La séance est ouverte à quinze heures.
. Monsieur le président, général, commandant, colonel, mes chers collègues, je suis heureuse d'accueillir pour cette table ronde consacrée à l'opération Résilience en outre-mer la délégation aux outre-mer et son président, M. Olivier Serva. Consciente de l'importance des travaux de la délégation, je suis enchantée que vous ayez accepté cette invitation pour cette audition conjointe. L'outre-mer revêt une grande importance dans le domaine de la défense, et j'espère que cette première sera le prélude à de nombreuses initiatives communes.
Le général de brigade Yves Métayer, commandant supérieur des forces armées dans la zone sud de l'océan Indien, brossera un tableau global de l'opération Résilience dans les outre-mer en se concentrant plus particulièrement sur sa zone de commandement. Le capitaine de vaisseau Nicolas Rossignol, commandant le porte-hélicoptères amphibie Dixmude, décrira le rôle de la marine dans l'opération, en particulier de son bâtiment qui revient des Antilles ; le colonel Thierry Chapeaux, commandant de la base aérienne 367 de Cayenne, traitera du rôle de l'armée de l'air et de la base aérienne qu'il commande.
Aimé Césaire s'interrogeait pour savoir si les habitants de nos outre-mer étaient « des citoyens à part entière » ou « des citoyens entièrement à part ». Cette crise sanitaire a montré la validité de la première proposition. Dès le déclenchement de l'opération Résilience, les déploiements des porte-hélicoptères amphibies Dixmude et Mistral en réassurance de nos outre-mer ont été respectivement décidés dans la zone Antilles-Guyane et la zone sud de l'océan Indien. Ce déploiement avait pour objectif de pallier l'insuffisance potentielle des moyens humains et matériels des hôpitaux de ces régions pour faire face à une épidémie de cette ampleur, d'autant que certains départements étaient déjà confrontés avant le début de cette crise à d'autres épidémies, telles que celle de la dengue à La Réunion et à Mayotte.
Le commandant du Dixmude nous le dira, ces deux navires ont apporté dans leurs zones d'interventions respectives d'importants renforts humains et matériels, qu'il s'agisse de moyens et de personnels médicaux, de vecteurs d'évacuation sanitaire ou de ravitaillement en vivres pour les populations. Une fois sur place, ils ont transporté les personnels et matériels nécessaires à la gestion de cette crise entre les différentes îles.
En Guyane, le centre médical interarmées de Cayenne a accueilli de nombreux patients covid-19. Les régiments basés localement et le régiment du service militaire adapté (RSMA) ont été fréquemment sollicités pour des missions de logistique ou d'escorte des convois approvisionnant les zones les plus isolées. Les RSMA ont également été mis à contribution à Mayotte et à La Réunion.
Je tiens à saluer la mobilisation de tous ces personnels, aussi bien locaux qu'originaires de la métropole. C'est grâce à leur implication et au travail remarquable de nos soignants militaires et civils que la majorité de nos territoires d'outre-mer affichent aujourd'hui une situation sanitaire sous contrôle, même si des difficultés subsistent en Guyane et à Mayotte.
C'est à Mayotte que la situation demeure la plus instable : l'île est en déficit de personnels soignants, doit faire face simultanément au covid-19 et à la dengue et est caractérisée par un contexte économique, social et sécuritaire éprouvé. Des moyens significatifs ont donc été déployés : le Mistral y a apporté de nombreux renforts militaires afin d'approvisionner la population en vivres et en matériels médicaux, tout en prévenant les débordements ; par ailleurs, une partie de l'élément militaire de réanimation (EMR) auparavant installé près de l'hôpital de Mulhouse, est désormais déployée près du centre hospitalier de Mayotte.
Il est particulièrement important pour nos outre-mer d'effectuer un retour d'expérience le plus complet possible de l'opération Résilience. Cela permettra notamment de mieux faire face, par la suite, aux risques non sanitaires touchant ces territoires, tels que l'activité sismique et volcanique ou encore les ouragans. J'en veux pour preuve les repérages de sites potentiels de « plageage », c'est-à-dire de sites adaptés à un débarquement, effectués par nos bâtiments et aéronefs, en parallèle de leurs missions Résilience, afin de préparer la saison cyclonique.
Général, colonel, commandant, je tiens, au nom de la commission, à vous remercier pour l'ensemble de vos actions, qui ont permis de protéger nos territoires d'outre-mer face à cette crise qui les menaçait gravement, et d'y marquer la présence et le soutien continus de la métropole aux habitants de ces départements.
Je tiens au préalable à exprimer à la présidente de la commission de la défense et des forces armées, membre éminent de la délégation aux outre-mer, mon plaisir d'avoir été invité, ainsi que les membres de notre délégation à participer à cette audition qui nous concerne directement, puisque l'opération Résilience a porté assistance de manière particulièrement visible aux populations ultramarines pendant la période la plus sévère de la crise sanitaire.
Résilience, pour le grand public, c'est l'hôpital militaire de campagne installé à Mulhouse ; pour les ultramarins, ce sont surtout les deux porte-hélicoptères amphibies Mistral et Dixmude, venus apporter du matériel sanitaire aux populations confinées, aussi bien aux Antilles et en Guyane que dans les îles de l'océan Indien.
Mais Résilience dans les outre-mer, c'est bien plus que cela. C'est aussi l'évacuation sanitaire d'un certain nombre de malades graves, notamment de Mayotte vers La Réunion. Ce sont des rotations d'autres bâtiments, moins médiatisés des forces armées de la zone sud de l'océan Indien, à savoir l' Astrolabe, le Champlain et le Malin. C'est aussi le déploiement du sous-groupement tactique embarqué (SGTE) qui s'est rendu à Mayotte en renfort du détachement de la Légion étrangère qui y est stationnée en permanence. Ces soldats ont accompli trente-cinq missions de protection au profit des Mahorais.
Dans la zone Pacifique, Résilience c'est aussi le positionnement en Polynésie d'un avion de transport A400M qui, après avoir apporté près de dix tonnes de matériel médical depuis l'hexagone, est resté basé à Tahiti pour faciliter les missions logistiques entre les îles, incluant entre autres la rotation avec la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, l'opération Résilience dans l'ensemble des outre-mer a mobilisé le RSMA au service des populations.
L'opération Résilience a rappelé qu'il existe bien une continuité et une solidarité au sein de la République française entre l'hexagone et les territoires ultramarins : Aimé Césaire serait content. Au cours de ce printemps 2020, l'armée a permis de conserver, même ténue, une continuité territoriale que le confinement avait mise à mal.
