. Madame la directrice générale, chère Alice Guitton, un grand merci pour votre présence. Je ne cacherai que j'attendais votre audition avec une grande impatience. Car plus que jamais nous avons besoin d'un regard aguerri sur les bouleversements et évolutions stratégiques qui sont en train de se dérouler sous nos yeux.
Dans votre précédente audition devant notre commission en octobre dernier vous rappeliez les trois domaines d'action de la DGRIS à savoir « le renseignement, la prospective de défense et les relations internationales ». Ces trois domaines sont aujourd'hui au cœur de nombreux débats.
Le premier concerne la gestion de la crise. Le contraste est grand entre d'un côté un risque sanitaire clairement identifié depuis de nombreuses années, le risque de pandémie, que l'on retrouve déjà bien décrit dans le Livre blanc de 2008, et de l'autre, un sentiment d'impréparation de la communauté internationale face à l'ampleur de cette crise qui a conduit au confinement simultané de plus de trois milliards de personnes. Comment expliquez-vous ce décalage ? Le risque avait-il été sous-estimé ? Et dans ce cas, pour quelles raisons ? Quelles conséquences faut-il en tirer pour le futur, notamment quant à la capacité de nos services de renseignement à intégrer une meilleure détection du risque épidémique ?
Nous serions également intéressés de savoir si vos services ont établi une typologie des réactions à cette crise, et s'il existe une clé pertinente de lecture en terme d'efficacité de ces réactions. Et avez-vous également établi une typologie des différents rôles qui ont été confiés aux Armées pour aider à combattre le virus dans les différents pays du monde ?
Le deuxième débat qui nous intéresse au plus haut point concerne les bouleversements géopolitiques, ou dit plus trivialement, votre analyse sur les perdants et les gagnants de cette crise. Il semblerait que la Chine, qui fut géographiquement à l'origine de la crise, en ait paradoxalement profité pour chercher à renforcer son influence internationale, se mettant en scène pour apparaître à tort ou à raison comme le pays qui a été à même de maîtriser relativement rapidement la crise au niveau national et comme celui en capacité aujourd'hui de venir en aide aux pays qui en auraient besoin. Ce renforcement de la présence chinoise a bénéficié d'une politique américaine qui semble avoir accusé un retard dans sa réaction à la crise et a privilégié une attitude unilatéraliste au détriment d'une coopération et d'une solidarité occidentales. Certains présentent cette crise comme la première d'un monde post-américain. Partagez-vous cette analyse ?
L'Europe pour sa part a été très critiquée pour son incapacité à coordonner une réponse européenne, chaque pays semblant se réfugier derrière ses frontières. Analysez-vous cette crise comme illustratrice des faiblesses de l'Europe et que prévoyez-vous pour son avenir, la montée d'une méfiance à l'égard de l'efficacité de cette institution ou au contraire une opportunité pour elle d'aller plus avant, notamment dans le cadre d'un plan de relance européen ?
Et nous serions bien sûr très intéressés de connaître votre regard sur l'Afrique, qui semble jusqu'ici relativement épargnée par la crise du coronavirus mais dont les faiblesses en termes de structures sanitaires suscitent de légitimes inquiétudes.
Enfin troisième et dernier débat, celui de la gouvernance mondiale. La crise du coronavirus a été également celle du multilatéralisme, qui, il est vrai, se portait déjà assez mal.
L'appel du Secrétaire général de l'ONU à une cessation des combats n'a guère été entendu. Les crises au Levant, en Syrie, en Libye, les attentats terroristes ont perduré ; les cyber-attaques ont augmenté. L'action de l'OMS a été très critiquée. De nouveaux acteurs ont montré toute leur puissance, je pense notamment aux plates-formes numériques. Quelles conséquences tirez-vous de cette crise quant à l'obsolescence des instruments actuels et la création d'un nouveau système international ?
Voilà donc rapidement évoqués les principaux sujets sur lesquels nous souhaiterions avoir votre analyse.
Mais peut-être avant toute chose pourriez-vous nous donner des nouvelles du personnel de la DGRIS et de son réseau diplomatique de défense. Ont-ils été touchés par le virus et comment ont-ils continué de travailler ?