Voilà nos trois points de vigilance pour l'actualisation de la programmation militaire. Mais nos recommandations ne se limitent pas à cela, au contraire. En réalité, nous avons assez rapidement orienté nos travaux suivant un axe qui nous paraissait pertinent, et que la crise n'a rendu que plus pertinent : davantage encore qu'une affaire de politique d'achat, la clé du succès est affaire de politique industrielle.
En particulier, nous observons une tendance, à nos yeux regrettable, à l'éloignement du fabricant et du soldat, et cela concerne les « petits » équipements peut-être davantage que les grands. En effet, si les matériels majeurs sont presque tous produits en France par des industriels français, tel n'est pas toujours le cas des « petits » équipements : non seulement le ministère hésite de moins en moins à se fournir à l'étranger, mais même lorsqu'il choisit des fournisseurs français, les PME qui produisent ces « petits » équipements ont de moins en moins souvent des contrats directs avec le ministère, qu'ils ne fournissent plus qu'en position de sous-traitants des grands industriels.
On nous répond souvent que c'est là une affaire de droit, que pour des équipements qui ne sont pas « cruciaux », on doit en passer par des appels d'offres européens, par nature ouverts aux étrangers. Certes, mais il y a le droit tel qu'on le lit, et le droit tel qu'on le pratique. Or, en la matière, il est à craindre que nos acheteurs fassent excès de rigueur, et que la France soit le meilleur élève de la classe européenne… sans pour autant remporter les prix ! J'avais noté ce même phénomène étrange lorsque je fus rapporteur d'un rapport d'information sur la PAC (Politique agricole commune) à la Commission des affaires européennes.
À cet égard, j'aime à citer Balzac dans « La maison Nucingen » : « Les lois sont des toiles d'araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites ».