Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures.

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Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner les crédits des missions « Défense », « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », et le programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

Notre ordre du jour est particulièrement chargé puisque nous examinerons successivement huit avis budgétaires se rapportant à ces trois missions.

Je vous propose de reprendre pour cette réunion marathon budgétaire annuelle notre organisation habituelle. Dans un premier temps, chaque avis fera l'objet d'un débat d'une durée de trente minutes ainsi réparties : dix minutes pour la présentation du rapporteur et vingt minutes de questions-réponses entre celui-ci et les commissaires. Il serait bon que le nombre de questions, que je vous remercie de poser de manière très concise, soit équitablement réparti sur l'ensemble des avis.

Nous voterons directement sur les crédits de la mission « Sécurités » après l'examen de l'avis budgétaire de notre collègue Xavier Batut, car il sera chargé de défendre ensuite notre vote auprès de la commission des finances qui les examine également un peu plus tard dans la matinée.

Dans un deuxième temps, très probablement cet après-midi, chaque groupe disposera d'un temps de parole de cinq minutes sur les missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Enfin, dans un troisième temps, nous examinerons les amendements et procéderons aux votes sur les crédits de ces deux missions.

La commission commence par l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits de la mission « Sécurités » : Gendarmerie nationale (M. Xavier Batut, rapporteur pour avis).

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Dans le contexte inédit de l'année 2020, marqué par une crise sanitaire mondiale ayant entraîné le confinement d'un tiers des habitants de la planète, la gendarmerie nationale aura su – une fois de plus ! – faire la preuve de sa résilience, de sa réactivité, de sa capacité d'adaptation, de sa polyvalence, de sa disponibilité en tout temps et en tout lieu, bref, pour reprendre le mot d'ordre de son directeur général, le général d'armée Christian Rodriguez, de sa pleine capacité à « répondre présent ».

L'année 2020 aura non seulement été marquée par la pandémie mais aussi, pour la gendarmerie, par l'intensité soutenue des activités de maintien de l'ordre, par une forte mobilisation en vue de venir en aide aux populations sinistrées par la tempête Alex et, bien sûr, par la lutte contre la menace terroriste, malheureusement toujours préoccupante.

Ces interventions, très médiatisées, ne doivent pas faire oublier les actions de proximité menées au quotidien par les 130 000 gendarmes d'active et de réserve, auxquels je voudrais une nouvelle fois rendre hommage, auprès de la population.

C'est dans ce contexte de crise que s'inscrit le projet de loi de finances pour 2021, texte indissociable des mesures adoptées en loi de finances rectificative le 30 juillet dernier, ainsi que des mesures annoncées dans le cadre du plan de relance et du plan « Poignées de porte ».

Le programme 152 reste marqué par la prépondérance des crédits de personnel qui représentent 85 % des crédits de paiement, à hauteur de 7,7 milliards d'euros. En 2021, le schéma d'emplois s'élèvera à 317 équivalents temps plein (ETP). Les crédits de fonctionnement s'élèveront à 1 milliard d'euros en crédits de paiement, dont 525,7 millions pour les seules dépenses de loyer.

J'en viens aux dépenses d'investissement.

S'agissant de l'immobilier, les 95 millions d'euros de crédits prévus sont complétés par ceux de la mission « Plan de relance », à hauteur de 47 millions d'euros pour la maintenance immobilière, de 440 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 137 millions d'euros en crédits de paiement pour la rénovation thermique des bâtiments par le biais d'appels à projets « France relance ».

Enfin, le plan « Poignées de porte », qui résulte du dégel de la réserve de précaution, permet le financement de 3 166 opérations immobilières, à hauteur de 15 millions d'euros.

S'agissant des véhicules, nous avons déjà voté en loi de finances rectificative, le 30 juillet dernier, la commande d'environ 1 300 véhicules, dont 636 électriques, et de 750 vélos électriques, pour un montant de 37,6 millions d'euros.

Le programme 152 prévoit en 2021 107,7 millions d'euros pour financer l'acquisition de près de 4 000 véhicules, dont 582 motos, 48 véhicules blindés, 243 véhicules de maintien de l'ordre et 40 véhicules de commandement et de transmissions.

Parallèlement, le plan de relance prévoit 23 millions d'euros en autorisations d'engagement et 18,9 millions d'euros en crédits de paiement pour l'acquisition d'environ 650 véhicules verts.

S'agissant des moyens aériens, je me félicite de l'adoption en juillet dernier, en PLFR3, du programme d'acquisition de 10 hélicoptères H160.

Pour ce qui est de l'équipement, près de 11 millions d'euros sont prévus dans le plan de relance pour financer des caméras piétons, des tasers et des gilets tactiques.

Enfin, en ce qui concerne le numérique, 21 millions d'euros sont prévus par le plan de relance pour financer le programme NEOGEND et la transformation numérique de la gendarmerie, auxquels s'ajouteront 11,6 millions d'euros au titre d'appels à projets dans le cadre du plan France relance.

Si je salue l'ensemble de ces mesures qui amélioreront nettement les conditions de travail et de vie de nos gendarmes, j'appelle votre attention sur trois points.

Le premier porte sur la mise en réserve des crédits. Si la réserve de précaution permet de faire face aux imprévus, son imputation à l'ensemble des crédits pose un problème majeur s'agissant du hors titre II. Si le taux théoriquement applicable au hors titre II est de 4 %, en réalité, compte tenu de l'existence de 64 % de dépenses non manœuvrables – notamment des loyers –, le taux de mise en réserve applicable aux dépenses manœuvrables équivaut en fait à 11 %. Cela a un effet d'éviction mécanique sur l'entretien des véhicules et des casernes : c'est pourquoi j'estime qu'il conviendrait d'imputer le taux de la réserve de précaution sur les seules dépenses non obligatoires et d'inscrire un tel principe dans une loi de programmation de la sécurité intérieure que j'appelle de mes vœux.

Le deuxième porte sur la rémunération et les conditions de vie et de travail des gendarmes. Si l'on ne peut bien évidemment que se féliciter des mesures prises et annoncées pour revaloriser la rémunération des policiers, il conviendrait cependant de ne pas oublier les gendarmes. Ce n'est pas aux membres de la commission de la défense que j'apprendrai que les gendarmes interviennent sur 96 % du territoire national au profit de 52 % de la population.

La gendarmerie, on l'a dit, est une force résiliente et disponible en tout temps et en tout lieu. C'est aussi une force qui n'est pas syndiquée : il nous revient donc à nous, représentants de la nation, d'insister encore et encore sur le fait que les gendarmes ne doivent pas être les oubliés de la politique de ressources humaines et d'investissement du ministère de l'intérieur.

Pour ce qui est des dépenses d'investissement, rappelons que les locaux de la gendarmerie représentent près de 11 millions de mètres carrés : ils bénéficieront l'an prochain 95 millions d'euros d'investissement au titre du programme 152 et de 47 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, hors appels à projets. Dans le même temps, les locaux de la police, qui représentent 2,4 millions de mètres carrés, bénéficieront quant à eux, de 59 millions d'euros sur le programme 176 « Police nationale » et de 90 millions d'euros d'investissement au titre du plan de relance…

Quant aux crédits de personnel, ils augmenteront de 38 millions d'euros hors pensions pour la gendarmerie et de 125 millions d'euros, également hors pensions, pour la police nationale.

Enfin, le plafond d'emplois est d'un peu plus de 100 000 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) dans la gendarmerie et de près de 150 000 dans la police. Or le schéma d'emplois sera de 317 l'an prochain dans la gendarmerie et de 1 145 dans la police. Le coût des mesures catégorielles sera quant à lui de 2,14 millions d'euros dans la gendarmerie et de 45 millions d'euros dans la police.

J'en viens maintenant au volet thématique de mon rapport budgétaire.

La subsidiarité et la proximité sont des gages d'efficacité et de réactivité. Ces valeurs sont au cœur du processus de transformation de la gendarmerie nationale enclenché dans le cadre du plan stratégique « GEND 20-24 ». C'est pourquoi j'ai choisi de présenter cette année les actions qu'elle mène pour se moderniser en se rapprochant du citoyen, « pour la population, par le gendarme » comme le dit le général Rodriguez.

Ces actions sont nombreuses, allant des brigades territoriales de contact (BTC) aux dispositifs de gestion des événements, en passant par la police de sécurité du quotidien, les groupes de lutte contre les violences intrafamiliales, mais aussi l'ensemble des mesures de transformation numérique – avec les tablettes NEOGEND – qui font évoluer le métier de gendarme. Demain, le gendarme passera du traitement de l'information au traitement de la donnée. Comme nous l'a expliqué le général Rodriguez à plusieurs reprises, il s'agit, avec cet ambitieux programme de transformation, de proposer une offre de sécurité sur mesure, de protéger les plus vulnérables, d'assurer la sécurité des nouvelles frontières et, grâce à l'innovation technologique, de construire le futur dès à présent.

Pour terminer, je présenterai brièvement les mesures que je préconise dans mon rapport afin de renforcer la proximité entre le gendarme et la population.

Le logement est une composante essentielle de l'attractivité du métier de gendarme et celle-ci contribue à la proximité avec la population. Pour mettre un terme à l'état de vétusté des casernes, il faut certes renflouer les crédits budgétaires, comme le prévoit le plan de relance ; mais il faut également que l'État, sans coût budgétaire supplémentaire, fasse pression sur les collectivités locales et sur les bailleurs qui, pour certains, ne remplissent pas leurs obligations en matière de gros entretien et de travaux dans les casernes. Ces acteurs touchent des subventions et des loyers in fine ; parce qu'ils sont négligents, le contribuable paie deux fois l'entretien de ces casernes locatives.

J'évoque par ailleurs dans mon rapport l'épineuse question des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur, au premier rang desquelles celle des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI), situés loin des gendarmes puisqu'ils ont été positionnés au niveau des sept zones de défense.

Je préconise dans une logique de proximité, que ces SGAMI – s'il faut les conserver – soient positionnés à tout le moins au niveau régional et je propose que l'ensemble des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur soit évalué tous les cinq ans.

Enfin, il me semble également nécessaire de mettre un terme à certaines missions chronophages pour les gendarmes, de redonner des marges de manœuvre budgétaires aux commandants de compagnie et de sanctuariser les crédits de la réserve opérationnelle dans le cadre de la future loi de programmation dont j'ai parlé. Les missions chronophages éloignent en effet le gendarme du terrain quand la réserve opérationnelle l'en rapproche.

En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.

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Nous avons effectivement auditionné, le 7 octobre dernier, le directeur général de la gendarmerie que j'ai interrogé sur le parc de véhicules et en particulier sur celui des brigades rapides d'intervention (BRI) qui sont une composante importante de la sécurité sur nos grands axes de circulation. Le général Rodriguez m'a répondu qu'au-delà des dix-sept véhicules déjà achetés, une seconde commande aurait lieu en 2021. Pouvez-vous la confirmer, et, dans l'affirmative, indiquer sur combien de véhicules elle portera, son montant global et le type retenu ? Comprendra-t-elle des véhicules hybrides ?

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Le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin s'était engagé à équiper à compter du 1er juillet 2021 les forces de gendarmerie de caméras piéton : cet engagement est-il réalisable, et avec quel type de matériel ?

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De nombreux témoignages de proches de gendarmes dénoncent depuis longtemps l'insalubrité des logements mis à leur disposition par les collectivités locales et les bailleurs sociaux : entre les problèmes électriques, les infiltrations d'eau et le manque de chauffage, le désespoir gagne les familles qui doivent pouvoir vivre décemment. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures budgétaires prises pour lutter contre cette insalubrité ?

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On a tenté il y a deux ou trois ans de supprimer des brigades territoriales de proximité et des compagnies de proximité en les fusionnant avec d'autres unités plus importantes. Mis sous le boisseau sans être pour autant être abandonnés, de tels projets laissent craindre d'éventuels mouvements de réorganisation territoriale : avez-vous des informations à ce sujet ?

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Si je ne me suis pas penché, cher collègue Favennec Becot, sur le détail des commandes de véhicules rapides, j'interrogerai la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), d'autant plus volontiers qu'en tant qu'ancien de PSA, c'est un sujet que je connais bien, même si des véhicules électriques ou hybrides ne semblent pas de nature à répondre aux besoins et aux attentes des BRI.

La commande de 4 000 véhicules en 2021 permettra notamment de résoudre le problème des motos, celui des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), mais également celui des véhicules de maintien de l'ordre – un quart d'entre eux sera remplacé – qui se trouvent, notamment en province, dans un état déplorable, et des véhicules de transmission.

Monsieur Trompille, les caméras piétons sont bien moins nombreuses dans la gendarmerie, qui n'en compte qu'une centaine, que dans la police, qui en dispose de 5 000 ; elles avaient été achetées dans le cadre d'un marché lancé à la va-vite et qui court toujours. Le risque serait de voir l'administration repartir sur le même contrat. Nous serons attentifs à ce que les modèles retenus, conformément à l'engagement politique effectivement pris par le ministre de l'intérieur, répondent aux attentes aussi bien de la police que de la gendarmerie, mais surtout qu'ils puissent interagir avec d'autres équipements et évoluer en fonction des besoins, mais également du cadre législatif ou réglementaire, tel qu'il pourrait découler, par exemple, de l'examen la proposition de loi Fauvergue d'ici à quelques mois.

Monsieur Fiévet, la qualité du logement pour le gendarme et pour sa famille contribue effectivement à la proximité et à l'attractivité de la gendarmerie sur les territoires. Deux sujets méritent notre attention : l'immobilier domanial, que notre collègue Aude Bono-Vandorme avait traité l'an dernier dans son rapport et qui bénéficiera de tous les moyens mis à disposition dans le cadre de France relance, et le parc appartenant à des collectivités locales où à des bailleurs sociaux. Ces collectivités investissent pour la gendarmerie, mais selon un modèle totalement neutre pour elles : autrement dit, cela ne leur coûte rien et, à la fin de l'amortissement des locaux, au bout de vingt ou vingt-cinq ans, les loyers que celle-ci leur verse alimentent leur compte de fonctionnement sans être utilisés pour l'entretien ou la réhabilitation des logements. Nous devons donc leur mettre la pression afin qu'elles continuent à les entretenir et à les réhabiliter, d'autant plus, président Chassaigne, que certaines communautés de brigades (COB) sont amenées à fermer en raison de l'insalubrité des logements dont elles ont la responsabilité. Cela a été le cas de trois brigades du Pas-de-Calais entre les mois de mai et d'octobre. On ne peut pas continuer à loger des familles de gendarmes là où on ne logerait personne d'autre.

Il est vrai que certaines modifications d'organisation territoriale sont en cours ici ou là, mais avec l'accord des élus locaux. Mais le principal motif tient à l'insalubrité. Comme l'a dit le général Rodriguez, l'objectif est de rapprocher la gendarmerie du citoyen, non de fermer des brigades. On a même entendu parler d'utiliser des camping-cars !

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Pour avoir effectué lundi une visite de terrain avec les gendarmes dans le cadre du plan « Poignées de porte », je tiens à saluer le très fort engagement du ministre de l'intérieur en faveur des gendarmeries. Ainsi le Groupement de gendarmerie départementale (GDT) du Var recevra au lieu des 20 000 euros habituellement dévolus annuellement, pas moins de 99 000 euros en un seul mois au titre de l'entretien des casernes et des travaux courants, qui améliorent grandement les conditions de travail de nos gendarmes.

Je dresse en outre le même constat que M. le rapporteur s'agissant de l'état parfois catastrophique des logements faute de travaux parfois très structurants, des conflits pouvant en outre surgir entre le bailleur et le locataire du fait que l'État est son propre assureur en cas par exemple de dégâts des eaux, ce qui n'est pas sans conséquence sur la vie des gendarmes et de leurs familles, et donc sur leur fidélisation.

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Effectivement, sur les 26 millions d'euros du plan « Poignées de porte » affectés aux forces de sécurité, la gendarmerie bénéficiera de 15 millions d'euros, ce qui permettra d'effectuer des travaux autres que quotidiens et d'améliorer la qualité de vie et de logement de nos gendarmes.

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Je vous remercie de votre travail, Monsieur le rapporteur, s'agissant des gendarmes, qui font un travail absolument remarquable et que nous devons soutenir au quotidien.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

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Je rappelle que les crédits de la mission « Sécurités » seront examinés en séance publique le mardi 27 octobre après-midi et soir.

La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » pour 2021 (M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis).

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Je suis très heureux de vous présenter aujourd'hui mon avis budgétaire sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2021. Comme vous le savez, celui-ci a pour rôles de préparer l'avenir, de soutenir l'effort d'innovation de la France et de contribuer au développement de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Renseigner sur l'environnement présent et futur, préparer les systèmes d'armes de demain et les protections face aux armes adverses, identifier les mutations géostratégiques, contribuer au maintien d'une recherche et d'une industrie de défense au meilleur niveau, former des ingénieurs, tels sont les objectifs poursuivis par ce programme.

Pour la troisième année consécutive, et en conformité totale avec la programmation inscrite dans la loi de programmation (LPM) 2019-2025, les crédits du programme 144 sont en augmentation dans le projet de loi de finances pour 2021, ce dont je me félicite.

Eu égard aux objectifs du programme et à la survenance de la crise de la covid-19 en 2020, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la prospective stratégique. Face aux accusations d'impréparation des pouvoirs publics et de manque d'anticipation, j'ai estimé qu'il était indispensable de dresser un état des lieux de la prospective, d'évaluer la qualité des travaux produits dans ce domaine et de formuler des préconisations pour les améliorer.

J'ai également souhaité, dans une moindre mesure, consacrer une partie de mon rapport aux études amont, qui constituent le cœur du programme 144 sur le plan budgétaire.

Commençons par les enjeux proprement budgétaires. Le budget du programme 144 voit ses crédits augmenter de manière substantielle, d'environ 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagements et de 137 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse respective de 76 % et de 9 %, le portant à environ 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 1,7 milliard d'euros en crédits de paiement. Fort heureusement, la crise de la covid-19 n'a pas eu d'impact significatif sur le programme, si ce n'est, dans une relative mesure, pour l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et pour l'École polytechnique, dont je parlerai un peu plus tard.

