Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 9h35

Résumé de la réunion

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  • calibre
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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de la Présidente retenue par un exercice de simulation avec les forces aériennes stratégiques.

Permettez-moi également, en son nom et au mien, de vous dire tout le plaisir de vous retrouver au sein de cette commission, pour cette première réunion, après une trêve estivale bien méritée après ce printemps si particulier.

Et ce plaisir est d'autant plus grand que nous allons examiner ce matin un rapport que vont nous présenter deux membres aguerris de notre commission : le Président André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon.

Mais avant d'aborder notre ordre du jour, je voudrais exprimer en votre nom à tous l'hommage de la représentation nationale à l'égard des deux militaires français, le hussard parachutiste de première classe Arnaud VOLPE et son camarade brigadier-chef de première classe dont le nom, à la demande de la famille, n'a pas été publié. Tous deux ont trouvé la mort le 5 septembre dernier lors d'une opération dans la région de Tessalit au Mali, victimes de la destruction de leur véhicule blindé par un engin explosif improvisé. Que leurs frères d'armes soient également assurés de notre reconnaissance et de notre soutien dans la difficile mission qui est la leur au Sahel.

Par ailleurs, je voudrais également dire notre profonde tristesse à l'annonce du décès, lors d'un accident d'avion d'aéroclub, de deux élèves de terminale et de première de l'École des pupilles de l'air, et d'une réserviste citoyenne pilotant l'appareil. Nous présentons nos condoléances à leurs familles et leurs camarades.

Après ces justes hommages, venons-en maintenant à notre ordre du jour qui prévoit la nomination de rapporteurs.

Tout d'abord, la Présidente Françoise Dumas s'est concertée avec Sabine Thillaye, la présidente de la commission des affaires européennes, pour effectuer un travail commun sur la coopération structurée permanente de l'Union européenne. Il a été convenu que notre commission nomme le député de la majorité alors que la commission des affaires européennes nommera le député de l'opposition. En conséquence, conformément à la répartition des rapporteurs entre les groupes faites par le Bureau, le groupe LaREM a présenté la candidature de Natalia Pouzyreff. S'il n'y a pas d'opposition, je vous propose de la retenir.

Par ailleurs, la Présidente Françoise Dumas a eu des échanges écrits avec son homologue britannique, pour organiser une réunion commune avec la chambre des Lords et le Sénat à l'occasion des 10 ans des accords de Lancaster House. La date proposée est le jeudi 29 octobre mais nos amis britanniques sont dans l'incapacité aujourd'hui de préciser aujourd'hui, du fait de la situation sanitaire, si cette rencontre se fera en visioconférence et en présentiel à Londres et bien sûr nous le comprenons. Cette rencontre, au-delà de ces modalités, devrait nous permettre d'adopter une résolution commune. Afin de la préparer il a été décidé d'organiser une mission pour établir un bilan des accords de Lancaster House, avec si cela est possible, une participation de nos homologues anglais. Selon une décision du Bureau, les rapporteurs sont répartis entre le groupe LaREM et le groupe LR : le premier présente la candidature de Jacques Marilossian et le second de Charles de la Verpillière. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.

Après ces nominations, je vous propose de revenir au rapport d'information dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Son thème en est « la politique d'approvisionnement du ministère des Armées en petits équipements ». C'est un sujet important qui se trouve à la croisée d'une multitude d'enjeux : la résilience et la cohérence capacitaire de nos forces, l'illustration de la préoccupation du ministère de développer une LPM à « hauteur d'homme », l'aménagement du territoire à travers ses multitudes de PME. Et la crise sanitaire a soulevé un autre enjeu : celui de la souveraineté à travers les questions sur la stratégie de l'importation de produits ne présentant pas en apparence de caractère stratégique. Je sais qu'au regard de cette problématique, MM. Chassaigne et Cubertafon portent une proposition forte pour la récréation d'une filière de production de munitions de petits calibres en France.

Je voudrais d'ores et déjà remercier les rapporteurs pour leur travail. Ils ont ainsi mené de nombreuses auditions -environ une vingtaine- et dans des délais écourtés par les mesures liées au confinement. Ils ont également fait des déplacements en France, l'un dans le Puy de Dôme, cher à M. Chassaigne, et l'autre dans le Finistère pour étudier sur le terrain, avec Richard Ferrand, la possibilité de développer une poudrerie aujourd'hui à usage civil vers la production de munitions militaires.

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Jean-Pierre-Cubertafon

Monsieur le Vice-président, Mesdames et Messieurs mes chers collègues,

Voici venu le moment de vous présenter les conclusions de la mission d'information que vous nous avez confiée, l'automne dernier, sur la politique d'achat du ministère des Armées en matière de petits équipements.

Les « petits » équipements, vous le verrez à la lecture de notre rapport, nous n'en parlons qu'en mettant le qualificatif entre guillemets.

En effet, cet intitulé inviterait presque à définir ces équipements par la négative : c'est comme si, dans les arsenaux de nos armées, les « petits » équipements étaient un reliquat, « ce qui reste » quand on a passé en revue tout ce qui est plus emblématique, plus cher, plus spectaculaire par sa taille, sa vitesse ou sa complexité technique. Comme nous nous efforçons de le montrer dans notre rapport, du couteau au treillis, du fusil à l'insigne, de la radio à la tenue de sport, il y a là tout un inventaire « à la Prévert » de matériels de toute nature, formant un tout assez hétéroclite, et pourtant indispensable à la cohérence capacitaire de nos forces. Eh oui, la cohérence capacitaire tient pour beaucoup à ces « petits » équipements : quelle cohérence y aurait-il à posséder les navires, les avions, les chars et les satellites les plus perfectionnés qu'ils soient, si nos fantassins n'avaient pas de radios et de gilets pare-balles ?

Et pourtant, s'y est-on jamais intéressé « pour de vrai », si j'ose dire ? Force est de constater que, quelles que soient les majorités au pouvoir – car là n'est pas la question, et les deux rapporteurs que nous sommes ont travaillé de concert –, le « petit » matériel a souvent, trop souvent, servi de variable d'ajustement dans les ajustements budgétaires des années dures, trop dures.

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C'est d'ailleurs pour rompre avec cette fâcheuse tendance, Monsieur le président, mes chers collègues, que la loi de programmation militaire a mis l'accent sur l'équipement qu'elle appelle « à hauteur d'homme ». Certes, elle n'en donne pas une définition précise, et reste vague quant aux indicateurs administratifs et financiers très précis les grandes orientations qu'elle trace. Mais, en soi, cet accent est déjà une nouveauté, et une nouveauté bienvenue ; partout où nous nous sommes rendus, partout où nous avons pu discuter avec des militaires de tous grades, cet effort est d'ailleurs bien perçu. Je voulais le souligner ici, ce qui dans la bouche d'un député de l'opposition a toute son importance.

