La séance est ouverte à neuf heures dix.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui les aumôniers en chef des armées en charge des cultes catholique, israélite, musulman et protestant.
La présence religieuse dans les armées est une réalité ancienne dont les fondements modernes reposent sur l'articulation des lois du 8 juillet 1880 et celle du 9 décembre 1905. Cette présence n'a jamais été remise en question et le ministère des armées a rédigé récemment, en novembre 2017, un livret « Expliquer la laïcité française : une pédagogie par l'exemple de la laïcité militaire », livret réactualisé en 2019 pour en présenter ses principes et ses particularités.
Cette ancienneté est l'occasion sans cesse renouvelée d'interroger la compatibilité de cette présence religieuse avec le principe de la laïcité, célébré par le Président Emmanuel Macron à l'occasion du 150e anniversaire de la proclamation de la République, le 4 septembre dernier, comme « un régime unique dans le monde, qui garantit à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire ».
Mais de fait, l'existence d'un service d'aumônerie n'est nullement en contradiction avec ce principe et peut même être décrite comme une composante de la laïcité française. La ministre Florence Parly le rappelait dans son discours présentant l'actualisation du livret sur la laïcité militaire en 2019 : « les aumôniers militaires, salariés par la République laïque, n'existent pas malgré la laïcité, mais bien en raison même de notre régime de laïcité… Leur présence ensemble sous le drapeau tricolore constitue une image forte de cohésion et de solidarité ». Et elle ajoutait : « la mission est la valeur cardinale des armées et chacun sait que la clé de la réussite de la mission, c'est la cohésion. Il n'y a pas de véritable cohésion sans respect de chacun dans ses croyances ».
Vous avez, messieurs les aumôniers en chef, un statut particulier au sein des armées, dérogatoire par rapport au statut général des militaires : vous êtes déliés de l'obligation d'assurer par la force des armes la défense de la Patrie et de l'obligation d'obéissance hiérarchique. Vous avez un grade unique, sans correspondance avec la hiérarchie militaire générale, un grade souvent qualifié de grade « miroir », c'est-à-dire que l'on considère que vous avez le grade de la personne avec laquelle vous parlez. Par ailleurs, l'ensemble des aumôniers militaires, au nombre d'un peu moins de 280 d'active et de réserve, sont gérés et administrés par le service du commissariat des armées ; ils relevaient avant 2012 du service de santé des armées.
Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui dépasse l'aspect purement réglementaire. Nous attendons de vous un témoignage de votre rôle au quotidien. Quelles sont vos missions ? Quelle est votre organisation ? Quelles sont les demandes auxquelles vous êtes confrontés et comment y répondez-vous ? Quel dialogue est le vôtre avec des camarades qui peuvent être amenés à donner la mort ou la recevoir au cours de leur mission ?
Je donnerai la parole à chacun de vous pour une intervention de cinq minutes et, à la suite de vos exposés liminaires, nous ouvrirons un débat avec les députés. L'ordre de vos interventions suivra l'ordre alphabétique des cultes.
Comme aumônier en chef, nous avons une vision panoramique de l'ensemble de nos forces, dans toutes leurs composantes, sous toutes les latitudes, dans toutes leurs dimensions. Cela consiste à nous préoccuper aussi bien de la mise en œuvre du plan « Famille » que de l'absence de discriminations, de considérations géostratégiques ou de planifications des moyens, et ce, en échangeant et en réfléchissant librement avec tous, aussi simplement que confidentiellement.
Qu'il s'agisse des lieux de formation, des lieux d'engagement, des lieux de soutien ou des lieux de soins, nous bénéficions d'un regard privilégié sur toutes les questions de notre société que l'armée porte avec incandescence. Cela va du rapport homme/machine à la question du commandement, de la question de l'équilibre personnel à celui de la cohésion du groupe.
L'armée invite en permanence à réfléchir sur les sujets les plus incontournables de l'existence, à savoir le sens de la vie, les raisons de l'engagement, la justification de posséder des armes, la légitimité de donner la mort.
Qu'est-ce qui mérite aujourd'hui de donner sa vie ? Qu'est-ce qui justifie de prendre la vie de l'autre ? Nos soldats et leur commandement sont en permanence, au quotidien, face à la mort.
L'article 1 de la loi du 24 mars 2005 dispose que « l'état militaire exige en toutes circonstances un esprit de sacrifice pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême ».
La spécificité des militaires réside dans son acceptation de la potentialité du sacrifice au bénéfice de la défense des intérêts de la Nation ; nous le savons tous. À l'extrémité du spectre des sacrifices se trouve le don de soi, c'est-à-dire le renoncement à ce que l'individu a de plus cher, sa vie, au nom d'une cause transcendante, la défense de la Nation. Vous ne pouvez demander à un militaire d'engager sa vie qu'à la lumière d'une transcendance. Le mot « sacrifice » revient en boucle, notamment dans la cour des Invalides. Il renvoie au « sacré » et aux questions les plus fondamentales de la vie et de la mort pour chacun d'entre nous.
Les aumôniers militaires ont pour mission de soutenir le moral et la fraternité de tous. L'une des caractéristiques de l'aumônier est d'avoir toujours le grade de celui à qui il parle. Il est donc à l'aise avec chacun. Sa fonction première consiste à partager la vie de tous, dans une dimension d'écoute, de disponibilité et de confidentialité. C'est d'autant plus essentiel pour le moral des troupes lorsqu'elles se trouvent loin de leurs bases géographique, familiale et culturelle. La guerre ne se fait pas prioritairement avec des armes, mais avec des hommes.
Le réel, c'est mon compagnon d'armes, que je n'ai pas choisi, dont je ne connais pas ou ne partage pas les convictions religieuses ou philosophiques. Avec lui, je partage mes repas, nous combattons ensemble, nous sommes responsables chacun de la vie de l'autre, et nous allons peut-être mourir ensemble. L'armée est un lieu de vérité de la relation qui rend la fraternité non seulement possible, mais vitale.
Loin de toute tentation communautariste, nous sommes au service de tous en offrant une présence de gratuité, un soutien hors hiérarchie et sans finalité opérationnelle. L'aumônier traduit par sa présence et son rapport à chacun ce climat de gratuité sans lequel l'homme perd le sens de sa destinée. Sans ce témoignage de gratuité, nous pourrions craindre l'apothéose d'un matérialisme déshumanisant, menant tout droit à la barbarie. Il nous est donné de comprendre tout homme comme personne, être de relation, non reproductible, non interchangeable, non instrumentalisable. L'aumônier offre une vision intégrale de l'homme : au-delà des aspects matériels ou techniques, au-delà de la philosophie ou de la psychologie, l'homme passe l'homme… Il porte en lui-même infiniment plus que ses instincts. Il est habité par plus grand que lui-même.
La laïcité – qui nous réunit plus particulièrement ce matin – n'est en rien un problème, elle est en tout une solution. Dans les armées, nous ne sommes pas dans l'idéologie ou dans les concepts abstraits. Nous sommes sur le terrain.
La laïcité est vécue de façon exemplaire dans les armées, notamment parce qu'elle place chacun face à la question centrale de la vie et de la mort. Je le répète, les armées y sont confrontées au quotidien. C'est bouleversant, susceptible de vous traumatiser psychiquement dans vos repères les plus profonds. Où est le bien ? Où est le mal ? À quoi est-ce que je participe ? D'où l'importance décisive d'un soutien qui soit aussi, si on le souhaite, spirituel, dans le plus grand respect des libertés et des convictions des uns et des autres.
Dans l'armée, ainsi que vous l'avez souligné, Madame la présidente, la cohérence du corps, de l'âme et de l'esprit est centrale. C'est une forme de résilience. En effet, si ces dimensions constitutives ne sont pas unies, l'homme - comme la Nation -, au final, se désagrège.
L'aumônier doit accompagner, participer à la cohésion. La dimension religieuse est parfois manipulée par des esprits totalitaires qui voudraient que le religieux envahisse les champs social et politique. Or ce qui est central dans l'armée, encore et toujours, c'est la fraternité d'armes. Il n'y a pas de statistiques sur les appartenances des uns ou des autres et la réalité à laquelle les militaires sont confrontés les transcende. Leur mission l'emporte sur toute autre considération. La réalité militaire illustre le fait qu'on peut dépasser des étiquettes souvent assez artificielles.
Cette laïcité, définie comme la séparation du politique et du religieux, fait partie intégrante de la vision chrétienne, au sens le plus fondamental du terme ; ce fameux « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette séparation constitue l'origine et le fondement stable de la notion occidentale de liberté. Ni le politique ni le religieux ne présentent un caractère de totalité. Ce fut le sens du discours prononcé en 2018 par le président de la République au collège des Bernardins. La liberté s'appuie sur l'équilibre de cette relation. L'idée moderne de liberté, à laquelle nous sommes tous tellement attachés, s'est développée dans ce contexte. Elle ne pouvait pas se développer en dehors de lui. Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'ensemble des régimes politiques en vigueur sur la planète. Le grand danger serait que soit le politique soit le religieux devienne une instance totalisante.
La laïcité, définie comme la séparation du politique et du religieux, représente le plus puissant rempart face aux totalitarismes sans cesse renaissant. C'est la raison pour laquelle la manière dont nous la vivons au sein des armées de la République se doit d'être exemplaire et je pense qu'elle l'est à bien des égards. Nos armées constituent l'élément premier de la défense de la liberté, de la dignité et des valeurs les plus fondamentales de notre pays. En leur sein, il appartient aux cultes de promouvoir cette liberté et cette dignité de l'homme, de tous les hommes.