Le programme 144 comprend trois actions : l'action 07 « Prospective de défense », l'action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », qui rassemble les crédits de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et ceux de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), et l'action 08 « Relations internationales et diplomatie de défense », dont la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) est en charge.

Dotée de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement, l'action 07 « Prospective de défense » enregistre la plus forte revalorisation des crédits de l'ensemble du programme, après celle au profit de la DGSE. La plus grande part revient, sans surprise, à la sous-action 07.03 « Études amont ».

Au sujet de cette action, je souhaiterais plus particulièrement appeler votre attention sur la situation financière de l'École polytechnique et de l'ONERA.

Dans son rapport public annuel 2020, la Cour des comptes a dressé un réquisitoire sévère contre la gestion de l'École polytechnique en estimant que cette dernière n'est « pas à la hauteur des ambitions de l'École ». La Cour s'interroge également sur l'opportunité de la création de l'Institut polytechnique de Paris ainsi que sur « les implications coûteuses du choix de quitter [le pôle scientifique et technologique] Paris-Saclay ». Un plan de redressement financier est néanmoins en cours d'élaboration suite à ce rapport : je prêterai donc une attention particulière à l'évolution de la situation financière de l'École et de l'Institut polytechnique de Paris au cours de l'année 2021.

L'ONERA, outre les difficultés de recrutement et de fidélisation des ressources humaines auxquels il est toujours confronté, mérite également de faire l'objet d'une attention particulière. Si son activité contractuelle est en hausse depuis 2017, celle-ci a été ralentie en 2020 par la crise de la covid-19.

À titre personnel, je plaide pour qu'une solution soit rapidement trouvée à sa situation et compte sur la pleine considération de ses difficultés dans le futur contrat d'objectifs et de performances (COP) 2022-2026, qui doit succéder à l'actuel, qui s'achève en 2021.

L'action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », qui regroupe les crédits de la DGSE et de la DRSD, enregistre une très forte hausse, de 290 % en autorisations d'engagement par rapport à l'an dernier, soit 1,5 milliard d'euros, et de 11,4 % en crédits de paiement, soit 406 millions d'euros. La DGSE en est la grande bénéficiaire, ce qui lui permettra de poursuivre ses actions en conformité avec sa stratégie définie dans la LPM, ce dont je me félicite.

Enfin, l'action 08 « Relations internationales et diplomatie de défense » voit également ses ressources augmenter par rapport à l'an dernier, puisqu'elles s'élèvent à 40,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 40,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1 % et de 1,7 % par rapport à l'an dernier.

J'en viens désormais au thème de la prospective. Avant de vous présenter les conclusions de mes travaux, une précision d'ordre méthodologique : j'ai délibérément choisi de circonscrire l'acception de la notion de prospective en me concentrant sur la prospective dans les domaines géostratégique et géopolitique ; je n'ai donc pas étudié la prospective sous l'angle technologique ou capacitaire.

La première conclusion de mon travail a trait à l'opportunité ou non pour les services de l'État de publier des études de prospective.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, en France, à part quelques études produites par des think tanks ou par des instituts comme l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), en collaboration ou non avec des services de l'État, et, dans une certaine mesure, la première partie de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, aucune étude publique de prospective n'est éditée ; à l'exception notable du rapport Chocs Futurs du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), publié en 2017 et qui se proposait d'évaluer l'impact des transformations et ruptures technologiques sur l'environnement stratégique et de sécurité de la France.

Or, tout en ayant conscience des difficultés liées à la publication de travaux de prospective, ceux-ci pouvant être ipso facto lus par des compétiteurs qui disposeront alors d'avantages tactiques, un équilibre pourrait à mon sens être trouvé entre, d'une part, la contrainte de la publicité, qui réduit inévitablement la profondeur, l'exhaustivité et la complétude des analyses prospectives, et d'autre part la nécessité de publier des études scientifiques sur les risques auxquels l'État, et en particulier le ministère des Armées, peut être confronté à l'avenir afin d'enrichir le débat public.

La deuxième conclusion a trait au rapport du ministère des Armées aux méthodes innovantes en matière de prospective. La question des biais cognitifs revêt une importance capitale en matière de prospective de défense. Ceux-ci sont de deux ordres : la tendance à analyser les événements sous un angle de plus en plus pessimiste et l'absence d'estimation des probabilités de survenance des risques évoqués.

Afin de remédier à ces biais, des méthodes innovantes en matière de prospective ont été inventées. Si leurs résultats s'avèrent plus ou moins probants, elles méritent d'être davantage explorées. Si les algorithmes prédictifs doivent faire l'objet d'un examen prudent, les marchés prédictifs et l'intelligence collective d'une part, et les techniques d'investigation en source ouverte d'autre part, sont autant de techniques qui devraient être étudiées avec plus d'attention par les services du ministère des Armées.

Ma troisième conclusion a trait à la capacité des centres de recherche français à mener des travaux de prospective. Les chercheurs français font l'objet d'un soutien important par la DGRIS, en particulier par le biais du Club Phoenix, dont les résultats semblent prometteurs à ce stade, afin de les aider notamment à s'insérer sur le marché du travail. Cet effort d'accompagnement gagnerait cependant à être amplifié.

Par ailleurs, les procédures de passation des études prospectives et stratégiques de la DGRIS sont particulièrement lourdes : leur simplification devrait, de mon point de vue, être recherchée.

Ma quatrième conclusion a trait au rapprochement nécessaire des services ministériels et de nos centres de recherche avec les acteurs européens de la prospective. Les centres de recherche français devraient s'inspirer de leurs méthodes de travail souvent bien plus ouvertes aux techniques innovantes, et, dans la mesure du possible, mutualiser les méthodes, les moyens et les expériences avec les centres de recherche et les services étatiques des autres États membres de l'Union européenne.

Enfin, et c'est là ma dernière conclusion sur la prospective, la question cardinale qui demeure, in fine, en suspens est celle des difficultés relatives à la prise en compte de tous les risques dans les politiques de défense.

Si j'ai pleinement conscience du caractère difficile de l'exercice, de mon point de vue, l'erreur n'a pas tellement été la sous-estimation du risque pandémique, clairement identifié dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, mais la sous-estimation des risques qui ne sont pas déjà advenus. Ainsi, de ce point de vue et pour le futur, il me semble indispensable de ne pas se focaliser exclusivement sur le risque pandémique à cause de la crise de la covid-19, au détriment des autres risques et menaces, et en particulier de la menace cyber.

Par ailleurs, afin d'aider les décideurs, et tout en étant conscient de la difficulté de l'exercice, j'estime que les risques évoqués dans les divers travaux de prospective devraient être à tout le moins hiérarchisés, à défaut de pouvoir être quantifiés, et assortis de solutions de politiques publiques concrètes pour y remédier afin d'aider à la prise de décision.

Enfin, il me semble indispensable que les prévisions inclues dans les travaux de prospective soient soumis à des stress tests et fassent l'objet d'un examen régulier a posteriori pour vérifier leur survenance ou non, et, le cas échéant, les corriger.

Ces risques devraient également se traduire par la menée d'exercices d'entraînement à l'échelle interministérielle et avec la participation de tous les acteurs publics et privés susceptibles d'être impactés par lesdits risques.

J'en viens, pour conclure, aux études amont. La progression constante de leurs crédits jusqu'au montant cible de 1 milliard d'euros en 2022, ainsi que le prévoit la LPM, est respectée, puisque ceux-ci s'élèvent à 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 901 millions d'euros en crédits de paiement, ce dont je me félicite. Je salue à cet égard le doublement du fonds Definvest ainsi que la création du fonds Definnov.

Si je formule quelques préconisations en vue d'améliorer la cohérence et la lisibilité de la répartition des études amont dans mon rapport, j'aimerais appeler votre attention sur un impératif : l'intégration de critères environnementaux dans l'élaboration des systèmes d'armes dans le cadre des études amont – bien que je sois conscient des difficultés que pose leur prise en compte.

Tel est, mes chers collègues, le bilan des travaux que j'ai menés au titre de ma mission de rapporteur pour avis sur les crédits du programme 144 sur lesquels j'émets un avis favorable.

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Je me félicite de l'augmentation substantielle des crédits affectés au renseignement. En réponse à la crise de la covid-19 et aux inquiétudes quant à la capacité de la France de conserver ses leviers essentiels de souveraineté, le fonds Definvest destiné aux entreprises stratégiques a été doublé. Mais qu'en est-il du cadre légal ? L'expérience de Photonis nous a-t-elle permis de mettre en place des outils légaux pour garantir la détention française de ces PME ?

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Vous avez évoqué les outils d'aide à l'analyse et à la prospective utilisant l'intelligence artificielle. Les boucles décisionnelles étant de plus en plus courtes sur le plan décisionnel, savez-vous si des outils d'aide à la décision sont également développés ?

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Depuis sa création en 1958, l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) est financé paritairement par la France et l'Allemagne. La contribution française est fixée à 23,2 millions d'euros, principalement pour les travaux exceptionnels de désamiantage et pour refléter l'évolution des salaires des agents publics en Allemagne. Sur ce dernier point, l'institut semble confronté à des difficultés de recrutement et de fidélisation des chercheurs allemands, notamment en raison du coût du travail élevé en France. Quelles seraient vos préconisations pour y remédier ?

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Avez-vous pu dresser un bilan du fonctionnement de Definvest ? Au-delà du doublement des crédits, comment le rendre plus efficace ? Comment gagner en souveraineté ?

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Tous les livres blancs depuis 2008 font mention du risque de cyberattaque. Après la pandémie de la covid-19, une cyberattaque pourrait être la prochaine catastrophe et entraîner l'effondrement de notre société, bien plus sûrement que le terrorisme. Les moyens pour parer à une telle menace sont augmentés et 100 postes sont créés, mais ne pensez-vous pas qu'il faudrait davantage investir et même créer une quatrième armée pour défendre le cyberespace ?

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Le bilan du plan ISL 2020 est excellent mais n'est pas exempt de marges de progrès. L'Allemagne n'exploite pas l'ISL autant que la France. Cet enjeu concerne aussi la France, car la pérennité du soutien de l'ISL par les deux États tient au fait que les deux pays tirent un avantage équilibré de leurs investissements. Il conviendra donc de travailler cet axe d'effort dans le futur plan Ambition 2030, en cours d'élaboration, qui succèdera au plan ISL 2020. D'ailleurs, une des ambitions du futur plan Ambition 2030 est précisément de rééquilibrer le ratio Français/Allemands parmi les effectifs de l'ISL.

Sur le plan pratique, une solution consisterait à augmenter le salaire net des salariés de l'ISL résidant en Allemagne sans modifier les grilles salariales de l'institut. Les grilles salariales de l'ISL ne dépendent pas de la nationalité, mais le salaire dit « net-net » (c'est-à-dire net de charges sociales et net d'impôt sur le revenu) est plus faible pour un salarié de l'Institut résidant en Allemagne que pour un salarié de l'Institut résidant en France. En effet, les règles européennes prévoient que les salariés paient les cotisations sociales du pays dans lequel ils travaillent mais paient l'impôt sur le revenu du pays dans lequel ils habitent. Or, en Allemagne, les charges sociales des salariés sont plus faibles qu'en France, mais l'impôt sur le revenu y est plus élevé. C'est donc la double peine pour les salariés de l'ISL qui résident en Allemagne et qui travaillent en France. Les salariés de l'ISL résidant en Allemagne pourraient cependant relever du système social allemand grâce aux stipulations du règlement européen 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui prévoit des dérogations permettant de rattacher des salariés au système social du pays où ils résident. Ainsi, les salariés de l'ISL qui résident en Allemagne et qui travaillent en France pourraient relever du système social allemand, et donc payer les cotisations sociales allemandes, plus faibles que les cotisations sociales françaises.

Pour ma part, je souhaite donc d'une part, que cet enjeu soit pleinement intégré au plan « Ambition 2030 » ; et d'autre part, que cette dérogation soit accordée à l'ISL pour renforcer sa compétitivité et son attractivité et pour contribuer au retour de la parité entre les deux États.

Le risque cyber est réel, comme je l'indique dans mon rapport et comme nous l'ont indiqué plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de mes travaux. La menace de cyberattaque est clairement identifiée par les autorités françaises, le ministère des Armées et, plus particulièrement, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il n'est pas certain qu'il faille, à ce stade, créer une quatrième armée dédiée à ce risque. Mais les moyens consacrés à l'ANSSI, notamment en effectifs, croissent régulièrement. Un document du commandement de la cyberdéfense a montré que les salaires offerts aux experts étaient bien alignés sur ceux proposés dans le privé : notre ministère est capable de leur faire des propositions salariales tout à fait intéressantes.

Dans mon rapport sur les systèmes d'armes létaux, j'ai souligné qu'il n'était pas prévu que ces armes délivrent le feu de manière autonome. Si l'on développe des outils d'aide à la décision et au ciblage, la décision doit incomber en dernier recours à l'humain. Le document de référence de l'orientation de l'innovation de défense (DrOID) indique les grands axes de recherche en matière de prospective capacitaire, parmi lesquels l'hypervélocité et l'intelligence artificielle en matière d'aide à la décision.

Le fonds Definvest, créé le 16 novembre 2017, est destiné prioritairement aux PME dont les innovations, connaissances ou savoir-faire sont essentiels à la performance des systèmes de défense. Le but de ce fonds est d'intervenir auprès d'entreprises stratégiques. À ce jour, il a bénéficié à huit entreprises qui figurent parmi les pépites françaises et dont le rapport donne la liste. Ses crédits sont portés à 100 millions d'euros, et son fonctionnement est bordé juridiquement ; ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Le cadre légal actuel permet déjà de protéger les entreprises stratégiques de la défense et l'Agence de l'innovation de défense (AID) veille à ce que nos pépites ne soient pas captées par des États étrangers.

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J'ai cru vous entendre parler d'un droïde, autrement dit un élément capable de fonctionner avec l'intelligence artificielle. Savez-vous si, compte tenu des changements en œuvre au Mali, nous allons traiter avec Ahmada Ag Bibi, fin négociateur, et Iyad Ag Ghaly, émir du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) ? La France va-t-elle poursuivre son engagement au Mali ? Peut-on continuer à laisser ces hommes évoluer en toute liberté dans un pays que nous sommes censés protéger ?

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Je ne pense pas que le rapporteur du programme 144 soit le plus à même de répondre à cette question, mon cher collègue : le « DrOID » dont j'ai fait mention n'est que l'acronyme utilisé par l'AID pour désigner le document de référence de l'orientation de l'innovation de défense…

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Cependant, pourrez-vous faire remonter mes observations ?

La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces : Soutien et logistique interarmées (M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis).

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Chaque année, je souhaite mettre en lumière des services de soutien insuffisamment connus du grand public dans mon avis budgétaire. S'il est un service pour lequel je n'aurai pas besoin de le faire cette année, tant il a été médiatisé pendant la crise sanitaire, c'est bien le service de santé des armées. En effet, le SSA a été engagé dans l'opération Résilience en application de la règle des « quatre i », lorsque les moyens des autres ministères s'avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles.

La mission première du SSA n'est toutefois pas de soigner des civils, mais bien d'assurer le soutien santé en opération des militaires, depuis la préparation opérationnelle médicale du combattant jusqu'à la reprise de service des personnels blessés ou malades. De plus, le SSA assure des missions dans un contexte de sur-sollicitation et de fragilisation de ses ressources humaines. Il convient donc de rester attentif à ce que ce service reste concentré sur son cœur de métier et ne devienne pas, à long terme, la béquille d'un système de santé publique saturé.

Venons-en à l'examen des crédits budgétaires dédiés au soutien et à la logistique interarmées dans les programmes 178 et 212.

Je me réjouis de la poursuite du plan famille auquel j'avais consacré mon avis budgétaire l'an dernier. Je constate que la première brique de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) sera posée avec l'indemnité de mobilité géographique, qui apportera plus de lisibilité dans le calcul de la solde. Je note aussi que le logiciel de paie Source Solde sera étendu à l'armée de l'air et au SSA. Le plan hébergement sera lancé, avec 237 millions d'euros en autorisations d'engagement et 96 millions en crédits de paiement. Enfin, au travers du plan SCA 22, le service du commissariat des armées poursuit ses efforts pour être au plus près des soldats, notamment grâce au déploiement des espaces ATLAS (Accès en tout temps tout lieu au soutien).

Dans la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi de traiter des politiques culturelle et de communication du ministère. S'agissant de la politique culturelle, je vous renvoie à mon rapport compte tenu du temps limité dont je dispose. Je me bornerai à mentionner la volonté du ministère de renouveler et de diversifier son offre culturelle, la rénovation du musée de la marine à Chaillot, l'extension du musée de l'air et de l'espace au Bourget et la modernisation du service historique de la défense.

J'en viens à la communication du ministère des armées. L'architecture institutionnelle de cette communication est bien définie. Le décret du 27 juillet 1998 prévoit que la communication du ministère est assurée par une structure spécifique, directement rattachée au ministre et séparée des trois piliers que sont l'état-major des armées (EMA), le secrétariat général de l'administration (SGA) et la direction générale de l'armement (DGA).

Cette structure ad hoc, la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD), joue un triple rôle. Sa déléguée est porte-parole de la ministre ; elle conçoit et met en œuvre la politique de communication interne et externe du ministère. À ce titre, elle coordonne la communication des trois piliers déjà évoqués – EMA, SGA et DGA – et assure, dans une logique de mutualisation, un soutien métier et administratif aux différents acteurs de la communication du ministère. La DICoD est ainsi chargée de la passation des marchés publics et du suivi de leur exécution ainsi que des achats du ministère en matière de communication. Elle constitue un réservoir de compétences liée à la communication. Pour mener à bien ses missions, elle dispose d'effectifs importants – 120 personnes –, quoiqu'en baisse ces dernières années.

Sous sa coordination, l'EMA, le SGA et la DGA disposent chacun d'une structure interne de communication. L'EMA-COM, chargé de l'information dans l'opération et sur l'opération, comprend un effectif réduit d'une vingtaine de personnes. Les trois services d'informations et de relations publiques des armées (SIRPA), qui pilotent la communication opérationnelle et institutionnelle de leurs armées, comptent chacun une quarantaine de personnes. L'EMA-COM et les SIRPA s'appuient sur les officiers de communication, tant à l'échelon local qu'en opérations extérieures.