Je voudrais, au nom de l'ensemble de la délégation, remercier les forces militaires ayant concouru à l'opération Résilience pour l'ensemble des actions menées, qui ont protégé les outre-mer face à cette crise d'ampleur et assuré la continuité des services publics essentiels.
Je brosserai à grands traits l'action des armées dans la crise covid pour La Réunion et Mayotte.
La situation des deux départements est contrastée et l'engagement des armées se poursuit, puisque la crise n'est pas terminée à Mayotte. Ce département concentre l'essentiel de notre effort et représente le plus fort taux d'engagement des armées dans le cadre de l'opération Résilience.
Les deux départements sur lesquels sont stationnées les forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) sont distants l'un de l'autre de 1 400 kilomètres. À onze heures de vol de la métropole, le sud de l'océan Indien se caractérise par son isolement. C'est également une zone assez pauvre sur le plan médical : sur les quatorze États de notre zone de responsabilité, seule l'Afrique du Sud dispose de structures comparables aux nôtres, mais ce pays étant également en proie à la pandémie, il n'était pas envisageable d'y trouver un soutien sanitaire.
Les FAZSOI comptent 2 000 militaires d'active et conduisent tout au long de l'année des missions de protection de la souveraineté, de coopération régionale et d'intervention. Les activités de coopération, conduites avec onze des quatorze États de la zone Afrique australe et océan Indien, sont interrompues depuis début mars, par suite de la fermeture des frontières. Préjudiciable au volet prévention de nos missions, cet arrêt a toutefois facilité notre bascule d'effort vers l'opération Résilience.
Nous avons commencé à penser notre implication à compter de mi-février mais début mars, l'accélération a été très nette et au point de surprendre chaque jour davantage (sidération) : des mesures prises jour après jour paraissaient inenvisageables la semaine précédente. Dans ce contexte, le covid est arrivé à La Réunion le 11 mars et à Mayotte, le 16. Les deux départements sont passés en stade 2 de l'épidémie vers le 24 mars alors que la métropole était en stade 3 depuis dix jours déjà.
Nos premières actions ont été conduites les 23 et 24 mars, par un premier vol d'un appareil Casa à Mayotte et l'installation de tentes au CHU de Saint-Pierre, dans le sud de La Réunion.
Nous avons conduit une vingtaine d'actions majeures dans les trois domaines de l'opération Résilience : logistique, sanitaire et de protection, Mayotte concentrant plus des trois quarts des engagements.
Nous avons contribué à un pont maritime au profit de Mayotte au moyen de sept rotations de bâtiments de la marine nationale, dont deux réalisés par le porte-hélicoptères amphibie Mistral, puisque la mission Jeanne d'Arc a été réorientée dans le sud de l'océan Indien, du 4 avril au 13 mai, ce qui a permis de livrer plus de mille tonnes de fret au département de Mayotte. Après l'arrêt des liaisons commerciales privées, nous avons apporté notre concours pour la conception et la conduite du pont aérien au profit de Mayotte ; l'état-major a, pour ce faire, mobilisé son expertise en matière de transit. Nous avons également réalisé treize rotations d'aéronefs avec notamment l'A400M, lorsqu'il était de passage à La Réunion, et les appareils de l'escadron Estérel, qui ont permis d'acheminer 86 tonnes de fret au profit de Mayotte. Des missions de distribution de produits alimentaires de première nécessité ont également été réalisées par le détachement de la Légion étrangère de Mayotte ou par le RSMA de Mayotte.
Le soutien sanitaire s'est d'abord traduit par le transport de fret urgent pour Mayotte et le stockage ou la distribution de cinq millions de masques pour les deux départements. Nos propres structures de santé limitées – 15 médecins et 21 infirmiers pour l'ensemble des unités des FAZSOI – ne permettaient pas d'envisager un renfort direct au profit des structures civiles.
Par ailleurs, nous avons rapidement établi que le porte-hélicoptères amphibie Mistral n'apportait pas de plus-value en matière de santé au regard de l'isolement des deux départements qui disposent par ailleurs d'infrastructures médicales civiles assez développées, en particulier à La Réunion.
Nous avons effectué une centaine d'opérations de désinfection dans les deux départements, grâce à deux équipes du 2e régiment de dragons, projetées en renfort.
Enfin, le volet sanitaire de l'opération Résilience est illustré par le module militaire de réanimation (MMR) engagé à Mayotte en appui du centre hospitalier de Mamoudzou qui, grâce à 70 militaires du service de santé des armées (SSA), arme dix lits de réanimation et accueille aujourd'hui cinq patients covid.
Aspect plus discret et plus sensible de notre engagement, des actions de protection se poursuivent à Mayotte, notamment en appui à la sécurisation générale : nous avons réalisé quatre semaines de patrouilles nocturnes entre le 14 avril et le 11 mai, afin d'appuyer les forces de sécurité intérieure dans la prévention des vols et des pillages. Fin mai, nous avons également assuré la protection du dépôt de carburant de Total.
Premier enseignement de ces engagements, pour réagir face à la sidération progressive, au saut dans l'inconnu, nous nous sommes concentrés sur notre contrat opérationnel et singulièrement sur le volet intervention sur le territoire national à décliner sous l'angle d'une crise sanitaire. L'état-major et les unités se sont concentrés sur les missions prioritaires en usant d'imagination pour s'adapter aux enjeux.
Deuxième enseignement : la principale difficulté est venue de la conduite simultanée de notre engagement et de la mise en place d'un plan de continuité d'activité visant notamment à prévenir le risque de contagion dans deux territoires distincts. Agir à domicile en intégrant le paramètre des familles n'est pas la même chose qu'agir en OPEX. Le faible nombre de cas de covid au sein de la force est un petit exploit si l'on considère le mode d'organisation très collectif de nos unités et services.
Troisième enseignement, le dialogue civilo-militaire a été optimal, notamment à la préfecture de zone à La Réunion, pour organiser les ponts de ravitaillement de Mayotte. Nous nous sommes également adaptés au rôle singulier des agences régionales de santé (ARS) dans cette crise en formalisant les échanges par des officiers de liaison afin de mieux cerner les besoins de santé et d'anticiper les réponses militaires.