C'est pour cela, et pour cela seulement, que donner sa vie prend un sens. Si le sacrifice suprême auquel chaque soldat est confronté peut s'envisager, c'est bien parce qu'il porte en lui cette réalité spirituelle, qui est son secret et son trésor, et qui mérite de donner sa vie.
Le monde israélite, très modestement, essaie d'apporter une forme d'espérance, une forme de tolérance, une forme d'humanité au sein des armées. Je parle en tant qu'aumônier en chef, mais je ne suis que le représentant de l'ensemble de mes collègues. En effet, l'aumônerie israélite est structurée autour du consistoire central, organisme central de l'organisation des juifs en France sur le plan cultuel, dirigé par le grand rabbin de France. Ce dernier délègue un rabbin qui a été formé dans l'unique école rabbinique de France, qui existe depuis 130 ans. L'ensemble de mes collègues, masculins et féminins, est nourri par le même idéal défini par le consistoire central et intitulé « Judaïsme et Patrie » ou « Patrie et Judaïsme ». Dans ce cadre, nous collaborons à la formation des futurs rabbins et des futurs aumôniers. Nous leur enseignons non seulement des matières juives telles que le Talmud, mais également des matières « profanes » telles que le français, la philosophie et l'histoire. Ce sont ces compétences que nous mettons au service de nos armées dans le cadre de notre première mission, à savoir le soutien cultuel, notre cœur de métier.
La question du nombre de juifs dans les armées françaises est récurrente. À l'identique de la représentation juive en France, nous constituons environ 1 % de la population militaire et civile de la défense. Nous estimons que la France compte environ 600 000 juifs sur une population de 66 millions. En outre, nous retrouvons des militaires juifs à tous les échelons de la hiérarchie des armées, depuis le militaire du rang jusqu'au général.
Nous nous efforçons d'apporter un soutien cultuel, c'est-à-dire le respect des fêtes, la préparation au mariage, etc., mais nous dispensons également des cours pour les militaires qui souhaitent se perfectionner, étudier ou se préparer à une communion. Nous assurons donc un service cultuel traditionnel auprès des militaires et des civils de la défense.
Dans ce cadre, le judaïsme se pose également en fervent défenseur de la laïcité, cet espace de lieu public qui garantit la liberté de conscience et de culte. L'existence des quatre aumôneries garantit par elle-même le respect de cet espace. En effet, les militaires ou les civils de la défense, désireux de pratiquer leur culte, trouveront parmi nos aumôniers, dans nos aumôneries, une réponse à leur attente sans prosélytisme, sans gêne et sans avoir besoin d'empiéter sur le domaine public. Ce dispositif garantit la cohésion, la fraternité et l'unité indispensables à la réussite de nos armées. D'ailleurs, à l'initiative de mon prédécesseur, le grand rabbin Haïm Korsia, ancien aumônier en chef du culte israélite des armées, nous quatre, aumôniers en chef des armées, déjeunons ensemble une fois par trimestre. Nous transmettons une image d'unité et vous constatez ici même qu'il n'existe aucune ligne de démarcation entre Abdelkader Arbi et moi. Cette image d'unité est essentielle alors que parfois, les valeurs religieuses peuvent être dévoyées et utilisées à des fins totalitaires.
Bien sûr, notre mission ne se limite pas au soutien purement cultuel. La dimension morale est également prégnante. Elle réside dans la capacité de l'aumônier israélite à apporter sa sagesse, son savoir et à transmettre les enseignements de son histoire trimillénaire. Derrière chaque militaire, il y a une femme, un homme, un mari, un conjoint, un frère, une sœur, un fils, une fille, etc. Chaque famille ressent des besoins, est confrontée à des problèmes. Lorsque nous nous adressons à eux, comme un rabbin dans une synagogue ou comme un aumônier au sein de son unité, nous créons très rapidement des liens qui dépassent le strict cadre cultuel et nous pouvons leur apporter notre sagesse. J'insiste très fortement auprès de mes aumôniers et de mes aumônières pour qu'ils conservent une certaine hauteur de vue. L'ensemble des aumôniers et des aumônières dispose d'un bagage qui lui permet d'apporter une écoute susceptible de conduire un militaire à se confier lorsqu'il fait face à une situation particulièrement difficile. En effet, ce sont des moments au cours desquels les hommes ont besoin de se décharger et il est important qu'ils puissent le faire auprès d'une oreille attentive, prête à écouter dans une totale confidentialité et sans jugement. J'ai vécu ce type de moments très intenses à plusieurs reprises non seulement dans le cadre militaire, mais également dans le cadre civil.
Je conclurai en exprimant la fierté qui est la mienne de servir dans cette très belle institution que constituent les armées. Elles sont composées d'hommes et de femmes remarquables en tous points, qui servent la France avec passion. On se souvient de leur utilité dans des situations de crise.
Je vais m'efforcer de ne pas répéter ce qu'ont dit mes collègues ; propos auxquels, d'ailleurs, j'adhère totalement. J'emploie sciemment le terme « collègues », car il convient de ne pas occulter la dimension professionnelle.
Comme nos aumôniers sur le terrain, nos activités s'exercent au-delà du simple dialogue interreligieux et nous conduisent à travailler tous ensemble au service de notre entité. Cependant, ces collaborations vertueuses ne sauraient être confondues avec une quelconque forme de syncrétisme, ce mélange de spiritualités qui ne nous correspond guère. Mais elles constituent la marque de la laïcité militaire que je définirais par le leitmotiv « s'engager ensemble ». La laïcité est souvent perçue comme une façon de vivre ensemble ; dans les armées, il s'agit bien de s'engager ensemble.
S'engager ensemble, pour un aumônier, consiste à soutenir, tant sur le plan moral que spirituel, les militaires, en métropole ou projetés, afin de défendre nos intérêts et de maintenir la paix.
S'engager ensemble consiste à porter un uniforme d'officier, dont nous assumons les devoirs, car l'aumônier a toujours le grade de celui auquel il s'adresse. Il importe de s'en montrer digne et d'agir au quotidien pour la cohésion de nos forces.
S'engager ensemble consiste à aller au-delà des mots, à contribuer à faire vivre l'humanité de nos soldats dans la gravité des actions militaires.
S'engager ensemble consiste également à partager un moment de détente à la « popote » ; à visiter les militaires engagés dans la mission « Sentinelle » après une dure journée de mission ; à partir en convoi dans le désert sahélien ; à transpirer avec nos artilleurs en manœuvre à Lomo, en Côte d'Ivoire ; à fêter la fin du mois de ramadan avec des soldats ; et à bien d'autres actions encore.
C'est à cela que consiste l'engagement de nos aumôniers, déployés en mission à l'étranger ou à l'intérieur de notre pays.
L'aumônerie musulmane est la sœur cadette de cette famille. En effet, elle a été créée en 2005 et le conseil du culte musulman a proposé ma nomination comme aumônier en chef au ministre de la Défense de l'époque. Notre aumônerie a donc 15 ans ; elle est encore jeune, mais fière du travail déjà accompli. Elle prend à cœur les missions qui lui sont confiées par l'institution militaire et compte trente-six aumôniers militaires (vingt-huit hommes et huit femmes). Elle s'emploie à soutenir moralement les militaires et leurs familles, à apporter une assistance cultuelle si elle est souhaitée, et à conseiller le commandement sur les questions relatives à la gestion du culte musulman dans les armées.
Nous disposons d'une trentaine de cercles de prière qui permettent aux soldats de confession musulmane de prier sur leur temps libre, dans les régions et sur les bases aériennes, mais également en opérations extérieures. Nous disposons également de salles polycultuelles, comme c'est le cas par exemple, sur le site de Balard. En opérations extérieures, la pratique du culte peut revêtir un caractère fondamental pour un soldat envoyé loin de chez lui, de sa famille, de ses proches, de ses repères et qui fait face à ses doutes, à une quête de sens, accrus par l'éloignement et la dangerosité de la mission. Dans ces circonstances, les aumôniers musulmans assurent la pratique du culte collectif du vendredi et organisent des temps réguliers de prière et de partage avec ceux qui le souhaitent.
Le conseil au commandement s'exerce à deux niveaux. En métropole, les aumôniers conseillent le commandement de proximité et l'aumônier en chef conseille le haut commandement afin de promouvoir une juste compréhension de faits religieux musulmans. Par exemple, à l'occasion du mois de ramadan passé, le commandement a diffusé comme chaque année une lettre d'information, éditée par l'aumônerie musulmane, expliquant les rites particuliers afférents à cette période. Cette lettre contenant des consignes claires de l'état-major des armées (EMA) a été diffusée aux commandants de formations afin de permettre la prise de repas en horaires décalés, ou de reporter le jeûne à une autre période, si les impératifs de l'accomplissement de la mission l'exigeaient. Dans le contexte inédit de la crise sanitaire qui a sévi au printemps dernier, les chefs et les aumôniers ont pu de concert organiser cette prise de repas, en respectant les consignes sanitaires en vigueur.
En tant que service multicultuel, parfaitement intégré au sein d'un des grands ministères régaliens de notre République, nous avons à relever le défi de la promotion d'une culture de l'excellence. Il s'agit non seulement de remplir ses missions, mais également de se remettre constamment en question afin de s'intégrer. Dans cette poursuite du progrès dans l'ADN de nos armées, les retours d'expérience (familièrement dénommés « RETEX ») nous permettent de prendre des décisions éclairées, de parfaire notre fonctionnement et notre déploiement dans un objectif de qualité et de service rendu aux armées. Il s'agit là d'un des défis de notre jeune service d'aumônerie musulmane, créé il y a seulement quinze ans, pour concourir à la réussite des armées et de la France ainsi que de la promotion de ses valeurs.