Je viens de vous décrire l'architecture de la communication des armées, telle que définie juridiquement. J'en viens maintenant à l'application concrète du droit.

Le ministère des armées a engagé un processus de transformation de la DICoD, sans doute justifiable, mais qui soulève trois interrogations. La première concerne le chevauchement de la mission de communication transversale de la DICoD et de la mission de communication du SGA-COM.

Ma deuxième interrogation concerne la politique de ressources humaines de la DICoD, et notamment sa stratégie de recrutement. La civilianisation croissante de la DICoD est telle que cette structure contribue de moins en moins aux opérations extérieures. En conséquence, l'EMA-COM et les SIRPA, déjà à l'os, sont obligés de compenser le désengagement militaire de la DICoD pour assurer le contrat opérationnel. En outre, la civilianisation de la DICoD entraîne un décalage croissant avec l'identité militaire du ministère ; ce n'est pas la présence même de civils qui interroge, mais bien le profil des civils recrutés.

J'en viens au troisième problème, le plus préoccupant à mes yeux, qui concerne la mission de porte-parole confiée à la déléguée de la DICoD. Comme le précise un arrêté de 2019, celle-ci doit assurer des relations avec la presse généraliste ou spécialisée et répondre à ses demandes d'informations. Or, lors de leur audition, plusieurs correspondants d'organes de presse variés – de télévision, de radio et de presse écrite – m'ont confié leurs difficultés à trouver des interlocuteurs et à obtenir des informations à la DICoD, alors qu'ils entretiennent des relations étroites et régulières avec les SIRPA et l'EMA-COM. Je tiens à rappeler le contexte difficile dans lequel se trouvent les journalistes qui peinent à justifier, au sein de leurs rédactions, leurs postes de correspondants défense, faute de disposer de suffisamment de matière à traiter. S'il ne revient pas à l'État de résoudre les difficultés économiques des journalistes, il est en revanche de son devoir d'informer les citoyens sur sa politique, de leur rendre compte de son action – et donc de fournir des éléments d'information aux journalistes de défense. C'est pourquoi la mission de porte-parole est essentielle au ministère des armées – comme, d'ailleurs, dans tous les ministères régaliens. Dans de telles conditions, comment les journalistes sont-ils censés assurer leur mission légitime de contre-pouvoir ?

Si la DICoD est une structure ad hoc, placée en dehors des trois piliers et directement rattachée à la ministre, c'est en raison de l'importance capitale de sa fonction de porte-parole. Dès lors que cette fonction n'est pas assurée, sa spécificité et sa position dans l'organigramme de la communication ministérielle ne se justifient plus.

S'il n'y est pas trouvé de solution rapidement, ces trois problèmes sont susceptibles d'affecter le bon fonctionnement de la démocratie.

Chers collègues, je vous invite à lire attentivement mon rapport, qui sera disponible la semaine prochaine.

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Avez-vous pu échanger avec la direction du SSA sur le retard structurel pris, faute d'effectifs suffisants, dans le traitement des dossiers, qu'il s'agisse des recrutements de personnels ou de conseils médicaux sur la reprise de service après une exposition à la covid-19 ? Le SSA pouvant seul décider du rythme de ses consultations, avez-vous des pistes de réflexion pour simplifier les démarches ?

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Vous avez évoqué le rôle essentiel du service historique de la défense (SHD). Estimez-vous que les crédits qui lui sont alloués permettent de répondre aux enjeux, notamment celui de la numérisation des archives ?

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En 2015, il a été décidé de réduire fortement les moyens et de supprimer 2 000 des 16 000 postes du SSA. La crise sanitaire a montré tout le caractère toxique de ce plan, forçant le Gouvernement à faire machine arrière et à décider la création de 100 postes supplémentaires.

Le 22 avril, lors de son audition par notre commission, le chef d'état-major des armées, le général François Lecointre, a souligné l'insuffisance des moyens, affirmant qu'ils avaient été considérablement réduits et concentrés sur les capacités d'emploi et de projection. Il a proposé de réfléchir à la création d'une structure médicale modulable plus importante. Le même jour, la médecin générale des armées, Maryline Gygax, a également soulevé cette question devant notre commission. Qu'en est-il de ce projet qui éviterait d'avoir à monter en catastrophe un hôpital de campagne ?

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Le fonctionnement de la DICoD et, plus généralement, la complexité de l'organigramme de la communication de nos armées ne sont sans doute pas étrangers au coup de colère, en février, de l'association des journalistes de défense. On sait aujourd'hui que la communication est non seulement un outil de transparence démocratique, mais aussi une arme. Nos adversaires au Sahel, par une communication très offensive, ont essayé ainsi de dévaloriser l'image de la France. Pensez-vous que la réorganisation de la communication des armées devrait clairement intégrer un outil offensif ?

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La sous-action 05.85 « service du commissariat des armées » montre que la stratégie de concession à l'économat des armées de la restauration, actuellement exploitée en régie, se poursuit – soixante-treize restaurants sont concernés sur la période 2020-2025, dont les vingt-deux premiers seront concédés entre 2020 et 2021. Je voudrais saluer et encourager cette initiative. J'ai visité la semaine dernière à Suippes une infrastructure de restauration, inaugurée par la ministre en février, et constaté que cette stratégie était préférable à l'externalisation puisqu'elle permettait de nourrir très convenablement nos soldats – qui en ont bien besoin – tout en fournissant des emplois à la population des territoires retirés où sont implantées les armées.

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Ma question porte aussi sur la DICoD. La filière communication n'est pas très structurée au ministère des armées et les militaires de carrière ne s'y retrouvent pas toujours par choix, ce qui peut expliquer que la DICoD ait besoin de recruter des civils spécialisés. S'agissant des fonctionnaires civils provenant des autres ministères, la filière de communication, de marketing, de veille et de management de l'internet ne correspond pas forcément à des concours de la fonction publique. On a donc du mal à recruter des spécialistes. Vous a-t-on fait part de difficultés de recrutement de personnes issues du secteur privé et d'alignement sur les salaires de ce secteur ?

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Savez-vous si les autorités françaises discuteront bientôt avec Ahmada Ag Bibi, Iyad Ag Ghaly et Mahmoud Dicko ? Un arc électrique d'une puissance terrifiante s'est installé depuis une vingtaine d'années de part et d'autre de la Méditerranée, reliant certains théâtres d'opérations et quelques-unes des banlieues les plus sensibles de notre pays.

Pourriez-vous redonner le moral à la DICoD en lui demandant si le fait que la plupart des médias français appartiennent à MM. Niel, Bolloré, Arnault et Lagardère facilite les actions d'investigation ?

(Rires)

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Le SSA mériterait à lui seul un rapport, au regard de son action et de son engagement au quotidien, dans l'hexagone comme à l'extérieur. Nous avons auditionné la médecin générale des armées, qui défend au mieux son service. Les effectifs ont été réduits à l'excès par le passé et le niveau de rémunération empêche de fidéliser les médecins. Ces questions ont été prises à bras-le-corps, les crédits sont en hausse et l'accent est mis sur le recrutement. La crise de la covid a révélé les forces mais également les faiblesses du service ; elle a montré tout l'intérêt que le SSA aurait à accroître ses compétences en virologie.

Vous avez bien fait de souligner l'intérêt du service historique de la défense (SHD). Avec la mise en place d'un schéma directeur de stockage des archives, un effort conséquent a été engagé pour moderniser le service et entreprendre un certain nombre de rénovations. Ce service méconnu, rattaché à la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), mériterait d'être largement médiatisé, d'autant qu'à l'instar de tous les musées et monuments de France, les recettes des musées rattachés à la DPMA ont été particulièrement affectées par le manque de visiteurs en raison du confinement. Il joue un rôle particulièrement important, que vous avez bien fait de souligner.

On sait, Monsieur Gouttefarde, que dans la fonction publique traditionnelle, il n'existe pas véritablement de filière spécifique de communication ; on fait donc appel à des contractuels, avec un niveau de rémunération relativement important pour les fidéliser. Par ailleurs, les officiers peuvent être formés en communication, mais sont soumis à l'obligation de partir en OPEX. Du coup, la DICoD ne privilégie pas leur recrutement, si bien que l'on peut parler de perte de compétences et de connaissances militaires. Un fossé risque de se créer si l'on n'y prend garde.

Madame Mirallès, le service du commissariat aux armées, trop méconnu, a un impact budgétaire important, lié notamment au plan SCA 2022. C'est en effet dans ce cadre qu'ont été déployés les espaces ATLAS, très appréciés de tous les militaires : en leur permettant de trouver facilement ce dont ils ont besoin, ils répondent à l'une de leurs revendications majeures. Le SCA a vraiment pris le problème à bras-le-corps, au point que les objectifs du plan devraient être atteints dès 2021.

Monsieur Lassalle, je communiquerai votre nom aux plus hautes autorités pour que vous puissiez accompagner les membres de la délégation et les aider à négocier.

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Je le savais. Encore faut-il que notre présidente accepte de financer votre déplacement…

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Nous pourrons éventuellement l'envisager l'année prochaine.

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Monsieur Thiériot, la DICoD, en sus de ses missions transversales importantes qui lui sont confiées – travaille avec les Services d'information et de relations publiques des armées (SIRPA) et avec le EMA-COM –, doit être un porte-parole : une de ses missions essentielles, qui figure d'ailleurs dans les textes, est bien d'informer l'ensemble des médias. C'est pourquoi j'ai insisté sur ce point.

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Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour cet excellent travail.

La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces : Forces terrestres (Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis).

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Tout d'abord, à titre liminaire, je voulais dire je m'honore d'être la première femme à être rapporteure pour avis du budget de l'armée de Terre. Ensuite, je souligne que grâce au vrai binôme que nous avons formé, Thomas Gassilloud et moi, au cours des trois premières années de la législature, nous avons tous deux acquis des compétences, qui se sont avérées précieuses pour la réalisation de mon premier rapport cette année.

Avec ce projet de loi de finances pour 2021, nous abordons le troisième exercice de notre loi de programmation militaire. Je suis particulièrement satisfaite de constater qu'une nouvelle fois, nos engagements sont pleinement tenus, en dépit du contexte social et sanitaire qui pèse lourdement sur nos dépenses publiques, des imprévus et des drames qui ont secoué notre nation ces derniers mois, voire ces derniers jours. Le Président de la République a fait de l'effort de défense, dont nous savons tous combien il est nécessaire, une priorité, et il s'y tient. Cela mérite d'être salué.

Le budget de l'armée de Terre, hors les dépenses de personnel, poursuivra sa hausse en 2021, avec 5 % de crédits supplémentaires. Le budget total pour l'armée de Terre, incluant les dépenses de personnel, approche les 10 milliards d'euros.

L'armée de Terre reste pleinement mobilisée par son effort de recrutement et de fidélisation afin de maintenir une force opérationnelle terrestre de 77 000 hommes et femmes. Plus de 16 000 recrues devront ainsi rejoindre les rangs de l'armée de Terre en 2021, pour compenser le déficit de recrutement hérité de 2020 – qui devrait être limité à 400 personnels – et, surtout, les départs, beaucoup trop nombreux. La fidélisation reste donc un point d'attention important. L'armée de Terre met actuellement en œuvre des mesures ambitieuses pour fidéliser son personnel ; il conviendra d'en mesurer les effets dans les prochaines années.

La régénération et la modernisation prévues par la LPM se poursuivent. Permettez-moi de citer quelques chiffres emblématiques : 942 millions d'euros seront consacrés en 2021 à l'entretien programmé du matériel ; 43 % de cette somme servent à financer les nouveaux contrats de maintenance aéronautique, qui sont performants et satisfont pleinement leurs utilisateurs, répondant en cela à l'injonction de la ministre : « Il faut que cela vole ! » ; 50 véhicules blindés légers (VBL) ont été régénérés en 2020 et 80 devraient l'être en 2021 ; plusieurs régénérations sont, en revanche, reportées à cause de la crise sanitaire : je pense notamment au Leclerc.

En dépit du contexte sanitaire qui a fait peser beaucoup de contraintes sur les chaînes de production et de maintenance industrielles, les livraisons du programme Scorpion se poursuivent. L'enjeu reste la projection d'un premier groupement tactique interarmées (GTIA) en 2021 et d'une première brigade interarmées (BIA) en 2023. La livraison des NH90-TTH, dits Caïman, devrait permettre de sortir du parc d'emploi des hélicoptères hors d'âge dont le maintien en condition opérationnelle (MCO) a atteint un coût astronomique. Les livraisons de petits équipements se poursuivent avec, à la clé, une véritable amélioration du quotidien du soldat en opération extérieure (OPEX), une plus grande efficacité et une plus grande sécurité.

Dans mon avis, j'appelle néanmoins l'attention sur quelques points de vigilance pour 2021.

L'un d'eux concerne le niveau de la préparation opérationnelle. En 2020, l'armée de Terre atteint péniblement 56 % de son objectif en termes d'entraînement sur matériels terrestres ; la prévision pour 2021 s'établit seulement à 57 %. Le nombre d'heures de vol des pilotes de l'aviation légère de l'armée de Terre (ALAT) – 142 pour les forces conventionnelles, 146 pour les forces spéciales – est bien loin de l'objectif fixé, qui est de 200 heures pour les premières et de 220 heures pour les secondes. Il ressort du projet annuel de performance, page 110, que les pilotes de la marine et de l'armée de l'air font beaucoup mieux. J'ai cherché à comprendre pourquoi. Trois facteurs expliquent cette sous-performance récente. Avant de les évoquer, je rappelle que les caractéristiques de l'armée de Terre – la variété des personnels qui composent un groupement tactique interarmes, leur dispersion géographique, la diversité des matériels… – rendent sa préparation opérationnelle plus compliquée : il faut réussir à réunir au même moment le temps, les hommes et les matériels.

Premier facteur : le rythme des opérations et leur caractère imprévisible. On peut rappeler, à cet égard, le déclenchement des opérations Amitié, lancée après les explosions survenues à Beyrouth, ou Morphée, dans le cadre de la crise sanitaire. Or le rythme ne faiblit pas. Les facteurs pénalisant la préparation opérationnelle que nous avions relevés, Thomas Gassilloud et moi-même, en 2018, n'ont pas disparu.

Le deuxième facteur est nouveau : il a trait à l'adoption des nouveaux contrats de maintenance aéronautique. Dans l'armée de Terre, la conclusion de ces gros contrats forfaitaires rigidifie considérablement la dépense, obligeant à renoncer à une multitude d'autres opérations de maintenance, plus petites par comparaison, qui font donc office de variable d'ajustement. In fine, si les matériels ne sont pas réparés, ils ne peuvent évidemment pas servir à l'entraînement.

Le dernier facteur, qui ne sera que conjoncturel, je l'espère, est celui des surcoûts OPEX. En dépit de l'augmentation de la provision, qui rejoint progressivement le niveau des coûts finalement constatés, le reliquat à financer est resté assez élevé en 2019 et le ministère a dû s'autofinancer.

La situation est pour le moins paradoxale : alors que les budgets n'ont jamais été aussi élevés, que la LPM est respectée à la lettre et que l'armée de Terre est dotée de contrats de maintenance performants, elle peine à intensifier sa préparation opérationnelle, conformément à la vision stratégique que nous a livrée le chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT). À court terme, plusieurs solutions simples permettraient de sortir de ce paradoxe : poursuivre l'évolution engagée de l'opération Sentinelle, conformément aux orientations données par le chef d'état-major des armées, et sanctuariser les crédits de l'action 2 du programme 178 en gestion, notamment.

Mais j'évalue à 300 millions d'euros les besoins de financement complémentaires au titre du MCO des matériels terrestres. C'est l'objet de la partie thématique de mon rapport, dont je vous donne un aperçu sous la forme des quatre alertes suivantes.

Premièrement, la mutualisation des parcs de matériels et l'externalisation de certaines prestations de maintenance décidées en 2010 devaient générer des économies, mais elles sont une source de rigidités incroyable.

Deuxièmement, comme l'ont mis en évidence plusieurs rapporteurs de notre commission, nous approchons d'un pic de coûts – le « mur du MCO » – lié à la coexistence de matériels de dernière génération avec les équipements plus anciens. Les dépenses au titre du MCO risquent d'exploser dans les deux prochaines années.

Troisièmement, la crise sanitaire a mis en lumière des faiblesses dans l'approvisionnement en pièces de rechange et en munitions. Cela n'a pas porté atteinte à nos opérations cette fois, mais la reconstitution des stocks représente une dépense non négligeable à laquelle il paraît prudent de ne pas surseoir.

Enfin, mon rapport appelle votre attention sur le fait que le MCO des matériels Scorpion n'est qu'en partie prévu aujourd'hui. Seul le soutien initial est inclus dans les contrats. Concrètement, cela veut dire que si un Griffon projeté dans la bande sahélo-saharienne (BSS) est endommagé par un engin explosif improvisé (IED) en 2021, il faudra demander à l'industriel un devis ad hoc pour le réparer… Un marché devrait prochainement être négocié par la direction générale de l'armement (DGA) pour le MCO des matériels Scorpion, pour un coût encore inconnu à ce jour, mais par force imparfaitement pris en compte dans la LPM. Il convient de relever qu'il est prévu une externalisation totale du soutien de ces matériels, une orientation sur laquelle il faudrait peut-être s'interroger à la lumière des leçons de la crise sanitaire. Or, le service de maintenance industriel de l'État n'a aujourd'hui ni la formation, ni les infrastructures pour réparer ces matériels.

Ces remarques étant faites, je donne un avis très favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2021 alloués à l'emploi et à la préparation des forces terrestres.

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Merci beaucoup, Madame la rapporteure pour avis. C'est une grande fierté pour moi de vous avoir à mes côtés.

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Je vous remercie d'avoir évoqué les problèmes liés à la mutualisation, problèmes que nous constatons sur le terrain. La mutualisation crée des difficultés pour le MCO, à strictement parler, mais elle est aussi problématique pour des raisons symboliques et opérationnelles. Ainsi, lorsque vous êtes membre d'une unité de l'armée de Terre, vous n'avez pas le même lien au matériel si les blindés ne sont pas ceux de votre régiment mais appartiennent à un pool.