Depuis bientôt trois mois nous conduisons des actions quotidiennes d'appui de la réponse interministérielle à la crise du covid, tout en adaptant notre fonctionnement à ses différents stades. Après avoir agi pour éviter que le virus n'entrave notre capacité d'action, il s'agit maintenant de conduire la reprise normale d'activité. Forces interarmées rodées à l'action dans les milieux terrestre, maritime et aérien, les FAZSOI n'ont eu aucune difficulté à absorber des renforts conséquents : la mission Jeanne d'Arc et ses deux bâtiments, les aéronefs de l'armée de l'air dépêchés régulièrement dans la zone sud de l'océan Indien, deux unités de l'armée de Terre, dont une débarquée du porte-hélicoptères amphibie Mistral, restée à Mayotte, deux équipes de décontamination du 2e régiment de dragons et les deux régiments de service militaire adapté restés sous contrôle opérationnel pour l'opération Résilience. L'effet de subsidiarité dont bénéficient les forces de souveraineté et leurs forces permanentes dédiées, a été un gage de réactivité et donc d'efficacité pour affronter cette crise hors normes.
Madame la présidente, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, ma présentation se concentrera sur ce que j'ai pu vivre à bord de mon unité, en commençant par la phase de préparation et de configuration du bâtiment. Le 25 mars, le bâtiment était en Méditerranée orientale. Un court préavis m'a permis de préparer l'équipage à l'annonce imminente par le Président de la République de son déploiement aux Antilles. Dès le lendemain, les modalités de la manœuvre logistique au retour étaient arrêtées, même si les contours de la mission étaient encore imprécis. Il m'a été demandé de me préparer à acheminer du fret depuis la Métropole vers la zone Antilles-Guyane, de mettre mes capacités à la disposition des autorités locales afin de répondre aux besoins de la population et de disposer d'une capacité d'évacuation de ressortissants, conformément au socle des missions des porte-hélicoptères amphibies.
Au déclenchement d'une telle opération, la configuration du bâtiment fait naître de nombreuses questions. Il faut généralement deux à trois jours pour trouver les réponses adaptées, le temps de procéder aux arbitrages sur les moyens, le personnel et le fret à embarquer et d'anticiper les besoins auquel il faudra faire face une fois arrivé sur zone.
Partir d'une zone en crise pour intervenir dans une zone en crise impose d'intégrer dès le début l'environnement dégradé dans lequel on va opérer. Une approche de bout en bout et en autonomie a été privilégiée, conduisant au renforcement du bâtiment en moyens de manutention et de mobilité.
De cette phase préparatoire, je retiens la grande fluidité des échanges entre les différents interlocuteurs, notamment la cellule interministérielle de crise et le centre de planification et de conduite des opérations de l'état-major des armées ; cela a permis d'aboutir, par itérations successives, aux arbitrages nécessaires et d'assurer l'acheminement du matériel dans des circonstances très particulières. Plusieurs centaines de tonnes de fret, dont quatre hélicoptères, ont ainsi été embarquées à destination de la zone Antilles-Guyane.
La mission du bâtiment s'est déroulée en trois temps : la traversée transatlantique aller et la manœuvre logistique d'entrée de théâtre, du 3 au 20 avril ; une patrouille dynamique dans l'arc antillais, du 21 avril au 4 mai ; enfin, la préparation du désengagement concomitant au déconfinement, du 5 au 13 mai.
Le porte-hélicoptères amphibie est un intégrateur de capacités interarmées et, en la circonstance, interministérielles. Le transit a été mis à profit pour s'approprier la zone d'opération et procéder aux différents entraînements nécessaires avant l'arrivée sur zone. La durée a été fixée à quatorze jours, permettant d'arriver aux Antilles au terme d'une quatorzaine garantissant à la population locale l'état sanitaire de l'équipage.
Dès le franchissement du détroit de Gibraltar, le bâtiment a pris part aux briefings des forces armées aux Antilles afin de se préparer au panel des missions que le bâtiment serait susceptible d'effectuer et de s'insérer avec fluidité dans le dispositif en place depuis le début de la crise. À l'arrivée, la population est confinée, les services de réanimation ne sont pas saturés, environ 50 % des lits dédiés au covid-19 sont occupés. J'ai été marqué par la synergie des différentes administrations autour des préfets afin de répondre au mieux aux situations rencontrées dans les îles du Nord, la Guadeloupe et la Martinique.
La séquence logistique de déchargement a démontré la complémentarité de l'action des différents services de l'État, ainsi que le passage de témoin réussi entre le bâtiment et les unités militaires des forces armées aux Antilles, principalement le 33e RIMa et les régiments du service militaire adapté de Martinique et de Guadeloupe.
Afin de limiter tout risque de transmission entre le bâtiment et les territoires occupés, toutes les manœuvres logistiques ont été réalisées sans contact, ce qui a demandé une adaptabilité certaine de la part de l'équipage, de nos interlocuteurs civils et des organismes de soutien, notamment la base navale de Fort-de-France.
Du 17 au 19 avril, le Dixmude a successivement mis à terre un poste médical d'évacuation, au plus près de l'hôpital Fleming, à Saint-Martin, livré des masques et du gel hydro alcoolique au profit de l'agence régionale de santé (ARS) et des administrations, à Pointe-à-Pitre, transféré le matériel au profit de la Guyane au bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer Dumont d'Urville, qui venait juste d'être admis au service actif, ainsi qu'à un Casa des forces armées en Guyane, et enfin livré le matériel au profit de la Martinique, en particulier deux hélicoptères, l'un de la sécurité civile, l'autre de la gendarmerie.
Le porte-hélicoptères amphibie est un bâtiment polyvalent dont la mobilité fut un atout pour intervenir dans l'arc antillais. Du 21 avril au 4 mai, nous avons mené une patrouille dynamique, exploitant notre mobilité et notre polyvalence, autour des îles du Nord avant de rejoindre la Guadeloupe, puis la Martinique. Nous avons pu assurer une alerte d'évacuation médicale à trente minutes de jour et une heure quinze de nuit et effectué des patrouilles dans les zones de mouillage, afin d'informer les nombreux plaisanciers bloqués sur place de l'évolution de la situation, conformément aux directives des autorités.
Nous en avons également profité pour mettre à jour l'ensemble des sites d'intérêt, en perspective de la saison cyclonique. Enfin, nous avons procédé à la relève du dispositif terrestre mis en place sur les îles dans l'hypothèse d'une aggravation de la situation sanitaire.
J'ai souhaité que cette patrouille soit visible par nos compatriotes de chacune des îles françaises. Une communication adaptée envers les autorités locales et la population a permis de livrer les clés de compréhension de nos activités et mis en valeur les actions concrètes au profit de la population.
Enfin, sous l'égide d'une cellule de coordination multinationale (MI2C) implantée à Fort-de-France, des interactions avec les bâtiments amphibies britanniques Argus et néerlandais Karel Doorman ont été menées, démontrant sur zone la capacité des Européens à unir leurs efforts dans cette crise, comme cela avait déjà été le cas lors de la saison cyclonique de 2017.
La présence de deux hélicoptères Puma du 3e régiment d'hélicoptères de combat (RHC) et d'un détachement du 2e régiment de dragons a permis de s'approprier le retour d'expérience des transferts de patients atteints du covid-19 effectués en métropole en répétant l'ensemble de la séquence, de la réception des premiers éléments jusqu'à la désinfection de l'appareil et du personnel impliqué. Grâce à deux équipes du service de santé des armées, cette alerte a été intégrée au dispositif en place en complément des autres moyens, sous la coordination de la préfecture de zone de défense. Douze patients, dont trois atteints du covid-19, ont ainsi été pris en charge.
J'ai en mémoire le transfert d'un Guadeloupéen d'une quarantaine d'années faisant l'objet d'une lourde prise en charge à l'aide d'un dispositif d'oxygénation par membrane extracorporelle, transporté le 24 avril entre le CHU de Guadeloupe et celui de La Meynard en Martinique grâce à l'espace offert par le Puma. À la veille du retour à Toulon, j'ai appris qu'il était rentré chez lui, en Guadeloupe, ce qui est une excellente nouvelle.
La troisième phase a lieu du 5 au 13 mai, à l'approche du déconfinement. La situation s'étant améliorée dans les îles, seuls 11 % des lits de réanimation dédiés covid-19 sont alors occupés. Le bâtiment a livré des masques grand public à Saint-Martin, afin de permettre la reprise des écoles et de procéder à de nouvelles évacuations médicales entre les différentes structures hospitalières de Saint-Martin, Marie-Galante et les CHU de Guadeloupe et de Martinique. Je tiens à souligner que les échanges avec les SAMU et les hôpitaux ont toujours été particulièrement fluides.
Le désengagement du bâtiment a été validé le 7 mai, permettant la mise à terre des Puma du 3e RHC et de conserver une capacité d'évacuation médicale inter-îles, particulièrement précieuse. La culture de projection des armées et l'autonomie associée ont été des atouts de premier ordre pour maintenir la disponibilité des hélicoptères à un excellent niveau dans ce contexte dégradé.
S'agissant du défi sanitaire, au lancement de l'opération, le bâtiment appareille au moment du pic de l'épidémie en métropole. Rentrant d'une mission débutée avant le confinement, qui a suscité un peu d'inquiétude au sein de l'équipage, lors du passage à Toulon, fin mars, j'ai souhaité mettre le personnel en confinement à domicile afin qu'il intègre les contraintes induites par cette situation d'exception, ce qui a facilité le dialogue avec la base arrière pendant la mission.
Le principal défi a été l'intégration au sein de l'équipage de plus de 130 personnes venues d'horizon divers et n'ayant pu effectuer de quatorzaine avant leur embarquement. Pendant la phase à quai, tous les membres d'équipage ont fait l'objet d'un suivi médical particularisé ; sept personnes ont ainsi été écartées pour préserver l'état sanitaire du reste de l'équipage. Un contrôle sanitaire a été effectué au niveau de chaque détachement et compagnie afin de détecter au plus tôt l'apparition de symptômes, fussent-ils mineurs. Au moment de l'appareillage, un stock de masques suffisant pour permettre un port permanent a été embarqué et des mesures exceptionnelles prises. Toutes les zones de vie ont été fermées, les modalités de restauration ont été adaptées. L'activité a été aménagée sans porter préjudice à l'aptitude opérationnelle et à la préparation de la mission.
Au terme de cinquante-cinq jours sans presque toucher terre ou presque, la mission a été accomplie avec succès, en prenant en compte les contraintes de cette crise hors normes, ainsi que les dispositions exceptionnelles qui ont permis de rentrer à Toulon avec tout le personnel en bonne santé. Dans cette crise sanitaire hors normes, le déploiement d'un porte-hélicoptères amphibie, outil de gestion de crise militaire et humanitaire, en renforcement des forces de souveraineté s'est révélé pertinent afin d'élargir le panel des missions au profit de la population et de maintenir l'effort sur les autres missions des forces armées, comme la lutte contre le narcotrafic dans la zone antillaise.
L'équipage est rentré avec la fierté du devoir accompli et d'avoir contribué à l'élan de solidarité de la métropole envers nos compatriotes ultramarins, ce qui a donné du sens à leur engagement au quotidien.
Madame la présidente, Monsieur le président, mesdames et Messieurs les députés, depuis 2019, je commande la base aérienne 367 « Capitaine François Massé » située en Guyane, l'une des quatre bases aériennes outre-mer avec La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, sans oublier le pôle aéronautique d'État de Martinique, armé également par des aviateurs.
La base aérienne de Cayenne réunit 280 personnes mettant en œuvre un large panel d'aéronefs, dont trois avions Casa, quatre hélicoptères Fennec et cinq hélicoptères Puma, qui sont tous mis à contribution pour l'opération Résilience.
Les outre-mer se distinguent à la fois par la discontinuité territoriale et un faible réseau de transport terrestre. Cette caractéristique est particulièrement prégnante en Guyane, seule entité continentale d'outre-mer et dont la superficie est équivalente à celle de la région Nouvelle-Aquitaine. Recouverte à 96 % de forêt équatoriale, c'est un océan de verdure dépourvu de toute infrastructure routière en dehors de la seule route littorale. Le vecteur aérien y joue donc un tout premier rôle pour garantir la continuité du territoire avec la métropole, faciliter le soutien mutuel inter-outre-mer avec les Antilles et assurer le désenclavement des communes de l'intérieur du territoire, dans lesquelles vit un tiers de la population guyanaise. Cette primauté est particulièrement forte s'agissant des fonctions sous contrainte temporelle comme les évacuations sanitaires.
La participation de l'armée de l'air à l'opération Résilience en Guyane est comparable à celle réalisée dans les autres outre-mer.
L'opération Résilience s'inscrit pleinement dans la continuité des opérations menées quotidiennement par les forces armées, à savoir, les postures permanentes de sûreté aériennes ou maritime – l'opération Titan de protection du centre spatial guyanais, l'opération Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal, l'opération Polpêche de lutte contre la pêche illégale – et les missions d'évacuation sanitaire au profit de la force ou de la population lorsque les autres moyens sont indisponibles. Toutes ces opérations sont par essence éminemment interarmées et interministérielles. Par conséquent, les contacts avec les différentes administrations et la préfecture sont établis de longue date et les chaînes de commandement parfaitement claires. Nullement en rupture avec les opérations des forces armées en Guyane, l'opération Résilience est venue s'imbriquer dans un cadre déjà bien rodé ; les autres missions ont été adaptées au contexte sans jamais être interrompues.
La stratégie générale de santé de l'agence régionale de santé de Guyane, liée à l'implantation des structures hospitalières concentrées sur le littoral, vise à ramener sur la bande côtière les patients infectés sitôt testés positifs. À défaut de voies de circulation terrestres desservant les communes de l'intérieur, un véritable pont aérien, auquel ont majoritairement contribué des avions de l'armée de l'air, a été mis en place afin de projeter les équipes en charge de réaliser des prélèvements rapportés sur le littoral pour y être analysés, puis de rapatrier les patients infectés vers un hôtel réquisitionné du côté de Kourou.
La base aérienne a effectué sa première mission de transport sanitaire covid en Puma le 23 avril. Depuis, une dizaine de vols en Puma ou en avion Casa ont permis de rapatrier sur le littoral 63 personnes atteintes ou susceptibles de l'être. Ces patients n'étaient pas médicalisés comme en métropole : pris en charge dès le début de leur infection, ils étaient assis comme tout passager. Toutefois, afin de prévenir toute aggravation sanitaire pendant le transport, un médecin et un infirmier du centre médical interarmées de Guyane accompagnaient chaque mission.
À l'issue des vols sanitaires, les aéronefs sont désinfectés conformément aux procédures mises au point par le centre d'expertise NRBC de l'armée de l'air, dont le chef, le lieutenant-colonel Guerrier, est venu témoigner devant vous, il y a quelques semaines. Pour ce faire, sous la houlette du seul pompier de l'air de la base aérienne spécialiste NRBC, une équipe interarmées a été constituée, capable de fournir en quelques heures un aéronef sain et opérationnel, prêt à participer à toute opération des forces armées en Guyane. De plus, afin de faciliter l'implication des opérateurs aéronautiques privés locaux dans cette mission, nous avons développé une offre de service de désinfection d'aéronefs civils, réalisée à la demande de la préfecture. Une dizaine de missions de désinfection de ce type ont déjà été menées.
En matière de logistique, les moyens aériens sont mis à contribution pour répartir les lots de fret liés au covid sur l'ensemble des territoires d'outre-mer. Des avions Casa de Cayenne desservent non seulement la Guyane, mais également les différentes îles des Antilles, conformément à leurs domaines d'emploi. Une quinzaine de missions de transport aérien de fret a été exécutée par la base. Deux missions particulières ont été réalisées au profit de la préfecture de Guyane : le rapatriement des Antilles vers la Guyane d'une partie du fret du Dixmude et l'emport de fret d'urgence vers Camopi, ville guyanaise à la frontière du Brésil qui a subi une forte inondation.
Comme vous l'avez précisé, Madame la présidente, la base aérienne n'a pas contribué seule au soutien logistique. Mes camarades du 9e régiment d'infanterie de marine et ceux du 3e régiment étranger d'infanterie y ont pris une part très active, ainsi que le régiment du service militaire adapté de Guyane qui, pour l'occasion, est passé sous le commandement opérationnel du commandant supérieur des forces armées en Guyane.
La base est dédiée à la défense aérienne du centre spatial guyanais. L'opération Résilience a ajouté une corde à son arc, puisque notre escadron de protection a contribué à la sécurisation du site dans le domaine terrestre, en coordination avec nos camarades du 3e régiment étranger d'infanterie, au moyen de patrouilles à pied quotidiennes.
S'agissant du plan de continuité de l'activité, tant le commandant supérieur des forces armées en Guyane que l'armée de l'air ont totalement joué la subsidiarité, laissant au commandant de base que je suis l'initiative de l'adaptation des consignes générales aux particularismes de la base aérienne et de la Guyane. Durant la période de confinement, la base aérienne a été divisée en deux équipes équivalentes, travaillant alternativement un jour sur deux, sept jours sur sept, mais ne se croisant jamais. Ce rythme nous a permis de rester au contact et réactifs tout en évitant une contagion globale du site. En revanche, un plus grand nombre de solutions de télétravail aurait permis plus de fluidité et de continuité dans l'action.
Bien que la présence sur la base ait été divisée par deux, l'activité aérienne est restée soutenue : il s'agit, d'une part, de répondre aux sollicitations opérationnelles des forces armées en Guyane, dont l'opération Résilience, et, d'autre part, de maintenir les qualifications nécessaires afin de garantir notre capacité dans la durée. Environ 80 % de l'activité aérienne prévue hors épidémies a pu être réalisée, dont un quart pour l'opération Résilience. Les 20 % d'activité perdues concernent principalement l'entraînement et l'aguerrissement des équipages.
Pour mener à bien cette activité, des chantiers complexes et de maintenance lourde des aéronefs ont été reportés. J'ai supprimé les stages, permissions et missions annexes afin de concentrer les moyens humains sur les opérations et la disponibilité des appareils, en particulier celle de notre vénérable hélicoptère Puma, véritable fer de lance de nos missions.
La concentration des effectifs a permis un niveau convenable de mise à disposition et de régénération du potentiel de nos vecteurs aériens. Grâce à ces efforts, nous avons été et sommes toujours au rendez-vous de l'ensemble des opérations. Il nous faut maintenant mesurer l'impact de la dette organique et de la dette technique sur la disponibilité à venir, notamment en fonction des conséquences de la crise sur l'appareil industriel.
Vous le savez, la Guyane a été passée en vigilance orange covid, ce qui signifie que le virus n'est pas encore sous contrôle : la dynamique locale n'est donc pas celle de métropole. En revanche, le rythme de nos missions est amené à augmenter pour faire face au rapatriement des patients sur le littoral et à la reprise de l'activité de lancement du centre spatial guyanais, un premier tir étant prévu dès la semaine prochaine. Ajoutons à cela la continuité et la reprise d'envergure des autres opérations des forces armées en Guyane.
Dans le cadre du plan de reprise progressive de l'activité, il m'a fallu adapter l'organisation de la base aérienne pour la préserver de l'épidémie, absorber le regain d'activité opérationnelle, mais également prendre en compte une certaine évaporation des personnels liée aux problématiques de garde d'enfants, les écoles en Guyane n'ayant pas rouvert leurs portes, la préparation du retour en métropole de ceux qui sont mutés cet été ou la reprise de plusieurs tâches qualifiantes nécessaires aux progressions professionnelles. Nous nous gardons la capacité, si la situation venait à empirer, de revenir à l'organisation précédente, en bordées.