Alors, bien sûr, on peut toujours craindre que les armées, par un légitime réflexe de fierté, s'attachent à présenter aux parlementaires plutôt « le verre à moitié plein » que « le verre à moitié vide ». Mais, justement, c'est parce que nous tenions à éviter que nos travaux se limitent à une tournée des « villages Potemkine » ou à une illustration de « Tintin au pays des Soviets » que nous avons tenu à discuter très librement avec les militaires et leurs représentants, c'est-à-dire non seulement les hautes autorités, mais aussi les personnels de tous les grades, tant par leurs représentants – je pense au Conseil supérieur de la fonction militaire, le CSFM, et aux associations nationales professionnelles de militaires, les APNM. Nous avons aussi entendu les producteurs de ces « petits » équipements, qui ont leur mot à dire sur la politique d'achat en question. Bien entendu, dire que « petits équipement » égale « petit producteur », PME ou TPE, ne serait pas rigoureusement exact ; mais c'est tout de même un peu le cas : que ce soit en sous-traitance ou en commande directe, les « petits » équipements sont le plus souvent fournis par des PME, et même, traditionnellement, par des PME françaises.

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Ainsi, mes chers collègues, le premier enjeu de nos travaux consistait à dresser une sorte de tableau à l'instant « T » de ces « petits » équipements, c'est-à-dire à évaluer l'adéquation de ces matériels aux besoins des soldats. Ce n'est pas une mince affaire, et notre rapport présente en détail le résultat de nos travaux. Pour faire court, et au risque de brosser ce tableau un peu « à la hussarde », il faut bien dire que la modernisation des « petits » équipements est assez lente, plus que celle des grands matériels « à effet majeur ». Ce sont même de hautes autorités militaires qui ont prononcé devant nous le terme de « paupérisation » pour qualifier l'état des « petits » équipements de nos soldats.

Le terme est un peu fort, assurément. Mais soyons lucides, sans esprit polémique : il suffit de passer une journée dans un régiment pour se rendre compte qu'à côté des matériels les plus modernes, on trouve aussi des matériels franchement obsolètes.

Pourquoi cela ? D'abord et avant tout, parce que les lignes budgétaires qui financent ces équipements sont trop souvent des variables d'ajustement – nous l'avons dit. Cela tient d'ailleurs en partie, peut-être, à la présentation des choses par le ministère lui-même : si l'on étudie en détail la documentation qui nous est fournie avec le projet de loi de finances, qui ne devrait pas tarder à nous arriver, on trouve aisément des lignes budgétaires spécifiques pour les grands programmes, mais on aura bien du mal à savoir combien va être dépensé pour les gilets pare-balles, pour les effets d'habillement, pour les pistolets, ou pour les munitions des armes individuelles. Tout ce qui est « petit » est traité assez indistinctement ; cela contribue certainement à en faire des variables d'ajustement toutes trouvées.

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Ajoutons aussi que les grandes réformes structurelles des années passées n'ont guère aidé, du moins dans un premier temps. Pour dire les choses très schématiquement, on a eu tendance dans les années 2000 et 2010 à créer de grands services interarmées chargés des fonctions de soutien, afin précisément d'optimiser ces fonctions – comme disent les gens chics –, c'est-à-dire de réaliser des économies en emplois et en financement. C'est, paraît-il, ce que l'on appelle une organisation « matricielle ».

Le fait est, cependant, que le résultat n'a pas toujours été au rendez-vous. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a eu aucun succès, bien au contraire, mais force est de constater que, bien souvent, ces grands services ont mis plusieurs années à trouver leur rythme ; ces réformes n'ont pas été aidées par le fait que, parfois, on a réduit les crédits et les ressources humaines avant même que les nouveaux organismes créés pour cela aient trouvé leur rythme de croisière. Pensons, par exemple, à ce que les militaires appellent la « crise de l'habillement » : la fusion des trois commissariats des trois armées en un seul service était censée optimiser nombre de fonctions de soutien, mais cette réforme ambitieuse a mis une bonne dizaine d'années à déboucher sur une situation à peu près équilibrée. Entre-temps, et cela perdure d'ailleurs encore, les militaires ont eu toutes les peines à percevoir leur paquetage initial, à renouveler leurs effets, et à trouver des matériels de qualité. Et, ce, à tel point que nombre d'entre eux ont été plus ou moins conduits à s'équiper sur leurs deniers personnels, dans les magasins d'articles de sport ou les surplus militaires.

D'ailleurs, avec ces grandes réformes structurelles, on finit par avoir du mal à comprendre qui, in fine, est responsable de tel ou tel matériel. Il y a une forme d'imbrication des responsabilités entre les armées, les services de soutien et la DGA pour certains matériels, et cette imbrication ne facilite pas les choses. Nous l'avons clairement indiqué dans le rapport.

L'effort « à hauteur d'homme » de la loi de programmation militaire ne résout certes pas tout, mais il va dans le bon sens. Il s'inscrit d'ailleurs dans un mouvement de prise de conscience qui n'a pas attendu 2018, mais qu'il a nettement amplifié. Ce sont en effet les opérations en Afghanistan qui ont marqué un tournant. Il est devenu évident, à ce moment, que nous ne pouvions plus en rester aux équipements des années 1980 et 1990, ceux que les moins jeunes d'entre nous se rappellent peut-être avoir vus en Irak et en Bosnie…

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Ainsi, le constat que nous faisons est tout en nuances : en matière de modernisation des « petits » équipements, les armées en sont aujourd'hui « au milieu du gué ».

Comme l'explique en détail notre rapport, dans lequel vous trouverez nombre d'exemples précis et d'explications techniques, la transformation du « petit » équipement ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a bien entendu à cela des raisons budgétaires, mais pas seulement : la lenteur tient parfois aussi à des raisons tout simplement industrielles ; équiper d'un seul coup plusieurs centaines de milliers d'hommes supposerait des capacités de production difficiles à réunir au même moment et difficiles à entretenir dans la durée.

C'est pourquoi, bien souvent, les armées se trouvent dans une phase de transition, où cohabitent dans leurs armureries des matériels modernes et des équipements anciens, en attente de remplacement. C'est ce que l'on appelle le « panachage » des « petits » équipements, qui constitue l'un des griefs les plus souvent soulevés devant nous par les militaires.

Ceux-ci, d'ailleurs, trouvent des palliatifs de tout genre. Parfois, ils continuent à utiliser des anciens matériels à côté des plus modernes – ce qui est peut-être regrettable, mais pas critiquable en soi. Parfois, ils en viennent à en acquérir eux-mêmes, sur leurs deniers et sur des marchés civils, pour pallier l'insuffisance de leurs dotations. On pourrait y voir un pis-aller, certes regrettable pour des questions de principe mais somme toute pas insatisfaisant du point de vue opérationnel ; pour nous, non seulement les questions de principe ont leur importance – c'est aux armées d'équiper les soldats – mais ce que l'on appelle « l'équipement personnel » présente aussi de sérieux risques : les matériels achetés dans le civil échappent aux tests et aux contrôles stricts qu'organisent la DGA et le commissariat pour garantir non seulement la qualité, mais aussi la sécurité et l'interopérabilité des matériels militaires. Prenons un exemple très concret : certains effets d'habillement ou de chaussage sont jugés obsolètes par les militaires, et le sont certainement ; mais les vêtements et les chaussures achetées dans les grandes surfaces spécialisées dans le sport ou dans les surplus militaires sont-ils plus sûrs ? Ont-ils les mêmes capacités de résistance au feu ? Leurs fibres ont-elles les mêmes propriétés lorsqu'elles viennent à être percées par une balle, auquel cas il importe que la blessure ne soit pas infectée par des débris de fibres textiles ? Leur comportement dans des conditions extrêmes de chaleur est-il aussi satisfaisant que sous nos latitudes ? Rien ne le garantit.