Ma question a trait aux opérations intérieures (OPINT). Pouvez-vous nous indiquer quel est leur coût pour nos armées ? Sont-elles entièrement financées en loi de finances initiale ou un reliquat doit-il être réparti sur d'autres programmes ?

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Pourriez-vous faire le point sur la situation des véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), fortement sollicités en OPEX, leur disponibilité technique opérationnelle (DTO) se situant à environ 60 % de l'objectif ? Quant aux chars Leclerc, dont la DTO est en diminution en 2021, les retards constatés dans la livraison des chars rénovés a-t-elle un lien de causalité directe avec la crise sanitaire et les retards industriels qu'elle a provoqués ?

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Dans l'indicateur 1.2 relatif au taux de renouvellement des emplois primo-contractuels des armées, on ne relève que le taux de renouvellement des premiers contrats ayant donné satisfaction à l'armée – et ces chiffres sont en effet très élevés. Pourtant, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) relevait dans son rapport consacré à la fidélisation un taux global de renouvellement des primo-contrats bien inférieur. Cet écart laisse à penser qu'un nombre important de recrues ne donne pas satisfaction à l'institution. Comment peut-on l'expliquer ? N'est-ce pas de ce côté qu'il faut chercher la solution ?

Enfin, vous avez évoqué le montant des externalisations en OPEX – 110 millions d'euros –, contre 1,5 million pour l'action civilo-militaire. Est-il normal que l'externalisation représente une dépense cent fois plus élevée que celle consacrée aux actions menées au profit des populations locales ?

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Vous avez évoqué à juste titre, d'une part, les difficultés que l'armée de Terre a rencontrées cette année pour recruter, des sessions de recrutement étant retardées, voire annulées à cause de la crise sanitaire, et, d'autre part, les problèmes de fidélisation, qui se traduisent par un nombre de départs élevé. Savons-nous quel est le nombre de candidats pour un poste ouvert au recrutement ? C'est en effet un indicateur intéressant. Il me semble que, ces dernières années, ce ratio était un peu inquiétant.

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Tout d'abord, permettez-moi de féliciter notre collègue Sereine Mauborgne. Je viens de comprendre pourquoi elle est la première femme rapporteure pour avis du budget des forces terrestres : cela faisait bien longtemps que je n'avais pas eu le sentiment de tutoyer ainsi l'intelligence. (Sourires.) Et tant pis pour les autres… Votre rapport, chère collègue, est remarquable, par sa présentation comme par le nombre d'heures que vous avez dû y consacrer.

Les moyens financiers ne font pas tout, ici comme ailleurs, mais la mise en phase des esprits, en particulier dans les administrations, est aussi lente que la montée en charge des financements. Pensez-vous, compte tenu de la gravité de la situation, que nous allons pouvoir accélérer un processus qui s'était un peu égaré depuis une vingtaine d'années ? Enfin, pourrons-nous, selon vous, augmenter encore un peu plus les moyens mis à la disposition de nos services de renseignement ? Je crains, si tel n'est pas le cas, que les forces que nous mettons dans la bataille très difficile qui s'engage ne soient affaiblies dans quelques mois par d'autres événements.

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L'armée de Terre ne peut laisser indifférent. Outre qu'elle rassemble plus de la moitié des femmes et des hommes du ministère des Armées, elle doit combiner haute technologie et résilience, extrême jeunesse et compétences.

Madame Mauborgne, je ne suis pas étonné par la qualité de votre présentation, tant j'ai pu constater, pendant trois ans, la justesse de vos analyses et votre sens du détail. Je suis heureux du travail que nous avons accompli ensemble, d'autant plus que la désignation d'un nouveau CEMAT nous imposait d'allier rotation des responsabilités et continuité des compétences.

Puisqu'il est nécessaire de disposer d'une masse critique pour faire face aux nouveaux défis stratégiques, pouvez-vous nous dire un mot du budget de la réserve et la vision que vous en avez pour les prochaines années ?

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Monsieur Thiériot, les OPINT relèvent des actions 6 et 7 du programme 178 ; c'est donc M. de Ganay qu'il eût fallu interroger sur ce point. En revanche, je peux vous répondre, en ce qui concerne la mutualisation, que votre remarque est bien prise en compte par le CEMAT. Je vais vous citer, à ce propos, un exemple qui m'a laissée perplexe. Vous savez que nous avons fourni à chacun de nos soldats un gilet pare-balles dans lequel on glisse des plaques en céramique, lourdes et très protectrices. Or, nous ne pouvons en équiper tous les gilets. Ainsi, lorsqu'un exercice opérationnel est programmé, le service du commissariat des armées livre les plaques nécessaires de manière à ce que les soldats engagés dans l'exercice puissent s'entraîner dans des conditions objectives et réalistes. Pourquoi choisir de mobiliser du temps, de la ressource humaine pour assurer des livraisons plutôt que de consacrer des moyens à l'augmentation du nombre des protections individuelles ? La mutualisation peut susciter ce type d'interrogations.

Monsieur Larsonneur, l'accélération du programme Scorpion, que M. Gassilloud et moi avions appelée de nos vœux dans notre premier rapport budgétaire, a eu pour conséquence de ralentir la régénération des VBCI. De fait, le recrutement et la formation demeurent problématiques dans le secteur de la défense, sans doute aussi, indirectement, en raison d'un manque d'intérêt pour la chose militaire et le monde combattant d'ailleurs. Les industriels, notamment Nexter, à Roanne, sont aussi confrontés à un problème d'infrastructures qui limite les capacités de production, tant de nouveaux matériels Scorpion que de VBCI régénérés. S'agissant du char Leclerc, par ailleurs, lorsqu'une nouvelle obsolescence est repérée, il faut environ trente-six mois pour y remédier. De ce fait, chaque nouvelle obsolescence provoque un retard et a pour conséquence une baisse de la disponibilité technique opérationnelle des matériels.

Madame Mirallès, vous m'interrogez sur l'attrition observée au moment du recrutement, autrement dit sur le nombre de personnes qui ne vont pas jusqu'au renouvellement du premier contrat. Le discours du CEMAT, qui insiste sur le nécessaire aguerrissement des personnels recrutés dans l'armée de Terre, s'il est parfois difficile à entendre, préparera mieux, me semble-t-il, les nouvelles recrues en leur permettant de comprendre quelle sera leur mission et ce que l'on attend d'eux. À aucun moment, il ne faut leur mentir – et les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) en ont bien conscience : la campagne de recrutement est très claire à ce sujet – sur la haute intensité et les exigences de l'institution. Moins il y aura d'incompréhension au départ, moins l'attrition sera importante.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les conditions d'hébergement et ni celle des équipements individuels du soldat – vous savez combien cette question me préoccupe. Certes, le renouvellement des tenues de sport et les progrès réalisés dans le domaine de la bagagerie notamment contribuent à améliorer le confort dans l'entraînement. Néanmoins, un effort considérable doit être encore consenti en faveur des infrastructures ; c'est un sujet sur lequel nous sommes très investis, comme en témoignent les rapports produits par notre commission.

Monsieur de La Verpillière, les recrutements ont en effet connu une légère inflexion cette année en raison de la crise sanitaire, mais le déficit est limité à 400 personnels : au regard de l'objectif fixé, à savoir 15 000 recrutements, c'est l'épaisseur du trait. Quant au taux de sélection, il varie selon le grade et les objectifs de recrutement : il est de 1 recruté pour 1,1 candidat concernant les militaires du rang, de 1 candidat pour 1,3 candidat concernant les engagés volontaires sous-officiers, de 1 recruté pour 3,6 candidats concernant les officiers sous contrat en filière « spécialiste », mais de seulement 1 recruté pour 1,4 candidat pour les officiers sous contrat en filière encadrement. Plus l'institution est souple et réactive, plus elle est attractive pour les postulants.

Monsieur Lassalle, merci pour votre très beau compliment. Le binôme que j'ai effectivement formé avec Thomas Gassilloud pendant trois ans a facilité mon acculturation. J'ai suivi dans son ombre – il faut dire qu'il est très grand ! – tous ses travaux depuis trois ans. Ils m'ont permis de m'adapter à ce nouveau défi. S'agissant du rôle du renseignement, qui ne concerne pas directement mon avis budgétaire, le chef d'état-major de l'armée de Terre insiste, dans sa vision stratégique, sur notre besoin de résilience et donc sur la nécessaire amélioration de la capacité de nos soldats à traiter l'information. Dans les années qui viennent, la guerre de l'information et du renseignement sera un véritable enjeu pour nos armées.

Enfin, cher Thomas Gassilloud, le budget de la réserve demeure assez difficile à tracer dans la maquette budgétaire, comme l'an dernier, mais il mérite toute notre attention : la résilience de notre pays en dépend – je partage ce constat avec vous. Le CEMAT en a fait le deuxième projet urgent de sa vision stratégique. Mais, au-delà du budget, il faut savoir ce que nous voulons faire de la réserve. La trajectoire budgétaire est là, mais la réflexion est toujours ouverte. Pendant la crise, nous le savons, certains réservistes étaient prêts à être mobilisés et trépignaient d'impatience mais, au moment du déclenchement de l'opération Résilience, les forces d'active disposaient encore de capacités suffisantes, si bien que la réserve a été en définitive assez peu mobilisée. Au-delà des aspects budgétaires, il faut donc réfléchir à la doctrine d'emploi et à l'organisation de la mobilisation des forces de réserve.

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Merci, Madame la rapporteure pour avis, pour votre excellent travail.

La commission examine ensuite l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces : Marine (M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis).

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Je me félicite que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse, qu'il soit, en outre, conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025 et que la marine nationale bénéficie, une fois encore cette année, de l'effort de la nation.

J'ai beaucoup apprécié la mission de rapporteur pour avis que vous m'avez fait l'honneur de me confier cette année pour la première fois. J'ai réalisé de nombreuses auditions, à Paris et sur le terrain, notamment dans les trois bases navales et préfectures maritimes de Brest, Toulon et Cherbourg. Jeudi dernier, j'interrogeai en commission le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, sur la place de la marine et de ses moyens dans le dispositif de notre défense nationale.

Je considère pour ma part que la menace viendra sans doute de la mer, après des années d'une lecture géopolitique plus terrienne ou plus terrestre. Les effets du changement climatique comme l'ouverture de nouvelles routes maritimes via l'Arctique, par exemple, mais aussi les nouveaux enjeux liés aux espaces maritimes en matière de ressources énergétiques ou biologiques, les enjeux migratoires, les questions de sécurité et de sûreté maritimes ou encore de souveraineté, notamment dans notre zone économique exclusive, impliquent une nouvelle lecture des enjeux géostratégiques.

Le général Lecointre a confirmé mon analyse, expliquant que la mer est devenue un domaine de conflictualités, de combats potentiels, et un espace de contrôle, du fait de la piraterie, de flux maritimes toujours plus intenses, d'accès aux détroits toujours plus contestés. Il a souligné également l'importance stratégique de la zone côtière – la majorité de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres des côtes –, où le déploiement de troupes et les interventions à partir de la mer s'imposent comme enjeux opérationnels.

Dans ce contexte mouvant, le combat naval redevient une hypothèse de travail, comme l'a indiqué devant notre commission l'amiral Pierre Vandier, le nouveau chef d'état-major de la marine.

J'en viens aux crédits de la marine, à laquelle j'ai consacré la première partie de mon rapport. En 2021, l'action 03 « Préparation des forces navales » du programme 178 sera dotée de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,6 milliards en crédits de paiement. Les crédits du projet de loi de finances pour 2021 confirment donc l'effort de réarmement de notre marine nationale entrepris depuis la LPM 2019-2025. Ainsi, en 2021, le renouvellement accéléré de nos capacités opérationnelles se traduira par des commandes clés – une frégate de défense et d'intervention (FDI), quarante-cinq kits de missiles antinavires Exocet, huit hélicoptères interarmées légers (HIL) – et de nombreuses livraisons : trois avions de patrouille rénovés, une frégate multimission FREMM – la FREMM Alsace, dédiée à la défense aérienne –, une frégate légère furtive (FLF) rénovée, notamment dotée d'un sonar, un hélicoptère NH90 Caïman, un lot de torpilles lourdes F-21 Artemis, quatre missiles MM-40 Block3C et un lot de missiles Aster 30.

Par ailleurs, les grands programmes liés aux infrastructures seront poursuivis en 2021. Avec l'arrivée de nombreux bâtiments de nouvelle génération, la maîtrise des programmes d'infrastructure est cruciale. J'ajoute que la marine a tout à gagner à se doter rapidement de drones, notamment pour la surveillance des approches et des côtes métropolitaines.

Voilà pour la remontée en puissance de notre marine.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des équipements, l'investissement se poursuit en 2021 – il représente même une part importante du budget de la marine –, même si ses effets en matière d'accroissement de l'activité ne devraient se manifester qu'en 2023. Les ressources consacrées au service de soutien de la flotte sont actuellement garanties. Je tiens à rappeler qu'une remise en cause de ces ressources déséquilibrerait le MCO naval, qui est déjà sous tension, et ne permettrait pas de conserver le modèle actuel optimisé.

Enfin, je vous livre un dernier motif de satisfaction : j'ai pu constater les premiers effets tangibles, lors de mes déplacements, du Plan famille, lancé par la ministre des armées en 2017 et qui contribue à l'amélioration des conditions de vie de nos marins et de leurs familles, ainsi qu'à celle de leurs conditions d'hébergement et d'équipement. J'ai ainsi vu dans les trois bases navales la construction de nouveaux bâtiments destinés à l'hébergement et à la restauration. Je pense notamment au nouveau bâtiment de bureaux pour les doubles équipages des FREMM ou à des bâtiments de soutien et d'assistance métropolitains (BASM), comme à Brest. Ces nouveaux bâtiments sont très attendus, car nombreux sont ceux qui sont encore très vétustes.

Les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d'engagement : la permanence de la posture de dissuasion ; la défense de notre territoire maritime, pour laquelle la marine est chargée de missions relevant de l'action de l'État en mer (AEM) ; cinq théâtres d'opérations : le Golfe de Guinée, le détroit d'Ormuz, l'Atlantique, la Méditerranée centrale et orientale.

Sur ce dernier point, je souligne, dans mon rapport, que le rythme d'engagement opérationnel de notre marine est très soutenu dans un contexte géostratégique en pleine mutation. Du reste, le Livre blanc ne prévoyait pas autant de théâtres d'opérations simultanés. L'amiral Pierre Vandier a évoqué le passage à un nouveau cycle en ce domaine : le retour des États-puissances est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage ou une démonstration désinhibée de la force militaire. Ainsi, en Méditerranée orientale, on a vu, cette année, que la Turquie applique la politique du fait accompli.

J'ai consacré la partie thématique de mon rapport au successeur du Charles-de-Gaulle à l'horizon 2038 : le porte-avions de nouvelle génération (PANG). C'est un enjeu majeur pour la marine nationale mais aussi pour notre pays ; sa conception représente du reste une part très importante du budget de nos armées. Il est en effet indispensable que la marine nationale tienne son rang de grande puissance maritime et conserve son autonomie navale, en se dotant d'un porte-avions moderne, c'est-à-dire un porte-avions de haute technologie et capable de conjuguer, d'une part, notre savoir-faire aéronaval et centenaire et, d'autre part, l'adaptabilité aux dynamiques de la conflictualité mondiale.

Avant d'évoquer le porte-avions de l'avenir, permettez-moi un petit rappel historique : l'aéronautique navale célèbre cette année le centenaire des premiers appontages sur le cuirassé Béarn. Il y a tout juste cent ans, le 20 octobre 1920, le lieutenant de vaisseau Paul Teste apponte pour la première fois sur le Béarn ; l'aéroplane est freiné sur trente mètres par des câbles transversaux reliés à des sacs de sable. Il reconduit l'exercice avec succès trois fois dans la même journée ; c'est ainsi que les brins d'arrêt sont nés.

Le porte-avions de nouvelle génération sera le navire qui permettra à la France de maintenir son rang dans un monde incertain. Le porte-avions est d'abord un outil politique, c'est-à-dire un outil qui permet à notre pays de faire valoir ses positions dans le monde. Un groupe aéronaval autonome permet à la France de protéger notre vaste zone économique exclusive, d'une part, et d'exister en tant que puissance mondiale, d'autre part. Le concept de porte-avions garde toute sa pertinence, en raison même de l'avantage opérationnel qu'il représente face à des compétiteurs de plus en plus désinhibés.

Enfin, j'ai souhaité porter votre attention sur les contraintes et les obstacles pesant encore sur le projet de porte-avions de nouvelle génération : il faudra par exemple s'adapter au système de combat aérien du futur (SCAF), dont le nouvel avion sera au Rafale ce que le porte‑avions de nouvelle génération sera au Charles-de-Gaulle. Notre nouveau porte-avions devra également répondre aux besoins de la marine, avec un niveau d'efficacité au moins équivalent à celui du Charles-de-Gaulle – je pense notamment à notre interopérabilité avec les alliés stratégiques, comme l'US Navy. Des choix devront donc être effectués, aussi bien sur le plan technologique que stratégique. Nous attendons désormais la décision du Président de la République, qui devrait répondre à toutes ces interrogations.

Les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2021 correspondent pleinement aux objectifs de remontée en puissance de la marine nationale. Je salue cette évolution positive qui permettra à notre pays de tenir son rang de grande puissance dans le monde, de protéger ses intérêts et de veiller à l'application du droit international sur tous les océans.

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S'agissant des FREMM, à terme, la loi de programmation militaire 2019‑2025 permettra à la marine nationale de disposer de cinq frégates de premier rang au lieu des dix-huit espérées. Cette flotte se composera d'ici à 2030 de seulement huit FREMM, de deux frégates de la classe Horizon et de cinq frégates de défense et d'intervention, dont trois seront une version modernisée de frégates légères furtives. Vous a-t-on fait part d'une déception eu égard aux besoins exprimés par la marine ? N'avez-vous pas le sentiment que Naval Group notamment et les industriels de l'armement en général favorisent leur intérêt en exportant du matériel neuf qu'ils fabriquent, et orientent le choix vers la rénovation d'autres bâtiments ?

