Mon propos sera probablement complémentaire de celui de mes collègues, car nous nous appuyons sur des expériences différentes. Je souhaite revenir sur certains éléments de la première intervention, à savoir « comment justifiez-vous le dévouement à une cause guerrière ? » et « face à une situation éprouvante, quelle est votre action ? ».
Je définirais le rôle essentiel de l'aumônier par le terme de « résilience », capacité étroitement liée à l'accompagnement. La proximité de l'aumônier avec les soldats est capitale et elle le confronte à la réalité de chacun. L'aumônier est un écoutant. Il sera attentif à ce qui lui sera confié de sorte à pouvoir être un compagnon de route, un conseiller, une personne qui entrera en relation avec son interlocuteur et abordera différentes questions. Il aidera ainsi le soldat à dépasser des situations difficiles et éprouvantes. Cela constitue le fondement même de la résilience.
Nos expériences, nos formations et notre engagement au sein des armées nous préparent à cet accompagnement spécifique. Nous l'avons constaté dans des situations dramatiques, non seulement sur les théâtres d'opérations, mais également dans le cadre des unités qui réunissent des civils, des militaires et des familles. En effet, les aumôniers sont certes prioritairement en contact avec les membres de la communauté militaire, ceux qui entrent dans le cadre de l'exercice du ministère des armées, mais ils entretiennent également un lien d'échange et d'accompagnement avec les familles. C'est notamment le cas lorsque les unités sont projetées et que les aumôniers restent rattachés aux unités. Ils maintiennent alors un contact avec les familles. Ils sont parfois amenés à intervenir dans le cadre de la présentation des liens que les conjoints de soldats projetés peuvent nouer avec la structure de soutien à laquelle les aumôniers appartiennent.
Sur les théâtres d'opérations, les aumôniers restent au plus près des soldats, parfois même dans les situations les plus « chaudes », à proximité des combats. Ils accompagnent les soldats et permettent aux uns et autres de se poser les bonnes questions, notamment quant au sens de leur engagement, et de dépasser leurs craintes de sorte à mener à bien leur mission.
Dans le cadre de la crise sanitaire, les aumôniers ont souvent représenté un lien, via les divers réseaux existants, afin de soutenir les uns et les autres. Ils ne se focalisent pas sur leur culte puisque, je le rappelle, les aumôniers sont à disposition de manière générale, non seulement dans le cadre d'un soutien religieux, mais également pour apporter un soutien moral et humain à l'ensemble des personnels, sans ostracisme lié au culte.
Je ne suis pas l'aumônier des militaires protestants, mais je suis l'aumônier protestant des militaires. Je me tiens à la disposition de l'ensemble de la communauté afin d'assurer ma double fonction de soutien moral et humain, qui touche la réalité de toute vie humaine, et de soutien cultuel et religieux. Cette dimension est obligatoirement « colorée ». Néanmoins, les situations sont abordées très naturellement, de façon spontanée. Si un soldat m'interpelle sur une question qui relève d'un autre culte que le mien, je l'oriente rapidement vers l'aumônier du culte concerné. Nous fonctionnons ainsi dans le cadre des régiments, des unités et des écoles, car elles offrent une possibilité d'accès aux aumôniers de chaque culte.
Le culte protestant compte 35 aumôniers d'active pour l'ensemble des unités basées en métropole, en outre-mer et à l'étranger. Nos dessertes sont donc très vastes et il s'avère complexe pour nous d'être présents dans tous les moments de la vie des militaires et des personnels. Le lien de transmission d'information est donc nécessaire entre les différents aumôniers. Les aumôniers sont présents de façon générale, mais ils peuvent avoir à répondre à des questions spécifiques au culte.
L'accompagnement permet de comprendre comment traverser une difficulté ou une situation délicate. Le terme « résilience » est itératif dans le cadre de nos fonctions.
Enfin, je souhaite citer un exemple. Un de nos aumôniers a été embarqué sur le porte-avions Charles-de-Gaulle et il a été débarqué juste avant l'escale brestoise. Il avait donc connu les militaires du bord et, basé sur Toulon, il a eu l'occasion de les accompagner dans le confinement qui leur fut imposé au retour de leur mission et d'entretenir un lien très particulier avec les familles, en transmettant des informations, voire des colis. Il a également rempli un rôle d'intermédiaire entre l'aumônier musulman, également confiné et sa famille. Les liens existent réellement entre nous et l'ensemble des personnels.