Intervention de Claude de Ganay

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude de Ganay, rapporteur pour avis :

Chaque année, je souhaite mettre en lumière des services de soutien insuffisamment connus du grand public dans mon avis budgétaire. S'il est un service pour lequel je n'aurai pas besoin de le faire cette année, tant il a été médiatisé pendant la crise sanitaire, c'est bien le service de santé des armées. En effet, le SSA a été engagé dans l'opération Résilience en application de la règle des « quatre i », lorsque les moyens des autres ministères s'avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles.

La mission première du SSA n'est toutefois pas de soigner des civils, mais bien d'assurer le soutien santé en opération des militaires, depuis la préparation opérationnelle médicale du combattant jusqu'à la reprise de service des personnels blessés ou malades. De plus, le SSA assure des missions dans un contexte de sur-sollicitation et de fragilisation de ses ressources humaines. Il convient donc de rester attentif à ce que ce service reste concentré sur son cœur de métier et ne devienne pas, à long terme, la béquille d'un système de santé publique saturé.

Venons-en à l'examen des crédits budgétaires dédiés au soutien et à la logistique interarmées dans les programmes 178 et 212.

Je me réjouis de la poursuite du plan famille auquel j'avais consacré mon avis budgétaire l'an dernier. Je constate que la première brique de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) sera posée avec l'indemnité de mobilité géographique, qui apportera plus de lisibilité dans le calcul de la solde. Je note aussi que le logiciel de paie Source Solde sera étendu à l'armée de l'air et au SSA. Le plan hébergement sera lancé, avec 237 millions d'euros en autorisations d'engagement et 96 millions en crédits de paiement. Enfin, au travers du plan SCA 22, le service du commissariat des armées poursuit ses efforts pour être au plus près des soldats, notamment grâce au déploiement des espaces ATLAS (Accès en tout temps tout lieu au soutien).

Dans la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi de traiter des politiques culturelle et de communication du ministère. S'agissant de la politique culturelle, je vous renvoie à mon rapport compte tenu du temps limité dont je dispose. Je me bornerai à mentionner la volonté du ministère de renouveler et de diversifier son offre culturelle, la rénovation du musée de la marine à Chaillot, l'extension du musée de l'air et de l'espace au Bourget et la modernisation du service historique de la défense.

J'en viens à la communication du ministère des armées. L'architecture institutionnelle de cette communication est bien définie. Le décret du 27 juillet 1998 prévoit que la communication du ministère est assurée par une structure spécifique, directement rattachée au ministre et séparée des trois piliers que sont l'état-major des armées (EMA), le secrétariat général de l'administration (SGA) et la direction générale de l'armement (DGA).

Cette structure ad hoc, la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD), joue un triple rôle. Sa déléguée est porte-parole de la ministre ; elle conçoit et met en œuvre la politique de communication interne et externe du ministère. À ce titre, elle coordonne la communication des trois piliers déjà évoqués – EMA, SGA et DGA – et assure, dans une logique de mutualisation, un soutien métier et administratif aux différents acteurs de la communication du ministère. La DICoD est ainsi chargée de la passation des marchés publics et du suivi de leur exécution ainsi que des achats du ministère en matière de communication. Elle constitue un réservoir de compétences liée à la communication. Pour mener à bien ses missions, elle dispose d'effectifs importants – 120 personnes –, quoiqu'en baisse ces dernières années.

Sous sa coordination, l'EMA, le SGA et la DGA disposent chacun d'une structure interne de communication. L'EMA-COM, chargé de l'information dans l'opération et sur l'opération, comprend un effectif réduit d'une vingtaine de personnes. Les trois services d'informations et de relations publiques des armées (SIRPA), qui pilotent la communication opérationnelle et institutionnelle de leurs armées, comptent chacun une quarantaine de personnes. L'EMA-COM et les SIRPA s'appuient sur les officiers de communication, tant à l'échelon local qu'en opérations extérieures.

Je viens de vous décrire l'architecture de la communication des armées, telle que définie juridiquement. J'en viens maintenant à l'application concrète du droit.

Le ministère des armées a engagé un processus de transformation de la DICoD, sans doute justifiable, mais qui soulève trois interrogations. La première concerne le chevauchement de la mission de communication transversale de la DICoD et de la mission de communication du SGA-COM.

Ma deuxième interrogation concerne la politique de ressources humaines de la DICoD, et notamment sa stratégie de recrutement. La civilianisation croissante de la DICoD est telle que cette structure contribue de moins en moins aux opérations extérieures. En conséquence, l'EMA-COM et les SIRPA, déjà à l'os, sont obligés de compenser le désengagement militaire de la DICoD pour assurer le contrat opérationnel. En outre, la civilianisation de la DICoD entraîne un décalage croissant avec l'identité militaire du ministère ; ce n'est pas la présence même de civils qui interroge, mais bien le profil des civils recrutés.

J'en viens au troisième problème, le plus préoccupant à mes yeux, qui concerne la mission de porte-parole confiée à la déléguée de la DICoD. Comme le précise un arrêté de 2019, celle-ci doit assurer des relations avec la presse généraliste ou spécialisée et répondre à ses demandes d'informations. Or, lors de leur audition, plusieurs correspondants d'organes de presse variés – de télévision, de radio et de presse écrite – m'ont confié leurs difficultés à trouver des interlocuteurs et à obtenir des informations à la DICoD, alors qu'ils entretiennent des relations étroites et régulières avec les SIRPA et l'EMA-COM. Je tiens à rappeler le contexte difficile dans lequel se trouvent les journalistes qui peinent à justifier, au sein de leurs rédactions, leurs postes de correspondants défense, faute de disposer de suffisamment de matière à traiter. S'il ne revient pas à l'État de résoudre les difficultés économiques des journalistes, il est en revanche de son devoir d'informer les citoyens sur sa politique, de leur rendre compte de son action – et donc de fournir des éléments d'information aux journalistes de défense. C'est pourquoi la mission de porte-parole est essentielle au ministère des armées – comme, d'ailleurs, dans tous les ministères régaliens. Dans de telles conditions, comment les journalistes sont-ils censés assurer leur mission légitime de contre-pouvoir ?

Si la DICoD est une structure ad hoc, placée en dehors des trois piliers et directement rattachée à la ministre, c'est en raison de l'importance capitale de sa fonction de porte-parole. Dès lors que cette fonction n'est pas assurée, sa spécificité et sa position dans l'organigramme de la communication ministérielle ne se justifient plus.

S'il n'y est pas trouvé de solution rapidement, ces trois problèmes sont susceptibles d'affecter le bon fonctionnement de la démocratie.

Chers collègues, je vous invite à lire attentivement mon rapport, qui sera disponible la semaine prochaine.

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