Je me félicite que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse, qu'il soit, en outre, conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025 et que la marine nationale bénéficie, une fois encore cette année, de l'effort de la nation.
J'ai beaucoup apprécié la mission de rapporteur pour avis que vous m'avez fait l'honneur de me confier cette année pour la première fois. J'ai réalisé de nombreuses auditions, à Paris et sur le terrain, notamment dans les trois bases navales et préfectures maritimes de Brest, Toulon et Cherbourg. Jeudi dernier, j'interrogeai en commission le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, sur la place de la marine et de ses moyens dans le dispositif de notre défense nationale.
Je considère pour ma part que la menace viendra sans doute de la mer, après des années d'une lecture géopolitique plus terrienne ou plus terrestre. Les effets du changement climatique comme l'ouverture de nouvelles routes maritimes via l'Arctique, par exemple, mais aussi les nouveaux enjeux liés aux espaces maritimes en matière de ressources énergétiques ou biologiques, les enjeux migratoires, les questions de sécurité et de sûreté maritimes ou encore de souveraineté, notamment dans notre zone économique exclusive, impliquent une nouvelle lecture des enjeux géostratégiques.
Le général Lecointre a confirmé mon analyse, expliquant que la mer est devenue un domaine de conflictualités, de combats potentiels, et un espace de contrôle, du fait de la piraterie, de flux maritimes toujours plus intenses, d'accès aux détroits toujours plus contestés. Il a souligné également l'importance stratégique de la zone côtière – la majorité de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres des côtes –, où le déploiement de troupes et les interventions à partir de la mer s'imposent comme enjeux opérationnels.
Dans ce contexte mouvant, le combat naval redevient une hypothèse de travail, comme l'a indiqué devant notre commission l'amiral Pierre Vandier, le nouveau chef d'état-major de la marine.
J'en viens aux crédits de la marine, à laquelle j'ai consacré la première partie de mon rapport. En 2021, l'action 03 « Préparation des forces navales » du programme 178 sera dotée de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,6 milliards en crédits de paiement. Les crédits du projet de loi de finances pour 2021 confirment donc l'effort de réarmement de notre marine nationale entrepris depuis la LPM 2019-2025. Ainsi, en 2021, le renouvellement accéléré de nos capacités opérationnelles se traduira par des commandes clés – une frégate de défense et d'intervention (FDI), quarante-cinq kits de missiles antinavires Exocet, huit hélicoptères interarmées légers (HIL) – et de nombreuses livraisons : trois avions de patrouille rénovés, une frégate multimission FREMM – la FREMM Alsace, dédiée à la défense aérienne –, une frégate légère furtive (FLF) rénovée, notamment dotée d'un sonar, un hélicoptère NH90 Caïman, un lot de torpilles lourdes F-21 Artemis, quatre missiles MM-40 Block3C et un lot de missiles Aster 30.
Par ailleurs, les grands programmes liés aux infrastructures seront poursuivis en 2021. Avec l'arrivée de nombreux bâtiments de nouvelle génération, la maîtrise des programmes d'infrastructure est cruciale. J'ajoute que la marine a tout à gagner à se doter rapidement de drones, notamment pour la surveillance des approches et des côtes métropolitaines.
Voilà pour la remontée en puissance de notre marine.
En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des équipements, l'investissement se poursuit en 2021 – il représente même une part importante du budget de la marine –, même si ses effets en matière d'accroissement de l'activité ne devraient se manifester qu'en 2023. Les ressources consacrées au service de soutien de la flotte sont actuellement garanties. Je tiens à rappeler qu'une remise en cause de ces ressources déséquilibrerait le MCO naval, qui est déjà sous tension, et ne permettrait pas de conserver le modèle actuel optimisé.
Enfin, je vous livre un dernier motif de satisfaction : j'ai pu constater les premiers effets tangibles, lors de mes déplacements, du Plan famille, lancé par la ministre des armées en 2017 et qui contribue à l'amélioration des conditions de vie de nos marins et de leurs familles, ainsi qu'à celle de leurs conditions d'hébergement et d'équipement. J'ai ainsi vu dans les trois bases navales la construction de nouveaux bâtiments destinés à l'hébergement et à la restauration. Je pense notamment au nouveau bâtiment de bureaux pour les doubles équipages des FREMM ou à des bâtiments de soutien et d'assistance métropolitains (BASM), comme à Brest. Ces nouveaux bâtiments sont très attendus, car nombreux sont ceux qui sont encore très vétustes.