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L'année dernière, dans mon rapport pour avis du PLF pour 2020, j'avais déjà souligné deux points essentiels, que vous avez partiellement mentionnés : la surchauffe opérationnelle de la marine – l'augmentation des menaces, l'instabilité géopolitique ont entraîné une croissance significative des missions de surveillance, de déploiement ou d'interventions ; les réductions temporaires de capacité – patrouilleurs, drones tactiques, hélicoptères, stocks de munitions, avions de surveillance maritime, frégates de défense aérienne, bâtiments ravitailleurs, sonars et, tout dernièrement, SNA.

Comme vous l'avez dit, de nombreux efforts ont été engagés depuis 2017 pour la régénération et la remontée en puissance de la marine : nouvelles commandes de patrouilleurs – patrouilleurs légers guyanais (PLG), puis patrouilleurs d'outre‑mer (POM) ; lancement de grands projets d'infrastructures, à Brest et à Toulon notamment ; conclusion de contrats de maintenance opérationnelle ; appels d'offres concernant les patrouilleurs côtiers de gendarmerie, par exemple ; nombreux efforts de recrutement ; plan famille ; double équipage sur les FREMM ; et, bien sûr, études pour un nouveau porte‑avions. Alors que nous allons procéder très bientôt à l'actualisation de la LPM, comment la renforcer, afin de donner le plus rapidement possible à la marine nationale les moyens de mieux remplir ses missions ?

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Monsieur le rapporteur, je partage votre constat : notre marine remonte en puissance, et cela se voit sur nos bases. Je salue la livraison de la FREMM de défense aérienne, un complément décisif, ainsi que le tir tout récent d'un missile de croisière naval depuis un le Suffren. Je souhaiterais vous interroger sur le nombre d'hélicoptères dans la marine, avec la livraison des deux premiers Dauphin de la flotte intérimaire, qui devaient entrer en service cette année. Pourriez-vous nous confirmer cette livraison ? Par ailleurs, vous êtes‑vous penché sur le plan de charge de nos industriels à Lorient ? Le rythme initialement prévu pour l'export de FDI paraît compliqué à tenir. Avez-vous des éléments plus précis sur le maintien des compétences dans la durée sur le site de Lorient ?

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Monsieur le rapporteur, si vous avez choisi de faire votre rapport thématique sur le plus gros bateau de notre flotte, je souhaiterais vous interroger pour ma part sur les petits bâtiments. Lors du travail que nous avons mené avec Benjamin Griveaux sur la base industrielle et technologique de défense (BITD) et le plan de relance, nous avons identifié que, pour des petits chantiers comme Piriou, ces petits bâtiments, qui ne sont pas des programmes majeurs, peuvent néanmoins avoir une importance vitale. Des commandes de bâtiments de soutien et d'assistance métropolitains (BSAM) ont-elles été prévues dans le budget ? Pensez-vous par ailleurs qu'ils répondent à une réelle nécessité opérationnelle qu'il conviendrait, le cas échéant, de satisfaire, notamment à l'occasion de l'actualisation de la LPM ?

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Je veux saluer la réalisation des contrats opérationnels, qui ont été, comme chaque année, remplis à 100 %. Entre 2019 et 2020, la réalisation des contrats opérationnels de la marine a chuté, passant de 84 % à 70 %. Quelles sont les raisons d'une telle chute ? Peut-on y remédier ? Les crédits engagés permettront-ils d'atteindre à nouveau les objectifs définis dans les contrats opérationnels de protection ? Comment expliquer cet écart entre la réalisation opérationnelle de 70 % et celle actualisée de 87 % ?

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Le lendemain de l'incendie du SNA la Perle, je me suis rendue dans l'arsenal de Toulon voir l'étendue des dégâts. Savez-vous s'il retournera à l'eau ou non ?

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie des bonnes nouvelles que vous apportez de notre marine, ainsi que d'avoir souligné le caractère novateur et la qualité du Béarn, qui aurait pu échapper à certains… J'ai toujours pensé que les gens de la mer étaient ceux qui comprenaient le mieux les problèmes de la terre et qu'ils étaient certainement, avec les bergers, ceux qui ressentaient le mieux les signes avant‑coureurs. Pensez-vous que, bien qu'il soit assez loin de la mer, le Mali pourrait, grâce à vous et à l'intervention que nous y menons depuis plusieurs années, retrouver son sens, redonner du goût et de la confiance à nos militaires, malgré la libération de deux cent six personnages, dont tout le monde ne se félicite pas ?

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Monsieur le rapporteur, je vais essayer d'être à la hauteur de Jean Lassalle… Je vous félicite d'avoir fait le choix ambitieux de mettre le porte‑avions de nouvelle génération au centre de votre seconde partie, tant la dimension prospective de ce sujet est stratégique. Au-delà des questions de propulsion ou des éventuels partenaires, je souhaiterais avoir votre avis sur les vecteurs que portera ce bâtiment. En effet, nous pourrions imaginer que les porte‑avions de nouvelle génération transporteraient des appareils SCAF avec leur nuée de drones. Toutefois, contrairement aux F‑35B, le projet du SCAF ne prévoit pas un décollage vertical, ce qui implique a priori un pont plus long et un moindre emport d'avions. En l'état de la prospective, à quel point d'appui les drones ont-ils été pris en compte ? Je m'interroge, à vrai dire, sur la possibilité de disposer d'un porte-avions entièrement dronisé, un porte-aéronefs peu éloigné en conception de nos porte-hélicoptères, en somme. Je m'interroge également sur l'escorte d'un tel bâtiment. Où en est l'état de la réflexion sur les nouvelles technologies de dronisation, y compris navale ? La réflexion actuelle sur le porte-avions de nouvelle génération se limite-t-elle à une évolution du standard technologique ou voit-on émerger une nouvelle doctrine navale, peut‑être aussi révolutionnaire que l'avait été le passage du cuirassé au porte-avions ?

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Après les grands bâtiments et les petits bâtiments, j'aimerais aborder la question de l'équipage et, plus particulièrement, de son recrutement. L'amiral Prazuck avait le plan Mercator ; l'amiral Vandier s'est, quant à lui, saisi de la problématique de l'attractivité. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? Voyez-vous une évolution ? Nos jeunes ont‑ils encore envie de mettre du sel dans leur vie ?

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Monsieur le rapporteur, dans votre esprit, le porte‑avions de nouvelle génération devrait-il être le successeur du Charles-de-Gaulle, ce qui impliquerait une mise en service dans les années 2038‑2040, ou peut-on imaginer que, pendant un moment, la France ait deux porte-avions en service, comme la Grande-Bretagne ? Par ailleurs, des commandes ou des livraisons à destination de la marine qui seront-elles financées au titre du plan de relance ?

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Les difficultés de recrutement se posent-elles de la même manière pour nos trois armées ? Sinon, pour quelles raisons certaines parviennent-elles à mieux recruter que les autres ? Est‑ce dû à l'intérêt particulier suscité par telle ou telle armée ou est-ce lié à des stratégies de recrutement différentes ?

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Il y a quelques mois, la marine a mis en service des chalands multimissions à motorisation hybride diesel‑électrique, qui donnent pleine satisfaction. A-t-elle d'autres projets du même type ?

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Je vous remercie tous, chers collègues, de votre intérêt pour la marine nationale, qui illustre bien ce que j'ai écrit dans mon rapport et dit en introduction, ainsi que ce qu'ont répété l'amiral Vandier et le général Lecointre : le monde sera maritime ou ne sera pas.

Madame Mirallès, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question.

Monsieur Larsonneur, je vais me renseigner sur le plan de charge de Lorient.

Madame Thillaye, Monsieur Jacques, la marine ne fait pas face à trop de difficultés en matière de recrutement, ni en quantité ni en qualité. Les amiraux que j'ai interrogés m'ont rassuré sur la capacité de nos jeunes à affronter un conflit et à embarquer. Ils sont très intéressés et toujours très motivés par le sens de leur mission : plus ils naviguent, plus ils sont heureux. La marine compte 34 000 marins. Elle doit recruter chaque année environ 3 000 personnes. Cette année, le recrutement ne dépassera sans doute pas les 2 500 personnes, le dernier trimestre étant fondamental, du fait de la saisonnalité des diplômes.

Il existe des modes de recrutement assez originaux : je pense notamment à ce que font les bases aéronavales (BAN) qui recrutent localement, entre cent et cent vingt personnes, sur des contrats courts, pour éviter les craintes liées à la mobilité. Les personnes qui entrent ont l'assurance qu'elles travailleront là où elles auront été recrutées. Le service d'information et de relations publiques des armées (SIRPA) devrait peut-être raccourcir les circuits d'engagement : entre le moment où un jeune entre dans un SIRPA à Strasbourg ou à Lyon pour rejoindre la marine nationale et celui où il se retrouvera pour la première fois en mer, le délai est parfois trop long, ce qui peut entraîner des désistements – on l'a vu notamment pour les sous‑marins, après le formidable engouement suscité par Le Chant du Loup. Le chef d'état‑major nous a assuré que 2 500 ou 3 000 recrutements auraient bien lieu cette année.

Monsieur Cubertafon, le porte‑avions de nouvelle génération devra permettre le déploiement du prochain avion de combat, dont la masse sera 50 % supérieure à celle des Rafale, ce qui conditionnera son développement. Le Charles-de-Gaulle fait 260 mètres de long pour environ 40 000 tonnes de déplacement. Le nouveau porte‑avions fera plutôt 300 mètres pour 70 000 tonnes de déplacement environ. Les drones feront partie intégrante de la marine nationale, comme ils font partie intégrante du paysage militaire, sans remplacer pour autant les avions de combat.

Monsieur de la Verpillière, le PANG est bien un successeur, et il n'y aura donc pas de cohabitation avec le Charles-de-Gaulle. On étire beaucoup la vie des matériels, comme on l'a vu avec les SNA, qui avaient une durée de vie de vingt-cinq ans et qui en seront à trente-huit ans d'opérationnalité quand ils cesseront leur activité. Nous en restons au modèle d'un seul porte-avions. Les autres puissances sont en train de s'équiper : la Russie en a un ; les États-Unis, onze ; la Chine a pour objectif d'en avoir au moins trois très prochainement.

Concernant les frégates, sur lesquelles plusieurs m'ont interrogé, la LPM en prévoit quinze, même si la marine nationale en aurait souhaité dix-huit. Compte tenu du nombre d'opérations et de théâtres d'intervention, nous ne pouvons en posséder moins de quinze. En réalité, nous ne serons pas loin des dix‑huit, puisque, selon le schéma actuel, il y a six FREMM et deux frégates de défense aérienne (FDA), que deux FREMM vont être transformées en FREMM DA, que la livraison des cinq FDI a été confirmée entre 2023 et 2030 et que trois FLF seront rénovées en attendant la livraison. Cela fait donc presque dix-huit. Mais nous ne pouvons descendre en dessous si nous voulons assurer une présence réellement dissuasive sur toutes les mers du globe.

Monsieur Thiériot, vous avez raison, il faut aussi penser aux petits chantiers et aux PME‑PMI qui sont derrière. C'est pourquoi, le mois dernier, la ministre des armées s'est rendue sur le site de la SOCARENAM, à Saint‑Malo, pour confirmer la construction des patrouilleurs, dont nous avons un grand besoin, notamment à Cherbourg. Vous avez cité Piriou, une entreprise à laquelle je suis très attaché, parce que c'est une entreprise du Finistère.

Madame Mauborgne, j'ai expliqué dans mon rapport les options qui sont sur la table concernant le SNA la Perle. La ministre devrait annoncer incessamment celle qui sera retenue. Dans tous les cas, le sous-marin sera remorqué jusqu'à Cherbourg. Dans la mesure où il était en indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) jusqu'à la fin 2021, il n'y a pas d'urgence ; l'opérationnalité des SNA n'est en rien remise en cause. On s'est beaucoup posé de questions sur le maintien en conditions opérationnelles (MCO) et l'entretien des SNA, à la suite de l'incendie de la Perle. Ne faudrait-il pas, par exemple, que les équipages soient présents lors des grands travaux d'IPER, comme cela se fait sur les bâtiments de surface ?

Monsieur Marilossian, j'aurais dû commencer par vous remercier de m'avoir passé le relais ! La marine nationale devra prendre sa part à l'actualisation de la LPM. Si, pour le général Lecointre, le fait militaire sera de plus en plus maritime, cela ne nécessite pas pour autant de revoir les grands équilibres de la LPM. Ce qu'il faut, c'est assurer l'exécution à la lettre de la LPM pour remplir les trous capacitaires qui étaient devenus vraiment trop importants pour notre marine.

Monsieur Fiévet, je n'ai pas de réponse à votre question. La marine est complètement impliquée dans le programme énergétique voulu par la ministre.

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Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre travail et la précision de vos réponses.

La commission en vient à l'examen des crédits les crédits relatifs à la préparation et emploi des forces : Air (M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis)

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C'est un réel plaisir pour moi de me trouver de nouveau devant vous cette année, d'autant que je ne m'exprime plus simplement comme rapporteur des crédits de l'armée de l'air : il me revient l'honneur de rapporter également les crédits de l'espace. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai décidé de consacrer la partie thématique de mon rapport à la montée en puissance de l'armée de l'air et de l'espace et, plus spécifiquement, à celle du commandement de l'espace.

Avant cela, je dirai quelques mots sur le projet de budget proposé par le Gouvernement pour l'année 2021, et d'abord sur les crédits inscrits à l'action 04 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 de la mission « Défense ». En PLF 2021, les crédits de cette action s'élèvent à 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement. D'une année sur l'autre, cela représente une augmentation de 78 % des AE et de 8 % des CP.

La très forte hausse des autorisations d'engagement s'explique par la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintien en condition opérationnelle aéronautique. Seront notamment engagés l'an prochain : le contrat Ravel 2 pour l'entretien du moteur M88 du Rafale, pour un montant de 2,4 milliards d'euros ; le contrat de maintenance du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), provisionné à hauteur de 1,62 milliard d'euros. Au total, les ressources affectées à l'entretien programmé des flottes aériennes s'élèvent à 7,2 milliards d'euros en AE et à 1,5 milliard d'euros en CP. Il s'agit d'une somme considérable.

Néanmoins, année après année, nous constatons que la disponibilité des matériels demeure en deçà des attentes. En déplacement, jeudi dernier, à l'atelier industriel aéronautique de Clermont-Ferrand, cher au président Chassaigne…

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…la ministre notait des premiers effets positifs. D'un naturel optimiste, je reste également confiant dans la capacité de la direction de la maintenance aéronautique à bousculer les choses et à responsabiliser toujours davantage les industriels. Mais il nous faudra rester vigilants.

De même, il nous faudra demeurer attentifs à la poursuite de la modernisation de l'armée de l'air. Je ne prendrai qu'un exemple – le plus parlant : la modernisation de l'aviation de combat. Lors de son audition, le général Lavigne a fait état de la contestation croissante de la supériorité aérienne des armées occidentales. Il a ainsi suffi à la Russie de déployer quatre MiG-29 sur le théâtre libyen pour en perturber l'accès.

Au Levant, nous ne pouvons déployer que nos Rafale, en raison de la présence d'avions de combat russes et turcs performants et de la dissémination de systèmes de défense sol-air de haut niveau. Des avions russes à long rayon d'action continuent de longer les côtes européennes, dans le cadre d'opérations de démonstration de puissance. Pourtant, d'ici à 2025, un quart des avions de combat de l'armée de l'air seront dépourvus de capacités de combat air-air.

Dans ce contexte, quatre points me semblent devoir mériter une attention particulière : en premier lieu, la poursuite du programme MENTOR de modernisation de la formation des équipages de chasse, avec sa phase amont, à Salon‑de‑Provence, et sa phase aval, à Cognac, où des avions PC-21 supplémentaires sont nécessaires ; en deuxième lieu, la remise à niveau des équipements missionnels des Rafale, en particulier les pods de désignation laser Talios et les munitions ; en troisième lieu, le recomplètement de la flotte Rafale, afin de compenser le prélèvement de douze appareils au profit de la Grèce.

Je me réjouis évidemment du choix des autorités grecques d'acquérir dix-huit Rafale, dont douze d'occasion prélevés au sein des forces. Mais j'appelle votre attention sur le fait que nous ne savons pas encore comment seront financés les douze Rafale neufs de compensation, dont la commande a été annoncée ici même par la ministre, d'autant que rien ne garantit que les 400 millions d'euros issus de la vente grecque ne viennent abonder le ministère des armées, alors que l'acquisition de douze Rafale neufs coûterait autour de 1 milliard d'euros. Le combat avec Bercy sera rude. Je reste vigilant, et je crois que nous devrions tous l'être.

En quatrième et dernier lieu, le SCAF. Après les premiers travaux d'architecture lancés en 2018, il nous faut franchir une nouvelle étape et initier, dès 2021, la réalisation d'un démonstrateur. Les discussions entre les trois parties prenantes semblent achopper sur l'écueil du financement de ces travaux et pourtant la proximité des élections générales allemandes, prévues en septembre 2021, impose d'aller vite. Là aussi, il y a un point de vigilance.

J'en viens à présent à ma partie thématique, consacrée à la montée en puissance de l'armée de l'air et de l'espace. Je ne reviendrai pas sur les grands déterminants de la politique spatiale de défense, parfaitement décrits par nos collègues Olivier Becht et Stéphane Trompille, dont les travaux ont nourri la stratégie spatiale du ministère des armées. Nous savons tous ici que l'espace militaire demeure un domaine très actif, comme en atteste une série d'événements observés ces derniers mois. Le 15 avril dernier, la Russie a procédé à un tir antisatellite depuis le sol ; une semaine plus tard, l'Iran a mis en orbite son premier satellite militaire ; le 17 mai, la Space Force américaine a procédé au sixième lancement du mystérieux avion spatial militaire X‑37B ; en juillet, Kosmos‑2542, un satellite russe en orbite basse, aurait libéré un objet présenté comme un projectile antisatellite. Au sortir de l'été, la Chine semble avoir procédé à un vol d'essai d'un avion spatial proche du X‑37B, qui serait resté en orbite basse deux jours, y aurait largué un objet et serait revenu se poser. Et pendant tout ce temps le fidèle satellite butineur russe Luch-Olymp a maintenu son activité sur l'orbite géostationnaire… Le domaine spatial est peu à peu devenu un domaine opérationnel militaire à part entière.

C'est dans ce contexte qu'a été créé, en septembre 2019, le commandement de l'espace (CDE), venu prendre la suite du commandement interarmées de l'espace, et qu'un an plus tard, le 11 septembre 2020, l'armée de l'air est officiellement devenue l'armée de l'air et de l'espace. La montée en puissance du commandement de l'espace devra suivre deux axes. Premièrement, sur le plan organique, le CDE réunit aujourd'hui autour de deux cent vingt personnes issues des différents services impliqués dans le domaine spatial. Dispersés sur plusieurs sites, ces personnels seront renforcés pour atteindre jusqu'à cinq cents personnes à l'horizon 2025 dont quatre cents réunis à Toulouse, auprès du Centre national d'études spatiales (CNES). Aujourd'hui, une trentaine de personnes ont déjà été accueillies au sein des équipes du CNES. Il me semble aussi que cette montée en puissance organique pourrait s'accompagner d'une meilleure reconnaissance. Le président de la République annonçait ainsi un « grand commandement », tandis que le spatial était identifié comme l'une des priorités du ministère des armées.

Pour traduire cette priorité, Olivier Becht et Stéphane Trompille préconisaient notamment de nommer à la tête de ce grand commandement un général quatre étoiles. Vous-même, Madame la présidente, souhaitiez pareil destin au général Friedling, lorsqu'il s'était présenté devant nous en juillet. Les représentants de la majorité n'ayant pas été entendus, je doute d'avoir plus de poids auprès du Gouvernement, mais sachez qu'il s'agit également de l'une de mes recommandations. Il est difficilement concevable, d'après moi, que le commandant de l'espace comme, du reste, le commandant du cyber ou celui des opérations spéciales, restent cantonnés à la troisième étoile.

Deuxièmement, sur le plan capacitaire, environ 5 milliards d'euros sont prévus pour le domaine de l'espace, tous programmes confondus, permettant la mise en service de plusieurs capacités spatiales majeures durant la période de la LPM. Faute de temps, je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des programmes concernés. Je me focaliserai sur le nouveau programme à effet majeur ARES, qui couvre l'ensemble des moyens de surveillance de l'espace et d'action dans l'espace.

De manière plus spécifique, un démonstrateur de nanosatellites guetteur‑patrouilleur, baptisé Yoda, sera mis en orbite en 2023, avec pour objectif de prouver notre capacité à mener des opérations en orbite géostationnaire. Sur la base des résultats obtenus par Yoda, un satellite patrouilleur plus lourd et véritablement opérationnel pourra ensuite être lancé vers 2030. Dans cette perspective, il nous faudra nous assurer que la maîtrise de l'espace figure au rang des priorités de l'actualisation de la programmation.

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L'Italie et l'Allemagne, pays tout à la fois rivaux et partenaires, ont choisi d'investir des sommes considérables sur des filières d'avenir et particulièrement sur des programmes d'observation de la Terre et de télécommunication. Le changement de tutelle de la filière spatiale, qui passe du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à celui de l'économie, a permis d'obtenir des marges financières, mais cela suffira-t-il à garder les moyens de nos ambitions ? La France n'est-elle pas en train de perdre son leadership ?

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La commande de Rafale par nos amis grecs – douze appareils d'occasion et six appareils neufs – est évidemment une bonne nouvelle, à la fois pour notre industrie de défense, Dassault en première ligne, et pour tous les sous-traitants : je pense aux sourires que j'ai vus sur les visages des salariés de Safran, ex-SNECMA, sur le site de Villaroche, en Seine-et-Marne, quand je leur ai annoncé qu'un appareil français s'exportait en Europe.

Pourriez-vous nous préciser quelles conséquences aura cette commande sur le format de notre aviation de combat : est-il possible de mesurer dès maintenant les effets du retrait, à terme, de ces douze appareils ? Quelles sont les compensations prévues ? Cela va-t-il entraîner des coûts supplémentaires ? Y a-t-il lieu de craindre que ce qui est une vraie bonne nouvelle pour notre industrie soit une mauvaise nouvelle en termes opérationnels ?

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La pollution de l'espace exo-atmosphérique est un danger de tous les instants pour nos matériels, et la nuée de minisatellites qui se répand ne va pas améliorer la situation dans les années qui viennent. Sur les 5 milliards d'euros dévolus à l'espace, quelle part sera consacrée au suivi des objets dans l'espace exo-atmosphérique ? Quelle est notre capacité à limiter et même à réduire cette pollution ?

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Je souhaiterais avoir un peu plus de précisions sur les conséquences du choix de verticalisation de la maintenance. Vous avez signalé que le Service industriel de l'aéronautique (SIAÉ) – je pense notamment à l'atelier industriel aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand – avait beaucoup progressé. C'est vrai du niveau de soutien industriel, qui concerne deux C-130. Une intervention de soutien opérationnel d'un C-130 a également lieu dans l'antenne d'Orléans. Avez-vous fait le bilan des externalisations ? Quel est le niveau d'intervention du SIAÉ dans le maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs ? Cette maintenance comporte-t-elle une part d'externalisation ?

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Le contrat pour les Rafale est une excellente nouvelle, mais qui appelle notre vigilance. Ma question, d'ordre opérationnel, sur le format de nos armées, qui rejoint la préoccupation de M. Thiériot : n'est-on pas en train de réserver, durant une période qu'on pourrait qualifier d'intermédiaire, l'emploi des Mirage rénovés aux théâtres du type OPEX de moindre intensité, dans la bande sahélo-saharienne – et de recentrer nos Rafale sur des missions très souveraines, de plus haute intensité, comme celle des forces aériennes stratégiques (FAS) ?

Par ailleurs, l'Eurodrone doit être livré en 2025. Pour 2021, 650 millions d'autorisations d'engagement et 36 millions en CP sont inscrits. Le programme est-il en bonne voie ?

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Ce n'est pas le rapport le plus facile… Quoi qu'il en soit, je me réjouis de ce que je vous ai entendu dire, Monsieur le rapporteur pour avis. C'est certainement un des points sur lesquels notre pays doit porter un effort important pour rattraper un peu du retard que nous avons pris – alors qu'à une époque nous avions de l'avance. Et si la dissuasion devait se jouer là ? John Fitzgerald Kennedy l'avait bien senti, dès 1961, dans le discours célèbre où il en appelait à un nouvel esprit chez l'homme, qui avait fait diversion à un moment où le monde était au bord de la troisième guerre mondiale – nous pourrions bien y arriver. Cela nous permettrait peut-être aussi de suivre les 206 individus qui ont été relâchés au Mali, en même temps que notre si chère détenue, qu'il faudrait peut-être surveiller elle aussi, d'ailleurs.

(Sourires.)

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Vous nous avez fait part de vos inquiétudes à propos du SCAF. Si ma mémoire est bonne, l'étude de concept avec nos amis Allemands avait coûté 65 millions d'euros, et dès cette étape le processus avait été laborieux. On achoppait particulièrement sur des questions de propriété industrielle. Un deuxième contrat doit suivre – de 155 millions d'euros, me semble-t-il – pour lancer le démonstrateur. Qu'est-ce qui bloque à nouveau : s'agit-il des mêmes problèmes, ou bien des éléments supplémentaires doivent-ils être pris en compte ? Plus on prend du retard, plus le projet est susceptible d'être remis en cause. Il faut en arriver à une phase où tout retour en arrière serait impossible.

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Dans le bleu budgétaire de la mission pour 2021, page 242, à l'action 57 « Préparation des forces aériennes – Personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » », je constate la création de nouveaux services, dans le cadre de la mise en œuvre de l'armée de l'air et de l'espace. Pourtant, les forces aériennes perdent globalement 215 ETP en 2021. Comment les nouveaux services vont-ils être dotés en ressources humaines ?

Enfin, permettez-moi de sortir un instant des questions purement budgétaires : dans quelle mesure pouvons-nous envisager des sanctions à l'encontre des aéronefs enfreignant les règles de l'espace aérien et entraînant une intervention de nos forces dans le cadre de la police de l'air ?

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Madame Dubois, pendant fort longtemps nous avons été leaders, comme l'a rappelé M. Lassalle, puis nous nous sommes un peu reposés sur nos lauriers. Nous sommes à un moment charnière : malgré les sommes considérables engagées par nos rivaux et alliés, nous disposons encore de grandes ressources, en particulier de techniciens et d'ingénieurs de qualité. Cela m'a été confirmé par le CNES, par l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et par l'ensemble de mes interlocuteurs. Nous avons de grands talents et une capacité importante. L'ambition du Gouvernement, qui a décidé d'allouer des crédits à l'espace, arrive à point nommé, mais il ne faudra pas que cette courbe ascendante connaisse d'inflexion, car nous prendrions très vite du retard. Nous n'avons plus le droit de stagner et encore moins de faire machine arrière : dans ce cas, effectivement, nous ne serions plus à la hauteur des enjeux.

Concernant nos partenaires européens, je ne crois pas qu'il y ait de grandes rivalités : chacun a ses spécificités, dans ses domaines de compétence respectifs. Certains sont plus forts dans les radars ; nous, ce sont les images. La plupart du temps, cela se passe en bonne intelligence, de manière harmonieuse. Je ne vois pas de difficulté insurmontable avec nos alliés européens : il y a une volonté commune de rester présents dans le domaine spatial.

Monsieur Thiériot, nous nous réjouissons tous de la commande grecque : c'est la première fois qu'un pays européen commande des Rafale. Ce n'est donc pas anodin. Cela dit, cette commande aura effectivement des conséquences sur le format de notre aviation de chasse. La ministre nous a rassurés : douze appareils neufs seront commandés d'ici à la fin de l'année. Mais, entre-temps, l'armée de l'air connaîtra une réduction temporaire de sa capacité. Le recomplètement doit donc se faire le plus rapidement possible. Il ressort de mes échanges avec l'état-major de l'armée de l'air qu'il faut aussi faire monter en gamme les appareils restants par l'acquisition d'équipements qui font actuellement défaut, comme les pods ou les radars à antenne active. Dans tous les cas, il est impératif de tenir l'objectif de 129 Rafale au sein du parc à l'horizon 2025. Cet objectif a été rappelé par la ministre.

Il faut également avoir présent à l'esprit le fait que d'autres commandes pourraient intervenir à la suite de celle de la Grèce, en particulier de la part des autorités croates, a priori pour des appareils d'occasion. Les Suisses, quant à eux, se sont prononcés lors d'une votation pour l'acquisition d'appareils neufs. S'ils n'ont pas encore tranché en faveur du Rafale, il semblerait que nous soyons bien placés. J'appelle évidemment ces commandes de mes vœux, mais si d'autres appareils devaient être prélevés dans l'armée de l'air, la situation pourrait se tendre. Il est indispensable, dans un contexte où notre supériorité aérienne fait l'objet d'une contestation croissante, d'intensifier la modernisation de l'aviation de combat en rehaussant les capacités actuelles, en poursuivant les travaux sur les standards F4 puis F5 du Rafale et en continuant d'avancer sur le SCAF – j'y reviendrai.

Monsieur Favennec Becot, vous soulignez un problème que tous ceux qui s'intéressent au domaine spatial ont présent à l'esprit : celui des débris. Il est notamment traité dans le cadre du programme de surveillance spatiale, mais je ne saurais vous indiquer le détail des financements. Je vous ferai parvenir les renseignements lorsque je les aurai. Sachez que le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), à Lyon-Mont Verdun, participe à la mission d'anticipation de la trajectoire de retombée d'objets sur la Terre.

Monsieur Chassaigne, concernant la verticalisation, les résultats commencent à se faire sentir, mais cela prend du temps, et les choses ne vont jamais assez vite. Nous avons des gens très compétents dans nos armées, notamment parmi les mécaniciens et tout le monde, y compris les industriels, veut aller vite et faire mieux. Je ne perçois aucun frein. Je salue également la volonté de la ministre, qui ne lâche rien dans cette affaire. Je suis donc plutôt optimiste, mais il est vrai qu'il faut faire vite. Cela dit, nous sommes face à une problématique particulière : il y a d'un côté une flotte vieillissante et de l'autre de nouvelles flottes qui ne sont pas encore matures. En outre, l'arrivée de nouvelles flottes entraînera certes une amélioration du service, mais aussi, forcément, une explosion des coûts. Cela fait partie des enjeux à venir. C'est compliqué, mais nous ferons tout pour que cela fonctionne – les gens sont motivés pour que ce soit le cas.

Monsieur Larsonneur, je l'ai dit dans mon propos introductif : au Levant, on est obligé d'engager des Rafale compte tenu compte tenu des équipements au sol et de la densification de l'espace aérien. On est ainsi déjà passé des Mirage aux Rafale sur le théâtre de l'opération Chammal. Les Mirage 2000-D sont plutôt destinés au théâtre sahélien, car ils sont dépourvus de capacités air-air. Les Mirage 2000-5, chers à mon ami Christophe Lejeune, sont plutôt affectés à la défense aérienne, y compris dans les missions de réassurance au profit des pays baltes. Les Rafale sont évidemment destinés aux missions de haute intensité. Il n'y a pas de doute sur cette répartition des rôles dans l'aviation de chasse.

Selon les informations dont je dispose, l'Eurodrone est en bonne voie. Le programme suit son cours, sans difficulté particulière.

Monsieur Lassalle, la dissuasion repose largement sur le spatial, en effet. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter les chaînes d'assemblage aux Mureaux, mais cela permet de percevoir la dualité de l'industrie aérospatiale : il y a d'un côté la chaîne d'assemblage d'Ariane, et de l'autre celle des M51. Pour dire les choses simplement, c'est juste une différence de diamètre.

Concernant le suivi des terroristes libérés, vous n'avez pas tort, mais on dispose de moyens de surveillance de très haut niveau, qui sont mis au service des opérations extérieures en cours.

Madame Thillaye, je ne suis pas inquiet à propos du SCAF, mais il faut être vigilant. Un accord sur les aspects opérationnels a été conclu, au moins pour les grandes lignes, entre l'Allemagne, l'Espagne et la France. Ce qui freine, ce sont les aspects d'ordre financier. J'ai lu récemment des articles dans la presse à ce propos, tout comme vous certainement : la volonté y est, le tout est de savoir qui met combien. C'est une question complexe. La rencontre bilatérale, il y a quelques semaines, entre Mme Parly et son homologue allemande est plutôt encourageante. Les discussions vont se poursuivre. J'espère qu'elles iront dans le bon sens.

Vous m'avez interrogée, comme Mme Mirallès, sur les ressources humaines et le recrutement. La crise sanitaire a eu un faible impact sur l'armée de l'air. L'implication de ses forces, dès le début, a donné d'elle une image dynamique. Le 31 janvier, le premier rapatriement de ressortissants français et européens en provenance de Chine a été réalisé par l'escadron Estérel, qui les a ramenés en Provence. L'engagement de l'armée de l'air s'est poursuivi avec le transport de malades et de soignants par A400M et MRTT médicalisés, équipés du module de réanimation pour patients à haute élongation d'évacuation (MORPHÉE). La crise a ainsi constitué une belle phase de communication, ce qui est toujours bénéfique en termes de recrutement.

Par ailleurs, du fait de la crise du secteur aéronautique, l'armée de l'air a enregistré moins de départs : l'attractivité du privé ne joue plus du tout. Cela ne va pas durer, car le secteur aéronautique civil reprendra bien un jour – en tout cas, c'est ce que nous souhaitons tous. Quoi qu'il en soit, le recrutement reste un défi : il faut y être vigilant. De nouveaux besoins apparaissent, notamment dans le domaine spatial, mais aussi pour la mise en œuvre des drones. Les marges de manœuvre les plus importantes sont prévues entre 2024 et 2025, avec la création de 900 postes. En outre, certaines catégories d'emploi de l'armée de l'air sont fragiles : les mécaniciens, par exemple, ou encore, même si l'on en parle moins souvent, les fusiliers commandos de l'air. Si la crise sanitaire n'a donc pas eu, contre toute attente, d'effet catastrophique, il faut rester vigilant, car elle se terminera un jour ou l'autre.

La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces : Équipement des forces – dissuasion (M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis).

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À mon tour de m'exprimer pour rapporter devant vous les ressources inscrites au PLF pour 2021 au profit de l'équipement des forces et de la dissuasion. Je tenterai de me montrer à la hauteur de mon prédécesseur, Jean‑Charles Larsonneur.

Avec 21 milliards d'euros demandés en autorisations d'engagement et 13,6 milliards d'euros en crédits de paiement, le programme 146 « Équipement des forces » bénéficie de l'essentiel de la hausse du budget de la mission « Défense » : il se voit affecter près de 65 % des nouveaux crédits. L'effort consenti par la Nation en faveur de la défense est d'autant plus remarquable qu'il s'inscrit dans un contexte budgétaire contraint, en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques.

Avant d'évoquer les crédits inscrits pour l'année prochaine, permettez-moi de dire un mot de l'année en cours.

La base industrielle et technologique de défense (BITD) a été brutalement affectée par le coup d'arrêt porté à l'industrie au printemps dernier. Elle sera affectée durablement, aussi, en raison de l'absence de reprise, en particulier dans le secteur aéronautique, et de l'assombrissement des perspectives en matière d'exportation d'armement.

Dès le début de la crise, le ministère des armées s'est mis en ordre de bataille, en liaison avec les autres départements ministériels et les acteurs industriels, afin de limiter autant que possible l'impact de cette dernière sur la conduite des programmes d'armement. Il a ainsi été possible de livrer aux forces des véhicules Griffon, un avion Atlantique 2 rénové, ou encore le dix-septième A400M. De même, la DGA a été en mesure de poursuivre des essais, dont un tir du missile stratégique M51, le 12 juin, ainsi que la mise à l'eau pour essais en mer du premier sous-marin nucléaire d'attaque du programme Barracuda, le Suffren.