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Ce bilan de l'effort d'équipement « à hauteur d'homme », comme le dit la LPM, nous amène naturellement à penser à la suite, c'est-à-dire à l'actualisation de la programmation militaire qui, si elle intervient, interviendra en 2021, c'est-à-dire demain.

Dans cette optique, et sans prétendre empiéter sur les travaux que notre commission consacrera à cette actualisation, nous tirons de nos travaux quelques points à garder en tête au moment des travaux sur cette actualisation. J'en mentionnerai trois.

D'abord, et je vous prie d'emblée d'excuser cette vérité de La Palice : pour une politique d'achat, encore faut-il des acheteurs. La chose est moins évidente qu'il n'y paraît, non seulement parce que ce sont des spécialistes dont l'effectif est assez réduit, et dont les tableaux d'effectifs ont souvent des trous. Mais aussi parce que l'expérience montre qu'il y a l'acheteur et le « bon » acheteur… la quantité ne fait pas tout : le ministère a besoin d'acheteurs qui soient rompus aux procédures d'acquisition qui sortent un peu de l'ordinaire. Pratiquer le droit de la commande publique n'est pas un sport de masse – si vous me permettez l'expression à quelques jours de l'arrivée du Tour de France. Depuis quelques années, on a mis en place des procédures innovantes, des possibilités de dérogation au cadre parfois un peu strict de la commande publique : encore faut-il s'en servir. Avant d'inventer des procédures nouvelles, qui devraient de toute façon rester conformes au droit européen, commençons par tirer toutes les possibilités des procédures actuelles. Cela suppose de sortir plus souvent qu'aujourd'hui des sentiers battus en matière d'achats, et c'est là tout un enjeu. À nos yeux, le mieux est d'arriver à des démarches de co-développement de nos petits équipements entre les PME de nos territoires et les armées. Nous y reviendrons.

Nous y reviendrons en effet, mais ne nous éloignons pas de l'actualisation de la programmation militaire… Le deuxième message que nous tenons à faire passer s'agissant de cette actualisation, c'est qu'il faudra veiller à ce que l'on appelle « la masse ». En termes clairs, il faut éviter de moderniser par échantillons. Alors, bien sûr, nous en sommes bien conscients : les matériels modernes sont presque toujours plus chers que les matériels anciens qu'ils remplacent, et la tentation est grande d'en commander moins. Mais cela contribue au « panachage » que nous évoquions, et qui présente un inconvénient opérationnel tout à fait évident : quand on doit rester en groupe, on marche toujours au rythme du plus lent… La cohérence capacitaire, enjeu majeur dont on a souvent souligné l'importance dans cette salle, suppose d'éviter des commandes échantillonnaires.

Troisième point de vigilance : les crédits, encore les crédits, toujours les crédits. Les prévisions de la LPM sont à saluer ; encore faut-il qu'elles soient réalisées. Deux de nos collègues résumaient bien cela d'une expression qui nous est restée à l'oreille : « pour la LPM, ni exécution au rabot, ni actualisation au rabais ». Le risque serait que les « petits » équipement servent de nouveau de variable d'ajustement budgétaire si l'actualisation devait être difficile, soit que les crédits manquent, soit qu'il faille financer des dépenses que la LPM n'avait pas encore intégrées, par exemple pour la défense spatiale.

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Voilà nos trois points de vigilance pour l'actualisation de la programmation militaire. Mais nos recommandations ne se limitent pas à cela, au contraire. En réalité, nous avons assez rapidement orienté nos travaux suivant un axe qui nous paraissait pertinent, et que la crise n'a rendu que plus pertinent : davantage encore qu'une affaire de politique d'achat, la clé du succès est affaire de politique industrielle.

En particulier, nous observons une tendance, à nos yeux regrettable, à l'éloignement du fabricant et du soldat, et cela concerne les « petits » équipements peut-être davantage que les grands. En effet, si les matériels majeurs sont presque tous produits en France par des industriels français, tel n'est pas toujours le cas des « petits » équipements : non seulement le ministère hésite de moins en moins à se fournir à l'étranger, mais même lorsqu'il choisit des fournisseurs français, les PME qui produisent ces « petits » équipements ont de moins en moins souvent des contrats directs avec le ministère, qu'ils ne fournissent plus qu'en position de sous-traitants des grands industriels.

On nous répond souvent que c'est là une affaire de droit, que pour des équipements qui ne sont pas « cruciaux », on doit en passer par des appels d'offres européens, par nature ouverts aux étrangers. Certes, mais il y a le droit tel qu'on le lit, et le droit tel qu'on le pratique. Or, en la matière, il est à craindre que nos acheteurs fassent excès de rigueur, et que la France soit le meilleur élève de la classe européenne… sans pour autant remporter les prix ! J'avais noté ce même phénomène étrange lorsque je fus rapporteur d'un rapport d'information sur la PAC (Politique agricole commune) à la Commission des affaires européennes.

À cet égard, j'aime à citer Balzac dans « La maison Nucingen » : « Les lois sont des toiles d'araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites ».

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Nous allons réfléchir, cher Monsieur Chassaigne à votre citation. Et nous comprenons qu'en réalité c'est une affaire de choix. C'est de façon tout à fait assumée que les Livres blancs ont choisi de concentrer la souveraineté industrielle sur les équipements les plus critiques pour notre souveraineté. Cette politique de concentration, on l'illustre d'ailleurs souvent par des cercles concentriques : un « cœur » souverain – tout ce qui est avions, nucléaire, renseignement, etc. – ; une première couronne constituée de matériels pour lesquels on s'en remet plutôt à la coopération et enfin, le reste, c'est-à-dire ce que l'on acquiert sur étagère, en France ou ailleurs. C'est ainsi que le FAMAS, l'emblématique fusil du soldat français, a pour successeur un fusil allemand ; que le vénérable pistolet MAC 50 a un successeur autrichien ; et que les balles que tirent nos soldats sont usinées en Allemagne, en Belgique ou aux États-Unis, mais pas en France.

Il y a là une certaine logique économique, nous ne le nions pas. Mais nous nous demandons si cette logique est vraiment compatible avec une autre, qui devrait prévaloir : une logique de souveraineté et de résilience. Ce mot de « résilience », d'ailleurs, nous l'avons beaucoup entendu ces derniers temps dans la salle de la Commission de la Défense… Et, d'ailleurs, dans les retours d'expérience de la crise sanitaire et de l'opération Résilience, on pourrait utilement s'interroger sur la pertinence de notre politique d'approvisionnement en « petits » équipements, par exemple en munitions. Le parallèle est assez frappant entre les masques et les munitions de petit calibre : dans les deux cas, on a considéré que ces produits avaient une bien faible valeur ajoutée, et n'intéressaient guère nos industries ; que produire français était trop cher, et le resterait inexorablement ; que l'offre étrangère était aussi abondante que compétitive, qu'elle le resterait indubitablement ; bref, que l'on pouvait ainsi s'en remettre à des fournisseurs étrangers. S'agissant des masques, on en est revenu…

Et nous pensons, vous l'aurez compris, que s'agissant des munitions, il en va de même. Avec le président Richard Ferrand, dont nous tenons à saluer ici le chaleureux accueil dans sa circonscription, nous nous sommes rendus à Pont-de-Buis-lès-Quimerch pour nous faire présenter en détail un projet, hélas avorté en 2017, de reconstitution d'une filière française de production de munitions de petit calibre. Les Belges, les Allemands et les Suisses parviennent à entretenir une industrie viable en la matière, et l'on ne peut pas dire que c'est le coût de la main-d'œuvre qui les rende plus compétitifs que nous ! De plus, le développement de nouveaux calibres pour armes légères et leur généralisation potentielle au sein de l'OTAN nous amènent à penser que la reconstitution d'une filière souveraine aujourd'hui pourrait ouvrir des perspectives intéressantes dans quelques années. À nos yeux, il y a là un beau chantier pour l'effort de redressement industriel que le plan de relance doit soutenir.

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J'insiste sur ce point : c'est un projet qui nous paraît viable du point de vue économique, et sensé du point de vue stratégique. Nous avons l'appui de Madame la présidente Dumas, et votre soutien, à vous tous, mes chers collègues, sera certainement crucial dans la réussite de ce projet.

Ce serait d'ailleurs un bel emblème d'une politique industrielle affermie, tirant les leçons de la crise, et réimplantant au cœur de nos territoires une activité économique qui sert le bien commun.

De façon plus générale, d'ailleurs, nous arrivons à la conclusion qu'il y a beaucoup à faire pour rapprocher nos TPE, nos PME et nos ETI des armées. C'est là aussi un enjeu de politique industrielle de toute première importance. Ce que nous tenons à souligner ici au risque de nous répéter, c'est que nos TPE, nos PME et nos ETI ne demandent pas à être placées sous perfusion d'argent public : elles ne recherchent pas des rentes. Au contraire, ce qu'elles demandent, c'est que le ministère les accompagne dans la recherche d'un haut niveau d'excellence et de compétitivité qui leur permette de remporter les marchés, même contre la concurrence. Très concrètement, pour développer un produit compétitif, une petite entreprise a besoin de temps, de davantage de temps que n'en laissent les délais de réponse aux appels d'offres. Il lui faut anticiper les besoins des forces armées et, pour cela, connaître ces besoins. Cela paraît assez platement logique, mais cela n'a rien d'évident en pratique. Ouvrir les portes des bases et des régiments, à toutes sortes d'occasions, ne coûte pas bien cher, mais présente bien des avantages ; de même, l'effort qu'a fait la DGA, pendant la crise, pour nouer des liens avec les PME mérite d'être pérennisé et généralisé. Il s'agit, somme toute, de mesures très simples, d'occasions de rencontres même déliées de la perspective d'un marché. Il s'agit, en quelque sorte, de recréer une certaine familiarité entre les armées et le tissu industriel, sur le terrain, au quotidien. Le dispositif des entreprises partenaires de la défense, à cet égard, constitue un modèle qu'il convient certainement de promouvoir.

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Ajoutons, mes chers collègues, que c'est aussi dans l'intérêt des armées que de connaître mieux les capacités des producteurs de « petits » équipement, ainsi que leurs contraintes et leurs difficultés. On parle beaucoup d'innovation, y compris participative : nous sommes convaincus que c'est au contact de nos TPE, de nos PME, de nos ETI et de nos start-up que nos militaires, quel que soit d'ailleurs leur grade, pourront imaginer certaines des armes et des techniques de demain.

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Monsieur le président, mes chers collègues, il y aurait tant à dire... nous vous avons présenté les grandes lignes de nos conclusions, et nous vous remercions encore de nous avoir confié cette mission, et nous nous tenons à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Merci messieurs pour ce travail de grande qualité et plein d'humanité à l'image de ces deux rapporteurs. Je vais donner la parole aux orateurs de groupe.

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Merci Monsieur le président. Merci Messieurs les rapporteurs pour cette excellente présentation. Concernant votre rapport, lorsqu'on fait le tour des unités dans les trois armées, ce que vous avez fait avec passion comme on a pu l'entendre, on aborde souvent dans un sujet récurrent qui rentre tout à fait dans le champ de votre mission. Au sein des hommes de troupe dans les régiments, on dit qu'on a trois tailles : le trop grand, le trop petit et le stock épuisé. Où en est-on en la matière ? Qu'est-ce qui a été fait pour que cette problématique progresse ?

Concernant les équipements personnels que les soldats achètent à leurs frais, ce que vous avez bien précisé, pensez-vous que les armées devraient reverser directement aux soldats les crédits prévus pour les habillements quand les chaînes de soutien ne réussissent pas à fournir le matériel en temps et en heure ?

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Merci Monsieur le président. Je m'associe aux félicitations adressées à nos deux co-rapporteurs, qui ont fait un travail absolument remarquable et utile si leurs préconisations pouvaient être mises en œuvre à l'avenir. Je voudrais revenir sur la question des petits équipements pour les opérations de sécurité intérieure. On sait que les opérations de sécurité intérieure peuvent mobiliser jusqu'à 10 000 soldats simultanément. On sait aussi que pour tenir leur rôle dans l'opération Sentinelle, nos soldats consomment essentiellement des petits équipements. Avez-vous pu, au regard de ces besoins des opérations de sécurité intérieure, identifier des manques ? Avez-vous des préconisations particulières à faire dans ce domaine ?

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Merci Monsieur le président. Je tiens à remercier les rapporteurs pour leur travail commun, qui montre combien la quête de l'intérêt général permet de se retrouver sur l'essentiel quel que soit le camp politique. Je souhaitais revenir sur la constitution de la filière de petits calibres française, qui s'intègre dans l'esprit du plan de relance post-Covid et qui va probablement faire parler d'elle. Dans un esprit de consolidation de la défense européenne, je souhaitais aussi avoir votre avis sur la synergie et la concurrence qui pourraient exister avec les autres producteurs européens. Je veux par ailleurs souligner dans cette perspective l'appel d'offres « Next Generation Squad Weapons » du gouvernement américain pour un nouveau calibre et de nouvelles armes légères d'infanterie. Cet appel d'offres devrait se terminer en 2021 et permettre d'équiper toute l'armée américaine d'un nouveau calibre et de nouvelles armes adaptées à ce calibre. Les retours d'expérience de l'utilisation du calibre 5-56 OTAN contre des armes durcies semblent indiquer que le futur des conflits fera la part belle à des calibres de nouvelle génération. Pouvez-vous dès lors nous donner votre analyse sur les conséquences de ce changement de calibre américain sur nos équipements européens de demain, et potentiellement français ?

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Merci Monsieur le président. J'ai particulièrement apprécié la présentation des deux rapporteurs. Le fait de confier à des députés des dossiers de cette importance est une bonne idée. De surcroît, votre présentation était très intelligible, c'est-à-dire compréhensible pour le néophyte que je suis.

La France est la quatrième puissance militaire du monde. Dès lors, peut-elle raisonnablement rester dans cette situation en matière de petits équipements ? On le regrette depuis 20 ans et, depuis ce temps, notre pays régresse. Il faut évidemment trouver l'argent pour y remédier. Est-ce qu'on peut continuer à financer toute la défense européenne comme nous le faisons aujourd'hui ? C'est un très lourd fardeau. Toutes les opérations extérieures dépendent de nous. Peut-on se permettre de continuer à fournir toute notre énergie nucléaire à l'Allemagne ? Nous avons déjà assez de crises majeures à gérer, mais je me demande si, en dépensant autant pour l'Union européenne pour nos pays frères, nous pourrons longtemps rester crédibles.

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Pour commencer, je voudrais remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui éclairent très utilement les travaux de la commission. Nous sommes tous convaincus de l'importance des petits équipements, ceux qu'on ne voit pas défiler le 14 juillet mais qui sont si importants pour la vie quotidienne du soldat. Ce n'est pas qu'une question de confort pour le soldat, apporté notamment par la loi de programmation militaire « à hauteur d'homme », c'est aussi une question de performance opérationnelle, car rien ne sert d'avoir le meilleur soldat ou le meilleur équipement structurant – satellites, chars, avions – si on ne dispose pas de la cartouche disponible à l'instant t. Ce débat prend une résonance particulière dans le contexte sanitaire que nous vivons actuellement, où des choses réputées sans valeur ont cruellement manqué au personnel soignant – masques, gants, blouses – et je voudrais vraiment insister sur le fait que ce qui a été vrai dans le domaine civil le serait beaucoup plus dans le domaine militaire. Nous aurions beaucoup moins de fabricants, des commandes en milieu dégradé, des routes maritimes qui seraient bloquées et des rivalités internationales exacerbées.

Par ailleurs, dans nos choix stratégiques industriels, bien entendu la dissuasion structure nos priorités et demeure capitale. Mais il faut également garder en tête la dimension stratégique des forces terrestres car la guerre se finit malheureusement souvent les yeux dans les yeux sur terre. Il faut donc continuer dans cette reprise en compte de l'importance stratégique du petit matériel terrestre. C'est pour cela que j'appuie vos travaux sur la filière de construction de munitions de petit calibre. J'ajoute qu'il faut vraiment regarder la dimension « robotisation » de près, car elle réduit considérablement l'écart de coût de production qu'on pourrait avoir. Je vous conseille de voir des vidéos de fabrication à l'étranger de cartouches qui sont presque intégralement robotisées, et c'est vrai également, par exemple, dans la filière textile.

J'ai deux types de questions. Premièrement, avez-vous creusé la question du niveau de stock de nos munitions terrestres ? Avez-vous échangé notamment avec l'état-major des armées sur la manière dont ont été dimensionnés les niveaux de stock de munitions de petits calibres notamment ? Deuxièmement, avez-vous identifié des sujets qui pourraient être poussés dès le projet de loi de finances pour 2021 ?

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Je vais partir du sujet abordé par Thomas Gassilloud, qui apparaît aussi dans les autres interventions : l'importance des petits équipements. Je me suis replongé dans L'Armée nouvelle de Jean Jaurès. On peut évidemment dire que ce n'est pas d'actualité, notamment depuis la suppression de la conscription. Mais il contient des propos très intéressants. Je souhaite vous lire un petit passage qui dit beaucoup de choses sur le caractère multiple qui peut accompagner les combats. Il écrivait ceci en 1910, dans un texte présenté à l'Assemblée nationale : « Le succès ou l'insuccès d'une campagne dépend à la fois d'innombrables forces intellectuelles et morales, et d'innombrables forces matérielles. Le terrain, le climat, les approvisionnements, l'état physique des soldats, l'état des âmes, l'élan ou la paresse des cœurs, l'accident heureux ou funeste : quel mélange énorme et trouble. Et comment reconnaitre ce qui doit revenir à la volonté réfléchie et à la pensée directrice d'un homme. De là l'incertitude des jugements portés même sur une seule bataille ; mais de là aussi, pour les esprits sincères qui cherchent dans l'étude de l'histoire militaire, non pas des formules toutes faites et des recettes mécaniques, mais des leçons vivantes et de libres inspirations pour l'avenir, une admirable matière à réflexion et à critique. » Je crois que cela est apparu dans les questions que vous avez posées sur la dimension globale de la question, entre les petits et les grands équipements. Tout se tient.

Il est vrai que la crise de l'habillement, évoquée par Stéphane Trompille, est d'une grande importance. Il est honteux qu'il y ait des problèmes si récurrents sur l'habillement pendant des années, avec indéniablement un impact sur le moral mais aussi sur ce que le soldat dit autour de lui. Pensons au jeune qui peut voir sa vocation écrasée par la prise de conscience du fait qu'il n'est pas toujours traité de bonne manière. Le service du commissariat des armées a connu beaucoup d'atermoiements, avec des vicissitudes que nous connaissons. Mais depuis la prise de fonction du général Piat, on assiste à une véritable reprise, allant dans le bon sens, avec l'ouverture d'un stock centralisé moderne, fondé sur un modèle de commande aussi réactif que celui d'Amazon, et l'ouverture d'un portail de commandes en ligne. On peut toujours se demander s'il faut verser une indemnité d'habillement – comme il y en avait jusqu'il y a vingt ans – mais le risque serait qu'au lieu d'être utilisés pour l'objectif recherché, ces crédits soient considérés comme une forme de complément de salaire. Sans doute faut-il réfléchir à d'autres formules. Une marge de liberté plus grande pourrait être donnée aux régiments. Si les officiers et sous-officiers nous ont fait part des frustrations qui demeurent, ils reconnaissent – et ils se sont exprimés en toute liberté – que des progrès ont été réalisés. Pour ma part, je pense qu'on est sur la bonne voie.

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Monsieur de la Verpillière, un soldat reste un soldat, que ce soit à Sentinelle ou à Barkhane. À même homme même fusil, même pistolet et même gilet pare-balles. Sinon il faudrait confier Sentinelle à des forces spécialisées dans la sécurité intérieure et ce n'est pas le choix qui a été fait. On ne peut pas donner à nos soldats un double équipement, l'un adapté aux OPEX et l'autre, aux opérations menées sur notre territoire. Dès lors, nous n'avons donc pas de recommandations particulières à ce sujet.

Monsieur Baudu, ce qui se passe aux États-Unis en matière de développement de nouveaux calibres doit retenir toute notre attention. Pendant la Guerre froide, le monde s'est réparti entre les fusils d'assaut chambrés à 5,56 millimètres, aux États-Unis et dans le bloc de l'Ouest, et ceux chambrés 7,62 millimètres dans le bloc de l'Est. Ce choix perdure aujourd'hui. Notre HK447F a un calibre de 5,56 millimètres. Les États-Unis ont effectivement lancé un marché pour le renouvellement de leurs fusils d'assaut. Parmi les trois entreprises en lice, deux ont développé des munitions de 6,8 millimètres. Le choix de l'une de ces entreprises entraînera la production d'armes dans un nouveau calibre et leur distribution dans toute l'armée américaine. L'apparition et la généralisation d'un nouveau calibre aux États-Unis pourrait alors effectivement avoir un impact important sur les standards de l'OTAN : les États-Unis étant la nation-cadre par excellence au sein de l'Alliance atlantique, s'ils changent de calibre, ce dernier deviendra quasi nécessairement la norme de l'OTAN à laquelle nous devrons tous nous plier. En conséquence, ce standard pourrait devenir le standard européen et le marché des petits calibres et des munitions, évoluer. En France et en Europe, cela impliquerait à terme de changer nos armements et de nous doter de munitions de 6,8 millimètres, qu'aucune usine en Europe aujourd'hui n'est capable de produire. Nous serions complètement dépendants des États-Unis. Une autre solution consisterait à conserver le 5.56 et à développer notre propre calibre et, par conséquent, à plus être interopérable avec nos alliés américains et à être en retard d'une guerre sur le plan technologique. À l'aune de ces éléments techniques, la relance d'une filière française petit calibre et la création de synergies avec nos alliés européens paraissent utiles pour plusieurs raisons : cela nous permettra d'être présents sur le marché dans quelques années, cela offre des perspectives de long terme à cette filière, cela permet de répondre à l'objectif de souveraineté future et enfin, cela crée un nouvel axe de travail pour consolider la défense européenne.

