Ajoutons aussi que les grandes réformes structurelles des années passées n'ont guère aidé, du moins dans un premier temps. Pour dire les choses très schématiquement, on a eu tendance dans les années 2000 et 2010 à créer de grands services interarmées chargés des fonctions de soutien, afin précisément d'optimiser ces fonctions – comme disent les gens chics –, c'est-à-dire de réaliser des économies en emplois et en financement. C'est, paraît-il, ce que l'on appelle une organisation « matricielle ».
Le fait est, cependant, que le résultat n'a pas toujours été au rendez-vous. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a eu aucun succès, bien au contraire, mais force est de constater que, bien souvent, ces grands services ont mis plusieurs années à trouver leur rythme ; ces réformes n'ont pas été aidées par le fait que, parfois, on a réduit les crédits et les ressources humaines avant même que les nouveaux organismes créés pour cela aient trouvé leur rythme de croisière. Pensons, par exemple, à ce que les militaires appellent la « crise de l'habillement » : la fusion des trois commissariats des trois armées en un seul service était censée optimiser nombre de fonctions de soutien, mais cette réforme ambitieuse a mis une bonne dizaine d'années à déboucher sur une situation à peu près équilibrée. Entre-temps, et cela perdure d'ailleurs encore, les militaires ont eu toutes les peines à percevoir leur paquetage initial, à renouveler leurs effets, et à trouver des matériels de qualité. Et, ce, à tel point que nombre d'entre eux ont été plus ou moins conduits à s'équiper sur leurs deniers personnels, dans les magasins d'articles de sport ou les surplus militaires.
D'ailleurs, avec ces grandes réformes structurelles, on finit par avoir du mal à comprendre qui, in fine, est responsable de tel ou tel matériel. Il y a une forme d'imbrication des responsabilités entre les armées, les services de soutien et la DGA pour certains matériels, et cette imbrication ne facilite pas les choses. Nous l'avons clairement indiqué dans le rapport.
L'effort « à hauteur d'homme » de la loi de programmation militaire ne résout certes pas tout, mais il va dans le bon sens. Il s'inscrit d'ailleurs dans un mouvement de prise de conscience qui n'a pas attendu 2018, mais qu'il a nettement amplifié. Ce sont en effet les opérations en Afghanistan qui ont marqué un tournant. Il est devenu évident, à ce moment, que nous ne pouvions plus en rester aux équipements des années 1980 et 1990, ceux que les moins jeunes d'entre nous se rappellent peut-être avoir vus en Irak et en Bosnie…