Nous savons le rôle qu'ont joué les équipes sanitaires des RSMA pour soutenir les professionnels de santé et les citoyens dans l'ensemble des outre-mer. En Martinique, les jeunes volontaires du RSMA ont apporté un appui technique au centre hospitalier ; à Mayotte, ils ont procédé à des livraisons de colis alimentaires et à La Réunion, ils ont apporté un appui technique à la gestion et à la distribution des masques dans les hôpitaux. En prévision de la période cyclonique aux Antilles, le renforcement de la fonction d'appui du RSMA par la création de filières de formation comme celle de l'aide aux personnes vous paraît-il une initiative à encourager ?
Vous avez rappelé les actions mises en œuvre dans des conditions difficiles. Y a-t-il eu des difficultés d'approvisionnement en masques, blouses, gants, réactifs de tests et respirateurs ? Étiez-vous davantage préparés qu'en métropole, le virus s'étant propagé un peu plus tardivement en outre-mer ? Les renforts à Mayotte ont-ils permis un meilleur contrôle pour éviter l'émigration illégale ? Les frontières ont-elles été davantage respectées pour éviter la propagation du virus ? Vous avez évoqué cinq patients covid accueilli à l'EMR, ce qui semble peu comparé aux chiffres cités lors de la table ronde sur l'EMR en Alsace. Est-ce le signe d'une moindre propagation du virus en outre-mer ? Est-ce lié au climat ou à des mesures barrières mises en place plus tôt qu'en métropole ?
Les jeunes du SMA ont participé à des opérations de manutention et de distribution de masques en Martinique, à des distributions alimentaires à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Guyane. Dans l'hexagone aussi, les jeunes du service militaire volontaire ont participé à des opérations de soutien. Dans un rapport fait en 2015 avec Marianne Dubois, je soulignais la réussite du dispositif. Les forces armées et le SMA verront-ils leurs moyens et leurs compétences en matière logistique et sanitaire pérennisés pour parer un éventuel retour de l'épidémie ? Pourrait-on valoriser cette période inédite pour ces jeunes militaires du service militaire adapté ?
Après le passage de l'ouragan Irma dans le nord de l'arc antillais, en 2017, la gendarmerie avait déployé un important dispositif de sécurisation dans l'île de Saint-Martin et lancé en métropole un appel aux réservistes. Plus de 150 gendarmes réservistes avaient répondu, dont 145 avaient été retenus, montrant que cette force est mobilisable sur court préavis. Les réservistes ont-ils été impliqués dans les dispositifs que vous avez mentionnés ? Compte tenu des distances du territoire métropolitain, ne conviendrait-il pas de dynamiser le recrutement de réservistes locaux ?
Lors d'une récente visite, j'ai pu constater que la disponibilité technique opérationnelle des Puma de l'armée de l'air en Guyane n'était pas au meilleur niveau. Colonel Chapeaux, pourriez-vous nous rassurer à ce sujet ?
Puisque nous avons coopéré avec les Néerlandais et les Britanniques dans les Caraïbes, quid d'une coopération bipartite, voire tripartite dans la zone sud de l‘océan Indien ? Face à ce type de pandémie, la France pourrait-elle associer des États africains, voire l'Inde ou l'Australie, riverains de la zone sud de l'océan Indien ? Avez-vous identifié des besoins capacitaires nouveaux dans cette zone après cette crise ? Pourrions-nous techniquement envisager ces coopérations militaires internationales ?
La Guyane reste exposée au covid-19, ce qui se comprend, puisque ce département gigantesque est bordé, d'un côté, par le Brésil et, de l'autre, par le Surinam, pays aux frontières relativement poreuses. Mon colonel, n'êtes-vous pas un peu trop optimiste en disant que l'armée de l'air est en mesure de faire face à la fois à la dette organique et technique liée à la surexploitation des hélicoptères, à la reprise des lancements à Kourou et à la poursuite de la lutte contre la crise sanitaire ?
Le SMA constitue un point d'appui essentiel pour secourir les populations en cas de crise majeure. Toutefois la Cour des comptes souligne que les objectifs imposés depuis 2009 dégradent les services rendus, les recrutements en forte hausse réduisant la durée de formation et du coup le taux d'insertion. En comparaison de propositions d'accompagnement dispensé par des organismes locaux comme les missions locales pour l'emploi, le SMA pourrait devenir moins attractif et accuser une baisse d'effectifs. Des volontaires rencontrés par la société Edater, chargée d'évaluer les politiques publiques, font état de dégradation de la qualité de l'accompagnement. Une réflexion a-t-elle été engagée en vue de consolider et pérenniser le SMA, la survenance de nouvelles crises n'étant pas exclue ?
Avez-vous le sentiment que nos populations d'outre-mer se sont senties plus rassurées et, par conséquent, plus proches de nous ? Avez-vous une explication au fait que la Nouvelle-Calédonie n'ait pas été touchée par le covid ? S'il le fallait, aurions-nous les moyens d'intensifier le processus ?
Je puis difficilement répondre aux questions relatives au service militaire adapté, puisque, tout au long de l'année, il ne relève pas des commandements interarmées mais est rattaché au ministère des outre-mer. C'est plutôt du côté du commandement du SMA au ministère des outre-mer que des réponses pourraient être apportées.
Pour la zone sud de l'océan Indien, le SMA a joué un rôle important, sachant toutefois que c'est l'encadrement technique qui a contribué à l'opération Résilience. Dans un souci de protection sanitaire des populations, il a été décidé d'interrompre la formation professionnelle au début de la crise. Du coup, tous les volontaires stagiaires, aussi bien à La Réunion qu'à Mayotte, sont rentrés à leur domicile pour ne pas rester concentrés dans les quartiers et risquer de créer des clusters. Mais les cadres et les volontaires techniques ont représenté pour les FAZSOI un renfort considérable de plus de 500 militaires à La Réunion et de près de 200 à Mayotte.
Ce rôle indirect a été très positif. À Mayotte, le chef de corps du régiment de service militaire adapté a organisé des tournées pour reprendre contact avec les stagiaires dans les localités de Mayotte afin de les sensibiliser à la crise du covid, lesquels ont constitué des relais pour sensibiliser la population aux gestes barrières et pour l'informer. En outre, grâce aux capacités de formation professionnelle, nous avons pu réaliser une grande partie du transport des 5 millions de masques dans les deux départements.
Le SMA vise à répondre aux besoins grâce à ses compétences techniques diversifiées. À La Réunion, il propose 37 formations différentes, de nature à accompagner au mieux les jeunes vers l'emploi. Toutefois, dans la mesure où les volontaires stagiaires n'ont pas participé à l'action, ils n'ont pas accumulé d'expérience susceptible d'être valorisée.
Il ne m'appartient pas de répondre à la question sur les difficultés d'approvisionnement en équipement de protection dans les outre-mer, puisque je n'étais pas dans le circuit de décision. Les armées ont contribué à la réception de ces capacités. Les centres hospitaliers de La Réunion étaient suffisamment équipés en respirateurs et remarquablement organisés.
Nous étions véritablement préparés. La situation et les actions en métropole, engagées dix jours plus tôt, nous ont servi de référence. Grâce à un léger temps d'avance, nous avons pu prévoir nos réactions et indiquer aux autorités préfectorales ce que nous pouvions apporter, nonobstant les particularités propres aux territoires ultramarins.
Concernant le respect des frontières et la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, vers la fin du mois de mars ou le début du mois d'avril, nous n'observions plus d'arrivées d'embarcations de type kwassa-kwassa en provenance d'Anjouan. Cet arrêt était certainement lié à un facteur psychologique, la perception par la population comorienne, par la caisse de résonance médiatique mahoraise, de l'arrivée de l'épidémie à Mayotte. Qu'il s'agisse des trajets habituels, pour raison de santé ou pour les trafics, les gens ont eu peur de rejoindre Mayotte. Par la suite, compte tenu des liens familiaux et amicaux entre les îles, les gens ont été rassurés et les traversées ont repris. Plus que le respect des frontières, c'est le facteur psychologique qui a stoppé pendant un temps les arrivées de kwassa-kwassa à Mayotte.
Néanmoins, nous avons densifié nos actions en mer et à terre à la demande du préfet de Mayotte qui souhaitait assurer le plus strict contrôle sanitaire possible des entrées sur le territoire : il aurait été paradoxal de fermer l'aéroport de Dzaoudzi et de laisser débarquer sur les plages sans contrôle sanitaire des arrivants d'origine inconnue. Nous n'avons pas observé d'augmentation des flux depuis Anjouan. Certaines embarcations ont été repoussées et sont reparties vers Anjouan, d'autres ont été interceptées et prises en charge, ce qui a permis des contrôles sanitaires à Mayotte, même si les reconduites vers Anjouan n'ont pas encore repris.
Des gens avec lesquels nous avons l'habitude de travailler sont venus nous aider à concevoir la protection sanitaire de la force, car je n'avais pas de structure dédiée au sein de l'état-major. Des réservistes ont conduit cette action déterminante pour la protection des FAZSOI. Nous n'avons pas eu besoin de faire appel aux unités de réserve puisque, au travers de la mission Jeanne d'Arc, des unités de l'armée de Terre projetées dans la zone sud de l'océan Indien et de la mise sous contrôle opérationnel des régiments de service militaire adapté, nous avons quasiment doublé les effectifs des FAZSOI pendant la crise covid. Je n'avais aucune difficulté d'effectifs pour répondre aux différentes missions.
La Réunion est un territoire propice à l'engagement dans les unités d'active comme dans les unités de réserve. L'unité de réserve du 2e régiment parachutiste d'infanterie de marine est suffisamment volumineuse pour que nous étudiions le fait de la scinder en deux. Nous n'avons pas de difficulté de recrutement sur nos territoires, bien au contraire.
Dans la zone sud de l'océan Indien, l'isolement est un réel frein à la coopération internationale. Cela étant, les États riverains de la zone sud de l'océan Indien, les États de l'Afrique australe et les États de la Commission de l'océan Indien étant accaparés par la situation sanitaire, l'irruption de l'épidémie et son traitement, toutes les activités de coopération ont été interrompues : on a assisté à un véritable recroquevillement de tous les partenaires. Quant aux grands partenaires de l'océan Indien, nous avons très peu d'interactions : du côté ouest de l'océan Indien, l'Australie, c'est très loin ; avec l'Inde, la coopération opérationnelle est croissante, mais ce pays-continent a dû affronter des défis tels qu'il était peu probable qu'il nous sollicite pour des coopérations internationales. Toutefois, un bâtiment indien est récemment venu faire de l'assistance sanitaire et humanitaire au profit des Seychelles, de Maurice et de Madagascar.
Pourquoi la Nouvelle-Calédonie n'a-t-elle pas été touchée ? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
Concernant l'intensification de l'engagement, nous considérons les forces de souveraineté comme des points d'appui capables d'agir les premières heures ou les premiers jours de la crise en attendant la projection de renforts depuis la métropole. Engager simultanément des moyens aux Antilles, en Guyane, dans le sud de l'océan Indien, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie représentait un défi considérable. Si nous devions faire face à une crise plus concentrée comme celle d'Irma, ces capacités de gestion centrales seraient toujours disponibles. Le concept est bon, même s'il est parfois mis à mal par la distance et les délais de projection. C'est précisément la raison pour laquelle nous disposons de forces dédiées au sein des forces de souveraineté.
Les missions en Guyane sont naturellement interarmées et interministérielles. Nous avons l'habitude de travailler avec les services de l'État. Il a certes fallu s'adapter à la forme de la crise, mais les chaînes de commandement et les liens avec les services de l'État étaient déjà établis. Nous étions donc tout à fait correctement préparés.
Grâce à un écart de deux mois de la vague de l'épidémie par rapport à la métropole, nous avons pu nous préparer en constituant des stocks d'équipements de protection individuelle, de masques, de gel hydro alcoolique et de matériels de désinfection des aéronefs pour transporter des patients covid. Nous avons également pu intégrer les gestes barrières : à la base aérienne, très rapidement les gens s'écartaient naturellement les uns des autres, toussaient dans leur coude, se lavaient plus régulièrement les mains. Combiné à une faible évolution du virus dans la Guyane, cela a très certainement permis de minimiser l'extension du virus au cours des premiers mois.
Les disponibilités du Casa et du Fennec ont été correctes. Celle du Puma a été suffisante pour répondre aux missions les plus stratégiques et les plus importantes décidées par le commandant supérieur des forces armées en Guyane. L'unicité de commandement lui a permis d'opérer des bascules d'effort des moyens aériens entre les différentes opérations en fonction du tempo et de la situation. Ce niveau de disponibilité a été possible grâce à la combinaison de 3 facteurs : tout d'abord la concentration des moyens humains suite à la suspension de toute activité annexe (stages, permissions, etc.), ensuite, le complètement du stock de pièces détachées de la base aérienne juste avant la crise. Et enfin, le maintien d'un lien aérien ininterrompu avec la métropole, assuré par Air France, permettant d'acheminer les pièces manquantes en urgence. Grâce à ces trois éléments, la disponibilité des moyens aériens et en particulier celle du Puma a été en adéquation avec les besoins principaux. En revanche, la dette organique et la dette technique engendrées par cette situation, sont à mesurer. Elles ne seront pas sans conséquences pour les mois à venir et pour finir l'année.
Le rapatriement des patients déclarés positifs vers le littoral est une mission de la préfecture et non des forces armées. Nous n'intervenons qu'en Ultima ratio, sur réquisition ou demande de concours, conformément à la règle des « 4 i », c'est-à-dire seulement si les moyens civils sont « inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles ». L'objectif, aux côtés de la préfecture, c'est de convaincre les acteurs aéronautiques locaux de prendre pleinement part à l'opération. C'est pourquoi, pour les convaincre, nous avons fait cette offre de désinfection de leurs appareils.
En parallèle, nous nous préparons à la remontée en puissance de nos missions principales : les missions permanentes aériennes et maritimes, l'opération Titan pour la protection du centre spatial guyanais et l'opération Harpie dont l'ampleur a été contrainte par l'opération Résilience et la crise.
La population d'outre-mer se sent-elle plus proche de nous ? Je ne saurai répondre à cette question ; en tout cas, ce que j'ai pu constater, c'est que les actions des forces armées ont été louées et reconnues par la population guyanaise.
Enfin, je ne puis vous dire pourquoi la Nouvelle-Calédonie n'a pas davantage été touchée.
Je salue le capitaine de vaisseau Rossignol qui m'avait emmené à l'île de la Passion, ou île Clipperton, alors qu'il commandait le Prairial.
Pendant la crise, l'effort de maintien des patrouilles destinées à assurer notre souveraineté dans la zone économique exclusive et à lutter contre la pêche clandestine et illégale est-il resté constant dans tous nos outre-mer ?
Dans le cadre du plan de continuité d'activité, nous n'avons rien lâché sur les missions de protection du territoire national. S'agissant de la souveraineté dans la zone sud de l'océan Indien, cela s'est traduit par le maintien de notre rythme d'activité dans le canal du Mozambique. Nous avons été aussi présents, voire davantage, autour des Îles Éparses par des actions de police des pêches dans notre zone économique exclusive. Nous avons tiré profit des mouvements des bâtiments de la marine nationale, ceux des FAZSOI engagés dans l'opération Résilience au profit de Mayotte, mais surtout ceux de la mission Jeanne d'Arc. Elle a d'abord servi à faire du ravitaillement au profit de Mayotte, mais le délai de rassemblement de la logistique à La Réunion nous laissait quelques marges de manœuvre entre les rotations : nous avons effectué des patrouilles avec des moyens considérables, et nous l'avons fait savoir. Nous avons communiqué non seulement avec les partenaires avec lesquels nous partageons le contrôle du canal du Mozambique, mais aussi avec les grandes puissances qui, malgré les difficultés liées à la crise du covid, continuent de nous observer, pour leur faire savoir que la France conservait des capacités opérationnelles et restait capable de les mettre en œuvre.
Je salue M. le député Folliot que j'avais eu le plaisir d'accueillir à bord du Prairial.
Le déploiement du Dixmude dans la zone Antilles a permis de maintenir l'effort des patrouilles de lutte contre l'immigration clandestine, notamment dans le canal de Sainte-Lucie et dans le canal de la Dominique, dans le sud de la Guadeloupe, principalement effectuées par le patrouilleur léger antillais La Combattante et par le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer Dumont d'Urville. Le Germinal, quant à lui, s'est concentré sur l'interception du trafic de stupéfiants qui a repris avec le déconfinement.
La France ayant initié la mise en place d'une cellule militaire de coordination internationale, la MI2C (Military Initiative Coordination Cell), à l'instar de ce qui avait été fait pendant la saison cyclonique 2017, cela a permis d'interconnecter les bâtiments français, britanniques et hollandais, au niveau non seulement des unités mais également des états-majors, afin d'échanger sur la situation à terre et en mer, la disponibilité des moyens, la situation sanitaire, et d'identifier les synergies. Chaque île s'étant repliée sur elle-même, peu de synergies se sont dégagées ; les points d'appui des Britanniques et des Hollandais sont très différents des nôtres. Pour l'avoir vécu pendant le cyclone Irma avec le BPC Tonnerre, cela avait été particulièrement efficace pour rediriger certains flux vers des pays ayant moins de moyens : ce fut le cas pour la Dominique vers laquelle nous avions dirigé du fret de la Croix-Rouge.
La disponibilité des hélicoptères a été excellente, même s'il est toujours difficile de tenir une telle disponibilité dans la durée compte tenu de l'âge de ces appareils.
Messieurs, vos éclairages précis sur vos présences et vos actions ont été très précieux pour nous. Bien que certains d'entre vous soient très loin, je souhaitais vous auditionner, car nous savons combien vous avez servi notre continuité nationale et nos outre-mer, et nous souhaitons vous retrouver bientôt. Au nom de la commission de la défense, je tiens à vous exprimer notre gratitude et notre respect pour votre aide dans cette crise qui n'est pas terminée et dans laquelle vous continuerez à jouer un rôle éminent.
Je remercie le président Serva d'avoir co-animé cette audition.
Chère présidente, c'était un plaisir pour moi d'écouter ces hauts gradés. Je m'associe à vos propos concernant leur grande implication, la clarté de leurs explications sur leurs différentes missions dans les trois océans. C'est une fierté de constater que nos forces armées ont pu répondre simultanément et de façon satisfaisante dans les trois océans.
Au nom de la délégation aux outre-mer, je vous remercie de nous avoir ainsi permis d'échanger ensemble, pour la première fois – et j'espère que ce ne sera pas la dernière. La France est la France parce qu'elle est présente dans les trois océans grâce à ses onze territoires ultramarins habités ou ceux inhabités dont ont fait état Philippe Folliot et le commandant Rossignol.
Nous voyons bien à travers les trois militaires que nous venons d'entendre combien il est important de continuer à travailler ensemble dans les différentes missions pour garantir l'intégrité et la puissance de notre pays.
Information relative à la commission
La commission a procédé à la désignation de co-rapporteurs pour les trois missions « flash » suivantes :
Mission « flash » sur le rôle de l'industrie de défense dans la politique de relance :
– MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, co-rapporteurs ;
Mission « flash » sur les hélicoptères des armées :
– MM. Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara, co-rapporteurs ;
Mission « flash » sur les relations entre autorités civiles et militaires : les leçons de la crise du COVID-19 :
– MM Joaquim Pueyo et Pierre Venteau, co-rapporteurs.
La séance est levée à seize heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Thibault Bazin, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Philippe Folliot, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Benjamin Griveaux, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Jacques Marilossian, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Sylvain Brial, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre
Assistaient également à la réunion. - Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Maud Petit, M. Olivier Serva