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Notre rapport n'aura pas d'impact sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 qui est déjà finalisé. Notre horizon est plutôt celui de l'actualisation de la loi de programmation militaire.

Monsieur Gassilloud, le niveau des stocks de munitions est classifié. Notre réunion étant publique, la seule chose que je puisse dire est que nos stocks ne sont pas pléthoriques, loin s'en faut. La question que nous avons soulevée est celle de la souveraineté de la production. D'où nos propositions.

Monsieur Lassalle, mon objectif de co-rapporteur n'est pas d'utiliser un rapport tel que celui-ci pour développer des propositions que je peux soutenir dans cette commission à d'autres occasions. Je peux avoir mon idée sur les dépenses militaires mais tel n'était pas l'objet de ce rapport.

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Ayant aperçu Jean Lassalle dimanche dernier à Beynac, je peux vous dire qu'il n'a pas eu besoin de munitions puisqu'il avait des fourches.

(Sourires.)

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Les investissements français au niveau de l'Union européenne et de l'OTAN permettent des gains, grâce à la mutualisation européenne des coûts en recherche-développement, et une certaine interopérabilité des équipements des soldats embarqués. Tout cela semble vertueux et complémentaire pour notre défense et celle des autres pays.

La France s'est intéressée récemment à l'acquisition d'équipements pour le soldat embarqué. La NATO Support and Procurement Agency (NSPA), agence OTAN de soutien et d'acquisition, a sélectionné comme fournisseur une entreprise britannique pour les uniformes de combat. Or, le Royaume-Uni se dirige vers un hard Brexit qui risque d'avoir un impact sur les coûts. Avez-vous identifié des entreprises européennes capables de fournir les troupes de l'OTAN et les armées de ses États-membres en petits équipements ? Le cadre de l'OTAN est-il pertinent pour notre réflexion ?

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Je remercie nos deux collègues pour ce rapport essentiel à nos troupes, à leurs missions et à leurs familles. Nous sommes tous conscients de l'importance de ces équipements dans les missions de nos hommes. Ce sont certes de petits équipements que nous considérons comme normaux mais ils ne sont pas forcément toujours disponibles. Petits équipements mais grande utilité et grande quantité ! Il revient aux armées d'équiper leurs soldats mais face au manque de disponibilité de certains équipements, il n'est pas rare que certains militaires n'hésitent pas à les acheter eux-mêmes. Même si la loi de programmation militaire prévoit un effort conséquent pour le remplacement de ces matériels, ce remplacement a parfois posé des problèmes importants, notamment de pointure de chaussures et de solidité des fermetures de celles-ci. Comment soutenir le processus de qualification et d'achat pour le rapprocher de nos soldats et le conformer à leurs attentes ?

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Je voudrais évoquer l'intime du soldat qui concourt non seulement à sa sécurité mais aussi à sa performance et à son endurance. Les gilets pare-balles sont en perception et en réintégration à l'issue d'une mission, et non en dotation alors qu'ils font vraiment partie de l'intime : le soldat forge son gilet pare-balles comme on fait une paire de chaussures. Je reprendrai la métaphore balzacienne qu'a citée le président Chassaigne. Dans votre rapport, il a souvent été question des choix du Gouvernement et du ministère des Armées mais la commission de la défense a sa part de responsabilité. Depuis le début de la législature, nous nous sommes concentrés sur les gros équipements : le porte-avions, le SCAF, le Barracuda, le Rafale… Mais dès le début de nos travaux, j'avais écrit au président de la commission de la défense de manière à ce que nous nous saisissions de la question de l'intime du soldat. C'est un petit budget de 200 à 300 millions d'euros. Nous-mêmes avons laissé passer cette grosse mouche entre les fils de notre toile d'araignée !

Ma question porte sur l'armement petit calibre et la munition dont vous avez parlé. J'ai eu la chance, dans une affectation passée, d'être armurier. La munition 5.56 avait été adoptée par l'OTAN pour ses vertus létales : une petite munition, frappée à une certaine vitesse à n'importe quel endroit du corps, peut provoquer des ravages mortels. Avez-vous pu vérifier si la nouvelle munition choisie peut constituer un apport physique au combat ?

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Ce que vous nous dites du panachage des petits matériels, nous le constatons sur le terrain lors de nos déplacements, dans les armées, comme d'ailleurs dans la gendarmerie. Vous l'avez bien dit, il n'est pas facile d'équiper d'un seul coup 100 000 hommes, ce que nous pouvons bien comprendre. Mais selon quels critères certains régiments, voire certaines compagnies, sont-ils prioritaires pour ces livraisons ? Sommes-nous au moins certains que les unités qui vont en OPEX sont toujours les premières dotées en matériel moderne ?

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Je voudrais moi aussi revenir sur la question des petits calibres, qui est évidemment une question de souveraineté mais aussi de compétitivité. J'aimerais immédiatement répondre au président Chassaigne par une citation de Léon Blum qui disait : « Tandis que la règle du capitalisme américain est de permettre aux nouvelles entreprises de voir le jour, il semble que celle du capitalisme français soit de permettre aux vieilles entreprises de ne pas mourir ». Sur le plan technologique, faire du petit calibre, au fond, est assez simple : par exemple, nous avons pu reconstituer très rapidement des filières de masques qui soient pleinement souveraines. L'analogie s'arrête là. Sur le plan de la compétitivité, un sujet que nous abordons depuis des années au sein de cette commission, ce n'est pas aussi évident. Plusieurs questions se posent alors. Une première question technologique : l'important est de ne pas manquer le virage de la robotisation, comme l'a dit M. Gassilloud, mais également de la fabrication additive, et j'aimerais savoir si vous avez eu des éclaircissements sur ce point lors de vos entretiens. Se poseront évidemment les questions du calibre 6,8 à moyen terme, de la compétitivité, et de l'inscription dans un espace européen. En effet, la résilience ou la souveraineté, ce n'est pas forcément tout faire, tout seul. Cette souveraineté peut parfois s'appuyer sur des sources d'approvisionnement diverses. Lorsque j'ai été rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Belgique relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre (CaMO), j'ai eu des échanges avec nos amis belges, et notamment dans le monde industriel. Certains industriels comme FN Herstal avaient alors manifesté un intérêt pour une consolidation européenne dans le domaine du petit calibre. Comment avez-vous abordé cette problématique dans votre rapport ?

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Ma question s'inscrit dans la continuité de celle de M. Larsonneur. La question du renouvellement des petits équipements de nos armées se règle de plus en plus en dehors de nos frontières, par le biais notamment de l'Agence européenne de défense (AED) et de l'Agence de soutien et d'acquisition. La France entend-elle s'inscrire encore davantage dans des dispositifs d'acquisition (OTAN), de recherche et de développement (NSPA) encadrés par l'Europe et par l'Otan – ce qui présenterait le triple avantage de diminuer la facture finale, grâce à un programme conjoint, de créer un effet de volume, et de gagner en interopérabilité par l'acquisition de matériels en partie identiques ? Sur quels programmes d'achats lancés par l'AED et la NSPA la France est-elle positionnée ? De quelles améliorations concrètes en matière d'équipement nos forces armées vont-elles pouvoir, de ce fait, bénéficier ?

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Monsieur Marilossian, il est vrai que les choix prioritaires faits par l'Otan nous posent problème. Nos entreprises, et en particulier les PME, ont besoin de pouvoir anticiper. Les choses sont différentes pour les grandes entreprises : les multinationales sont très performantes et n'ont pas de difficulté par rapport à l'armement lourd. Lors d'un échange avec des PME, une entreprise nous a donné un exemple très concret concernant une commande de casques qui répondaient à des critères précis définis au niveau de l'Otan. Quand l'appel d'offres a été lancé, la PME française était dans l'incapacité d'y répondre parce qu'elle n'avait pas pu anticiper le cahier des charges, qui avait été préparé aux États-Unis et était déjà connu d'entreprises américaines. Les Américains ne sont pas des enfants de cœur. Ceux qui ont eu l'occasion parmi nous de faire des missions à l'étranger, notamment dans le cadre des groupes d'amitié, ont souvent pu entendre nos ambassadeurs nous dire que la présence de conseillers militaires français est très limitée. Là où vous avez un conseiller militaire français dans une ambassade – et encore faut-il que ce soit une ambassade qui compte –, vous avez sept ou huit conseillers militaires américains. Par conséquent, beaucoup d'États de l'Union européenne restent actuellement tournés vers les États-Unis, pour des raisons historiques parce qu'ils considèrent que ces derniers assurent leur protection. Ces pays donnent des gages aux États-Unis, y compris en termes de commandes. Dans le groupe d'amitié France-Roumanie, nous avons eu l'occasion de discuter d'une commande d'hélicoptères qui devait être passée avec la France, mais qui ne l'a pas été parce que, derrière, les Américains agissent pour placer leur propre matériel. Cela se reproduit dans énormément d'États de l'Union européenne et d'Europe centrale. Il faut effectivement faire valoir l'idée d'une plus grande coopération au niveau européen. Aujourd'hui, un élément nous sert : Donald Trump, qui fait office de repoussoir. Je ne souhaite pas pour autant que Trump soit réélu, bien évidemment, mais les propos qu'il peut tenir renforcent la cohésion européenne. Ce doit être un travail de longue haleine mais commençons chez nous par protéger et accompagner nos PME et nous pourrons davantage être présents sur les appels d'offres.

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Madame Gipson, l'équipement personnel des militaires, c'est-à-dire l'achat par ceux-ci du matériel privé et à leurs frais personnels dans le commerce civil, est un phénomène observé de longue date dans l'armée française. Les fantassins qui nous ont présenté leur matériel à Clermont-Ferrand ont confirmé que l'on relève encore des achats de matériels personnels, tout en notant une différence nette dans les pratiques entre les anciens et les nouveaux. Tout l'objet de notre rapport est donc de prendre en compte les spécificités des petits équipements, en rapprochant nos PME et nos forces armées au plus près des besoins des soldats.

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Monsieur Fiévet, concernant les OPEX, effectivement, dans la mesure où les équipements modernes sont distribués et répartis sur l'ensemble des régiments, il y a forcément un mélange. Or, à peu près tous les deux ans, les forces armées – je prends l'exemple du 92e régiment d'infanterie de Clermont-Ferrand – sont amenées à partir en OPEX. Mais avant d'y aller, elles doivent se préparer sur le territoire français. Il faut donc bien distribuer une partie de ce matériel dans l'ensemble de nos forces armées, pour se préparer à l'OPEX. Il est vrai qu'ensuite, quand un régiment se déploie en OPEX par exemple, il ne va pas avoir que de l'équipement du dernier cru, mais peut-être aussi des équipements de deux, trois voire quatre générations antérieures. Cela concerne les lunettes par exemple, tellement les progrès sont rapides. Il est très difficile d'apporter une réponse à ce problème mais cette réalité nous a été signalée.

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Monsieur Michel-Kleisbauer, l'intime du citoyen-soldat est bien l'objet de notre préoccupation. Jean Jaurès était lui-même gorgé de lectures classiques qui nous ramènent jusqu'au citoyen-soldat d'Athènes. Pour ce qui est du choix très technico-technique, nous ne sommes pas des ingénieurs.

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Monsieur Favennec Becot, vous avez parlé de l'Agence européenne de défense. Il y a des progrès à faire à ce sujet. Par contre, je suis incapable de répondre quant au positionnement que nous pouvons avoir aujourd'hui sur les programmes, qui nous semblent être prioritaires. Nous pourrions peut-être aborder ce sujet en commission plus tard.

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Monsieur Larsonneur, en réalité, nous n'avons pas fait de prospective technologique nous-mêmes. Mais MM. Gassilloud et Becht en avaient très bien fait dans leur rapport. Sur le terrain, ils nous parlent moins de 5G, d'impression 3D ou de radio que de leurs fusils, de leurs treillis ou de leurs casques. Je voudrais rappeler que les radios datent parfois de 1980, donc nous sommes loin des nouvelles technologies.

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J'ai posé à plusieurs reprises, depuis ma première intervention dans cette commission en juin, des questions sur le petit équipement, et spécialement sur le petit armement. Aujourd'hui, votre rapport, chers collègues, pose un constat sans équivoque. Je tenais à vous remercier pour ce travail extrêmement pertinent qui a l'avantage de mettre en lumière cette problématique.

Je ne vais pas être plus longue. Je tenais simplement à vous remercier parce que j'ai déjà eu, par les questions de mes collègues, toutes les réponses que je souhaitais. Néanmoins, je voulais vous exposer un proverbe qui vient de la ruralité « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Sur les petits équipements, je pense que c'est extrêmement important.

Je vous remercie.

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Je remercie les rapporteurs pour cette présentation claire et, comme l'a dit notre collègue Jean Lassalle, compréhensible pour tous, ce qui n'est pas toujours le cas. L'éloignement des PME des marchés de petits équipements se produit souvent parce qu'elles sont des sous-traitantes des grands groupes. Par ailleurs, et vous l'avez souligné, la concurrence étrangère, notamment extra européenne, est réelle. La crise de la Covid-19 et la volonté de relocaliser en France une partie plus importante de notre production pourrait-elle avoir pour conséquence la réappropriation de ces marchés par des fournisseurs français ? De façon très concrète, le suivi du tissu industriel de défense mis en place par la DGA pendant la crise sanitaire a-t-il permis d'identifier, au-delà des munitions de petit calibre, pour lesquelles vous avez été très clairs et très prescriptifs, des axes d'amélioration ou des pistes d'action ?

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Je souhaite vous interroger sur l'origine européenne des petits équipements. Depuis peu, les soldats français sont équipés du fusil allemand HK 416 F. Pensez-vous qu'il soit pertinent de renforcer l'intégration européenne dans ce domaine, aujourd'hui peu pris en compte dans les projets européens ? La coopération structurée permanente (CSP) dans le domaine de la défense n'inclut par exemple aucun projet concernant ces petits armements.

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Vous avez cité Jaurès et Blum. Autorisez-moi sur ces bancs à citer le Barrès de 14-18 qui s'est battu ici à l'Assemblée nationale en tant que député pour que ce soit adopté le casque Adrian mais surtout le réchaud à alcool du soldat. Je ne parviens pas à retrouver le passage exact que je voulais citer mais c'est un sujet suffisamment important pour que notre assemblée s'en saisisse. C'est le quotidien du soldat ! Sur tous les bancs de l'Assemblée, ce message a été repris. Vous proposez la recréation d'une filière de munitions de petit calibre. Je crois que nous en sommes tous convaincus. Ma question est simple : avez-vous identifié des entreprises déjà capables de remplir cette fonction ? Avez-vous une idée de la taille du marché ainsi créé, des investissements nécessaires et des emplois induits dans la durée ? Cela aurait pu être l'une des thématiques du plan de relance – et, nous y reviendrons sans doute, je regrette que la Défense soit l'angle mort de ce plan sauf à la marge.

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Vous n'avez pas évoqué le plan de relance mais peut-être est-ce lié au calendrier de vos travaux. Les industriels vous en ont-ils parlé ? Vous ont-ils demandé un soutien pour sauvegarder des emplois industriels dans ce secteur ?

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Ma question porte sur la qualité. Vous avez évoqué les contraintes de l'achat public et de la commande publique, en soulignant l'importance des critères de qualité. Or, souvent, les échantillons présentés lors de la procédure d'achat public ne correspondent pas ensuite aux produits effectivement livrés, surtout lorsque les produits viennent de l'étranger. Les militaires s'en plaignent fréquemment. Dans quelle mesure un contrôle a posteriori est-il réalisé ?

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Je remercie Nathalie Serre pour ses paroles d'encouragement. Nous n'avons pas l'intention de mettre tous nos œufs dans le même panier. C'est bien ce qui nous dissuade de nous en remettre totalement à l'OTAN.

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Quand je pose des questions à des rapporteurs, je me plains parfois parce que je n'ai pas de réponse. Alors que plusieurs parmi vous pourront regretter de n'avoir pas de réponses assez précises de notre part, je me rends compte de la difficulté de l'exercice et cela invite à l'humilité. Je crains d'oublier certains points abordés. Sur la crise de la Covid-19 évoquée par Pierre Venteau, il va de soi que nos travaux en ont ressenti les effets. Nous avons réalisé quelques auditions avant le confinement, interrompu nos travaux, et mis les bouchées doubles après. Plus largement, la crise sanitaire a démontré notre dépendance à l'égard de l'étranger. Nous avons cité les masques sciemment. Mais peut-être cela concerne-t-il d'autres matériels ? Nous n'avons pas d'exemple précis à donner. Peut-être les armées n'ont-elles pas paru affectées dans l'immédiat parce qu'elles avaient des stocks ? C'est une question qui mérite d'être approfondie. Cela nous renvoie logiquement à la question du plan de relance. Pour reprendre la formule de nos collègues Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot dans leur rapport récent sur l'état de la base industriel et technologique de défense, il importe surtout que la loi de programmation militaire soit bien exécutée : « ni exécution au rabot, ni actualisation au rabais » ! Nous pourrons nous appuyer aussi sur notre rapport dans les discussions que nous pourrons avoir sur l'actualisation.

Je remercie Nathalie Serre. Mais nous avons tout à fait conscience que notre travail est inachevé. Nos réponses montrent bien que le travail parlementaire a toujours quelque chose d'inaccompli. Vous allez dire que nous accumulons les citations mais je vais quand même citer René Char : « L'inaccompli bourdonne de l'essentiel. » Alors j'espère que même si nous ne répondons pas précisément à toutes vos questions, l'essentiel se dégage cependant de nos propos.

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Je vais répondre à la fois à Jean-Louis Thiériot et à Monica Michel. Nous nous sommes rendus à Pont-de-Buis le 1er septembre 2020 pour visiter la poudrerie Nobelsport. En effet, Nobelsport devait servir de point d'appui dans le projet de reconstitution d'une filière industrielle lancé par l'ancien ministre de la Défense en mars 2017, projet à ce jour avorté. En 1996, la Société nationale des poudres et des explosifs avait décidé de privatiser l'activité de Pont-de-Buis. Cette société a un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros et emploie plus de salariés aujourd'hui. C'est une filiale du groupe français Sofisport, leader mondial du marché de la chasse et du tir sportif, avec un chiffre d'affaires de près de 200 millions d'euros. Sofisport exporte plus de 65 % de sa production. Ce groupe pleinement intégré produit des amorces, des douilles sans plomb et de la poudre. Il s'affirme comme un leader européen incontesté dans le domaine de la poudre non militaire puisqu'il représente 35 % de parts de marché mondial. Nous avons constaté sur place que, depuis une quinzaine d'années, ce site développait avec succès de nouveaux process de production. L'extension de l'activité du site pourrait créer 60 emplois directs – sans parler des emplois induits – pour un coût d'environ 100 millions d'euros.

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À Laurence Trastour-Isnart, j'assure qu'il y a énormément de contrôles et de certifications, quels que soient les matériels. À tel point que les délais de qualification – environ dix-huit mois – sont parfois considérés comme trop longs par les soldats, de telle sorte que certains matériels, lorsqu'ils arrivent dans les forces, pourraient déjà être remplacés par des matériels de nouvelle génération. Ce qui peut manquer, en revanche, c'est le retour sur expérience. Lors de nos échanges avec les membres du 92e régiment d'infanterie à Clermont-Ferrand, un des soldats nous a dit qu'ils étaient insuffisamment consultés après livraison. Les officiers sont conscients de cela. Il faut davantage de retours de terrain.

Pour répondre à Didier Le Gac qui est chargé du plan de relance, je dois dire que si nous avons une priorité, c'est celle que vient de développer mon collègue sur la poudrerie Nobelsport. C'est pour nous une priorité. Nous sommes d'ailleurs en contact avec le président du conseil de surveillance, M. Yves-Thibault de Silguy qui nous a fait visiter le site. Il est dans les starting blocks ! Mais pour garantir l'élargissement de la production, les créations d'emplois, les investissements, il faut – et c'est là la difficulté – une garantie qu'ensuite le ministère des Armées donne une priorité à cette entreprise dans le cadre de ses appels d'offres. Pour nous, c'est une question vitale et une proposition concrète qui montrerait notre utilité en tant que rapporteurs.

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En visitant le site, nous avons vu qu'une ancienne usine, désaffectée, pourrait être réaménagée.

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Vous avez encore des réponses à fournir, mon cher collègue ?

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J'ai une citation qui me plaît. Même si elle ne correspond pas au thème : c'est une citation ! (Sourires) Winston Churchill disait au cœur de la Seconde guerre mondiale : « On peut déléguer les tâches mais pas les responsabilités. » Donc : prenons la responsabilité de nous réarmer, au sens propre comme au figuré ! Avec l'accord de mon collègue André Chassaigne, je voudrais rappeler les avantages de la solution Nobelsport : affirmation de la souveraineté nationale dans un secteur sensible, recréation d'une filière française industrielle, création d'emplois en Bretagne. Je crois que nous vous avons fait part de notre enthousiasme ! J'espère qu'il sera partagé !

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Merci, mes chers collègues. Nous avions eu un rapport dense et de qualité, présenté par nos collègues Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot. Je crois qu'en voici un deuxième, tout aussi dense, qui nous apportera beaucoup pour nos travaux à venir.

La publication du rapport d'information est autorisée à l'unanimité.

La séance est levée à onze heures dix.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, M. André Chassaigne, Mme Marianne Dubois, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Didier Le Gac, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Catherine Pujol, M. Gwendal Rouillard, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, M. Fabien Lainé, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joachim Son-Forget, Mme Sabine Thillaye, Mme Martine Wonner