mars, les équipes de santé installent plus de 300 équipements médicaux, se forment à la biosécurité, réalisent des exercices d'évacuation des malades et définissent la typologie des malades qu'ils seront amenés à prendre en charge. Le 24 mars, les quatre premiers patients sont admis dans un vrai service de réanimation, et le 27 mars l'EMR est totalement opérationnel à 27 lits, ce qui porte la capacité du centre hospitalier Muller de 56 à 83 lits Covid-19 – plus 11 apportés par le Diaconat de Mulhouse.

35 personnes vont assurer la phase d'engagement, avec une entrée de théâtre particulièrement difficile physiquement : les premières équipes vont travailler sans relâche, pratiquement sans dormir, dans un milieu confiné, mal éclairé et chaud. La charge mentale était très importante, car l'ambiance autour de nous était dantesque. Il fallait ouvrir au plus vite, dans des conditions sécurisées, pour soigner les malades avec un vrai standard de réanimation, mais aussi préserver nos personnels de tout risque de contamination.

Au 1er mai, 321 militaires ont participé au pôle EMR-SSA de l'opération Résilience, dont 230 du service de santé des armées, dont toutes les composantes ont été mobilisées – hospitalière, médecine des forces, ravitaillement, recherche, épidémiologie, et 91 de l'armée de Terre. Nous avons adapté nos effectifs en permanence à la situation. Au maximum, 188 personnels ont été présents sur le site de Mulhouse, dont 136 personnels du SSA répartis en équipes équilibrées.

Entre le 1er mars et le 28 avril, 1 700 patients ont été admis au centre hospitalier Émile-Muller ; 277 personnes ont été en réanimation, dont 47 à l'EMR-SSA, et 20 % ont été transférés en région ou vers l'Allemagne.

Nos patients ont représenté une charge de travail de plus de 600 jours d'hospitalisation. Ils étaient plus jeunes qu'attendu – entre 31 et 79 ans –, gravement atteints, nécessitant une durée moyenne d'hospitalisation d'une quinzaine de jours, mais parfois jusqu'à un mois. Tous nos patients ont été transférés, pour la plupart en centre hospitalier, à leur domicile ou en structure de soins de réadaptation ; l'EMR n'en héberge plus aucun.

Nous avons beaucoup aidé à la création d'un parcours de soins conduisant le patient de la réanimation à son domicile, en passant par des unités de sevrage et des structures de réadaptation repensées. Dès notre arrivée, nous avons entrepris un travail très important de mise en relation de tous les partenaires – hôpital, Diaconat, centres de réadaptation – en vue de déployer une chaîne mobile d'évacuation, comme nous le faisons toujours en opération. La direction stratégique de l'ARS Grand Est a grandement soutenu notre action en permettant l'affectation ciblée de patients.

L'EMR estime avoir rempli sa mission. Le SSA, avec le soutien des armées, a montré son expertise, tout le monde étant rassemblé autour d'un objectif commun : gagner. Notre action a bénéficié de l'apport essentiel du régiment médical et du support remarquable de la chaîne de l'organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD), sans oublier nos « sentinelles » qui assuraient notre sécurité, le 152e régiment d'infanterie et le régiment de marche du Tchad.

Nous avons été particulièrement vigilants au bien-être de nos équipes, tant au regard du rythme et des conditions de travail, que du logement, des activités sportives, des techniques d'optimisation du potentiel (TOP) et de l'organisation de groupes de parole en fin de mission.

La gestion des communications entre les diverses entités médicales a joué un rôle majeur dans le succès de l'opération. Mettre à plat les choses pour apporter des solutions innovantes au fur et à mesure est essentiel. L'EMR-SSA a été un espace de dialogue pour des professionnels sur-engagés au quotidien.

Je suis également fier du rôle qu'ont joué les élèves des écoles de santé, employés comme aides-soignants ; ils sont le SSA de demain.

Je ne cache pas que cette mission s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour le service de santé, qui est engagé dans de nombreux combats. Très fortement restructuré et redimensionné, il ne représente que 1 % de la santé publique. Cette mission confirme la nécessité pour le service de santé des armées de disposer de fortes capacités médicales et paramédicales dans l'anesthésie-réanimation. Cette composante doit faire l'objet d'un point particulier d'attention pour demain, car il existe une forte tension sur le territoire national dans cette discipline.

Le service de santé des armées a confirmé, une fois de plus, toute sa résilience et sa très forte militarité. À notre devise qui est « Votre vie, notre combat », j'ajouterai celle de l'école de santé des armées « Sur mer comme au-delà des mers, pour la patrie et l'humanité, toujours au service des hommes ». L'EMR peut être fier de ce qu'il a accompli. Demain, nous célébrerons le 8 mai 1945, mais nous serons toujours en guerre le 9 mai.

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