Toutefois, certains programmes connaissent des retards, dont la DGA estime qu'ils seront résorbés d'ici à la fin de l'année 2021, la plupart devant l'être l'été prochain.

Dans le même temps, d'autres programmes ont connu une véritable accélération, dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

D'importantes annonces capacitaires devraient également intervenir prochainement concernant la propulsion du futur porte-avions, mais aussi l'option retenue s'agissant du SNA Perle, ou encore les modalités de financement des douze Rafale neufs dont la ministre a annoncé ici même la commande.

J'en viens à présent au PLF pour 2021.

Les crédits du programme 146 permettront de poursuivre la remontée en puissance capacitaire de nos armées – mes collègues rapporteurs en ont déjà dit un mot. Je signalerai simplement, au titre des commandes, celles des premiers hélicoptères Guépard, au profit des trois armées, et au titre des livraisons, celles de matériels lourds, de missiles ou encore de torpilles, là encore au profit des trois armées. Vous trouverez la liste complète de ces commandes et livraisons dans mon avis. Retenons simplement que 2021 sera une année faste pour l'ensemble des systèmes de forces.

J'aimerais également dire un mot de la préparation de l'avenir. Je ne reviendrai pas sur les études amont, évoquées par Fabien Gouttefarde, même si cette partie du programme 144 intéresse également le rapporteur des crédits de l'équipement des forces. Saluons simplement l'accroissement de leur financement, à hauteur de 900 millions d'euros en crédits de paiement.

En revanche, comment ne pas évoquer l'actualisation de la programmation militaire ? Les chefs d'état-major ont tous souligné devant nous l'exigence de se préparer à une intensification des tensions. Tous les milieux sont concernés et, après une LPM de réparation et de consolidation, il s'agit de poser les jalons de l'Ambition 2030, décrite par le rapport annexé.

Face à l'accélération des désordres du monde, nous devons poursuivre quatre objectifs.

Premièrement, garantir le respect des dispositions de la LPM, sans concéder le moindre recul.

Deuxièmement, continuer à amplifier notre effort, afin de remédier aux fragilités capacitaires identifiées.

Troisièmement, assurer la montée en gamme de la préparation opérationnelle, ce qui impose, par exemple, de compléter les stocks de munitions.

Quatrièmement, fournir un effort important en matière de ressources humaines, alors que l'essentiel des créations de postes prévues par la LPM doit avoir lieu entre 2023 et 2025.

J'en arrive à la partie thématique de mon avis, consacrée au soutien aux PME et PMI stratégiques. Celles-ci constituent l'essentiel du tissu industriel de la BITD, auquel nos collègues Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux ont consacré un rapport il y a quelques mois. Ce tissu industriel est composé de 4 000 entreprises environ, employant aux alentours de 200 000 personnes.

Les PME et PMI sont aussi la richesse de la BITD, car leurs personnels détiennent des compétences stratégiques des plus critiques, parfois même orphelines – comme on le dit de celles qui ne servent qu'à un type de projet, à l'instar de la construction d'un SNLE. Or elles ont été durement frappées par la crise. Nous le constatons tous, chaque jour, dans nos territoires.

De manière plus précise, le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) estime que l'industrie du terrestre enregistrera une perte de 15 % environ de son chiffre d'affaires. La chute est beaucoup plus prononcée pour les entreprises de l'aéronautique, souvent duales : elles redoutent une diminution de 40 % en moyenne, pouvant aller jusqu'à 70 % dans le cas de certaines PME. N'oublions pas non plus les entreprises du secteur naval, fortement exposées elles aussi à la baisse du marché civil des croisières.

L'ampleur de la crise et son inscription dans la durée s'expliquent par la conjugaison de deux facteurs : d'une part, la contraction de la demande nationale et l'absence de reprise du trafic aérien, et, d'autre part, l'absence de reprise des marchés d'exportation. Au fond, il y va de la pérennité de nos PME et de nos PMI stratégiques, et donc du maintien de notre souveraineté.

La réponse apportée par l'État a été forte et efficace. La mise en place d'un dispositif renforcé d'activité partielle et les prêts garantis par l'État (PGE) ont été salutaires. De son côté, le ministère des armées a pris des mesures spécifiques : anticipation des paiements par la DGA, mise en place d'une task force chargée d'identifier et d'aider les structures les plus fragiles, plan de soutien, doublement de Definvest et création de Definnov, etc. N'oublions pas non plus que le plan de relance bénéficiera aux entreprises de la défense, qui sont légitimes et armées pour répondre aux futurs appels d'offres.

Mais, face à l'ampleur de la crise, il convient de s'interroger sur les moyens d'affermir notre politique de soutien en faveur des PME et des PMI stratégiques. À mon sens, plusieurs axes d'action méritent d'être poursuivis.

Premièrement, allonger les délais de remboursement des PGE.

Deuxièmement, réapprovisionner les stocks de petits équipements et de pièces détachées, ce qui aurait un effet immédiat pour des entreprises dont le carnet de commandes paraît bien vide au-delà de quelques semaines.

Troisièmement, étudier la possibilité d'anticiper à nouveau des commandes prévues par la LPM, sur le modèle du volet militaire du plan de soutien au secteur aéronautique. On pourrait penser au remplacement des camions GBC de l'armée de terre ou au renouvellement de l'ensemble de la flotte Puma.

Quatrièmement, mener une politique volontariste en matière de relance de l'export, alors que certains de nos compétiteurs profitent de notre absence pour ravir des marchés. À court terme, je pense aux potentielles commandes croate ou suisse de Rafale. Il y a aussi là un enjeu de financement de l'industrie de défense, face à la timidité de certaines banques.

Cinquièmement, conforter notre arsenal juridique afin de protéger davantage encore les entreprises stratégiques face aux investissements étrangers en France. Il y a là un vrai risque de perte de contrôle face aux appétits voraces de nos compétiteurs.

Sixièmement, accompagner un mouvement de consolidations, afin de remédier au morcellement du tissu industriel stratégique.

Avant de conclure et de répondre à vos questions, je n'oublie pas l'essentiel : je recommande évidemment l'adoption des crédits proposés par le Gouvernement.

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Je salue ce très bon rapport, tout en étant un peu dubitatif quant à l'emploi de certains termes – je veux parler de la protection des « PME et PMI stratégiques ». Soyons attentifs à ne pas viser seulement les PME et PMI ayant des marchés stratégiques avec la défense : il y a aussi toutes les petites entreprises qui fournissent en particulier le petit matériel de l'armée, auquel Jean-Pierre Cubertafon et moi-même avons consacré un rapport d'information. Si l'on parle uniquement des « entreprises stratégiques », cela peut vouloir dire que les autres peuvent passer à la trappe.

Je voulais vous interroger plus particulièrement sur un point qui n'entre peut-être pas dans le champ de votre rapport : notre participation à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Il ne s'agit pas de soulever la question politique du maintien dans l'organisation, mais celle du coût que cela représente.

D'abord, il y a des conséquences directes pour nos intérêts commerciaux et industriels. En effet, il ne faut pas se faire d'illusions : ce qui est important pour les États-Unis avec l'OTAN – dans la mesure où, d'ailleurs, ils se désengagent de nombreux conflits –, c'est essentiellement de vendre du matériel. De fait, la concurrence qu'ils nous font est terrible, notamment en Pologne, dans les pays Baltes, en Hongrie, en Roumanie et dans bien d'autres pays d'Europe centrale.

Mais ma question est plus précise : trouve-t-on indiqué quelque part le coût de ce que représente notre participation à l'OTAN ? Par exemple, nous assurons la permanence aérienne dans les pays baltes et nous mettons à disposition 400 personnes environ qui travaillent dans les services de l'OTAN. Tout cela a-t-il été chiffré ?

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L'année dernière, votre très distingué prédécesseur soulignait que les capacités des industriels à honorer les commandes nécessitaient un suivi attentif de la part de la DGA. Or, sur le plan technologique et industriel, ces derniers ont dû faire face à des difficultés, notamment avec le nouvel autodirecteur des missiles Exocet et les problèmes de vétronique des véhicules SCORPION. Thales a proposé, à ce titre, un plan de confiance pour répondre à la nécessité de redresser certains programmes. Ce plan vise à résoudre les problèmes des industriels, qu'il s'agisse des insuffisances dans le management ou de l'inadéquation des organisations. On peut comprendre aussi que les industriels aient pâti de l'impact du covid-19.

La DGA, qui veille déjà au suivi des commandes, devrait intégrer les problèmes liés à la pandémie, ainsi que les nouveaux objectifs que le politique va devoir fixer dans le cadre de la révision de la LPM. Ma question est donc la suivante : quelles sont les commandes qui doivent encore être engagées par la DGA d'ici à la fin de l'année ?

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Je passe mon tour : la présentation du rapporteur pour avis à propos de la stratégie des PME-PMI était très complète.

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Jean-Jacques Ferrara a évoqué avant vous la commande grecque de Rafale pour l'armée de l'air : j'aimerais connaître votre point de vue sur l'impact qu'aurait la confirmation de cette commande.

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Monsieur le rapporteur pour avis, je vous sais gré d'avoir souligné dans votre partie thématique l'importance qu'il y a à soutenir nos PME-PMI : c'est un enjeu essentiel. Vous avez également cité le rapport que j'ai consacré à la question avec notre collègue Benjamin Griveaux.

Parmi les points de vigilance que vous avez soulignés, il y a celui du financement de nos entreprises de défense. Le GICAT a produit une note, dont La Tribune s'est fait l'écho aujourd'hui, concernant les difficultés de financement rencontrées à la fois auprès de grandes banques de la place, en France, et de fonds d'investissement. Outre les risques purement juridiques, ce sont les règles de compliance qui sont en cause : elles sont fondées sur des interprétations extrêmement exigeantes en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), mais aussi sur l'extraterritorialité de certaines législations – je pense notamment au droit américain –, et tiennent compte des risques de poursuites, y compris pénales, sur le fondement du droit international humanitaire. Que peut-on faire pour éviter que, pour le financement de nos entreprises, ce soient les juristes qui prennent la main, et non plus les stratèges et les banquiers ?

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Le rapporteur pour avis a évoqué de nombreux points intéressants dans son propos introductif, de la très haute technologie aux GBC de l'armée de terre, lesquels sont tout aussi importants.

Mes deux questions concernent chacune des extrémités du spectre.

Tout en haut du spectre, il y a la dissuasion, à laquelle les Français sont très attachés. Le Président de la République devait d'ailleurs se rendre aujourd'hui même au Creusot, en Saône-et-Loire, sur le site de Framatome. La semaine dernière, pour ma part, j'ai eu l'occasion de constater une fois encore à quel point les liens sont étroits entre les filières nucléaires civile et militaire. Quand il est question du nucléaire militaire, on pense bien entendu aux armements, mais la propulsion est également fondamentale, notamment pour la furtivité des SNLE. Est-il possible d'estimer les économies associées à la mutualisation de ces deux filières ? Cela me semble particulièrement important au moment où l'on parle de l'avenir de la filière nucléaire civile.

Ma seconde question sera plus courte. Vous nous avez fait part de votre préoccupation à l'égard du stock de munitions ; je la partage. Pouvez-vous nous dire comment sont dimensionnés ces stocks, notamment pour le petit calibre – enjeu particulièrement sensible compte tenu de l'absence de production nationale ?

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Je suis tout à fait d'accord avec Dédé le Rouge (Sourires) au sujet de l'OTAN : pourquoi payer autant pour ouvrir la porte à ceux qui ne sont pas nos grands amis en ce moment ? J'ai aussi une question un peu iconoclaste : ne pourrions-nous pas trouver un système de dissuasion – y compris sur un plan intellectuel – dans le combat de rue qui s'ouvre et qui va perdurer plusieurs années dans nombre de nos cités ?

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Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, d'avoir repris le flambeau du programme 146, qui m'est cher, et dont Jean-Jacques Bridey est aussi un très fin connaisseur. Je souhaite vous interroger sur les patrouilleurs futurs, et c'est d'ailleurs l'occasion pour moi de rendre hommage à nos industries dans ce domaine : je pense notamment à CNN MCO et à Socarenam, que je salue.

Ces patrouilleurs sont stratégiques, notamment nos patrouilleurs outre-mer (POM), dans un contexte de montée des tensions en Chine méridionale ou en Nouvelle-Calédonie. Le premier POM doit être livré en 2022 et le programme doit s'étaler jusqu'en 2025. Je crois qu'il n'y a aucune autorisation d'engagement cette année, et seulement 39 millions de crédits de paiement : pouvez-vous le confirmer ? Ce programme bénéficie-t-il, selon vous, des crédits adéquats ? Pourra-t-il être accéléré, notamment pour les POM ?

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Dans la sous-action 08.46 relative à la rénovation des Cougar, je note un écart de disponibilité des hélicoptères de manœuvre, entre l'armée de terre – 37 % – et l'armée de l'air – 87 %. Ces rénovations sont-elles communes aux deux armées ?

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La France possède nombre d'entreprises innovantes et compétitives, dans des secteurs stratégiques essentiels ; elles nous sont enviées par d'autres nations et sont présentes dans le monde entier. Nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement ait décidé de mieux les protéger en 2018, en étendant à de nouveaux secteurs, comme l'intelligence artificielle ou le stockage de données, l'obligation pour les investisseurs étrangers d'obtenir une autorisation préalable de Bercy. En matière de défense, considérez-vous que nos entreprises stratégiques sont suffisamment protégées face aux appétits de ces compétiteurs ?

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Monsieur le président Chassaigne, lorsque j'ai évoqué les PME et les PMI stratégiques, je voulais évidemment parler de toutes les entreprises de la BITD. Il nous faut les protéger toutes, particulièrement celles qui sont orphelines dans leur domaine de compétences.

Le coût de la présence française dans l'OTAN peut s'analyser à différents niveaux. Cela représente certes un engagement financier, mais il correspond à la volonté politique de la France de faire partie de cette organisation internationale et de respecter ses engagements. Son coût proprement dit ne figure pas dans le programme 146 : je vais donc me renseigner pour vous répondre. Le fait que la France utilise des armes de différents calibres est une bonne chose : même si l'uniformisation du matériel permettrait de réaliser des économies d'échelle, elle risquerait aussi de nous rendre dépendants de nos amis américains.

Monsieur Marilossian, le DGA, que nous avons interrogé à ce sujet il y a quelques jours, nous a indiqué qu'il restait 10 milliards d'autorisations d'engagement à utiliser d'ici à la fin de l'année et que les délais seraient trop courts pour le faire. La crise sanitaire y est pour quelque chose mais aussi, et surtout, le niveau extrêmement élevé, et même sans précédent, des autorisations d'engagement fixées en loi de finances pour 2020, à hauteur de 24 milliards. Ce qui paraît essentiel, c'est que les milliards d'euros qui ne seront pas engagés d'ici la fin de l'année puissent l'être au titre de l'exercice 2021. Le DGA est en discussion avec Bercy, mais surtout avec Matignon, et il pense qu'il y a de grandes chances que cela aboutisse. Je pense que nous pourrions, collectivement, adresser un courrier au Premier ministre pour lui rappeler la nécessité de maintenir ces autorisations d'engagement et de reporter en 2021 les crédits qui n'auront pas été consommés au cours de l'exercice 2020.

Monsieur Thiériot, vous avez évoqué le rapport du GICAT, qui pointe un sous-financement de nos entreprises de défense. Mme la présidente Françoise Dumas est attentive à cette question, vous le savez, et nous avons entendu les grandes entreprises d'armement. Il faut absolument que le Parlement agisse, mais je pense que c'est à l'échelle européenne que les choses doivent se faire. Peu de nos programmes sont strictement franco-français ; c'est donc avec nos alliés politiques et industriels que nous devrons trouver une réponse. Nous ne pouvons pas laisser partir certains projets parce que nos entreprises n'auront pas pu être financées. Il faut absolument agir sur ces questions.

Monsieur Gassilloud, vous avez posé la question de la mutualisation entre le civil et le militaire dans le domaine nucléaire. Je pense sincèrement que sans la recherche sur la dissuasion militaire, le nucléaire civil n'existerait pas. Le projet Laser Mégajoule est un investissement lourd. C'est Jacques Chirac qui a mis fin aux essais nucléaires et Manuel Valls, vingt ans plus tard, qui a inauguré le Laser Mégajoule : au-delà de la simple approche politico-politicienne, c'est la raison d'être de la France. Pour ma part, je ne parlerai pas de mutualisation, mais de complémentarité : nous avons besoin à la fois du volet militaire et du volet civil pour que les deux puissent avancer.

Vous avez également évoqué, à l'autre bout du spectre, les armes de petit calibre. Nous disposons de plusieurs rapports parlementaires, qui montrent que nous ne sommes pas indépendants pour la production d'armes de petit calibre. Nos différents chefs d'état-major nous ont indiqué que ce n'était pas une nécessité absolue, tant que nous étions capables de nous fournir auprès d'industriels européens. Nous devons tout de même veiller à accompagner celles de nos entreprises qui fabriquent des munitions de petit calibre ou supérieur, en leur passant commande, par exemple dans le cadre du plan de relance : ce serait une façon de les soutenir économiquement, tout en renouvelant nos stocks.

Monsieur Lassalle, vous avez parlé de dissuasion dans les rues : qu'il faille rétablir l'ordre républicain dans tous les quartiers et territoires de notre pays, c'est effectivement une bonne chose, mais de là à utiliser la dissuasion nucléaire, c'est un peu exagéré…

(Sourires.)

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En tout cas, cela ne figure pas dans le programme 146.

Monsieur Larsonneur, la première livraison de POM est prévue en 2022 et la dernière en 2025. Pour cette année, des crédits de paiement sont effectivement prévus, mais pas d'autorisations d'engagement. Peut-être pourrions-nous, lorsque nous réviserons la trajectoire de la LPM, anticiper l'arrivée des POM.