Intervenant en quatrième position, je rencontrerai des difficultés à éviter les répétitions, car nous avons dans l'ensemble des approches identiques, bien qu'elles soient légèrement nuancées.
La présence des aumôniers auprès du ministère constitue une réalité ancienne. Depuis des siècles, des religieux ont accompagné des soldats au combat, bien avant que l'existence des aumôneries soit formalisée par des textes. Dans une société sécularisée, la présence des aumôneries ne constitue pas une évidence pour tous. Comme le rappelait un collègue aumônier, « l'exercice de la laïcité dans l'armée française constitue un aspect particulier des relations entre d'une part, les religions et leurs représentants – en l'occurrence, les aumôniers - et d'autre part, l'État dont l'armée est la représentante en tant que détentrice de la vigilance légitime d'un État démocratique ».
Il convient néanmoins de ne pas raisonner en termes d'opposition, mais d'adopter une approche concrète, coopérative et dépassionnée, mais non sans conviction, sachant que l'honneur constitue la raison d'être des aumôneries, qu'elles soient catholique, protestante, israélite ou musulmane. Il leur appartient d'accompagner les hommes et les femmes là où ils sont, de les aider – dans la mesure où ils le souhaitent – dans une quête de sens qui touche naturellement le domaine spirituel.
Il serait intéressant de développer certains aspects historiques qui figurent dans le livret précédemment mentionné. Je souhaite simplement préciser deux aspects particuliers du rôle des aumôniers, bien qu'ils aient déjà été évoqués, et les inscrire dans le cadre d'une expérience plus personnelle. Je repense souvent à mes premières années comme aumônier militaire. En parallèle de ma fonction de pasteur d'une paroisse, j'avais signé un engagement d'aumônier réserviste à Castres, auprès des parachutistes. Nous disposions de temps de présentation des aumôneries que nous réalisions si possible à plusieurs voix. À l'issue de la communication de l'information de base destinée aux jeunes recrues et aux nouveaux arrivants, nous organisions un temps d'échange. J'ai toujours été surpris par le nombre et la diversité des questions posées par ces jeunes, qui exprimaient tout à la fois de la crainte vis-à-vis des religions, souvent par méconnaissance, et un grand intérêt pour la dimension spirituelle.
Je souligne que les aumôniers, hommes et femmes, entretiennent un dialogue permanent avec les personnels qu'ils rencontrent dans les régiments et les unités, dans les lieux de formation, sur le terrain en exercice, et bien entendu, également lors des missions qui se déroulent sur terre ou sur les mers, en opérations extérieures ou auprès des militaires de la gendarmerie nationale. Cette réalité de terrain nous permet de préciser le cadre défini par les textes officiels pour la mission d'aumônier, à savoir non seulement un soutien religieux aux personnels civils et militaires du ministère de la Défense qui le souhaitent, et à leur famille, mais également un rôle de soutien au commandement. Le soutien est accordé à tous et pour tout ce qui traverse la vie. L'aumônier des armées écoute celles et ceux qui viennent à lui ou qu'il rencontre. Son action s'articule avec celle d'autres aidants, à savoir les assistantes sociales, les psychologues, les psychiatres, les soignants du service de santé ou encore les différents référents qui interviennent dans le cadre des armées.
La spécificité de l'absence de grade de l'aumônier a été évoquée. Elle le situe en dehors de la hiérarchie militaire, ce qui garantit un accès facile pour tous et, de fait, une proximité qui autorise un échange en confiance et en toute confidentialité.
Vivre au quotidien avec les soldats, les accompagner, partager la condition militaire, parfois même la rudesse de leur engagement ou la douleur de l'effort, permet à l'aumônier d'établir des rapports personnels forts. Ce vécu commun est propice à des échanges sur des sujets touchant aux domaines personnel, familial ou professionnel. Je tiens à souligner que l'aumônier militaire représente un instrument de résilience en accompagnant chacun dans son questionnement, non pas au détriment de la mission, mais au contraire pour lui permettre d'être pleinement investi et de faire face à son engagement pour la Nation.
Le second aspect majeur de la mission de l'aumônier réside dans le soutien religieux et spirituel. Contrairement à l'idée souvent exprimée qui consiste, dans la laïcité, à reléguer la pratique religieuse à la seule sphère privée, voire à l'exclure des espaces collectifs ou des conversations, nous affirmons que ce qui se vit au sein des armées est bien différent, selon des règles puissantes de fraternité et de cohésion. En effet, nous observons très clairement un retour du religieux, un attrait pour la spiritualité et une quête de sens face à des situations personnelles parfois critiques qui nous imposent d'être présents et d'assurer un accompagnement excluant toute forme de prosélytisme. Cette dimension intérieure de l'être humain stimule la réflexion et porte à une approche sensible des questions éthiques parmi lesquelles, bien sûr, les questions relatives à la guerre, à la paix, mais également à la mort qui demeure, de fait, étroitement liée à la condition du militaire qui peut la donner ou la recevoir et dans tous les cas, la côtoyer de près. Dès lors, en tout temps et en tout lieu, les aumôniers constituent un complément précieux, une aide, un conseil.
Je ne souhaite néanmoins pas donner l'impression de vouloir gommer ce qui représente notre spécificité, nos différences et, paradoxalement, nos richesses. Quel que soit son culte, chaque aumônier doit être un homme ou une femme d'ouverture et de conviction, avec des valeurs solides, porteur d'un message d'espérance et de fraternité ; un point de rencontre et de contact. Cela se lit dans la relation que nous entretenons ensemble, aumôniers des différents cultes, dans des actions que nous menons conjointement. Le commandement y est très sensible, car cela participe non seulement à l'apaisement de la relation entre les différents cultes, mais également à la cohésion.
Je terminerai par une image donnée par un collègue, ancien attaché parlementaire et aujourd'hui aumônier, qui disait à propos de cette fonction : « Les rameaux d'olivier qu'il porte sur son uniforme sont le symbole de la paix et de la concorde, toujours souhaitable, mais aussi de l'huile qui apporte de l'harmonie dans les rouages, les transmissions et les rapports humains. Un bon aumônier serait donc une huile de grande qualité qui répand sur tout ce qu'elle touche de la saveur et du liant ». Il convient bien évidemment de savoir rester modestes, avec l'espoir d'être perçus, malgré nos particularités, nos limites, nos forces et nos faiblesses, comme des hommes ou des femmes aptes à apporter quelque chose d'utile, dans une dimension spirituelle, propre à leur fonction.
Un grand merci pour vos interventions. Nombreux sont les députés à avoir demandé à poser une question.
Dans la période de pandémie que nous traversons, il est très réconfortant de faire face à des orateurs si unis.
La mission guerrière constitue une activité qui peut sembler incompatible avec une foi, une religion d'amour et de paix, quelle qu'elle soit. Pourtant, le sacrifice pour une cause supérieure à soi-même, le sens du devoir et le dévouement extrême pour protéger son prochain sont des sentiments que partagent tous nos soldats. Dès lors, comment vous, aumôniers en chef, articulez-vous votre présence aux côtés de nos militaires entre ces deux dimensions apparemment contradictoires ? Plus précisément, comment justifiez-vous le dévouement à une cause guerrière si celle-ci est motivée par des sentiments nobles et justes ? Nos soldats sont confrontés dans l'exercice de leur mission à des situations extrêmement éprouvantes, tant pour les corps que pour les esprits. Dans ce cadre, messieurs les aumôniers en chef, jouez-vous un rôle essentiel pour ceux qui trouvent un réconfort dans la religion face aux épreuves qu'ils endurent ? Pour autant, la souffrance psychologique à laquelle sont confrontés nos soldats ne se limite pas au combat en lui-même, mais les poursuit probablement pendant de nombreuses années. Nos armées ont entrepris depuis plusieurs années une évolution forte, positive et indispensable afin d'accompagner nos militaires dans leurs souffrances post-traumatiques. Quel rôle jouez-vous dans cette tâche, vous qui vouez votre vie au service des âmes ?
Je vous remercie tout particulièrement, Madame la Présidente Françoise Dumas, d'avoir organisé cette audition très intéressante. Je siège à la commission de la défense depuis huit ans et je n'ai pas le souvenir d'avoir assisté à une telle audition, mais il est vrai que je n'ai peut-être pas été suffisamment assidu.
Je vous rassure, Monsieur le vice-président, votre assiduité est réelle et votre mémoire fidèle puisque la dernière audition de ce type remonte à 2011.
En effet, cela me rassure puisque je n'étais pas encore membre de la commission.
Je pense bien entendu que la présence de représentants des cultes au sein de nos armées n'est absolument pas contraire au principe de laïcité mentionné dans la loi de 1905. Selon moi, il s'agit d'une façon de faire vivre cette loi de 1905 et donc, cette présence est bénéfique à tous égards.
Vous avez évoqué votre rôle auprès des militaires, notamment de nos soldats en opérations. Intervenez-vous également auprès des familles ? La famille constitue un des piliers du soutien de nos opérations et de nos militaires.
Vous nous avez confirmé que la mission constitue la valeur cardinale des armées et chacun sait que la cohésion représente un facteur essentiel dans la réussite de la mission. Il ne peut y avoir de cohésion sans respect des croyances religieuses. C'est pourquoi notre armée a organisé la laïcité bien avant tout le monde, via l'aumônerie qui, jusqu'à une période très récente, constituait le pilier majeur de cette laïcité.
