Intervention de le général de brigade Yves Métayer

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général de brigade Yves Métayer, commandant supérieur des forces armées de la zone sud de l'océan Indien :

Je brosserai à grands traits l'action des armées dans la crise covid pour La Réunion et Mayotte.

La situation des deux départements est contrastée et l'engagement des armées se poursuit, puisque la crise n'est pas terminée à Mayotte. Ce département concentre l'essentiel de notre effort et représente le plus fort taux d'engagement des armées dans le cadre de l'opération Résilience.

Les deux départements sur lesquels sont stationnées les forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) sont distants l'un de l'autre de 1 400 kilomètres. À onze heures de vol de la métropole, le sud de l'océan Indien se caractérise par son isolement. C'est également une zone assez pauvre sur le plan médical : sur les quatorze États de notre zone de responsabilité, seule l'Afrique du Sud dispose de structures comparables aux nôtres, mais ce pays étant également en proie à la pandémie, il n'était pas envisageable d'y trouver un soutien sanitaire.

Les FAZSOI comptent 2 000 militaires d'active et conduisent tout au long de l'année des missions de protection de la souveraineté, de coopération régionale et d'intervention. Les activités de coopération, conduites avec onze des quatorze États de la zone Afrique australe et océan Indien, sont interrompues depuis début mars, par suite de la fermeture des frontières. Préjudiciable au volet prévention de nos missions, cet arrêt a toutefois facilité notre bascule d'effort vers l'opération Résilience.

Nous avons commencé à penser notre implication à compter de mi-février mais début mars, l'accélération a été très nette et au point de surprendre chaque jour davantage (sidération) : des mesures prises jour après jour paraissaient inenvisageables la semaine précédente. Dans ce contexte, le covid est arrivé à La Réunion le 11 mars et à Mayotte, le 16. Les deux départements sont passés en stade 2 de l'épidémie vers le 24 mars alors que la métropole était en stade 3 depuis dix jours déjà.

Nos premières actions ont été conduites les 23 et 24 mars, par un premier vol d'un appareil Casa à Mayotte et l'installation de tentes au CHU de Saint-Pierre, dans le sud de La Réunion.

Nous avons conduit une vingtaine d'actions majeures dans les trois domaines de l'opération Résilience : logistique, sanitaire et de protection, Mayotte concentrant plus des trois quarts des engagements.

Nous avons contribué à un pont maritime au profit de Mayotte au moyen de sept rotations de bâtiments de la marine nationale, dont deux réalisés par le porte-hélicoptères amphibie Mistral, puisque la mission Jeanne d'Arc a été réorientée dans le sud de l'océan Indien, du 4 avril au 13 mai, ce qui a permis de livrer plus de mille tonnes de fret au département de Mayotte. Après l'arrêt des liaisons commerciales privées, nous avons apporté notre concours pour la conception et la conduite du pont aérien au profit de Mayotte ; l'état-major a, pour ce faire, mobilisé son expertise en matière de transit. Nous avons également réalisé treize rotations d'aéronefs avec notamment l'A400M, lorsqu'il était de passage à La Réunion, et les appareils de l'escadron Estérel, qui ont permis d'acheminer 86 tonnes de fret au profit de Mayotte. Des missions de distribution de produits alimentaires de première nécessité ont également été réalisées par le détachement de la Légion étrangère de Mayotte ou par le RSMA de Mayotte.

Le soutien sanitaire s'est d'abord traduit par le transport de fret urgent pour Mayotte et le stockage ou la distribution de cinq millions de masques pour les deux départements. Nos propres structures de santé limitées – 15 médecins et 21 infirmiers pour l'ensemble des unités des FAZSOI – ne permettaient pas d'envisager un renfort direct au profit des structures civiles.

Par ailleurs, nous avons rapidement établi que le porte-hélicoptères amphibie Mistral n'apportait pas de plus-value en matière de santé au regard de l'isolement des deux départements qui disposent par ailleurs d'infrastructures médicales civiles assez développées, en particulier à La Réunion.

Nous avons effectué une centaine d'opérations de désinfection dans les deux départements, grâce à deux équipes du 2e régiment de dragons, projetées en renfort.

Enfin, le volet sanitaire de l'opération Résilience est illustré par le module militaire de réanimation (MMR) engagé à Mayotte en appui du centre hospitalier de Mamoudzou qui, grâce à 70 militaires du service de santé des armées (SSA), arme dix lits de réanimation et accueille aujourd'hui cinq patients covid.

Aspect plus discret et plus sensible de notre engagement, des actions de protection se poursuivent à Mayotte, notamment en appui à la sécurisation générale : nous avons réalisé quatre semaines de patrouilles nocturnes entre le 14 avril et le 11 mai, afin d'appuyer les forces de sécurité intérieure dans la prévention des vols et des pillages. Fin mai, nous avons également assuré la protection du dépôt de carburant de Total.

Premier enseignement de ces engagements, pour réagir face à la sidération progressive, au saut dans l'inconnu, nous nous sommes concentrés sur notre contrat opérationnel et singulièrement sur le volet intervention sur le territoire national à décliner sous l'angle d'une crise sanitaire. L'état-major et les unités se sont concentrés sur les missions prioritaires en usant d'imagination pour s'adapter aux enjeux.

Deuxième enseignement : la principale difficulté est venue de la conduite simultanée de notre engagement et de la mise en place d'un plan de continuité d'activité visant notamment à prévenir le risque de contagion dans deux territoires distincts. Agir à domicile en intégrant le paramètre des familles n'est pas la même chose qu'agir en OPEX. Le faible nombre de cas de covid au sein de la force est un petit exploit si l'on considère le mode d'organisation très collectif de nos unités et services.

Troisième enseignement, le dialogue civilo-militaire a été optimal, notamment à la préfecture de zone à La Réunion, pour organiser les ponts de ravitaillement de Mayotte. Nous nous sommes également adaptés au rôle singulier des agences régionales de santé (ARS) dans cette crise en formalisant les échanges par des officiers de liaison afin de mieux cerner les besoins de santé et d'anticiper les réponses militaires.

Depuis bientôt trois mois nous conduisons des actions quotidiennes d'appui de la réponse interministérielle à la crise du covid, tout en adaptant notre fonctionnement à ses différents stades. Après avoir agi pour éviter que le virus n'entrave notre capacité d'action, il s'agit maintenant de conduire la reprise normale d'activité. Forces interarmées rodées à l'action dans les milieux terrestre, maritime et aérien, les FAZSOI n'ont eu aucune difficulté à absorber des renforts conséquents : la mission Jeanne d'Arc et ses deux bâtiments, les aéronefs de l'armée de l'air dépêchés régulièrement dans la zone sud de l'océan Indien, deux unités de l'armée de Terre, dont une débarquée du porte-hélicoptères amphibie Mistral, restée à Mayotte, deux équipes de décontamination du 2e régiment de dragons et les deux régiments de service militaire adapté restés sous contrôle opérationnel pour l'opération Résilience. L'effet de subsidiarité dont bénéficient les forces de souveraineté et leurs forces permanentes dédiées, a été un gage de réactivité et donc d'efficacité pour affronter cette crise hors normes.

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