Monsieur Fiévet, accompagner nos PME et nos PMI à l'export est une façon de les protéger, y compris contre les compétiteurs étrangers : la crise sanitaire et économique les a fragilisées et, si le marché ne reprend pas à très court terme, elles risquent de rencontrer de vraies difficultés. Un décret dit Montebourg, en 2014, avait déjà inscrit les entreprises du secteur de la défense dans le périmètre des entreprises à protéger face à des investisseurs étrangers. Nous l'avons renforcé en ramenant la prise de participation maximale de 25 à 10 % jusqu'à la fin de l'année ; ce dispositif doit être prorogé. Le meilleur moyen qu'ont ces entreprises de se protéger, c'est de se consolider. La BITD, ce sont 4 200 entreprises en France. On a beaucoup parlé des Rafale et je rappelle que pour faire un Rafale, Dassault recourt à 500 entreprises sous-traitantes. La loi PACTE visait à faire évoluer nos PME et nos PMI vers le statut d'ETI. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de consolider nos entreprises.

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Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour cet excellent travail.

La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis).

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« Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Ils veulent qu'aucune de nos pensées ne se détourne d'eux, qu'aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout, sans aucune réserve. » Ces mots furent prononcés par Georges Clemenceau devant notre chambre le 20 novembre 1917.

Je vous remercie de m'avoir confié, pour le quatrième exercice consécutif, la fonction de rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire, liens avec la Nation ». Celle-ci s'articule autour de trois programmes budgétaires complémentaires, dont les deux premiers, les programmes 167 et 169, sont placés sous la responsabilité du ministère des armées.

Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » retrace les crédits de la journée de défense et de citoyenneté (JDC), du service militaire volontaire (SMV) et de la politique de mémoire du ressort du ministère des armées.

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » couvre les dépenses relatives à l'administration de la dette viagère, c'est-à-dire les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, l'action sociale et les mesures en faveur des harkis. Ce programme contient également les crédits nécessaires au fonctionnement de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), et de l'Institution nationale des Invalides (INI), engagée dans un vaste projet de transformation destiné à en faire un lieu de référence dans l'accueil et le suivi des victimes de syndromes post-traumatiques. La répartition des crédits se fait de la manière suivante : 43 % vont aux pensions militaires d'invalidité ; 33 % à la retraite du combattant, 20 % à l'entretien du patrimoine mémoriel, 3 % à la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG et 1 % à l'INI.

Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » relève, quant à lui, du Premier ministre.

Le projet de budget pour 2021 des trois programmes de la mission s'élève à 2,86 milliards en autorisations d'engagement et 2,89 milliards en crédits de paiement, ce qui correspond à une diminution de près de 69 millions par rapport à la loi de finances pour 2020. Il y a certes une diminution, mais moins forte que l'attrition, autrement dit le nombre d'anciens combattants qui nous ont quittés – laquelle s'établit à 7 %.

Avec Mme Geneviève Darrieusecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, la majorité mène depuis 2017 une politique constante et ambitieuse de maintien et d'extension des droits en faveur des ressortissants du monde combattant. Ce faisant, nous avons répondu aux demandes formulées à l'unanimité par les associations d'anciens combattants que nous avons réunies au sein d'un groupe de travail, le G12. Nous avons ainsi introduit : l'harmonisation des conditions d'octroi de la pension de réversion aux conjoints survivants d'avant et d'après 1962, en 2018 ; l'extension du bénéfice de la carte du combattant aux anciens militaires pouvant justifier de quatre mois de présence en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 – une mesure qui touche plus de 50 000 anciens militaires – en 2019 ; la hausse de la pension de celles qui ont renoncé à une grande partie de leur carrière professionnelle pour prendre soin de leur conjoint lourdement blessé pour la France – les grands invalides de guerre.

Enfin, dès le 1er janvier 2021, en application de la loi de finances pour 2020, les conjoints d'anciens combattants, principalement les veuves, ayant atteint l'âge de 74 ans, pourront bénéficier de la demi-part fiscale dès lors que leur conjoint avait bénéficié de la retraite du combattant. Vous vous rappelez que lorsque cette avancée notable a été votée, la commission des finances ayant repris un amendement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, votre serviteur s'est retrouvé le seul à voter contre : je suis allé mourir seul devant tout le monde, sabre au clair, et j'ai dû m'en expliquer. Il fallait que je sois logique avec ce que j'avais toujours défendu devant cette commission : j'estimais que si nous disposions d'une somme de 30 millions, il fallait avant tout nous en servir pour augmenter la retraite du combattant. Chaque année, je repoussais un amendement du groupe Les Républicains qui proposait systématiquement de le faire en prenant sur les crédits de la jeunesse. Si la commission des finances nous avait dit qu'elle disposait de 30 millions supplémentaires, nous aurions pu multiplier par deux cette augmentation.

Sur le plan budgétaire, je souhaite revenir sur cinq mesures fortes.

Premièrement, l'article 54 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit l'extension du nombre de conjoints survivants de grands invalides de guerre pouvant bénéficier d'une majoration de pension de réversion. Ainsi, une veuve de grand invalide de guerre pourra bénéficier d'un supplément de pension militaire d'invalidité (PMI) si son conjoint décédé avait bénéficié d'une PMI de 6 000 points, contre 10 000 points auparavant. Cela représente près de 5 300 euros de plus pour 200 bénéficiaires, pour un coût de 1 million d'euros environ.

Deuxièmement, au titre de son action sociale, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est doté de 25 millions, malgré la diminution du nombre de ressortissants. Le soutien aux publics en situation de fragilité reste une mission prioritaire de l'ONAC-VG. De plus, le fonds de solidarité destiné aux enfants de harkis, dont le périmètre a été élargi, s'élève à 7 millions.

Troisième mesure d'importance, le projet de loi de finances donne à l'ONAC-VG les moyens de fonctionnement nécessaires dans le cadre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour cinq ans – l'équivalent d'une LPM ! –, salué par tous les anciens combattants. Ce contrat se traduit par la remise à niveau de la subvention pour charges de service public, à hauteur de 56 millions.

Quatrième mesure : les crédits destinés à la politique de mémoire passent de 11 à 18 millions, pour retrouver leur niveau de l'année précédente – puisque nous avions pioché dans la trésorerie de l'ONAC-VG l'année dernière.

La cinquième et dernière mesure sur laquelle je souhaite insister concerne les actions envers la jeunesse : les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 15 %. Ce budget permettra de convoquer les jeunes qui doivent effectuer leur journée de défense et de citoyenneté cette année, mais aussi ceux qui n'ont pu y participer en 2020 du fait de la crise sanitaire. Enfin, le nombre de jeunes accueillis au sein du service militaire volontaire augmentera : ils seront 1 200, au lieu de 1 000 – 50 % d'entre eux s'engagent dans l'armée ou trouvent un emploi à la sortie, ce qui est un bon résultat.

Je voudrais consacrer les quelques minutes qui me restent à la partie thématique de mon avis. Vous savez que, depuis le début de cette législature, je m'intéresse à « l'armée noire » et à ce que nous devons aux tirailleurs sénégalais, malgaches et annamites. J'ai fait la liste de toutes les actions que nous menons pour entretenir leur mémoire, par exemple en prenant soin de leurs nécropoles. Le Président de la République a lui-même appelé les maires à donner à leurs rues et places des noms de glorieux tirailleurs sénégalais, réunis dans un livret.

J'ai consacré plusieurs pages de mon rapport au massacre de Thiaroye, dont j'ai appris la connaissance un jour où j'évoquais le Tata sénégalais de Chasselay. Cette nécropole abrite des tirailleurs qui ont été massacrés par des nazis, parce qu'ils étaient noirs. L'association Vigil Tricolore était venue à moi pour me dire que c'était très bien de parler de cet événement, mais que des Français avaient commis des actes équivalents au cours de la Seconde Guerre mondiale. J'ai travaillé pendant deux ans sur le massacre de Thiaroye, qui a eu lieu dans la périphérie de Dakar, le 1er décembre 1944. J'ai invité cette association à nous présenter ses doléances, car c'est un symbole fort au Sénégal et dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, mais j'ai aussi invité les historiens Pascale Blanchard, Martin Mourre et Armelle Mabon. L'important, pour moi, était que tous ceux qui travaillent sur cette question puissent exprimer leurs doléances.

Je rappelle que le président Hollande, en 2012 et 2014, s'est rendu sur place, a inauguré le cimetière et remis les archives disponibles : la France reconnaissait ainsi ce qui s'était passé à Thiaroye. L'ensemble des revendications sont réunies dans mon rapport, que je vous invite à lire. À titre personnel, j'estime que la demande de sépultures est légitime, mais nous ne pouvons pas y répondre, car nous respectons la souveraineté de la République du Sénégal. Quant à la question de la réparation individuelle ou collective, je pense que nous pourrions en débattre prochainement.

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Je vous remercie pour la passion et le sérieux que vous mettez dans vos investigations, Monsieur le rapporteur.

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Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points, mais j'ai eu d'excellentes remontées, de la part des associations d'anciens combattants, sur le travail réalisé par notre rapporteur : l'énergie qu'il déploie à les réunir et à les écouter est exemplaire, et même exceptionnelle.

Je veux insister sur la nécessité qu'il y a à réunir la commission tripartite pour adopter un mode de calcul du point de pension militaire d'invalidité. Cette décision a été prise par Mme Geneviève Darrieusecq lorsqu'elle était secrétaire d'État, en 2018 ; il est incroyable que cette commission n'ait toujours pas été réunie. Cela crée une forme de frustration parmi les associations d'anciens combattants. C'est la seule observation que je voulais faire, et je suppose que cela figure dans le rapport.

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Hier, M. Jean-Pierre Pakula, le président de l'Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX), insistait, à propos du lien entre jeunesse, armée, et nation, sur le rôle de sensibilisation que nous pourrions avoir dans les collèges ou les lycées.

J'aimerais évoquer l'association De la Pierre à l'Olivier, créée en mémoire du maréchal des logis Pierre-Olivier Lumineau, décédé en Afghanistan le 14 juillet 2012, par sa maman. Avec d'autres familles endeuillées, elle se bat pour que son enfant ne meure pas une seconde fois. Il faut soutenir ces familles qui, souvent, se sentent seules. Nous devons les inviter systématiquement à s'exprimer dans nos circonscriptions, pour continuer à faire vivre les enfants qu'elles ont perdus.

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J'ai eu les mêmes retours que le président Chassaigne sur votre travail, Monsieur le rapporteur. J'anime depuis deux ans un groupe dans lequel j'échange avec des retraités : ils m'ont fait savoir qu'ils étaient très sensibles à l'augmentation de la pension pour les veuves de grands invalides de guerre et à la disposition relative à la demi-part fiscale. Ils souhaiteraient davantage, mais ils saluent d'ores et déjà ces avancées.

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Monsieur le rapporteur, je veux à mon tour saluer la qualité de votre rapport. Dans ce travail mémoriel, il appartient à chacun de nous de faire la promotion des programmes existants : je pense par exemple au plan en faveur des harkis de deuxième et troisième générations. Avec Mme la présidente Françoise Dumas et Mme Patricia Mirallès, nous avons travaillé sur l'arc méditerranéen : promouvoir de belles réalisations, c'est une façon d'inciter les nouvelles générations à agir, afin que les crédits consacrés à ce plan soient effectivement consommés.

Même si l'enjeu mémoriel peut parfois paraître assez peu sexy, il est essentiel. Le patriotisme et les questions mémorielles ne doivent être le monopole d'aucun parti, et surtout pas de l'extrême droite. Notre combat de tous les jours, c'est de rappeler combien l'État s'engage sur cette question mémorielle. On pourrait croire que ce sont les villes qui financent les travaux dans les musées, mais c'est bel et bien l'État qui, à Fréjus, s'est engagé au côté du Musée des troupes de marine : pour la mémoire, pour le patriotisme et pour que l'on n'oublie pas ce qu'ont fait les troupes de marine depuis quatre cents ans. Il ne faut pas laisser les sujets mémoriels se faire récupérer par l'extrême droite. Nous pouvons être fiers du travail que vous avez fait, Monsieur le rapporteur, et de l'action du Gouvernement.

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Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir insisté sur les crédits destinés à la jeunesse. C'est essentiel, tant la question de la mémoire est liée à celle de la transmission aux nouvelles générations.

Nombre de cérémonies et de commémorations ont été perturbées du fait de la pandémie. Or il me semble que la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) a fait un travail remarquable : pouvez-vous nous en dire davantage sur la manière dont les commémorations doivent s'adapter à la période très particulière que nous vivons ?

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Monsieur Lassalle, je suis un marin, puisque j'ai eu la chance de grandir au pied de la base 126, très chère à Jean-Jacques Ferrara, mais j'ai le sentiment que ma mission est aussi d'être un berger : je vous invite donc à lire, dans le numéro du printemps 2020 de la revue Politique internationale, l'entretien de M. Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), avec l'imam Mahmoud Dicko dont vous parliez tout à l'heure. Ce texte est extrêmement instructif : il nous rappelle combien, sur les questions mémorielles, il importe d'éviter les amalgames et les maladresses.

Monsieur le président Chassaigne, nous avons effectivement organisé de nombreuses réunions avec les associations d'anciens combattants, car mon souhait est d'entendre tout le monde. Je remercie Mme la présidente Françoise Dumas d'avoir bien voulu organiser une table ronde, plutôt que des auditions individuelles, même si tout le monde n'a pas pu y participer : c'était la meilleure façon de procéder, compte tenu de la situation sanitaire.

La convention tripartite devait se réunir cette année mais elle a subi, elle aussi, le contrecoup de la crise sanitaire. Nous avons répondu à toutes les demandes formulées par les grandes associations réunies au sein du G12 et nous voulions terminer par cette convention tripartite, qui va réviser le niveau du point PMI, dont tout le reste découle. Elle doit aussi permettre d'aborder les dernières questions que nos glorieux aînés, ou leurs représentants, souhaitent encore poser. Il faut que nous ayons répondu à toutes ces questions à la fin de notre mandat.

Madame Mirallès, vous avez évoqué l'association De la Pierre à l'Olivier. Mme Pascale Lumineau, qui l'a fondée, avait demandé à être auditionnée, par l'intermédiaire de l'ANOPEX. Je suis allé la voir à Montpellier, où vous m'avez accueilli : elle a perdu un fils au combat et j'estimais que la moindre des choses était d'aller vers elle, pour ne pas l'obliger à se déplacer.

Elle lutte contre l'oubli. Nous avons déjà évoqué, l'année dernière, les vides qui existent dans notre protocole, notamment vis-à-vis des parents qui perdent un enfant au combat : on n'a pas de mot pour le dire. Lorsqu'un enfant perd l'un de ses parents, il devient un pupille de la nation : c'est ce qui vient encore d'arriver la semaine dernière, avec le drame qui nous a tous bouleversés. Lorsqu'une épouse perd son mari, elle est une veuve ; mais lorsque des parents perdent un enfant au combat, il n'y a pas de mot pour décrire leur situation. Mme Pascale Lumineau nous a suggéré une idée qui est en train de faire son chemin : au sein de l'état-major, on est en train d'imaginer un protocole pour témoigner notre compassion pour ceux qui sont tombés en OPEX. Cela rejoint les mots de Georges Clemenceau que j'ai cités au début de mon intervention. Ce sera une belle avancée.

Madame Mauborgne, je connais votre attachement au plan en faveur des harkis. Vous étiez présente la semaine dernière, avec la secrétaire d'État, à l'inauguration d'une boulangerie dans le Var, qui a vu le jour grâce à ce mécanisme. Cette année, ce plan bénéficie de 7 millions de crédits et il a vocation à perdurer.

Les musées sont effectivement essentiels : il y a deux ans, je m'étais particulièrement penché sur la question de la muséologie. Le ministère est très engagé au côté des musées des armées et des musées d'armes, comme celui des troupes de marine, que vous avez évoqué. Le ministère s'engagera également auprès du Musée de l'infanterie qui doit voir le jour à Draguignan : depuis le transfert de l'école d'infanterie de Montpellier à Draguignan, ses collections extraordinaires dorment dans des cartons. Mme Geneviève Darrieusecq s'y est engagée, car les aspects muséologiques sont essentiels et attractifs, notamment auprès de la jeunesse.

Cela me permet de répondre à M. Larsonneur. Nous avons des musées très attractifs qui permettent à la jeunesse d'avoir un premier contact avec la Défense. Cette année, le programme des commémorations a été extrêmement perturbé, mais la DPMA a très bien réagi : elle est par exemple parvenue à imaginer, en moins de quinze jours, une cérémonie du 14 juillet totalement nouvelle dans son format, qui a été regardée dans le monde entier. Elle a su aussi développer une offre culturelle et audiovisuelle sur internet, qui a fait un vrai carton. Il faut saluer la DPMA pour son action : elle a joué un rôle éducatif essentiel en s'invitant chez les gens en cette période de crise sanitaire. Elle a notamment créé une websérie intitulée « Comme en 40 ! », qui décrit la deuxième guerre mondiale.

Cette année, c'était l'année De Gaulle, l'anniversaire de la bataille de mai-juin 1940, mais aussi le soixante-quinzième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale et de la libération des camps. C'était aussi le cent cinquantième anniversaire de la guerre de 1870, qui devait être célébrée sous l'angle de la réconciliation franco-allemande. Et puis, ce sera l'entrée de Maurice Genevoix au Panthéon, en novembre. Toutes ces manifestations ont pu avoir lieu, dans un format dégradé, mais adapté aux circonstances. Nos services ont fait un travail remarquable pour y parvenir, notamment en développant l'interactivité sur les réseaux sociaux.

Pour finir, je voudrais dire un mot de l'environnement, en rappelant que pour l'entretien de nos nécropoles, de nos sépultures et de nos tombes, pour l'entretien des carrés militaires, des pelouses et des espaces verts gérés par ce ministère, depuis des années, on n'utilise aucun insecticide, ni aucun pesticide. Le ministère traite d'une façon absolument écologique tous les espaces qu'il entretient. Cela méritait d'être souligné.

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Je remercie tous les rapporteurs et vous donne rendez-vous cet après-midi pour l'examen des amendements et le vote sur l'ensemble des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

La séance est levée à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Françoise Ballet-Blu, M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anissa Khedher, M. Grégory Labille, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meyer, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Catherine Pujol, Mme Muriel Roques-Etienne, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, Mme Sabine Thillaye, M. Stéphane Trompille, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Monica Michel, Mme Josy Poueyto, M. Bernard Reynès, M. Aurélien Taché, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson