Nous allons réfléchir, cher Monsieur Chassaigne à votre citation. Et nous comprenons qu'en réalité c'est une affaire de choix. C'est de façon tout à fait assumée que les Livres blancs ont choisi de concentrer la souveraineté industrielle sur les équipements les plus critiques pour notre souveraineté. Cette politique de concentration, on l'illustre d'ailleurs souvent par des cercles concentriques : un « cœur » souverain – tout ce qui est avions, nucléaire, renseignement, etc. – ; une première couronne constituée de matériels pour lesquels on s'en remet plutôt à la coopération et enfin, le reste, c'est-à-dire ce que l'on acquiert sur étagère, en France ou ailleurs. C'est ainsi que le FAMAS, l'emblématique fusil du soldat français, a pour successeur un fusil allemand ; que le vénérable pistolet MAC 50 a un successeur autrichien ; et que les balles que tirent nos soldats sont usinées en Allemagne, en Belgique ou aux États-Unis, mais pas en France.
Il y a là une certaine logique économique, nous ne le nions pas. Mais nous nous demandons si cette logique est vraiment compatible avec une autre, qui devrait prévaloir : une logique de souveraineté et de résilience. Ce mot de « résilience », d'ailleurs, nous l'avons beaucoup entendu ces derniers temps dans la salle de la Commission de la Défense… Et, d'ailleurs, dans les retours d'expérience de la crise sanitaire et de l'opération Résilience, on pourrait utilement s'interroger sur la pertinence de notre politique d'approvisionnement en « petits » équipements, par exemple en munitions. Le parallèle est assez frappant entre les masques et les munitions de petit calibre : dans les deux cas, on a considéré que ces produits avaient une bien faible valeur ajoutée, et n'intéressaient guère nos industries ; que produire français était trop cher, et le resterait inexorablement ; que l'offre étrangère était aussi abondante que compétitive, qu'elle le resterait indubitablement ; bref, que l'on pouvait ainsi s'en remettre à des fournisseurs étrangers. S'agissant des masques, on en est revenu…
Et nous pensons, vous l'aurez compris, que s'agissant des munitions, il en va de même. Avec le président Richard Ferrand, dont nous tenons à saluer ici le chaleureux accueil dans sa circonscription, nous nous sommes rendus à Pont-de-Buis-lès-Quimerch pour nous faire présenter en détail un projet, hélas avorté en 2017, de reconstitution d'une filière française de production de munitions de petit calibre. Les Belges, les Allemands et les Suisses parviennent à entretenir une industrie viable en la matière, et l'on ne peut pas dire que c'est le coût de la main-d'œuvre qui les rende plus compétitifs que nous ! De plus, le développement de nouveaux calibres pour armes légères et leur généralisation potentielle au sein de l'OTAN nous amènent à penser que la reconstitution d'une filière souveraine aujourd'hui pourrait ouvrir des perspectives intéressantes dans quelques années. À nos yeux, il y a là un beau chantier pour l'effort de redressement industriel que le plan de relance doit soutenir.