L'EMR-SSA a été mis en place en sept jours, ce qui constitue une prouesse. Nous nous sommes appuyés sur notre expérience, acquise avec l'élément médical militaire d'intervention rapide (EMMIR), qui a été déployé en particulier à la suite de tremblements de terre au Nicaragua, en Jordanie, au Kurdistan et en Haïti.
Nous sommes aussi en veille permanente, imaginant diverses solutions de déploiement. L'EMR est inspiré d'un modèle d'hôpital médico-chirurgical de campagne auquel nous avions réfléchi il y a quelques années ainsi que de notre expérience du centre de traitement d'Ebola. Il constitue néanmoins une nouveauté par son emploi dans le cadre d'une urgence médicale infectieuse. Nous sommes donc en mesure de déployer rapidement des unités de réanimation de forte capacité.
Vis-à-vis de nos personnels, nous avons adopté une démarche particulière de prévention. Une équipe renforcée d'hygiénistes ayant l'expérience du centre de traitement d'Ebola a formé tous nos personnels sans exception. Des superviseurs ont contrôlé aux entrées et aux sorties la bonne application des protocoles d'habillage et de déshabillage. Notre institut de recherche de biologie appliquée a réalisé différents prélèvements, d'ambiance et sur les patients, afin d'apprécier la contamination éventuelle de notre environnement. L'hôpital de Mulhouse a procédé à une analyse particulaire de l'air à l'intérieur des tentes, dont la qualité s'est avérée comparable à celle observée dans les salles de réveil.
Sur place, nos soldats sont soumis à une surveillance biquotidienne de leur température. Une fois rentrés chez eux, ils bénéficieront d'un suivi personnalisé à la fois psychologique et médical : pendant quatorze jours, ils devront rendre compte de l'évolution de leur état de santé à leur centre médical des armées (CMA) de rattachement, qui les prendra en charge à la moindre alarme. Nous avons eu des alertes, mais aucun cas de Covid-19 confirmé – trois de nos personnels ont été isolés et suivis par l'antenne médicale de Meyenheim, mais ils vont très bien et ont repris leurs activités au sein de l'EMR ; leur contamination n'a pas été confirmée.
Tout le monde craint la seconde vague. J'espère que tous les citoyens continueront à respecter les mesures de distanciation. Nous avons beaucoup échangé sur le sujet avec l'hôpital de Mulhouse, qui est en cours de réorganisation : l'ouverture d'une unité de sevrage et la contribution des centres de réadaptation mulhousiens vont profondément modifier la gestion des patients et permettre des séjours plus courts dans les services de réanimation. Si elle se produit, la deuxième vague sera ainsi d'une amplitude moindre, et nous pourrons l'anticiper. L'EMR-SSA se retire du site de Mulhouse, mais le service de santé des armées continue la bataille contre le Covid-19 ; il réarticule ses moyens (qui sont limités) pour les remettre à disposition du chef d'état-major.
Depuis le début de la crise, nous réfléchissons à des interventions dans d'autres territoires. Nous sommes conscients des défis particuliers qui se présentent en milieu ultramarin, notamment à Mayotte, mais je ne sais pas ce qui sera décidé par le Président de la République.
Quant aux problèmes juridiques, nous nous référons au principe d'assistance à personne en danger. Dans le cadre particulier de l'opération Résilience, grâce au dialogue permanent entre la chaîne OTIAD et les ARS, des agréments temporaires d'exercice ont été délivrés rapidement aux structures de réadaptation mises en place pour accueillir des patients ventilés ou trachéotomisés.
L'EMR-SSA a pris en charge 47 patients pour 600 jours de réanimation au total, ce qui constitue une durée de séjour moyenne très conséquente – près de 15 jours contre 7 à 10 habituellement –, d'autant que certains d'entre eux ne sont sortis que parce que nous avons eu recours à des évacuations médicalisées, organisées pour restaurer le potentiel d'hospitalisation de l'hôpital de Mulhouse.