En effet, le soldat rencontre la mort, comme le mentionne le livret « la mort vue, la mort infligée ou la mort reçue ». À l'automne 2017, Mme Florence Parly, ministre des Armées, a présenté un livret, réédité dans une version révisée en décembre 2019, qui est distribué dans nos centres de recrutement et nos institutions de sorte que nos jeunes sachent de quelle manière pourront s'articuler leur engagement et leur croyance. Ce livret traite de la laïcité par une série de questionnements que chacun se pose sur ce sujet.
Quel est votre avis quant à ce livret, qui se veut être dorénavant le deuxième pilier de la laïcité dans nos armées et qui, grâce à votre présence, a déjà démontré sa force ? Je rappelle en effet que certains problèmes ont été traités depuis de nombreuses années au sein de nos armées et que ce traitement pourrait faire école dans notre société. Je pense notamment à la question des repas de substitution qui, depuis 1992, est régie par une circulaire du ministre Joxe et ne fait plus débat. Pourtant, cette question revient régulièrement dans le débat politique, notamment au niveau communal.
Pouvez-vous nous expliquer que vous n'êtes pas seulement les aumôniers de votre culte, mais les aumôniers de l'ensemble des soldats ? En effet, sur un théâtre d'opérations, s'il n'y a qu'un seul aumônier présent, ou encore une femme aumônier, un soldat en demande pourra se confier à lui ou elle, quel que soit son culte, et il fera l'objet de la même écoute, de la même assistance.
Je regrette vivement d'être arrivé en retard, car les dernières interventions des aumôniers que j'ai pu entendre étaient vraiment très touchantes. Je crois qu'il y a très longtemps que je n'ai pas assisté à une réunion d'un tel niveau de qualité. Pour comprendre cela, il importe immédiatement dans mon esprit de convoquer Camus, Saint-Augustin et quelques autres. Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour ce que vous dites ensemble alors que dans la « vraie vie », dans la vie civile, il est pour nous souvent difficile de pouvoir prendre l'initiative de vous réunir et de réunir vos frères.
Comment, dans votre esprit, est-il possible de concilier un engagement aussi profond que le vôtre – vous êtes des aumôniers, et même des aumôniers en chef – avec la rencontre, dans un même souffle, de celui qui protège, de celui qui enlève la vie, de celui qui est chargé de donner les sacrements, tout en gardant suffisamment d'humanité pour dire qu'autour de vous il y a tellement de frères qui ne croient pas au Ciel ?
Comment peut-on appréhender que dans l'armée adverse – et cela peut arriver -, on ne combatte pas seulement des extrémistes qui ont choisi de sortir de tout ? Vous êtes la quintessence de l'humanité, de la spiritualité, mais vous pouvez être face à des hommes et des femmes qui ressentent les mêmes sentiments que vous.
Quelle que soit votre réponse, et même si vous n'avez pas de réponse à mes questions, je remercie Mme la Présidente pour ce grand moment qui nous grandit tous.
Je voudrais également témoigner de l'importance des aumôniers sur les théâtres d'opérations. Mes souvenirs personnels me ramènent vers des aumôniers qui étaient les aumôniers de tous, quel que soit le lien entre leur religion et celle de leur interlocuteur, et même des non-croyants. Les aumôniers jouent un rôle très particulier sur les théâtres d'opérations où ils apportent un « plus ». Ils s'intègrent à la vie d'un camp et leur présence offre non seulement un intérêt psychologique, mais également un intérêt opérationnel dans la bonne condition du soldat.
Peut-il arriver, parfois, que vous ayez une relation avec l'adversaire tactique, par exemple en cas de capture de l'adversaire ? Pouvez-vous, sur des théâtres d'opérations, avoir des relations avec d'autres autorités religieuses et peut-être ainsi collaborer au rapprochement des points de vue des uns et des autres de sorte à diminuer l'intensité d'un conflit ?
Dans quelle mesure nos soldats peuvent-ils faire abstraction des règles de leur religion dans des conditions tactiques ? Par exemple, les rations individuelles de combat réchauffables (RICR) sont halal. Le respect de ces rites constitue-t-il une condition fondamentale dans vos religions ou bien acceptez-vous que la contrainte opérationnelle puisse conduire un croyant à s'affranchir des rites qu'il pratique par ailleurs ?
En premier lieu, en tant que communiste athée très respectueux des religions, je considère que la présence des représentants des cultes dans les armées constitue un élément positif. La mission qui leur incombe est importante.
Ma première question porte sur les faits religieux dans l'engagement militaire. J'entends par « faits religieux » le port de signes religieux (voile, kippa, croix apparente, etc.), la demande d'absence pour fêtes religieuses, le temps de prière, voire le prosélytisme, voire encore la volonté de sélectionner les personnes avec lesquelles on peut agir, etc. Rencontrez-vous des cas de faits religieux qui remettent en cause l'engagement et le bon fonctionnement de l'unité ? Le cas échéant, quel serait alors votre rôle spécifique face à de tels problèmes ?
Ma seconde intervention porte sur la pratique religieuse. Le sujet me semble important. Les sociologues estiment qu'il existe quatre faits religieux.
Ils répertorient d'abord le fait religieux « invisible ». Cela signifie qu'un soldat accepte ou se résout à prendre de la distance avec les prescriptions, les rites, les traditions de sa religion. Il adopte une forme de posture de renoncement qui peut créer une frustration, face à laquelle vous avez probablement un rôle à jouer.
Ensuite, ils identifient le fait religieux « normalisé ». Dans ce cas, la loi et la pratique religieuse du soldat sont connues par ses collègues, par ses supérieurs et ce fait n'entraîne ni dégradation des interactions ni aliénation de son rôle militaire. Bref, un fait religieux qui assure une forme de normalité des pratiques presque « étiquetée ».
Le troisième cas évoqué par les sociologues consiste en un fait religieux « déviant » dans lequel le soldat est confronté à une situation un peu contradictoire ; il est tiraillé entre son rôle professionnel de soldat et ses convictions religieuses. Il peut être amené à percevoir les prescriptions de l'un et de l'autre comme étant incompatibles, ce qui est susceptible de créer des problèmes.
Enfin, la quatrième situation répertoriée par les sociologues consiste en un fait religieux « transgressif », que l'on peut raisonnablement exclure de l'armée. Dans ce cas, le soldat ressentirait une telle contradiction entre sa pratique religieuse et son état militaire qu'il serait conduit à prendre de la distance. Il refuserait d'obéir aux ordres donnés par son supérieur, considérant que Dieu est son unique chef.
Constatez-vous ces diverses situations ? Si vous pensez qu'un soldat est tiraillé ou qu'il subit des pressions internes qui le mettent mal à l'aise, comment agissez-vous ? Quel est votre positionnement par rapport à de telles situations ?
Mon propos sera probablement complémentaire de celui de mes collègues, car nous nous appuyons sur des expériences différentes. Je souhaite revenir sur certains éléments de la première intervention, à savoir « comment justifiez-vous le dévouement à une cause guerrière ? » et « face à une situation éprouvante, quelle est votre action ? ».
Je définirais le rôle essentiel de l'aumônier par le terme de « résilience », capacité étroitement liée à l'accompagnement. La proximité de l'aumônier avec les soldats est capitale et elle le confronte à la réalité de chacun. L'aumônier est un écoutant. Il sera attentif à ce qui lui sera confié de sorte à pouvoir être un compagnon de route, un conseiller, une personne qui entrera en relation avec son interlocuteur et abordera différentes questions. Il aidera ainsi le soldat à dépasser des situations difficiles et éprouvantes. Cela constitue le fondement même de la résilience.
Nos expériences, nos formations et notre engagement au sein des armées nous préparent à cet accompagnement spécifique. Nous l'avons constaté dans des situations dramatiques, non seulement sur les théâtres d'opérations, mais également dans le cadre des unités qui réunissent des civils, des militaires et des familles. En effet, les aumôniers sont certes prioritairement en contact avec les membres de la communauté militaire, ceux qui entrent dans le cadre de l'exercice du ministère des armées, mais ils entretiennent également un lien d'échange et d'accompagnement avec les familles. C'est notamment le cas lorsque les unités sont projetées et que les aumôniers restent rattachés aux unités. Ils maintiennent alors un contact avec les familles. Ils sont parfois amenés à intervenir dans le cadre de la présentation des liens que les conjoints de soldats projetés peuvent nouer avec la structure de soutien à laquelle les aumôniers appartiennent.
Sur les théâtres d'opérations, les aumôniers restent au plus près des soldats, parfois même dans les situations les plus « chaudes », à proximité des combats. Ils accompagnent les soldats et permettent aux uns et autres de se poser les bonnes questions, notamment quant au sens de leur engagement, et de dépasser leurs craintes de sorte à mener à bien leur mission.
Dans le cadre de la crise sanitaire, les aumôniers ont souvent représenté un lien, via les divers réseaux existants, afin de soutenir les uns et les autres. Ils ne se focalisent pas sur leur culte puisque, je le rappelle, les aumôniers sont à disposition de manière générale, non seulement dans le cadre d'un soutien religieux, mais également pour apporter un soutien moral et humain à l'ensemble des personnels, sans ostracisme lié au culte.
Je ne suis pas l'aumônier des militaires protestants, mais je suis l'aumônier protestant des militaires. Je me tiens à la disposition de l'ensemble de la communauté afin d'assurer ma double fonction de soutien moral et humain, qui touche la réalité de toute vie humaine, et de soutien cultuel et religieux. Cette dimension est obligatoirement « colorée ». Néanmoins, les situations sont abordées très naturellement, de façon spontanée. Si un soldat m'interpelle sur une question qui relève d'un autre culte que le mien, je l'oriente rapidement vers l'aumônier du culte concerné. Nous fonctionnons ainsi dans le cadre des régiments, des unités et des écoles, car elles offrent une possibilité d'accès aux aumôniers de chaque culte.
Le culte protestant compte 35 aumôniers d'active pour l'ensemble des unités basées en métropole, en outre-mer et à l'étranger. Nos dessertes sont donc très vastes et il s'avère complexe pour nous d'être présents dans tous les moments de la vie des militaires et des personnels. Le lien de transmission d'information est donc nécessaire entre les différents aumôniers. Les aumôniers sont présents de façon générale, mais ils peuvent avoir à répondre à des questions spécifiques au culte.
L'accompagnement permet de comprendre comment traverser une difficulté ou une situation délicate. Le terme « résilience » est itératif dans le cadre de nos fonctions.
Enfin, je souhaite citer un exemple. Un de nos aumôniers a été embarqué sur le porte-avions Charles-de-Gaulle et il a été débarqué juste avant l'escale brestoise. Il avait donc connu les militaires du bord et, basé sur Toulon, il a eu l'occasion de les accompagner dans le confinement qui leur fut imposé au retour de leur mission et d'entretenir un lien très particulier avec les familles, en transmettant des informations, voire des colis. Il a également rempli un rôle d'intermédiaire entre l'aumônier musulman, également confiné et sa famille. Les liens existent réellement entre nous et l'ensemble des personnels.
En 1872, le général du Barail, alors ministre de la guerre, a dit en substance : « Si vous ôtez aux hommes de guerre le droit de croire dans une vie dans l'Au-delà, vous n'avez pas le droit de leur demander de sacrifier leur vie ici-bas ». Cette phrase résume totalement le sens de la présence des hommes d'Église (terme générique, vous l'aurez compris) dans les armées. Elle justifie la présence des aumôniers auprès de ces hommes qui sacrifient leur vie et qui s'engagent. Elle ne nécessite aucune explication de texte.
L'un d'entre vous a prononcé le mot « halal ». Je précise qu'il existe des rations individuelles de combat réchauffables confessionnelles, halal et casher. Lorsque j'ai pris mes fonctions en 2006, c'est d'ailleurs avec mon collègue rabbin, ami et frère, que nous avons relancé ce processus qui avait été abandonné dans les années 90, du temps de la conscription. Nous avons remis en place ce service de RICR depuis 2006 et tout se passe très bien. Les aumôniers du culte musulman n'exercent aucune forme de prosélytisme dans ce cadre. Nous agissons conformément au cahier des charges cultuel qui nous précise nos modalités d'exercice. Les repas halal sont à la disposition des militaires qui le souhaitent, sans obligation. Le dispositif offre la possibilité à ceux qui le souhaitent de manger conformément à leurs principes religieux, que ce soit halal ou casher. Chacun fait comme il l'entend et les aumôniers n'ont aucun droit de contrôle dans ce cadre. Les militaires de confession musulmane se sont engagés au nom de valeurs identiques à celles de leurs collègues catholiques, protestants ou autres, à savoir les valeurs de notre pays, de la France, etc.
De surcroît, désormais, nul n'est obligé de s'engager. Dès lors, le sens de l'engagement relève d'une volonté de servir son pays. Ce constat me mène naturellement à la question de M. Chassaigne. Les soldats musulmans sont comme leurs collègues. Lorsqu'ils choisissent de s'engager dans les armées, ils savent ce qu'ils font. Ils ne sont pas inconscients. Dans leur for intérieur, ils nourrissent probablement une dimension spirituelle, comme tout un chacun. Pour autant, leur engagement relève d'un sens des valeurs identique aux autres jeunes qui choisissent cette voie, à savoir le sacrifice, la promotion sociale, etc. Nous comptons des soldats de confession musulmane dans nos armées depuis les années 1800. Nous élaborons actuellement une exposition itinérante relative à l'engagement de « soldats musulmans », selon l'appellation historique en vigueur au temps de l'armée coloniale, l'armée d'Afrique. Aujourd'hui, il n'y a plus de « soldats musulmans » dans les armées françaises ; il y a seulement des soldats. Le temps des colonies est révolu. L'engagement relève désormais d'une volonté républicaine.
Lorsque nous accueillons les jeunes recrues, nous n'exerçons aucun prosélytisme. Nous informons les soldats de l'existence des aumôneries. Lorsqu'ils viennent nous voir, notre rôle consiste à les réconforter lorsqu'ils manifestent des doutes, des questionnements. Nous les orientons vers l'objectif unique de la réussite de leur mission.
Cinq aumôniers musulmans sont en permanence projetés dans le cadre d'opérations extérieures. Ils sont présents sur l'opération Barkhane ; ils sont présents au Mali, au Tchad, à Djibouti, au Liban ; ils sont présents partout là où le devoir les appelle. S'il est vrai que, ces derniers temps, les conflits internationaux portent essentiellement sur des contrées de confession musulmane, cela ne pose aucun problème à nos soldats. Nos militaires, dans le cadre du conseil au commandement, et uniquement dans ce cadre-là, peuvent être sollicités par le commandement en vue d'une explication et d'une compréhension de la situation. Dans son rôle et sa mission de conseil au commandement, l'aumônier se doit d'apporter les éclairages nécessaires. Lorsque le commandement invite les autorités militaires des pays accueillants – puisque la France est accueillie dans ces pays-là -, les aumôniers, catholiques, israélites, musulmans, protestants, collaborent à ces réunions afin de rencontrer éventuellement les religieux des autres pays. En revanche, les aumôniers ne sont ni des interprètes ni des agents de renseignement. Ils constituent des soutiens des troupes françaises et ils participent aux activités, dans le cadre du conseil au commandement en vue de réussir la mission.
En premier lieu, sachant que Mme Patricia Mirallès avait contracté le coronavirus, je lui souhaite une guérison totale et un plein rétablissement. J'ai moi-même passé quelques moments difficiles et bien que je n'aie pas été hospitalisé, je connais les effets désagréables de ce virus. Nous avons coutume de dire « Béni soit celui qui guérit les malades ».
Je reviens à notre sujet et aux questions de grande qualité qui nous ont été posées. L'intervention de Mme Mirallès rejoint celle de M. Chassaigne et elles touchent au sens de notre engagement en tant que militaires. Est-ce qu'il n'y aurait pas une opposition antinomique entre le devoir militaire et le devoir religieux ?
Au risque de vous surprendre, alors que j'ai eu la chance de côtoyer un grand nombre de chefs d'états-majors, j'ai été profondément frappé, et surtout admiratif, de l'humanité de ces généraux, de ces hommes. On dit souvent « recevoir la mort ». Le Talmud raconte que lorsque Jacob a appris qu'Ésaü allait à sa rencontre, dans le désir de se venger, il a fait une double prière à Dieu : « J'ai peur d'être tué, mais j'ai également peur de le tuer ». Lorsque j'écoutais le général Bentégeat ou le général de Villiers, j'entendais des hommes profondément humains, attachés au respect de la vie et pour lesquels donner la mort se révélait plus difficile que de la recevoir. Lorsqu'on est amené à faire usage de la force, c'est avec une réflexion et au nom de ses valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Le juif que je suis estime que ces valeurs émanent directement des dix commandements qui sont l'insigne de l'aumônerie israélite des armées qui a toujours accordé la liberté à chacun. L'égalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans les dix commandements qui leur confèrent les mêmes droits. Enfin, aider son prochain constitue un des piliers du judaïsme : « N'oublie pas le pauvre », « aide l'étranger », « ne dédaigne pas ». Dès lors, à mon sens, il n'existe aucune contradiction entre un engagement religieux et un engagement militaire.
Nous vivons à l'époque de la professionnalisation des armées qui, sur certains points, a créé une distance entre les armées et la nation. Les autorités tentent d'y remédier grâce à la création du service national universel dont l'objectif consiste à recréer de la cohésion sociale. Dans le même temps, la professionnalisation des armées a conduit à des engagements de conviction. Les hommes et les femmes qui s'engagent dans nos armées sont convaincus de leur mission, de l'intérêt de leur métier. Comme leurs anciens, ce sont de vrais passionnés, quel que soit leur échelon, du militaire du rang au chef d'état-major, en passant par les officiers généraux, les officiers supérieurs, les simples officiers et les sous-officiers. Tous vivent passionnément cet engagement.
Nous sommes également attentifs aux familles pour lesquelles un soutien est souvent nécessaire.
Par ailleurs, je rappelle qu'il y a quelques années, mon prédécesseur, le grand rabbin Korsia, Monseigneur Luc Ravel, un grand aumônier, prédécesseur d'Antoine de Romanet et actuel évêque de Strasbourg, et le pasteur Stéphane Rémi, ont rédigé une charte des aumôniers par laquelle les aumôniers s'engagent à n'opérer aucun prosélytisme et à ne pas empiéter sur le domaine de l'autre. Lorsqu'un militaire qui n'est pas de notre confession s'adresse à nous, dans la mesure du possible, nous l'orientons vers l'aumônier de son culte. Ces règles de bonne entente garantissent qu'il n'y ait aucun problème à écouter et aider un militaire d'un autre culte, dans le respect de sa confession.
La référence de M. Lassalle à Camus et Saint-Augustin constitue un grand honneur pour nous tous. Quoi qu'il en soit, la question du tiraillement du soldat entre sa mission et sa religion a été prégnante, notamment au cours de la Première Guerre mondiale qui, à l'inverse de bien des guerres de l'histoire, n'était pas une guerre du bien contre le mal, mais une guerre de patries. Il est arrivé que des juifs français tirent sur des juifs allemands, chacun étant habité de la conviction qu'il servait sa patrie.
Les autorités religieuses peuvent-elles intervenir dans un processus de paix ? Je pense que cela relève malheureusement encore aujourd'hui de l'utopie, mais gardons espoir. Nous entretenons d'excellentes relations avec des aumôniers d'autres pays. Il serait fabuleux qu'un jour le pape, le grand rabbin d'Israël, le grand mufti de Jérusalem et le grand représentant des protestants se réunissent et règlent tous les conflits.
La question relative à la souffrance psychologique est essentielle. Elle est également préoccupante pour les aumôniers eux-mêmes. Un des aumôniers dont je suis proche est intervenu lors de plusieurs évènements forts, parmi lesquels l'Afghanistan, le Bataclan et l'incendie de Notre-Dame de Paris au cours duquel il a fait corps avec les pompiers de Paris. Ce sujet mobilise avec intensité notre attention. Il existe à l'hôpital militaire Percy un service spécialisé dans les questions psychiatriques où sont hospitalisés des militaires marqués par ce qu'ils ont été amenés à vivre.
Nous sommes attristés par le récent décès d'Albin Chalendon. Un service religieux sera organisé demain aux Invalides en son honneur. Il s'était engagé dans le maquis entre 1940 et 1944. Il a vécu des situations terribles, véritablement terribles, et a fait preuve d'une grande dignité personnelle. Ces évènements ont néanmoins marqué sa vie, toute sa vie, avec intensité. Ceci illustre toute l'importance de l'accompagnement psychologique et spirituel à apporter à ceux qui ont traversé de telles épreuves
M. de la Verpillière a souligné l'importance du rôle des familles. Bien que, comme l'a indiqué Abdelkader Arbi, certains aumôniers soient au front, la plupart des aumôniers de l'ensemble des confessions se trouvent sur les bases et sur le territoire national, là où l'accompagnement des familles se révèle tout à fait essentiel. Récemment, deux jeunes militaires ont été tués au Mali. Dès que survient un drame de ce type, l'aumônier projeté à Gao accompagne les camarades dans une situation de traumatisme profond et l'aumônier du régiment sur le territoire national accompagne l'ensemble des militaires du régiment sur place. Leurs interventions se déroulent en parallèle et en étroite coordination. L'aspect familial est alors fondamental.
L'aspect de recrutement est également prégnant. La force des armées réside dans les hommes qui la composent.
Monsieur Lassalle, je vous remercie beaucoup pour votre remarque et votre bonheur de nous voir ici réunis. Il est vrai que nous entretenons une relation de fraternité qui se traduit notamment par le partage de la table très régulièrement. Vous nous interrogez sur la manière de « rencontrer dans un même souffle celui qui protège la vie et celui qui l'enlève ». La position absolument essentielle consiste à respecter la dignité de celui qui me fait face. Si je traite ce dernier comme un animal – et nous connaissons toutes les implications qu'une telle attitude a eues au cours de la Première Guerre mondiale -, je me déshumanise moi-même. Le risque de bestialité est considérable et Albin Chalendon en a témoigné. Ce risque est sans cesse présent dans des dimensions de vengeance, de haine et de sang… des sentiments qu'il s'agit de canaliser et de réguler. Si je ne respecte pas celui qui me fait face, je ne me respecte pas moi-même. Les capacités de dialogue revêtent ici une importance capitale.
Nous évoquions la Première Guerre mondiale afin d'illustrer le rôle des instances religieuses. L'histoire le manifeste explicitement. En 1917, le pape Benoît XV avait encouragé un armistice, proposant que chacun rentre chez lui sans réclamer de dommages de guerre. S'il avait été entendu, la Seconde Guerre mondiale aurait probablement été évitée. Le jusqu'au-boutisme conduit à un drame absolu. Il arrive un moment où la situation devient absurde et où les autorités morales peuvent exprimer un point de vue sensé.
M. Thomas Gassilloud a mentionné l'importance que revêt la présence des aumôniers sur les théâtres d'opérations. Nous entretenons en effet des relations avec les populations locales. Nous disposons ces derniers jours du témoignage d'un aumônier projeté au Mali qui a noué des contacts avec les autorités religieuses, des imams avec lesquels il a pu avoir des conversations fraternelles. En outre, les aumôniers assurent une présence auprès des populations locales et sont parfois amenés à célébrer un culte catholique pour la première fois depuis de nombreuses années dans certaines contrées. À N'djamena, chaque semaine, les aumôniers sortent ensemble pour assurer une mission humanitaire et soutenir explicitement les populations. Cela favorise l'acceptation de la présence française par les populations locales.
Avec M. Chassaigne je partage le constat que depuis Paris on peut toujours se poser de nombreuses questions, avec un papier et un crayon, de manière théorique. Il n'empêche que, sur le terrain, nous travaillons tous ensemble dans un esprit de fraternité et de cohésion. Et si nous ne sommes pas dans de telles dispositions, nous sommes tout simplement morts ! Il s'agit donc d'un positionnement vital. Dans ce cadre, l'armée est très intéressante parce qu'on y dépasse les clivages idéologiques, on y dépasse les postures, on y dépasse les apparences, de sorte qu'ensemble, unis par la mission, nous nous déployons fraternellement.
Je vous remercie pour ces paroles fortes. Nous abordons maintenant la seconde série de questions.
Dans le rapport récent de la mission flash relative aux relations civilo-militaires à l'aune de la crise de la Covid-19, que j'ai rédigé avec mon collègue Joaquim Pueyo, nous n'avons pas particulièrement identifié d'actions des aumôniers militaires en lien avec les autorités civiles dans le périmètre du territoire national. Pourtant, dans une actualité où la laïcité fait régulièrement l'objet de débats, voire de polémiques, dans une actualité où la laïcité souffre donc au quotidien, vos témoignages montrent une fois encore que nos armées empruntent une voie de sagesse et d'équilibre, garante au quotidien de l'esprit de la loi de 1905, conférant à notre République la liberté de croire ou non et d'exercer son culte dans le respect des institutions. Dès lors, deux questions me viennent à l'esprit.
En premier lieu, la crise sanitaire a-t-elle conduit les aumôniers militaires à intervenir auprès des populations civiles, que celles-ci soient intégrées aux armées (civils de la défense) ou non ?
En second lieu, à l'avenir et dans un objectif de cohésion nationale que permet le lien armée-nation, quel pourrait être le rôle des aumôniers militaires ? Je pense ici plus particulièrement au service national universel, mais pas uniquement. Avez-vous identifié d'autres cadres d'intervention possible auprès d'un public civil ?
J'ai noté que les aumôniers militaires apportent un réconfort psychologique aux soldats ainsi qu'à leur famille, et ce, à l'ensemble des croyants, quelle que soit leur religion. Ce soutien me paraît normal puisque, me semble-t-il, vous servez tous le même Dieu.
Quels besoins psychologiques et spirituels avez-vous identifiés non seulement auprès de nos soldats en opérations extérieures, mais également auprès de leurs familles ?
Existe-t-il des aumôniers femmes ?
La présence d'aumôniers de toutes les confessions témoigne de l'importance de la présence religieuse dans nos armées depuis de nombreux siècles. Cependant, de la même manière que le rapport à la religion évolue selon les époques dans la société civile, le rôle des aumôniers dans les armées est probablement appelé à évoluer.
Sans bien sûr trahir des secrets, pourriez-vous nous indiquer dans quel but les militaires viennent vers vous ? Est-ce un besoin régulier détaché de leur mission ou est-ce une quête de sens de leurs actions ? En écho à cette question, pensez-vous que l'armée, en tant qu'institution, donne suffisamment de sens à l'engagement de ses militaires ?
Je souhaite revenir sur la question de notre collègue André Chassaigne afin d'obtenir des précisions. Vous avez dit « nous portons un regard privilégié sur les questions de société », « nous n'obéissons à aucun lien hiérarchique », « ce que dit celui qui vient nous voir ne sera jamais répété » « nous sommes des collègues au service de leur entité » et enfin, « nous ne sommes pas des agents de renseignement ». Certes, la liberté de conscience existe, mais elle doit obligatoirement être conciliable avec l'intérêt de la défense nationale et il importe qu'elle ne mette pas en danger celles et ceux qui se battent justement pour défendre cette liberté. Quels protocoles appliqueriez-vous si vous étiez amenés à identifier une suspicion de début de radicalisation dans les rangs de celles et ceux que vous rencontrez ?
Je rejoins mon collègue Jean Lassalle pour considérer que la légitimité de donner la mort pose problème. Je suis franco-allemande et j'ai malgré tout eu l'honneur d'avoir été élue. Vous me pardonnerez de citer des faits un peu personnels. Le jour de mon mariage, il y a trente-sept ans et demi, se trouvaient d'un côté mon oncle qui avait été médecin occupant en Normandie et de l'autre, un oncle de mon mari qui avait combattu au sein de la division Leclerc. Quelques années après la fin de la guerre, ils se sont retrouvés en face l'un de l'autre, à notre table de mariage, tous les deux catholiques pratiquants, chantant les mêmes chansons. Les ennemis d'hier peuvent devenir les amis de demain et c'est bien heureux.
Le sacrifice est compréhensible et, à l'époque, il était nécessaire de défendre des valeurs humaines. Je ne remets pas cela en cause. Pourtant, comment expliquer la légitimité de donner la mort ?
Mon intervention relève davantage du témoignage que d'une question. En effet, lors d'une mission d'information, j'ai eu le plaisir d'auditionner vos différentes aumôneries. J'emploierai le singulier pour évoquer votre rôle tant votre positionnement m'est apparu exemplaire. Au-delà de l'aspect religieux, il s'agit bien de laïcité, de cette laïcité que vous avez évoquée. Votre grade « miroir » constitue une force, car il apporte de nombreuses solutions aux militaires et à leurs familles. Lorsqu'un soldat est projeté en opérations extérieures, la dimension sociale auprès du conjoint et des enfants est essentielle, en complément de la mission assurée par les assistantes sociales, bien sûr.
Si certains doutent encore de la nécessité de votre présence auprès de nos soldats, je les invite à lire le compte rendu de l'audition à laquelle nous assistons et à mémoriser cette superbe photo de famille que vous nous offrez.
En effet, messieurs les aumôniers en chef, vous voir tous les quatre ici réunis représente une image magnifique. Ce sont les différentes familles spirituelles de la France qui sont réunies derrière notre drapeau. Je tiens à vous dire que cette image donne un frisson. C'est extrêmement fort. Je dis toujours aux jeunes de mon territoire « allez à l'ossuaire de Douaumont parce que c'est ça la France. On y trouve des croix chrétiennes, des étoiles de David et des croissants musulmans ; c'est notre pays ».
Lorsque j'étais officier de réserve - mais mes dernières périodes datent de 2009, et sont donc un peu anciennes -, je n'ai jamais constaté de tensions religieuses à l'intérieur des unités ou sur des bateaux. En avez-vous identifié ? Dans l'affirmative, le rôle des aumôniers a-t-il pu contribuer à les apaiser ?
Je tiens à témoigner du caractère exceptionnel de l'action des aumôneries. Lorsque j'étais sur le porte-avions Clemenceau, j'ai constaté que l'aumônier militaire avait réglé de grandes difficultés familiales d'une manière extraordinaire.
Messieurs les aumôniers militaires en chef, si votre rôle premier consiste à accompagner spirituellement les militaires, ainsi que vous nous l'avez rappelé, vous assumez également une mission importante de conseil auprès du commandement. En Afghanistan, par exemple, le rôle des aumôniers musulmans fut précieux pour comprendre la population et ainsi, en tirer les conséquences sur l'organisation des opérations.
Messieurs les aumôniers militaires en chef, pourriez-vous revenir sur votre lecture des faits religieux, dans des zones où la France est actuellement engagée, notamment s'agissant des opérations Barkhane et Chammal ?
Messieurs les aumôniers militaires en chef, je vous confirme que votre présence dans les unités en France ou encore sur les théâtres d'opérations est appréciée par nos militaires. J'ai pu le constater lors d'un déplacement en Jordanie, pendant les fêtes de fin d'année, sur une base projetée. Votre place est indéniable dans le groupe des unités. Vous êtes disponibles et toujours présents pour des échanges. Vous êtes auprès d'eux pour soutenir leur moral et la fraternité de tous, ce qui est essentiel à la réussite de la mission de nos hommes. Jamais la France n'a déployé autant de soldats en opérations extérieures où l'âpreté des combats est une réalité. La mort se combat les yeux dans les yeux. De plus, nos soldats sont éloignés de leur famille, bien qu'ils souscrivent à leur engagement.
M. de Romanet, vous avez évoqué le plan « Famille » dans vos propos liminaires. Quel est le rôle des aumôniers dans ce dispositif mis en place par notre ministre, Florence Parly, dès sa prise de fonctions au ministère des armées ?
Le plan « Famille » reprend d'anciennes mesures qui préexistaient et en prévoit de nouvelles. Il suscite en effet notre attention, car le moral des uns et des autres constitue une préoccupation essentielle. Je pense que l'ensemble des aumôniers porte une attention particulière à ce sujet. La crise sanitaire a étonnamment inversé les choses. En effet, habituellement, la famille soutient un soldat projeté ; actuellement, ce sont les soldats projetés qui soutiennent leur famille.
Étienne, Abdelkader, Joël et moi-même avons souligné les liens fraternels que nous entretenons. Nous visons la cohésion ; nous visons la cohésion des armées. Pour autant, chacun de nous est extrêmement attentif à préserver sa spécificité. La valeur de nos liens réside pour beaucoup dans ce respect de nos spécificités. Nous n'avons pas la même perception d'un certain nombre d'enjeux considérables, liés notamment à l'identité de Jésus-Christ, puisque, pour faire bref, c'est la seule question essentielle qui me distingue de Joël et d'Abdelkader. Nos différences induisent des conséquences spirituelles dans la manière de considérer les situations. Dès ma prise de fonction, j'avais détecté cet aspect fondamental à travers notamment la laïcité et le dialogue interreligieux.
Le dialogue interreligieux est absolument essentiel. Il n'existe nulle part ailleurs autant que dans les armées. Il n'est ni théorique ni idéologique, mais il se déploie sur le terrain. Chacun de nous rencontre cette difficulté terrible qui consiste à entendre parler de sa religion spécifique avec des mots dans lesquels il ne se reconnaît en rien. Nous devons mener un travail considérable de sorte que nous puissions parler des uns et des autres avec des mots dans lesquels nous nous reconnaissons. Sur le terrain, les difficultés que nous rencontrons sont davantage humaines qu'idéologiques ou théoriques. Lorsque nous pourrons parler les uns des autres avec des mots qui nous correspondent, qui nous permettent de grandir dans la culture et le respect de l'itinéraire de chacun, nous ferons progresser tout à la fois les armées et la dignité de tous.
Je vais répondre à la question de M. Pierre Venteau. Le lien armée-nation se situe au cœur du travail de l'aumônerie israélite des armées puisque la professionnalisation des armées a entraîné une fragilisation du lien entre la nation et les armées. Nous nous attachons notamment à organiser systématiquement des cérémonies dans les synagogues « civiles ». Par exemple, en hommage aux pompiers et aux aumôniers catholiques qui sont intervenus pour préserver la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous avons organisé une cérémonie civile et militaire à la grande synagogue des Tournelles, à Bastille. J'y ai assisté en tenue militaire en hommage à l'aumônier catholique et à l'ensemble des pompiers, militaires également. Nous manifestons notre présence tout au long de l'année, en tenue militaire, dans des synagogues civiles. Par ailleurs, nous organisons notre congrès annuel systématiquement dans des villes de province, ce qui réjouit nos communautés civiles ainsi rapprochées de nos armées.
Autre exemple, je n'ai jamais disposé de téléphone professionnel bien que l'armée mette une ligne professionnelle à notre disposition. Mon numéro de téléphone portable n'a pas changé depuis plusieurs années et cette ligne est accessible à tous, ma femme, mes enfants, mes parents, mes amis, mes élèves, les militaires, etc. Je suis un seul et même homme, prêt à écouter, quel que soit le jour, quelle que soit l'heure. Je suis disponible en permanence pour partager la sagesse que la vie m'a apportée.
Nous avons été amenés à intervenir dans le cadre de la crise sanitaire puisque la communauté juive a malheureusement été assez durement touchée, notamment au début de l'épidémie.
En réponse à une autre question, je confirme que notre aumônerie compte dans ses rangs des aumôniers femmes, dans les mêmes proportions que les autres cultes. Elles ont suivi une formation religieuse et sont tout à fait en mesure de tenir un discours rabbinique.
Je comprends que l'image que nous renvoyons, de quatre aumôniers en chef de culte différent côte à côte, soit très belle. Nous sommes à quelques jours de la fête juive du Grand Pardon qui défend l'idée selon laquelle, quel que soit notre passé, quels que soient les évènements qui s'y sont déroulés, il est possible de tout effacer et d'ouvrir une nouvelle page. Cela ne me surprend pas ; cela me réjouit et me rassure. Au moment du Grand Pardon, nous demandons à l'Éternel de pardonner aux uns et aux autres.
S'agissant de la confidentialité de notre écoute, il est vrai qu'elle constitue un point délicat. Il convient de trouver le juste équilibre entre le « lanceur d'alerte » et le respect du secret professionnel, et d'en définir les limites. Il nous appartient de juger de la gravité des faits, de leur interprétation, et de décider d'un éventuel accompagnement. Quoi qu'il en soit, les éventuelles dérives ne sont jamais négligées ; nous les prenons en compte et nous les traitons.
L'évocation de l'ossuaire de Douaumont m'a ému. Je m'y suis rendu à plusieurs reprises. La visite de cet ossuaire relève presque de l'inhumain et pourtant, elle agite de sentiments très forts ; voir cette terre « défoncée » envahit d'une immense et extraordinaire soif de vivre. Il importe que ce passé nous aide à aborder l'avenir. Le juif que je suis, dont le culte existe depuis plus de 3 500 ans, est plus que jamais convaincu que nous irons jusqu'au bout de l'histoire. Je ne pense pas que le passé soit toujours mieux que le présent ; il convient seulement d'être capable de s'adapter aux évolutions. La structure familiale a changé, et il est essentiel que nous apportions notre aide aux nombreuses personnes qui se trouvent déstructurées.
Vous nous avez interrogés au sujet de notre rôle au cœur de la crise sanitaire auprès des civils. Le ministère des armées a lancé l'opération « Résilience » au profit de la société civile. Dès que le Président a validé cette opération, nous avons reçu des consignes de l'état-major des armées visant à nous impliquer pleinement. Les hôpitaux militaires se sont mobilisés pour accueillir les malades de la Covid. Nous avons collaboré à des conseils pluridisciplinaires dédiés à l'éthique afin de pouvoir répondre aux questions qui nous étaient posées, notamment sur la fin de vie, et prendre en charge ces patients malades de la Covid, souvent des personnes âgées, privés de visites familiales. Les aumôniers prenaient le relais. Nous avons mis en place un dispositif d'écoute, opérationnel 24 heures sur 24.
S'agissant plus particulièrement du culte musulman, et bien que cette question relève davantage des prérogatives des maires, nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de carrés confessionnels pour accueillir nos concitoyens français de confession musulmane. Le problème est d'ailleurs identique pour les populations juives. Dès lors, nous avons dû faire patienter les gens, les calmer, leur demander de supporter leur douleur immense face à une situation qui leur interdisait d'assister à des funérailles, voire d'organiser des funérailles. Les morgues ont été remplies de cadavres qui se sont entassés – jusqu'à aujourd'hui encore, puisque le transport aérien n'est toujours pas rétabli pour de nombreux pays du Maghreb. Force est de constater qu'il y a encore des morts de confession musulmane qui attendent dans des cellules réfrigérantes parce qu'on n'a pas pu les enterrer en France. La problématique est prégnante et mériterait un débat de sorte à considérer nos concitoyens dans la dimension qui nous rassemble le plus, à savoir notre appartenance à la Nation.
Vous avez évoqué la question de la radicalisation et je suppose que vous faisiez allusion à la radicalisation islamique. J'avais compris sans que vous l'ayez précisé.
Quoi qu'il en soit, vous nous demandez ce que nous ferions si nous identifiions une suspicion de début de radicalisation. Nous agirions comme n'importe quel autre citoyen. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Chaque citoyen est responsable, et ma responsabilité citoyenne est indépendante de ma fonction d'aumônier. Je peux apporter une expertise, mais ma qualité d'aumônier ne me confère aucun rôle de détection ; nos armées disposent de services spécifiques dont c'est le métier (services de sécurité, de renseignement, etc.). Je le répète, les aumôniers militaires, a fortiori musulmans, ne sont pas des agents de renseignement.
Toutefois, nous sommes particulièrement vigilants quant à la radicalisation islamique. Nous ne pratiquons pas le culte collectif dans les armées, ce qui nous est d'ailleurs parfois reproché. Le culte catholique procède aux messes ; c'est historique, c'est l'histoire de France ; c'est normal. Vouloir calquer la religion musulmane sur la religion catholique relève d'une erreur fondamentale. De loin, les rites peuvent paraître identiques, mais ils n'ont rien à voir. Trop souvent, les politiques essaient de calquer afin de comprendre ; c'est une erreur. Dès lors, nous proposons un service cultuel qui satisfait pleinement nos militaires. Nous répondons à leurs attentes, qui sont en quelque sorte « invisibles ». Rassembler davantage s'avérerait contre-productif. Il ne s'agit absolument pas d'un rejet ou d'une dissimulation. Le besoin n'est tout simplement pas exprimé.
J'en viens au rôle des aumôniers au cœur des opérations Barkhane et Chammal. Les opérations en Afghanistan ont été dramatiques. Ce fut un théâtre meurtrier puisque nous avons déploré près de quatre-vingt-dix morts parmi nos soldats. Ce théâtre a été traumatisant pour nos soldats. J'ai envoyé pas moins de treize aumôniers sur le théâtre afghan, et certains aumôniers ont effectué deux mandats. Ils sont donc restés plus de huit mois en Afghanistan et ils ont participé à la mission confiée à nos soldats. Aussi paradoxal que cela paraisse, il s'agissait d'une mission de paix. « Si tu veux la paix, prépare la guerre » (« si vis pacem, para bellum »).
Nous avons accompli un travail d'accompagnement, en priorité auprès de nos soldats. Jeunes, ils découvraient la situation. Nous apportions des conseils au commandement sur ce qu'ils pouvaient dire ou ne pas dire, sur la compréhension de la situation. L'armée s'est dotée d'une représentation des quatre cultes dans le cadre du principe de laïcité et d'égalité de sorte que chaque soldat bénéficie du soutien cultuel qu'il désire, mais également afin de disposer d'une expertise dans le conseil au commandement qui, elle, ne relève pas d'une mission religieuse. Nos officiers sont formés dans les écoles à cet environnement. Au cœur de l'opération Barkhane, nous accompagnons les militaires dans les convois et nous assurons une présence auprès d'eux. À l'issue des opérations, les aumôniers reçoivent souvent des lettres de félicitations pour leur engagement, pour le dynamisme dont ils font preuve dans leur mission afin d'accompagner nos soldats.
Je souhaite insister sur deux points. D'abord, vous nous avez interrogés sur les motivations des miliaires qui s'adressent à nous. Réponse vous a été apportée de multiples façons. Nous agissons dans un dialogue et une recherche de perspective de solution. Nous n'avons pas des réponses à toutes les questions, mais nous sommes présents pour accompagner chacun et poser les bonnes questions. Chacun chemine dans le contexte qui est le sien. Nous nous efforçons de faire preuve de pédagogie afin de pointer des enjeux, voire des contradictions auxquels les soldats sont confrontés au quotidien. Tout l'intérêt réside dans un contact le plus fréquent possible. Les aumôniers n'attendent pas que les soldats viennent à eux ; ils sont auprès d'eux, parmi eux, de sorte à pouvoir les accompagner. Nos sensibilités et notre vécu nous rendent attentifs à ce que les uns et les autres vivent. Dans une autre vie, j'ai été infirmier et j'ai été pasteur dans le civil avant d'intégrer l'armée. Ces expériences du passé me permettent d'habiter mon engagement dans la structure ou dans le monde militaire.
Au sein de l'aumônerie protestante, les hommes et les femmes sont projetables et ils restent au contact avec leur sensibilité propre. La plupart des aumôniers sont également en charge d'une famille, ce qui leur confère une sensibilité plus accrue à l'égard des familles, notamment parce qu'ils sont eux-mêmes souvent éloignés de la leur.
Je reviens sur l'expression « l'ennemi d'hier peut devenir l'ami d'aujourd'hui ». Nous le vivons également dans nos structures militaires. Il est complexe de débattre de la légitimité de la mort en si peu de temps. Le sujet mériterait d'être explicité. Quoi qu'il en soit, il s'avère – et l'histoire en atteste – que des ennemis peuvent un jour se retrouver. À l'instar de l'aumônerie catholique, nous organisons chaque année, depuis 1951, un rassemblement international militaire. Celui des protestants se déroule dans les Cévennes. En 2021, nous fêterons le soixante-dixième anniversaire de ce rassemblement. Après la guerre, des Allemands et des Français ont réellement vécu un processus de réconciliation et depuis, une délégation allemande importante participe à nos rassemblements. Elle retrouve d'ailleurs également des racines puisque l'on sait que plusieurs huguenots des Cévennes avaient quitté cette région. Certains Allemands se sont ainsi mis en quête de leurs origines.
Notre rôle consiste donc à aider les soldats à dépasser, voire à transcender, des situations, à les orienter vers une vision peut-être un peu différente de ces situations en élargissant leur regard. La compréhension des enjeux, des contraintes et des difficultés, la compréhension que nous pouvons également transmettre au monde civil dans nos contacts avec les communautés protestantes sont importantes. Nous n'avons pas toujours de culte au sein des armées en métropole et nous encourageons les soldats protestants à participer à des rencontres avec les communautés protestantes civiles. À travers notre parole, les communautés peuvent parfois prendre conscience de ce lien non seulement armée-nation, mais également église-nation. Nous faisons preuve de pédagogie en ce sens.
Le rôle général de pédagogie qui est le nôtre est un aspect de notre mission. Il s'accompagne d'un rôle de pacificateur lorsque des tensions naissent sur la question des religions. Nous accompagnons, nous posons des mots sur les situations qui permettent peut-être de découvrir l'autre, au-delà de l'incompréhension que génèrent les a priori et les clichés, et qui peut être levée dans le dialogue.
Un très grand merci, messieurs les aumôniers en chef, pour ces témoignages qui nous permettent de mieux comprendre la mission qui est la vôtre au service de vos camarades. Vous nous avez permis de toucher et de mieux percevoir « l'intime » de nos soldats. Nous percevons mieux le rôle essentiel qui est le vôtre au sein des armées, mais pas uniquement, parce que vous êtes également les garants d'un vivre ensemble qui dépasse largement la vie de nos régiments. Nous le faisons, vous le faites au nom de la République et de la fraternité d'armes, autour de la même grande cause, celle de la défense de notre pays.
Sur le sujet de la laïcité, je souhaite terminer en citant notre ministre des armées. Au-delà de la richesse intellectuelle, de la réflexion et de la précision des mots, ce texte publié en décembre 2019 donne un sens à ce qui se déroule au sein de nos armées. Nous pouvons tous trouver un sens à nos engagements, dans nos vies politiques et nos vies personnelles. Quoi qu'il en soit, je suis convaincue de la valeur de la laïcité que notre ministère définit par ces mots : « La laïcité, c'est être libre de ses convictions, libre de les exprimer sans crainte sous le regard neutre et protecteur de la République ». Nous sommes tous des républicains convaincus et notre laïcité est notre force.
Merci vraiment, messieurs les aumôniers en chef, pour ce que vous êtes et pour ce que vous faites.
La séance est levée à onze heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean Lassalle, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Meyer, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Catherine Pujol, M. Gwendal Rouillard, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Monica Michel, Mme Josy Poueyto, M. Bernard Reynès, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché, Mme Alexandra Valetta Ardisson, Mme Martine Wonner