Les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d'engagement : la permanence de la posture de dissuasion ; la défense de notre territoire maritime, pour laquelle la marine est chargée de missions relevant de l'action de l'État en mer (AEM) ; cinq théâtres d'opérations : le Golfe de Guinée, le détroit d'Ormuz, l'Atlantique, la Méditerranée centrale et orientale.
Sur ce dernier point, je souligne, dans mon rapport, que le rythme d'engagement opérationnel de notre marine est très soutenu dans un contexte géostratégique en pleine mutation. Du reste, le Livre blanc ne prévoyait pas autant de théâtres d'opérations simultanés. L'amiral Pierre Vandier a évoqué le passage à un nouveau cycle en ce domaine : le retour des États-puissances est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage ou une démonstration désinhibée de la force militaire. Ainsi, en Méditerranée orientale, on a vu, cette année, que la Turquie applique la politique du fait accompli.
J'ai consacré la partie thématique de mon rapport au successeur du Charles-de-Gaulle à l'horizon 2038 : le porte-avions de nouvelle génération (PANG). C'est un enjeu majeur pour la marine nationale mais aussi pour notre pays ; sa conception représente du reste une part très importante du budget de nos armées. Il est en effet indispensable que la marine nationale tienne son rang de grande puissance maritime et conserve son autonomie navale, en se dotant d'un porte-avions moderne, c'est-à-dire un porte-avions de haute technologie et capable de conjuguer, d'une part, notre savoir-faire aéronaval et centenaire et, d'autre part, l'adaptabilité aux dynamiques de la conflictualité mondiale.
Avant d'évoquer le porte-avions de l'avenir, permettez-moi un petit rappel historique : l'aéronautique navale célèbre cette année le centenaire des premiers appontages sur le cuirassé Béarn. Il y a tout juste cent ans, le 20 octobre 1920, le lieutenant de vaisseau Paul Teste apponte pour la première fois sur le Béarn ; l'aéroplane est freiné sur trente mètres par des câbles transversaux reliés à des sacs de sable. Il reconduit l'exercice avec succès trois fois dans la même journée ; c'est ainsi que les brins d'arrêt sont nés.
Le porte-avions de nouvelle génération sera le navire qui permettra à la France de maintenir son rang dans un monde incertain. Le porte-avions est d'abord un outil politique, c'est-à-dire un outil qui permet à notre pays de faire valoir ses positions dans le monde. Un groupe aéronaval autonome permet à la France de protéger notre vaste zone économique exclusive, d'une part, et d'exister en tant que puissance mondiale, d'autre part. Le concept de porte-avions garde toute sa pertinence, en raison même de l'avantage opérationnel qu'il représente face à des compétiteurs de plus en plus désinhibés.
Enfin, j'ai souhaité porter votre attention sur les contraintes et les obstacles pesant encore sur le projet de porte-avions de nouvelle génération : il faudra par exemple s'adapter au système de combat aérien du futur (SCAF), dont le nouvel avion sera au Rafale ce que le porte‑avions de nouvelle génération sera au Charles-de-Gaulle. Notre nouveau porte-avions devra également répondre aux besoins de la marine, avec un niveau d'efficacité au moins équivalent à celui du Charles-de-Gaulle – je pense notamment à notre interopérabilité avec les alliés stratégiques, comme l'US Navy. Des choix devront donc être effectués, aussi bien sur le plan technologique que stratégique. Nous attendons désormais la décision du Président de la République, qui devrait répondre à toutes ces interrogations.
Les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2021 correspondent pleinement aux objectifs de remontée en puissance de la marine nationale. Je salue cette évolution positive qui permettra à notre pays de tenir son rang de grande puissance dans le monde, de protéger ses intérêts et de veiller à l'application du droit international sur tous les océans.