Je vais répondre à la question de M. Pierre Venteau. Le lien armée-nation se situe au cœur du travail de l'aumônerie israélite des armées puisque la professionnalisation des armées a entraîné une fragilisation du lien entre la nation et les armées. Nous nous attachons notamment à organiser systématiquement des cérémonies dans les synagogues « civiles ». Par exemple, en hommage aux pompiers et aux aumôniers catholiques qui sont intervenus pour préserver la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous avons organisé une cérémonie civile et militaire à la grande synagogue des Tournelles, à Bastille. J'y ai assisté en tenue militaire en hommage à l'aumônier catholique et à l'ensemble des pompiers, militaires également. Nous manifestons notre présence tout au long de l'année, en tenue militaire, dans des synagogues civiles. Par ailleurs, nous organisons notre congrès annuel systématiquement dans des villes de province, ce qui réjouit nos communautés civiles ainsi rapprochées de nos armées.
Autre exemple, je n'ai jamais disposé de téléphone professionnel bien que l'armée mette une ligne professionnelle à notre disposition. Mon numéro de téléphone portable n'a pas changé depuis plusieurs années et cette ligne est accessible à tous, ma femme, mes enfants, mes parents, mes amis, mes élèves, les militaires, etc. Je suis un seul et même homme, prêt à écouter, quel que soit le jour, quelle que soit l'heure. Je suis disponible en permanence pour partager la sagesse que la vie m'a apportée.
Nous avons été amenés à intervenir dans le cadre de la crise sanitaire puisque la communauté juive a malheureusement été assez durement touchée, notamment au début de l'épidémie.
En réponse à une autre question, je confirme que notre aumônerie compte dans ses rangs des aumôniers femmes, dans les mêmes proportions que les autres cultes. Elles ont suivi une formation religieuse et sont tout à fait en mesure de tenir un discours rabbinique.
Je comprends que l'image que nous renvoyons, de quatre aumôniers en chef de culte différent côte à côte, soit très belle. Nous sommes à quelques jours de la fête juive du Grand Pardon qui défend l'idée selon laquelle, quel que soit notre passé, quels que soient les évènements qui s'y sont déroulés, il est possible de tout effacer et d'ouvrir une nouvelle page. Cela ne me surprend pas ; cela me réjouit et me rassure. Au moment du Grand Pardon, nous demandons à l'Éternel de pardonner aux uns et aux autres.
S'agissant de la confidentialité de notre écoute, il est vrai qu'elle constitue un point délicat. Il convient de trouver le juste équilibre entre le « lanceur d'alerte » et le respect du secret professionnel, et d'en définir les limites. Il nous appartient de juger de la gravité des faits, de leur interprétation, et de décider d'un éventuel accompagnement. Quoi qu'il en soit, les éventuelles dérives ne sont jamais négligées ; nous les prenons en compte et nous les traitons.
L'évocation de l'ossuaire de Douaumont m'a ému. Je m'y suis rendu à plusieurs reprises. La visite de cet ossuaire relève presque de l'inhumain et pourtant, elle agite de sentiments très forts ; voir cette terre « défoncée » envahit d'une immense et extraordinaire soif de vivre. Il importe que ce passé nous aide à aborder l'avenir. Le juif que je suis, dont le culte existe depuis plus de 3 500 ans, est plus que jamais convaincu que nous irons jusqu'au bout de l'histoire. Je ne pense pas que le passé soit toujours mieux que le présent ; il convient seulement d'être capable de s'adapter aux évolutions. La structure familiale a changé, et il est essentiel que nous apportions notre aide aux nombreuses personnes qui se trouvent déstructurées.