Nous vous recevons pour la présentation du rapport au Parlement 2020 sur les exportations d'armement de la France. Je rappelle que le principe qui prévaut dans notre pays est l'interdiction de toute activité liée à la fabrication et au commerce des armes, sauf autorisation délivrée par l'État. Le rapport décrit ainsi, avant d'aborder les chiffres pour 2019, le contrôle interministériel rigoureux des dérogations et licences d'exportation accordées à nos industriels de défense. Il rappelle également qu'à ce contrôle interministériel a priori s'ajoute un contrôle ministériel a posteriori sur le respect des conditions imposées lors de la délivrance d'une licence.
Ce rapport, dont je salue l'effort pédagogique, est instructif à plus d'un titre.
Tout d'abord, il établit le montant total des commandes pour 2019 à 8,3 milliards d'euros. Malgré une baisse de 700 millions d'euros par rapport à l'année 2018, ce chiffre peut être qualifié, ainsi que l'indique le rapport, de « bon résultat », car il convient de ne pas oublier que les cinq dernières années ont été exceptionnelles, notamment en raison de l'apport des ventes de Rafale. Il s'inscrit dans la moyenne observée des dix dernières années.
Ce rapport révèle également une forte réorientation de nos exportations vers nos partenaires européens, aux dépens de nos clients traditionnels, notamment moyen-orientaux. Alors que la part des pays du Moyen-Orient dans le total des commandes est passée de 50 % en moyenne lors des années précédentes à 30 % en 2019, la proportion des clients européens est quant à elle passée de 10 à 42 % – 45 % si l'on inclut les États non membres de l'Union européenne (UE). De même, trois de nos cinq premiers clients sont européens, le principal étant notre voisin belge, qui nous a commandé des navires chasseurs de mines pour 1,8 milliard d'euros. Comme vous l'avez vous-même souligné, Madame la ministre, cette hausse des exportations vers nos partenaires européens « n'est pas le fruit du hasard » et est en parfaite cohérence avec la volonté de développer l'Europe de la défense que vous portez depuis maintenant trois ans.
La forte part des contrats navals dans le total des exportations est également inédite. Alors que le secteur naval représentait en moyenne 10 % du total des commandes au cours des années précédentes, cette proportion s'est élevée à 50 % en 2019. Nous aimerions connaître votre appréciation quant à cette performance exceptionnelle du secteur naval, ainsi que sur les résultats des secteurs terrestre et aéronautique.
Vous soulignez toutefois, dans votre avant-propos au rapport, les difficultés que devront affronter nos industries de défense à la suite de la crise liée au covid-19, notamment le durcissement de la concurrence internationale pour des contrats d'armements potentiellement moins nombreux, compte tenu de la restriction des budgets publics. De fait, de nombreux industriels de la défense m'ont fait part d'une inquiétude similaire et craignent tout à la fois les conséquences des annulations des salons internationaux, le renforcement de la concurrence et les restrictions des budgets publics. Très souvent, en effet, les exportations représentent 50 % de leur chiffre d'affaires total.
La revue stratégique de 2017 indiquait : « En apportant un volume d'activité complémentaire à la commande nationale et en stimulant l'innovation dans un environnement international très concurrentiel, l'export reste capital pour une industrie de défense compétitive et le maintien des compétences. » Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, si l'activité à l'exportation faiblissait pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), l'État n'aurait que deux options : soit renoncer à l'autonomie stratégique française, soit payer plus cher ses propres équipements. Les travaux de Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot sur l'industrie de défense devraient, je le suppose, aborder cette problématique.
J'ai conscience que le développement à l'export passe aussi par l'absolue certitude du respect de nos engagements internationaux, et notamment des embargos sur les armes. Cette exigence est la condition indispensable à la préservation d'un consensus national. Vous y contribuez d'ailleurs, Madame la ministre, en venant chaque année devant nous. Des améliorations sont sans doute encore possibles, notamment dans le domaine du contrôle parlementaire, et notre commission attend avec intérêt les conclusions des travaux entrepris sur ce sujet par Jacques Maire et Michèle Tabarot.
Enfin, le rapport 2020 met en lumière les demandes croissantes, de la part de nos partenaires internationaux, de transferts de technologie, ce qui constitue un enjeu particulier en termes de non-prolifération et de préservation des intérêts de sécurité de notre pays. Là encore, nous souhaiterions connaître la façon dont vous envisagez ce défi dans les années à venir.